Les premiers articles de la revue "L'Ange Gardien"
1896
NB : tous les articles concernant l'Archange saint Michel ont été placés au chapitre le concernant.
Maurice de la Tour-d'Auvergne
Maurice de la Tour-d'Auvergne, pieux associé de la confrérie, était un ange sur terre que Dieu vient d'appeler en paradis. Il est mort, ou plutôt s'est envolé au ciel à la fleur de l'âge, comme saint Louis de Gonzague, saint Stanislas Kostka, saint Berkmans, ayant, comme eux, le sourire aux lèvres et l'âme déjà rayonnante de la douce vision de la béatitude éternelle.
Voici les détails vraiment édifiants que nous a communiqués sa noble et digne mère :
"Il a plu à la très sainte volonté de Dieu de nous envoyer une bien douloureuse épreuve, mêlée de si grandes et douces consolations que, si ce n'était la faiblesse de mon pauvre cœur de mère, mon cœur de chrétienne devrait entonner son plus reconnaissant Magnificat.
Après une longue et douloureuse maladie supportée avec une admirable patience, notre cher Maurice, mon second fils, nous a été ravi, le samedi 9 octobre, par les anges dont la présence – j'en suis convaincue – a consolé ses dernières heures d'exil sur la terre.
Maurice était inscrit dans la confrérie des Saints-Anges Gardiens. En le recommandant aux prières de ses jeunes confrères, dans le bulletin qui portera la date du 1° février, anniversaire de ses dix-huit ans, qu'il fêtera, je l'espère, auprès de sa Mère du ciel, vous pourrez leur dire combien il est doux de quitter la terre en si angélique compagnie !
Il me faudrait de longues pages pour vous répéter ses touchantes paroles. Avant de se préparer tout à fait pour le ciel, il me dicta ses petits partages entre frères et sœurs, et me dit : Je désire être enterré avec ma consécration à mon saint Ange gardien et mon crucifix. De plus, je demande à ce qu'on pense à moi avec joie, et non en pleurant sur ma tombe.
- Que je suis heureux ! répétait-il l'avant-dernière fois qu'il reçut le saint Viatique.
Impossible de vous relater toutes les pieuses paroles de mon petit saint, comme l'appelle le bon prêtre qui l'a assisté. Je me borne donc à vous parler des consolations particulières qu'il a reçues de sa Mère du ciel dont il était si fier d'être l'enfant, de saint Michel et des saints Anges.
Il se plaisait à rappeler à une excellente amie qui m'aidait à le soigner, ses titres d'enfant de la sainte Vierge. J'ai été baptisé, disait-il, pendant les vêpres de la Purification, et je me nomme Maurice-Marie.
Sa toute bonne Protectrice l'a prévenu la veille que le lendemain samedi serait son jour, et quand, le soir, ma mère a dit à notre cher enfant qui était très haletant :
- Tu souffres bien, mon pauvre chéri ! Pense que les anges t'entourent !
- Oui, a-t-il répondu tranquillement, ils sont là… et saint Michel est à droite.
Plus qu'une nuit entre le ciel et la terre ! disait-il à la bonne religieuse de l'Espérance qui était à son chevet, pendant que, dans la même chambre, je prenais un peu de repos. A trois heures du matin, il m'appelle tendrement : Maman, ma pauvre maman, viens, laisse-moi te regarder encore… embrasse-moi ! Puis, à cinq heures, il dit : Jésus ! Marie ! Joseph !
Nous allumâmes des cierges bénits, et la religieuse voulut asperger la chambre d'eau bénite. Mon cher enfant, qui le remarqua, lui dit doucement : Ma sœur, ce n'est pas nécessaire… Je ne crains pas !
Ne voyait-il pas encore autour de lui son bon Ange gardien avec d'autres célestes messagers et le Héraut de la sentence éternelle ? Il répondit avec une foi profonde à toutes les exhortations du prêtre qui le quitta seulement à 7 heures, pour aller célébrer sa messe à l'Espérance. Pendant son action de grâce, notre cher ange s'envola !
Il a gardé sa connaissance jusqu'à son dernier soupir pressant toujours sur son cœur son cher crucifix. Il lui tardait tant d'aller au ciel, que ses derniers mots ont été : Je ne souffre plus !… Que c'est long !… C'est si beau le ciel !
Après tous les doux souvenirs que mon petit saint nous a laissés, et en le voyant reposer si suavement sur sa couche funèbre, on l'a comparé à la statue de saint Stanislas Kostka, au collège romain. Mais ma plus grande consolation est d'entendre que le récit de sa mort a ébranlé des âmes incrédules et a fait du bien à d'autres. Un élève de rhétorique a dit à son professeur : « La mort de ce jeune homme m'a fait plus de bien que tous les sermons de la retraite ! » J'espère beaucoup que notre cher ange tiendra ses promesses, et fera encore plus pour nous au ciel !
Daignez, mon révérend Père, excuser une mère qui vous a parlé trop longuement de la bonté des Anges pour son cher enfant, et qui se recommande à vos prières, pour obtenir l'entière soumission à la sainte volonté de Dieu."
A cette mère chrétienne, dont la foi et l'espérance surpassent encore l'immense douleur, à toute sa noble famille attristée, nous disons, avec tous nos associés : il est doux, il est beau de mourir comme Maurice de la Tour-d'Auvergne !
Puissions-nous tous mériter une si grande grâce !
L'Ange Gardien n°10, février 1896 (pp.335-337)
Marie Reine des Anges
En parlant de saint Michel et des saints Anges, n'est-ce pas un devoir de piété filiale d'associer à leur nom et à leur pensée, le nom et la pensée de Marie, leur gracieuse et divine Souveraine, elle dont le trône est au-dessus des Séraphins, à la droite de son Fils Jésus ?
Rien de plus agréable, d'ailleurs, aux Anges que l'exaltation de leur Reine. Au ciel, ils la proclament, avec des transports d'allégresse, l'honneur des chœurs angéliques ; ils chantent sa gloire et ses louanges ; ils sont heureux d'être appelés à distribuer, sur la terre, les trésors de son inépuisable miséricorde. Sans doute, ils savent que c'est aux hommes qu'il a été dit : Voici votre Mère ; mais ce titre, qu'ils nous envient, ne les porte qu'à nous entourer davantage de leur affection et de leur dévouement.
Comme ils aiment à nous faire du bien, à nous inspirer de saints désirs, et à témoigner ainsi le zèle ardent qu'ils ont de plaire à cette divine Mère !
De notre côté, pouvons-nous mieux honorer les Anges qu'en les regardant comme les serviteurs de Marie, et surtout comme les interprètes de nos prières et de nos louanges auprès d'Elle ? Ce n'est donc pas sans raison que l'Eglise nous convie si souvent, et particulièrement pendant le mois de mai, à saluer Marie Reine et Souveraine des Anges !
Mais si honorer Marie, c'est honorer les anges, n'est-ce pas aussi mériter la protection spéciale de saint Michel ? Dépositaire de toutes les grâces, la Mère de Dieu a, pour les répandre sur la terre, tous les Anges à son service ; mais à saint Michel, prince de la milice céleste, revient l'honneur de recevoir les ordres de la sainte Vierge, afin de les exécuter par lui-même ou par ses Anges. Selon saint Augustin, « saint Michel se tient en attente pour prévoir jusqu'aux moindres désirs de Marie et pouvoir, au premier signe de sa volonté, secourir quelqu'un de ses enfants. »
Quels touchants rapports de temps et de lieu entre le culte de la sainte Vierge et celui de saint Michel ! C'est d'abord vers l'époque où Constantin mit en honneur la dévotion à l'Archange, que l'Eglise, dans le concile d'Ephèse, proclama la maternité divine de Marie. De plus, quand saint Michel apparut sur le mont Gargan, et plus tard sur le mont Tombe, aux confins de la Bretagne, ce fut le 8 mai et le 16 octobre, c'est-à-dire dans les deux mois que l'Eglise et la piété des fidèles ont consacrés à la Mère de Dieu.
Mais c'est surtout en 590, à Rome, que ce rapprochement est frappant, puisque le ciel semble l'avoir préparé lui-même. Pendant une peste qui désole la ville, le pape saint Grégoire-le-Grand fait porter en procession l'image de Marie attribuée à saint Luc. A mesure qu'on avance, le fléau disparaît. Tout à coup, on aperçoit sur le fort Saint-Ange un personnage, qu'on a toujours regardé comme saint Michel, remettant au fourreau une épée ensanglantée, pendant qu'on entend les Anges chanter dans les airs le Regina cœli, et montrer par là que c'était par l'intercession de Marie auprès de Dieu, que saint Michel déposait le glaive vengeur de la justice divine.
C'est en France que le culte de la sainte Vierge et celui de saint Michel ont le plus fleuri. Aussi nos pères avaient-ils l'habitude d'appeler indifféremment notre pays « le royaume de Marie, ou le royaume de saint Michel ».
Sa foi, comme sa gloire, a toujours été associée à ces deux noms, ou mieux, a toujours reposé sur cette double dévotion. Si, depuis un siècle, notre patrie bien-aimée passe par tant d'épreuves et de châtiments, n'est-ce pas pour avoir déserté peu à peu les sanctuaires de Marie et de saint Michel ?
Mais bénie soit notre céleste Mère ! Pour arracher à la mort cette coupable mais chère patrie, et la ramener par elle à son divin Fils, elle en est venue jusqu'à effleurer notre sol de son pied virginal, dans l'excavation d'un rocher des Pyrénées. Elle apparaît soudain et, près de la source qu'elle a fait jaillir pour le salut de la France, prenant par la main cette fille aînée de l'Eglise dont tant d'impies annoncent et veulent la mort, elle dit à Jésus-Christ : Cette fille n'est pas morte, mais elle dort.
Aussi, loin de nous écarter de cette source miraculeuse, la sainte Vierge nous y appelle en foule, et elle veut nous y voir prier, non seulement en chrétiens, mais encore en Français qui prient pour le relèvement de leur patrie.
Il est donc permis et doux de croire que le jour où notre divine Mère pourra replacer sur le cœur de la France régénérée le sceau de sa foi, et sur sa tête le diadème de sa grandeur, elle le fera par l'entremise de saint Michel. N'est-ce pas même pour cela que le culte de l'Archange, renaissant depuis quelques années à la suite de celui de Marie, s'apprête à refleurir d'une vie nouvelle au souvenir de Jeanne d'Arc, l'héroïne de notre patrie, et dont l'Eglise s'occupe d'orner le front de l'auréole des saints ?
O Marie, ô saint Michel, puisqu'il y va de votre gloire comme de notre salut, hâtez cet heureux moment, priez Dieu avec nous pour la France !
L'Ange Gardien n°1, mai 1896
Détails sur l'origine du « Regina cœli »
La célèbre et belle antienne de l'office divin, le Regina cœli, que l'on récite pendant le temps pascal, remonte au VI° siècle de l'Eglise. En voici l'origine :
Au mois de novembre 589, le Tibre déborda avec une telle impétuosité, que Rome faillit périr tout entière, engloutie sous les eaux. Le fleuve, en reprenant son lit, laissa sur son passage une grande quantité de serpents et un limon infect, qui donna lieu cette peste fameuse signalée par les historiens de l'époque, sous le nom de peste inguinaire.
Les victimes de ce fléau furent nombreuses. Riches et pauvres étaient indistinctement frappés ; à peine atteint, on succombait aussitôt. Particularité curieuse : un long éternuement était d'ordinaire le signe avant-coureur de la mort, et c'est de ce temps malheureux, croit-on, que date le vieil usage d'adresser familièrement à la personne qui éternue, cette parole de bon souhait : « Que Dieu vous bénisse ! »
Le pape Pélage II ayant été emporté l'un des premiers, le 8 février 590, le clergé, le sénat et le peuple, d'une voix unanime, lui donnèrent pour successeur le diacre Grégoire, homme déjà connu pour sa sagesse et sa piété. Grégoire fut le seul à s'opposer à cet honneur; mais il dut, malgré les plus vives instances, accepter un choix qu'inspirait la divine Providence désireuse de donner à l'Eglise, en sa personne, l'un de ses plus illustres pontifes. Il devint saint Grégoire-le-Grand.
Cependant la peste multiplie ses ravages, et les habitants meurent par milliers ; encore quelques jours et la ville sera complètement déserte.
Grégoire est ému du triste sort de ses concitoyens. Regardant ce fléau comme un châtiment mérité par leurs péchés, il tourne leurs espérances du côté de la Mère de Dieu, et les invite à chercher dans la prière les moyens de calmer le courroux du ciel.
Des processions solennelles sont ordonnées. On s'empresse d'exécuter les prescriptions du souverain Pontife. Au jour et à l'heure indiqués, le long cortège des fidèles se met en marche. A sa tête s'avance Grégoire, qui porte pieusement dans ses mains la sainte image de Marie, peinte par l'apôtre saint Luc. Or, à peine la foule a-t-elle commencé ses chants et ses prières, que les miasmes se dissipent et que l'air corrompu se purifie. On arrive à l'entrée du pont qui relie la ville avec le quartier du Vatican, en face du superbe mausolée de l'empereur Adrien. En ce moment, au-dessus de la sainte image, un concert de voix célestes retentit. On entend les Anges chanter :
Regina cœli laetare, alleluia !
Quia quem meruisti portare, alleluia !
Resurrexit sicut dixit, alleluia !
« Reine du ciel, réjouissez-vous, alleluia, car Celui que vous avez mérité de porter, alleluia, est ressuscité, comme il l'avait dit, alleluia ! » Puis les voix se taisent.
Aussitôt pénétré de la plus tendre et de la plus pieuse affection pour la très douce Mère, et déjà rempli d'espérance, le Pontife, mêlant sa prière au chant des cieux, de s'écrier avec transport :
Ora pro nobis Deum Alleluia !
« Priez Dieu pour nous, alleluia ! »
L'antienne pascale de Marie se trouvait ainsi composée.
Cependant Grégoire, levant les yeux, vit au-dessus du môle d'Adrien, un Ange qui tenait à la main une épée sanglante et la remettait dans le fourreau. La justice divine était apaisée; le fléau destructeur allait disparaître.
Les Romains laissèrent éclater, pendant de longues heures, leur reconnaissance et leur amour, et saint Grégoire, en action de grâces, décréta que la procession qui avait sauvé Rome serait renouvelée tous les ans, le jour de saint Marc, ou le 25 avril. Cette procession reçut le nom de Litanies majeures, pour la distinguer des Litanies mineures, que l'on chante aux Rogations, et qui avaient été établies en France par saint Mamert, évêque de Vienne, dés l'an 469.
L'image miraculeuse de la Vierge fut recueillie avec un pieux respect ; elle est, de nos jours, confiée à la garde des religieux d'Ara-Cœli.
En mémoire de l'apparition, le môle d'Adrien reçut le nom de Château-Saint-Ange, nom qu'il conserve encore. On le voit surmonté d'une statue colossale, qui représente l'Archange exterminateur faisant rentrer son glaive dans le fourreau. Elle rappelle à la mémoire des Romains le souvenir du bienfait de la Reine du Ciel.
L'Ange Gardien n°1, mai 1896
La Protectrice de Lyon
LYON est la cité classique du culte de Marie. A chaque pas, on y rencontre les traces de la dévotion que les habitants de cette ville des martyrs ont vouée, de temps immémorial, à leur Protectrice.
C'était jadis, à l'île Barbe, Notre-Dame des Grâces ; puis, Notre-Dame des Bois, à la Platière ; Notre-Dame de Lorette ou de Saint-Vincent ; aux Jacobins, Notre-Dame de Confort ; aux Célestins, Notre-Dame de Bonne-Nouvelle ; aux Cordeliers, Notre-Dame de Bon-Rencontre et du Confalon ; Notre-Dame de Pitié à l'Hôtel-Dieu ; Notre-Dame de Béchevelin, chère aux mariniers du Rhône ; à Bellecour, Notre-Dame de la Charité ; au nord de la ville, Notre-Dame de la Déserte et du Mont-Carme l; celle de l'Annonciade ; en face de Pierre-Scize, Notre-Dame des Chaînes ; à la Primatiale, Notre-Dame du Haut-Don ; à Saint-Paul, Notre-Dame de la Saônerie ; à Bourgneuf, Notre-Dame de l'Observance ; Notre-Dame Auxiliatrice, au Petit-Collège ; à la montée Saint-Barthélemy, Notre-Dame des Chazeaux ; à l'Antiquaille, Notre-Dame et les saints Martyrs ; aux Minimes, Notre-Dame de l'Assomption.
J'en passe, sans doute !
Mais le titre par excellence, celui que Lyon place au-dessus de tous les autres, est Notre-Dame de Fourvière, qui, dominant la ville, occupe les sommets où fut son berceau.
Fondée par saint Pothin, cette chapelle ne fut d'abord qu'un humble oratoire au fond du val, sur les rives de la Saône, en face de ce qui est aujourd'hui la Croix-Rousse. Les païens convertis abandonnèrent la cité romaine pour venir se grouper autour de leur nouvelle Reine, de Celle qui devait voir tomber le forum et les temples des dieux.
Franchissons plusieurs siècles, pendant lesquels le sanctuaire, plusieurs fois ruiné et reconstruit, survécut toujours aux incursions des envahisseurs, pour arriver à une bulle d'Innocent IV, qui attribue à Fourvière l'honneur d'avoir été le premier monument consacré, en Gaule, à la Mère de Dieu. Que l'on permette à mon amour-propre de Quercinois de s'inscrire vaillamment en faux contre cette assertion. C'est à Roc-Amadour, fondé par Zachée, que revient cette gloire.
Fourvière s'élève aujourd'hui sur le sol même où, vers 197, Irénée et ses 19.000 compagnons versèrent leur sang pour la foi. Le premier édicule construit sur ces. hauteurs occupait et occupe encore la place du forum ; d'où son nom de Forum-vetus, que le peuple transforma en foro vetere, forvierum, forviel, forvière, et enfin Fourvière.
Son vocable primitif avait été : Notre-Dame de Bon-Conseil, sur un emplacement donné par Lothaire.
D'innombrables vicissitudes interrompirent, dans la suite des âges, le culte de Notre-Dame de Fourvière.
Mais c'est surtout des huguenots que ce sanctuaire eut à souffrir. En 1551, ces sectaires ne craignirent pas de violer le tabernacle, de profaner les saintes hosties, de piller les vases sacrés. Dans la nuit du 4 au 5 septembre 1560, Lyon tomba au pouvoir de ces misérables. Les tombeaux furent ouverts, la cendre des martyrs jetée au vent, les églises et les couvents minés et détruits par la poudre. Vous pensez bien que Fourvière fut la première victime de ces forcenés.
Que les libres-penseurs et les fils de Luther viennent, après cela, nous raconter des histoires de l'autre monde sur l'inquisition et sur les guerres du XVI° siècle ! Partout où ils ont été les maîtres d'un jour, leur fanatisme sauvage n'a connu aucun frein. Le sang qu'ils ont répandu, les ruines qu'ils ont accumulées sur leur passage crient trop haut, dans l'histoire impartiale, pour que nous n'ayons pas le droit de flétrir leurs effroyables excès. Ils sont encore nos maîtres, en ce moment. Or, - aidés des juifs et des francs-maçons - ne travaillent-ils pas encore à saper Dieu ?
De 1564 à 1577, la peste éclate à Lyon et décime cette malheureuse cité. Elle parait s'apaiser un instant, pour se montrer encore plus menaçante en 1586. Les victimes se vouent à Notre-Dame de Fourvière et le mal disparaît.
Pendant cette période de mort, qui donc fut constamment sur la brèche ? Les religieux des deux sexes. A Saint-Nizier, les jésuites font éclater leur dévouement. Sur quarante infirmiers de cet ordre, dix à peine survivent au fléau, qui dévore 35.000 victimes.
Après un siècle de repos, l'épidémie reparaît : 1638, 1642, 1643 sont des années lugubres. L'archevêque et les échevins renouvellent leur vœu à Notre-Dame de Fourvière. Après avoir perdu cent mille âmes, Lyon renais à l'espérance.
Restaurée, enrichie de nombreux ex-voto, la chapelle vénérée dominait toujours la ville, qu'elle couvrait de son ombre protectrice. Mais le calme devait avoir un terme.
La Révolution, cette sombre faucheuse, cette main féroce du crime, agita sur la France ses oriflammes sanglantes. Le monde entier sait avec quelle rage satanique elle s'acharna sur la ville de Pothin et d'Irénée. Fourvière fut encore livré au pillage. Je ne sais par quel prodige, l'édifice échappa au marteau de Couthon !
Tandis que, bravant les supplices, des prêtres héroïques célébraient sans cesse, en ces temps effroyables, les saints mystères au fond de certaines maisons privées, Fourvière subissait, chaque jour, l'outrage d'une messe schismatique.
La chapelle fut vendue, le 11 juillet 1796, pour 29.880 livres en assignats, à une femme B.
En 1803, afin de mettre un terme aux profanations des assermentés, le cardinal Fesch fit fermer Fourvière. En 1804, sur la proposition de Pie VII, elle fut restaurée par souscription. La statue antique avait été retrouvée sous des décombres où, en 1793, le jardinier Pierre Joannon l'avait cachée.
Le 19 avril 1805, le pape présida en personne à la réouverture du pèlerinage. Du haut de la colline sainte, il donna une bénédiction qui fut précédée d'une salve d'artillerie. Au moment où la main du pontife se leva, le plus profond silence se fit dans la ville. Puis l'enthousiasme éclata, unanime, exalté, frénétique. Spontanément, le soir, toutes les maisons furent illuminées, et, sur les hauteurs de la Croix-Rousse, au milieu des ténèbres, resplendit tout à coup, en gigantesques lettres de feu, ce mot à jamais triomphant : CREDO !
Ajoutons que, depuis sept siècles, l'Immaculée Conception est reconnue et vénérée à Fourvière, où les miracles abondent. Les impies eux-mêmes ne peuvent se défendre d'aimer Notre-Dame de Fourvière, témoin la merveilleuse illumination qui, chaque année, le 8 décembre, se renouvelle à Lyon, toujours aussi générale que magnifique ; témoin aussi la récente et véridique histoire suivante qui montre bien la puissance de la protection miséricordieuse de la sainte Vierge.
Dans une des paroisses de Lyon, un vieillard âgé de 82 ans, conservait, même dans une très grave maladie, toute la vigueur d'une impiété déjà bien ancienne, et sa seule préoccupation était de quitter le plus tard possible cette vie à laquelle il s'attachait de toutes ses forces. De prêtre, de viatique, il n'était pas question; sa qualité de franc-maçon le mettait à l'abri de toute atteinte religieuse.
Un prêtre, averti de son état, parvint pourtant à franchir le seuil de sa chambre, mais il fut accueilli par des menaces significatives. La première colère passée, le prêtre dévoué parvient cependant à faire tolérer sa présence. Le lendemain, à une seconde visite, la colère avait augmenté.
- Mais, que vois-je, lui dit le prêtre, vous parlez ainsi, et vous gardez près de votre lit une image de Notre-Dame de Fourvière ?
- Oui, et cela ne vous regarde pas.
- Mais n'avez-vous pas peur de l'influence de la sainte Vierge ? Vous n'êtes donc pas franc-maçon ?
- Si, et j'ai juré de mourir sans confession. Vous n'avez qu'à partir et à me laisser tranquille.
- Eh bien, ce sera vite fait. Puisque vous avez la sainte Vierge chez vous, elle fera mieux que moi.
Le lendemain, nouvelle entrevue. La haine furieuse avait fait place à un calme surprenant.
- Mais, dit le prêtre, n'allez-vous pas vous défaire de ce tableau ?
- Non, laissez-le moi ; je suis franc-maçon, mais je n'ai jamais passé un seul 15 août, sans monter à Fourvière.
Puis, le malade montra à son visiteur stupéfait un cordon bleu de la sainte Vierge. A cette vue, le prêtre, tout ému sortit sans pouvoir parler davantage, en recommandant tout bas à la sainte Vierge le vieillard sur le sort duquel il n'était plus inquiet.
Le lendemain, le malade le faisait appeler et se convertissait dans les sentiments les plus édifiants d'une vive contrition et d'une filiale dévotion pour Marie. Plein d'amour pour le Dieu qu'il avait si longtemps délaissé, il fit la sainte communion et reçut l'extrême onction. Le soir du jour suivant, la sainte Vierge lui ouvrait les portes du ciel.
Notre-Dame avait sauvé de la peste sa cité de prédilection. De nos jours, elle l'a préservée du choléra, et, en 1840 et 1856, de deux terribles inondations.
Depuis 1848, Lyon renouvelle sa consécration à Notre-Dame, le 8 septembre, jour de la Nativité.
C'est surtout pendant l'année terrible que la Vierge a manifesté sa puissance. Trois fois, les Prussiens résolurent de marcher sur Lyon ; trois fois, leurs projets, officiellement décrétés, échouèrent devant une force supérieure à la leur.
Mais l'ancienne chapelle ne suffisait plus à la piété générale. Plus de quatre hectares de terrain furent d'abord acquis et transformés en bosquet. Le 8 avril 1872, Mgr Ginoulhiac bénit le sol, puis le 7 décembre suivant, il posa la première pierre du sanctuaire conçu par l'architecte Bossan.
L'édifice, d'une richesse vraiment incomparable, est supporté par une crypte dédiée à saint Joseph. Marbres précieux, colonnes et sculptures splendides, vitraux, et surtout mosaïques d'une délicatesse d'exécution dont rien ne peut approcher, sont jetés à profusion dans la nouvelle basilique de Fourvière.
Les Lyonnais ont la mémoire du cœur. Ils estiment que rien n'est assez somptueux pour Celle qui les sauva de la peste, des inondations et des horreurs de la guerre.
Fourvière est l'œuvre humaine dans les plus éclatantes manifestations de foi et de piété. Lourdes a pour cadre les Pyrénées, que Dieu lui-même cisela, et que personne ne saurait imiter.
Marie est partout, et sa protection souveraine plane sur le monde entier. Gloire à Marie !
Albert LAFOSSE.
L'Ange Gardien n°1, mai 1896
L'arbre de la loi de Dieu
Voici comment un des plus anciens livres du christianisme, attribué à saint Hermas, disciple de saint Paul, parle de l'action de saint Michel sur les âmes, dans une vision allégorique.
« Je vis, dit-il, un arbre qui couvrait les plaines et les montagnes, et les élus du Seigneur venaient se ranger sous son ombre, pour recevoir, chacun des mains d'un Ange, un rameau qu'ils emportaient, pendant que l'arbre restait toujours entier et vigoureux.
Après quelque temps, l'Ange redemanda les rameaux à ceux qui les avaient reçus. Certains lui rendirent les pousses desséchées, d'autres des rameaux en fleurs, quelques-uns des branches avec des fruits savoureux. La branche de plusieurs n'avait pas changé... Alors l'Ange déposa des couronnes sur la tête de ceux dont les rameaux avaient porté du fruit, et donna des habits blancs à ceux dont les branches étaient fleuries...
Pendant qu'Hermas cherchait le sens de cette vision : voici, lui fut-il dit, ce que cela veut dire : Cet arbre, c'est la loi de Dieu, donnée à tout le monde. L'ange qui distribue les rameaux, c'est saint Michel, qui grave la loi de Dieu dans le cœur de ceux qui ont cru, et qui les visite ensuite, pour voir comment ils l'ont gardée. »
L'Ange Gardien n°3, juillet 1896, pp.78-79
L'Ange gardien du bûcheron
Le trait suivant n'est pas une fiction, mais un fait réellement arrivé.
Tranquillement assis au coin de son feu, le vieux curé de X... disait son bréviaire, en attendant le dîner. Au dehors, la bourrasque faisait rage : bise, neige, pluie, rien n'y manquait, et, par intervalle, les fenêtres de la chambre craquaient sous le violent effort du vent.
Après son dernier signe de croix, le curé regarda rêveusement la flamme que le vent faisait osciller. Il songeait, le vieux prêtre, à quelques-uns de ses bons paroissiens qui pouvaient avoir froid par cet horrible temps, et il s'en voulait presque d'être si bien assis dans son grand fauteuil... Il pensait aussi au pauvre bûcheron qui était bien malade et qui, croyait-il, ne se remettrait pas !
L'après-midi, le danger n'était pas immédiat. Il avait cependant bien recommandé que si, vers le soir, le malade se trouvait plus mal, il fallait sans retard envoyer un messager au presbytère.
Tout à coup, au fond de la chambre, le bon curé croit distinguer une forme humaine appliquée contre la muraille. Le fond, qui tout à l'heure était plein d'ombres, s'illumine d'une vive clarté, et le vieux prêtre voit un jeune homme d'une céleste beauté, qui lui adresse ces paroles d'une voix harmonieuse : Hâtez-vous d'aller chez le bûcheron, car le temps presse.
La vision disparut après ces paroles, et la chambre retomba dans l'obscurité.
Le curé n'hésite pas. Sans écouter la bourrasque qui grondait au dehors ; sans penser à ses rhumatismes qui demain le cloueront probablement sur son lit ; sans se laisser arrêter par la noire obscurité de la nuit, et les respectueuses inquiétudes de sa servante, il prend son chapeau, son bâton et sort du presbytère.
Le chemin était long entre le village et la maisonnette du bûcheron ; les sentiers, défoncés par les pluies, étaient pénibles, et la neige, tombant toujours, mouillait et appesantissait la soutane du vieillard qui pourtant marchait, marchait aussi vite que le lui permettaient ses forces. Enfin, le bon prêtre voit briller une lumière, et bientôt il frappe à la porte de la cabane.
Au premier coup d'œil, il comprend que la vision ne l'a point trompé. II voit la femme en pleurs et les enfants serrés autour d'elle ; sur le pauvre lit, le bûcheron, la poitrine haletante, le visage livide et contracté par la souffrance.
En voyant entrer le vieux curé, la femme tend les bras vers lui, disant :
- Ah ! monsieur le curé, je ne savais comment vous envoyer chercher. Les petits ne pouvaient aller seuls par le temps qu'il fait, et moi, je ne pouvais quitter mon pauvre mari ! Qui donc vous a dit qu'il était si mal ?
Le prêtre eut comme une intuition :
- Son bon Ange gardien, répondit-il.
Puis, s'approchant du lit, il commença à remplir les fonctions de son divin ministère.
Une heure après, tout était fini, le bûcheron n'existait plus, et lentement le vieux curé regagnait sa demeure, transi de froid, mais joyeux jusqu'au fond de l'âme, et remerciant l'Ange gardien du bûcheron.
L'Ange Gardien n°3, juillet 1896, pp.83-84
Témoignage : Deux béquilles abandonnées
Le 14 mai dernier, fête de l'Ascension, j'étais aux confins nord du diocèse de Lyon, à Trades, petit village sur les bords de la Grône, dans la verdure et les fleurs.
Le matin, lancées à toute volée, les cloches joyeusement chantaient le glorieux mystère de la fête, et le chemin de l'église fourmillait de fidèles. Dans un groupe de jeunes filles et de quelques femmes, je vis des religieuses. L'une d'elles, appuyée sur deux béquilles, avançait lentement et avec peine.
- Une religieuse infirme ? dis-je à un bon paysan déjà sur le seuil de l'église.
- Oui, Monsieur, depuis bientôt deux ans ; c'est la sœur Marie de l'Eucharistie. Voyez comme les enfants lui témoignent une respectueuse affection ! Ah ! c'est que nos religieuses sont de vraies mères pour nos enfants !
- Elle doit bien souffrir ?
- Elle a du moins beaucoup souffert. A peine y a-t-il un mois qu'elle se soutient sur des béquilles. Avant, elle allait à l'église, sur un brancard que portaient quatre jeunes gens. C'était vraiment triste, mais beau cependant, je vous assure : on eût dit la statue d'une vierge martyre dans une procession. Que de fois, à cette même place, j'ai salué cette sainte âme allant ainsi prier Dieu ! Des religieuses comme les nôtres sont une bénédiction pour une paroisse. Aussi, nous regretterons bien cette sœur qui va partir, paraît-il, pour le grand couvent de Lyon, à cause de son infirmité.
La messe allait commencer... Adieu la causerie...
J'entrai dans l'église et, tout comme dans ma paroisse, je pris place au lutrin où, avec foi, avec âme, je chantai ces paroles des Anges aux apôtres, sur la montagne des Oliviers : « Viri Galilaei, etc... Hommes de Galilée, pourquoi restez-vous là dans l'étonnement, regardant au ciel ? Ce Jésus qui, du milieu de vous, a été enlevé au ciel, reviendra de la même manière que vous l'y avez vu monter. »
Après l'Élévation, au moment où, sous les voiles eucharistiques, Jésus venait de descendre sur l'autel, je remarquai un tout léger mouvement du côté des religieuses. Mains jointes, les yeux au ciel, la sœur infirme murmurait :
- O mon Dieu !... mon Dieu !... mon genou !
- Qu'avez-vous ? lui dit doucement la supérieure.
- Ma mère..., je suis guérie !
La Reine des Anges venait d'obtenir, en effet, ce miracle de son divin Fils. Elle avait exaucé les prières de la paroisse entière et surtout des enfants de l'école qui terminaient, ce jour-là, une neuvaine à la sainte Vierge et à leurs saints Anges gardiens, pour la guérison humainement désespérée de leur bonne maîtresse.
Je vous laisse penser si, à la sortie de l'église, la population entoura les religieuses et se réjouit avec elles. C'était une grande famille - la famille paroissiale dans l'allégresse, remerciant Dieu d'un prodige qui lui rend l'espoir de garder longtemps encore au milieu d'elle, une religieuse qui élève et instruit pieusement les enfants.
Je voulus avoir ma petite audience, et me voilà dans le parloir du couvent.
« Remerciez avec nous, me dit en terminant Mme la supérieure, remerciez la sainte Vierge et nos bons Anges gardiens de nous avoir obtenu la guérison de notre sœur. En actions de grâces, nous nous abonnons au bulletin l'Ange Gardien ; nous nous inscrivons avec bonheur dans la confrérie, et nous promettons de propager autant que nous pourrons, la dévotion envers nos célestes protecteurs. »
Le jour même de l'Ascension, la miraculée conduisait, d'un pas ferme et assuré, les enfants à la procession et, au retour à l'église, chantait avec tous les fidèles ce magnifique cantique d'actions de grâces : Te Deum laudamus... O Dieu, nous vous louons ; ô Seigneur, nous nous glorifions !
Et c'était avec enthousiasme, l'âme inondée de joie et de reconnaissance, qu'on chantait à Trades, le soir de la fête de l'Ascension.
Un zélateur des saints Anges.
L'Ange Gardien n°4, août 1896, pp.118-120
Fête des Saints Anges Gardiens (3 octobre)
Une des plus gracieuses et des plus pures traditions de la vie chrétienne, a dit un pieux moraliste, est assurément cette croyance à la présence d'un Ange spécialement chargé de chacune de nos âmes, inspirateur de nos meilleures pensées, auxiliaire de la grâce divine, ami céleste qui n'a d'autre but que de nous aplanir l'accès du ciel.
Que de titres a notre bon Ange à ces douces appellations ! Placé sur notre route pour être notre guide et notre protecteur, il nous suit du berceau jusqu'à la tombe ; il nous entoure de tous les soins que sa clairvoyance juge nécessaires pour éviter les pièges et les embûches des démons ; il nous encourage dans nos luttes ; il nous aide à nous relever dans nos défaillances, il nous couvre de ses blanches ailes, comme d'un bouclier céleste, pour nous défendre contre les attaques des esprits mauvais ; il nous préserve de bien des dangers de l'âme et du corps ; enfin, il présente à Dieu nos vœux et nos prières.
C'est aussi notre saint Ange gardien qui nous inspire les bons sentiments de confiance et d'amour, l'humilité, la charité, la pureté. Les grâces sont dues à ses instances auprès de Dieu, et notre correspondance aux divines faveurs est encore le fruit de ses conseils, de son dévouement, de son affection pour nous.
Oh ! si nous étions bien pénétrés de ces réalités si touchantes, quel charme donnerait à notre vie la présence à nos côtés de ces amis célestes qui, comme l'archange Raphaël avec le jeune Tobie, et sans perdre de vue la face de Dieu, ne cesse cependant de cheminer avec nous pour rendre heureux notre voyage.
Nous ne savons pas, nous ne connaissons pas assez le généreux dévouement et le persévérant amour de nos angéliques gardiens ; nous ne comprendrons jamais, ici-bas, tout ce nous leur devons de reconnaissance. Mais, si leur modestie nous voile une grande partie des grâces dont nous leur sommes redevables, nous ne devons pas moins leur témoigner notre gratitude, chaque jour, pour les merveilleux effets de leur céleste intervention.
Le jour de la fête des saints Anges gardiens, nous devons aussi nous unir de tout notre cœur à la sainte Eglise, notre mère, qui chante avec reconnaissance ces belles et bien consolantes paroles en l'honneur de nos divins Protecteurs : Nous chantons la gloire des Saints Anges gardiens des hommes, que le Père céleste dans sa tendresse pour nous, rend les protecteurs de notre fragile nature, pour qu'elle ne succombe point aux embûches de l'ennemi... Accourez donc, ô saints Anges Gardiens, écartez de tous les lieux confiés à votre vigilance les maux spirituels, et tout ce qui pourrait s'opposer à notre bonheur.
On dit que lorsque le peintre Fra Angelico avait commencé un tableau et que, devant son travail ébauché, l'inspiration le ravissait en extase, les Anges venaient achever son œuvre.
Que les doux messagers du bon Dieu daignent nous aider aussi dans notre œuvre, afin que nous puissions propager de plus en plus la dévotion envers eux. Nous leur confions aujourd'hui spécialement tous nos associés, leurs familles, leurs intérêts spirituels et temporels. Nous les prions encore de se servir des humbles pages de nos annales, comme d'une semence bénie qui lèvera en fruits de salut.
L'Ange Gardien n°6, octobre 1896, pp.183-186
Merveilleux effets de l'histoire des Anges
On demandait à un missionnaires de France en Cochinchine, un de ces héros de la foi et du dévouement, qui courent au martyre comme la plupart d'entre nous à une partie de plaisir, quel était son système le plus efficace pour convertir les infidèles au christianisme.
- C'est répondit-il, de leur présenter notre sainte religion par son côté poétique et consolant. J'arrive à l'esprit des Annamites par leur cœur, et à leur jugement par leur imagination.
Et le missionnaire raconta cette touchante histoire :
II y avait une famille de Touranne qui me semblait bien disposée en faveur de nos missions. Ces braves gens m'avaient sauvé deux fois de la colère des mandarins et me tenaient caché dans leur maison, faisant le guet nuit et jour pour ma sûreté, me régalant de leur thé et de leur riz le plus pur, et préparant mon évasion par tous les moyens en leur pouvoir. Je crus que j'aurais bon marché de leur idolâtrie, et je leur en démontrai l'absurdité révoltante. J'y opposai les sublimes dogmes du catholicisme et sa morale si douce et si pure, fondée sur la charité divine et humaine. Je fus étonné de ne faire aucun progrès dans leurs convictions, et je priai Dieu de m'envoyer l'inspiration qui enlève les âmes d'assaut.
Dieu m'exauça par l'entremise d'un enfant, et de la manière la plus admirable.
Cet enfant était un petit voisin de douze à treize ans, qui n'avait aucune notion de la foi chrétienne, mais à qui on avait lu par hasard quelques chapitres de la Bible, traduits en Annamite.
II conta un jour à la fille de nos hôtes l'histoire de Tobie et de son ange conducteur.
- Je sais une religion plus belle que la vôtre, me dit le lendemain cette fille, idole de ses parents et pleine de grâce et d'intelligence : c'est la religion qui a des anges, continua-t-elle avec enthousiasme. Si vous la possédez assez pour nous l'apprendre, je me charge de la faire embrasser à toute ma famille. Je reconnus le doigt de Dieu que j'avais imploré, et je me hâtai de suivre son indication miraculeuse. - Oui certes, repris-je sans autre explication, je puis vous enseigner la doctrine et l'histoire des anges.
On fit cercle autour de moi, et j'exposai à mon auditoire captivé tous les épisodes angéliques de la Bible et de l'Évangile, depuis le serpent de l'Eden et l'ange sauveur d'Isaac, jusqu'à la vision de Judas Machabée ; depuis l'ange de l'Annonciation de Marie, jusqu'à ceux du tombeau de Notre-Seigneur.
Jamais encore dans ma vie de missionnaire, je n'avais obtenu un succès pareil. Cette épopée de merveilles tenait la famille entière suspendue à mes lèvres, et chacun s'écria avec transport, quand j'eus terminé :
- Nous abjurons Annam et ses mauvais génies, pour le Dieu dont les anges sont les ministres, et qui en donne un comme gardien à chacune de ses créatures.
- Alors vous êtes chrétiens, mes amis, m'écria-je, au comble de la joie, car tout ce que je viens de vous raconter n'est qu'un chapitre de la religion de Jésus-Christ.
Je le leur prouvai, les jours suivants, en leur démontrant la vérité dont je leur avais indiqué les symboles, et je les baptisai tous à la fin du mois, non sans confier chacun d'eux à son ange gardien.
Depuis cette époque, le même moyen m'a réussi deux cents fois, et je n'ai pas de collaborateurs plus puissants que les anges, dans mes travaux et mes conquêtes en Cochinchine.
Quoi de plus doux, en effet, que le nom des anges ? quoi de plus merveilleux que la vie des anges ? quoi de plus consolant que le dogme des anges ?
L'Ange Gardien n°6, octobre 1896, pp.186-187
Depuis 1891, la revue "L'Ange Gardien" créée et dirigée par les Clercs de Saint-Viateur, fait connaître et aimer tous les saints Anges.
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