Les saints Anges gardiens

L'Association de Lyon


« Gardez-vous de mépriser un seul de ces petits, car je vous le dis, leurs anges dans les cieux voient continuellement la face de mon Père qui est dans les cieux. »
(Mt 18, 10)





  Les premiers articles de la revue "L'Ange Gardien"


1895
N°9 - Janvier
   d°
N°10 - Février
   d°
   d°
N°11 - Mars
N°12 - Avril
*  *  *
N°2 - Juin
N°3 - Juillet
N°4 - Août
N°5 - Septembre
N°6 - Octobre
N°7 - Novembre
N°8 - Décembre
*  *  *
L'Ange du bonheur
L'Ange et l'ermite
Bénédiction d'une statue de l'Ange gardien
idem (diocèse de Grenoble)
Mémorial de l'Ange Gardien - 1° partie
Mémorial de l'Ange Gardien - 2° partie
Mémorial de l'Ange Gardien - 3° partie
Spécial Saint Michel :
Le Chapelet de Saint Michel
Motifs du culte de Saint Michel
Le nom de Saint Michel
Saint Michel et la France
Saint Michel, gloire de la France
Saint Michel, protecteur de l'Eglise
... suite ...
Bilan de la Confrérie

NB : tous les articles concernant l'Archange saint Michel ont été placés au chapitre le concernant.


Voir également : 1891 - 1892 - 1893 - 1894 - 1895 - 1896 - 1897 - 1898 - 1899 - 1900 - 1901 - 1902 - 1903 - 1904


  L'Ange du bonheur

En union de prières, nous disons à nos chers lecteurs et à nos pieuses lectrices :
En ce beau premier jour, heureuse et sainte année,
Ce jour où l'Enfant-Dieu prend le nom de Jésus :
Gloire lui soit au ciel et sur terre donnée !
Qu'il vous donne en retour sa grâce et ses vertus !
Nous confions nos souhaits à l'Ange du bonheur, le suppliant de vous les transmettre sur ses ailes d'or, et de vous apporter en même temps, de la part du bon Dieu : santé, bénédictions célestes et joies du cœur.
Votre Ange gardien vous offre aussi les vœux de sa tendre et sainte affection ; il vous conjure même de les agréer comme un précieux baume sur vos souffrances, comme un gage certain de votre vrai bonheur.
Le bonheur… quel grand nom ! C'est le rêve, c'est l'ambition de tous les hommes ; c'est l'objet de tous leurs désirs et le mobile de toutes leurs actions ; c'est, en un mot, la véritable aspiration de notre âme. L'homme ne se trompe donc pas lorsqu'il tend au bonheur, mais que de fois il s'égare dans les moyens qu'il prend pour l'atteindre !
Où est le vrai bonheur ? Est-ce dans la possession des joies mondaines ou dans le mirage qui luit continuellement sur l'horizon de notre lendemain ? Illusion d'un puissant attrait, mais d'une aussi grande déception. A la poursuite de ce bonheur illusoire, notre pauvre vie tout entière se passe dans une vaine activité, ou dans la désolation de l'insuccès. Ce n'est pas le bonheur.
Demandons-nous des jouissances aux spectacles de la nature ? Mais la nature a ses brumes, ses dépouillements, ses branches mortes ; notre joie s'effeuille avec les arbres, la mélancolie nous vient avec la neige, et nous reconnaissons bien vite que c'était folie de placer notre bonheur sur un rayon de soleil.
Faisons-nous appel aux passions ? Au lieu de reposer notre âme, elles la bouleversent et la torturent. Dans les plaisirs, nous ne trouvons qu'une fébrile agitation, ou une ivresse passagère suivie de remords.
Le bonheur est-il dans les affections humaines, dans les honneurs et les richesses ? Mais les affections se brisent, les honneurs traînent l'envie à leur remorque, et les richesses amènent les soucis.
Les jouissances de la terre sont si fragiles ; les satisfactions de la vie sont si vides, si éphémères, qu'elles servent uniquement à fomenter nos désirs, toujours semblables à la flamme qui grandit à mesure qu'on l'alimente.
Où donc est le bonheur ? Ecoutez votre bon Ange vous le dire, en commentant le chapitre des béatitudes de l'Evangile : "Bienheureux ceux qui n'attachent point leur cœur aux richesses ; … qui souffrent les injures et les maux sans aigreur, sans impatience ; … qui renoncent aux fausses joies du siècle pour mener une vie pénitente ; … qui ont un désir ardent d'être unis à Dieu, en cette vie et en l'autre, par la charité ; … qui sont compatissants aux peines du prochain ; … qui aiment Dieu et toutes choses pour Dieu ; … qui s'efforcent de conserver la paix du cœur en domptant leurs passions, et à l'établir parmi leurs frères ; .. qui souffrent persécution pour la justice."
Telles sont les voies du vrai bonheur promis à la vertu ; elles partent de la terre et montent jusqu'au ciel, où notre âme immortelle jouira des délices de l'éternité, après avoir été fortifiée sur le chemin de la vie, par la paix d'une conscience pure, le doux souvenir du bien accompli, et l'espérance d'une glorieuse couronne.
En plaçant le bonheur loin de notre terre changeante, loin de notre cœur oublieux, Dieu n'a fait que le soustraire à nos vicissitudes et à nos caprices. Il l'a mis si haut, que nos bras ne sauraient le saisir ; si haut, que notre prière seule peut l'atteindre.
Demandons l'assistance de notre bon Ange. Il ne fermera point l'oreille à la confidence de nos misères, et notre premier bonheur sera le sentiment ineffable de sa céleste pitié. Il nous rappellera les divines paroles qui ont promis la béatitude aux souffrants et aux persécutés d'ici-bas ; il nous montrera comment une joie naît d'un sacrifice ou d'une bonne action ; il nous aidera à découvrir une félicité dans les larmes mêmes.
A son école, certaines âmes ont appris à ne toucher aux choses de ce monde que pour mieux s'élancer vers Dieu. Interrogeons ces âmes, elles possèdent le secret du bonheur. Dans leurs actions les plus communes, elles ont glissé la suave poésie de la prière. Grâce à la prière, le foyer devient agréable, le travail léger, les relations cordiales, et les contrariétés inévitables effleurent sans meurtrir.
Une vie pieuse et active, voilà le vrai, le seul bonheur.
C'est ce bonheur-là que nous souhaitons à nos lecteurs et lectrices, à l'occasion du nouvel an. Que leurs Anges gardiens les consolent, les réjouissent et les dirigent ; qu'ils sèment, nombreuses, sur leurs pas, les joies si souvent méconnues de la piété, afin de transformer, en une voie fleurie, le chemin du devoir.

L'Ange Gardien n°9, janvier 1895 (pp.291-294)


  L'Ange et l'ermite

Ne jugez pas, si vous ne voulez pas être jugés.
Ainsi parle la sagesse des nations, et ce ne sont pas seulement les hommes qui doivent s'abstenir de "se juger" entre eux ; c'est encore – et surtout – la volonté divine dont il ne faut jamais sonder la profondeur.
Combien de fois éclatent les récriminations les plus acerbes et les plus inconsidérées sur le bien qui arrive aux mauvais, comme sur les malheurs qui arrivent aux bons !
« - Voyez-vous ce drôle, dans son luxueux équipage ! Dédaigneux, le front haut, il passe, sans souci de l'humble et du pauvre. Sa maison est un palais ; un seul de ses festins vaut la dot d'une honnête fille… Pourtant, ce misérable doit sa fortune à une banqueroute frauduleuse… Et la Providence sème sur lui toutes les jouissances de la vie, tous les honneurs qui ne sont dus qu'aux braves gens. Cet homme est député, décoré, … adulé !
« La roue de son carrosse éclabousse un pauvre piéton loqueteux, sans sou ni maille, qui n'est dans la misère que pour avoir prêté son argent à celui qui l'insulte. Celui-là n'a rien fait perdre à personne ! Ami de tout ce qui souffre, laborieux, honnête, patient, l'infortuné lutte sans trêve et sans succès contre la mauvaise fortune. Toutes les misères, toutes les injustices, toutes les ingratitudes, toutes les adversités s'abattent sur lui.
"Où donc est la justice de Dieu ?"
Nos conversations courantes sont remplies de commentaires saugrenus et impies sur le sort du prochain. Nous ne vivons que de "pourquoi" et de "comment".
Si quelque malheur tombe sur le voisin : "Ah ! par exemple, s'écriera-t-on, voilà qui n'est pas volé !… Ce n'est que moitié de ce qui lui est dû ! Si Dieu était juste, au lieu de se casser une jambe, il aurait été broyé !"
Que le sort nous soit contraire, oh ! alors, c'est une autre antienne ! "Eh ! qu'ai-je donc fait au ciel, pour qu'il me frappe ainsi ? Moi, si bon, si aimable, si probe, si charitable !…"
On n'en finit plus.
Ah ! la paille de notre œil et la poutre du prochain !
Au nom du ciel, pourquoi murmurer ainsi contre les décrets de la Providence ? Mettons-nous bien en tête que Dieu est la Sagesse infinie ; que ses desseins seront pour nous, ici-bas, toujours impénétrables, et que ce qu'Il fait est bien fait. Ce n'est point à l'aventure, étourdiment, pour ainsi parler, que Dieu donne pour lot le bonheur au méchant et les traverses au juste. Sachons voir, en cela, la preuve manifeste d'un Au-delà, où tout ce qui, dans cette vie, nous paraît étrange, nous sera clairement dévoilé.
Dans leur foi pure et naïve, nos pères créaient des allégories fines et originales, bien faites pour donner au peuple qui souffre, sans savoir pourquoi il souffre, des clartés d'espérance et de consolantes leçons.
A votre intention, très chers et très aimables lecteurs de l'Ange gardien, j'ai tiré d'une vieille paperasse la légende que voici :

Il y avait, une fois, un pauvre ermite qui, dans les loisirs forcés de sa solitude, entrait fréquemment en rêverie sur les jugements de Dieu auxquels il ne voyait goutte. Par tentation du Malin qui, sans cesse, rôde de préférence autour des privilégiés du ciel, le saint homme alla s'imaginer que, parfois, les jugements d'en haut n'étaient ni droits ni justes. Car les braves gens sont en proie à mille traverses, tandis que le bonheur échoit aux coquins.
Or, à l'ermite tenté, il plut à Dieu de mander un Ange, sous la forme humaine, et cet Ange parla ainsi :
"Viens avec moi, car Notre Seigneur veut que je te conduise par le monde, pour te montrer la vérité et la justice de ses jugements."
Il le conduisit d'abord dans la maison d'un excellent homme qui l'accueillit à bras ouverts, lui donnant bon repas, bon gîte et toutes sortes d'aises.
Et voilà que, le lendemain, l'Ange mit sans façon dans sa poche une magnifique coupe d'argent ciselé, à laquelle le maître du logis attachait un grand prix. – "Eh ! qu'est-ce ceci ? fit l'ermite déconcerté. Est-ce bien un Ange de Dieu qui voyage avec moi ?…"
La nuit suivante, ils frappèrent à la porte d'un méchant homme, qui les reçut comme deux chiens dans un jeu de quilles. Ils soupèrent de vilains rogatons, et dormirent fort mal, sur la paille.
Cela n'empêcha pas l'Ange de se fondre en remerciements et d'offrir à ce mauvais hôte la coupe d'argent dérobée la veille. L'anxiété de l'ermite ne fit que s'accroître. Son indignation n'avait plus de bornes.
La troisième nuit, ils rencontrèrent, comme l'avant-veille, un homme aimable qui les accabla de prévenances, et qui, au lever du jour, prit la précaution, pour marquer le chemin, de les faire escorter par son valet de confiance.
Au moment où ils traversaient un pont, l'Ange prit, tout à coup, le valet par les épaules et le jeta à l'endroit le plus tumultueux du torrent, où il se noya.
Les cheveux de l'ermite se hérissèrent. Il essaya de fuir, mais, sans cesser de sourire, son compagnon, courant aussi vite que lui, se tenait à ses côtés.
La nuit suivante, harassé de fatigue, fou d'épouvante, l'ermite dut prendre place, bien à contre-cœur, car il avait perdu l'appétit, à la table d'un brave homme, encore plus prévenant que les deux autres.
Dans la maison se trouvait un petit enfant qui, toute la nuit, pleura, gémit et cria, au grand préjudice des voyageurs, qui ne purent pas fermer l'œil. L'Ange se leva et, tout bonnement, étrangla l'importun.
Alors, l'ermite demeura plus que jamais convaincu que son compagnon était Belzébuth en personne. Il fit le signe de la croix et voulut reprendre le chemin de sa solitude.
"Où vas-tu si vite ? lui dit l'Ange. Mon ami, Notre-Seigneur t'as mis sous ma conduite, pour que je t'explique la droite raison de ses jugements.
"Et voici le pourquoi de ce que tu m'as vu faire :
"Notre premier hôte s'était trop attaché à sa coupe d'argent. Ce vil objet occupait trop souvent, dans son cœur, la place de Notre-Seigneur ; j'ai du le lui dérober, pour le bien de son âme. Et si je l'ai donné au méchant homme, c'est pour qu'il reçût sa récompense dès ce bas monde, et non en Paradis.
Quant au valet que j'ai précipité dans le torrent, il avait formé dans son cœur le projet infernal d'étouffer son maître, le jour même.
Ainsi, le brave homme a été préservé de la mort, et le valet, de crime dans ce monde, ainsi que de damnation dans l'autre, car Dieu lui a laissé le temps de faire un acte de contrition parfaite.
Notre quatrième hôte, avant la naissance de son enfant, était fort aumônier : il donnait aux pauvres tout son superflu, pour l'amour de Dieu. Aujourd'hui, sa main est fermée. Il thésaurise pour son fils, et selon le commandement du Seigneur, j'ai supprimé la cause de son avarice et de son égoïsme, en faisant passer l'âme innocente de son enfant dans le Paradis."
A ces mots, l'ermite sentit la confusion s'enfuir de son âme. Il revint au désert, jurant de ne plus contrôler les jugements du ciel.
Albert Lafosse

L'Ange Gardien n°9, janvier 1895 (pp.308-312)


  Bénédiction d'une statue de l'Ange gardien

A Valsonne, le 6 décembre dernier, les cloches carillonnaient gaiement, et l'église avait pris un air de fête en l'honneur des saints Anges.
Ce jour-là, le vénéré pasteur de la paroisse procédait à la bénédiction solennelle d'une magnifique statue de l'Ange gardien. C'était charmant et édifiant à la fois de voir, en longues files, les enfants porter la statue processionnellement autour de l'église et chanter, avec un religieux entrain, les louanges de leurs célestes Protecteurs.
Après la bénédiction, allocution pleine d'à-propos et de piété par M. le curé. "N'oubliez pas, a-t-il dit aux nombreux enfants associés à la confrérie, n'oubliez pas que votre bon Ange est toujours à côté de vous pour vous défendre contre le démon, et vous encourager à rester fidèles à Dieu ; écoutez sa voix, et il vous gardera de tout mal. Voyez, par son image, comme d'une main il vous protège, et de l'autre, comme il vous montre le ciel, où il veut vous conduire pour votre bonheur éternel !"
Que les Anges amènent aussi à ce bonheur éternel le digne pasteur de Valsonne, les religieux et les religieuses qui y dirigent les écoles chrétiennes ! C'est grâce à leur zèle, à leur pieux dévouement, que la confrérie des Saints-Anges-Gardiens est si florissante dans cette paroisse.

L'Ange Gardien n°10, février 1895 (pp.335-336)


  Bénédiction d'une statue (diocèse de Grenoble)

Deux ou trois jours après, semblable bénédiction dans une des bonnes paroisses du diocèse de Grenoble. Voici quelques détails sur cette gracieuse cérémonie.
"Le jour de la fête de l'Immaculée-Conception, nous écrit M. le curé de Saint-Jean-de-Moirans, a eu lieu, après les vêpres, la bénédiction d'une belle statue de l'Ange gardien sortant de l'atelier d'un des meilleurs statuaires de Lyon, et don d'une personne aussi pieuse que généreuse.
Tous les enfants qui font partie de la confrérie des Saints-Anges-Gardiens ont fait la procession dans l'église, revêtus de leurs insignes et précédés de leur bannière. Ensuite, ils sont venus se ranger devant un autel provisoire placé dans le chœur, et surmonté de la statue de l'Ange gardien.
Après une courte allocution, les prières liturgiques de la bénédiction, et plusieurs cantiques de circonstance, ils ont fait une consécration à leur Ange gardien.
Puissent ces chers enfants être fidèles aux saintes inspirations de leur bon Ange ; puissent-ils grandir en âge, en sagesse, en piété, pour l'honneur de l'Eglise et le bonheur de leurs parents. C'est le vœu le plus cher de leur pasteur."
Ce vœu se réalisera, nous en sommes persuadés, car les Anges bénissent et protègent toujours leurs dévots serviteurs. Ce sera une première récompense que mérite le zèle de M. le curé de Saint-Jean-de-Moirans.

L'Ange Gardien n°10, février 1895 (pp.336-337)


  Mémorial de l'Ange Gardien - 1° partie

En vous offrant ses vœux d'heureuse et sainte année, l'Ange Gardien vous a dit, chers lecteurs et pieuses lectrices, que le bonheur, autant qu'il peut exister ici-bas, ne réside ni dans les plaisirs du monde, ni dans les illusions de la vanité ; mais uniquement dans la paix du cœur, la joie de la conscience et l'accomplissement du devoir.
Comme preuves, voulez-vous le témoignage des saints, de nombre de savants, de philosophes, de littérateurs ? Ils affirment que la seule voie du bonheur est dans la pratique des vertus chrétiennes, et qu'il n'y a pas d'hommes plus heureux que les saints, parce qu'il n'y en a pas de plus innocents.
Par notre entremise, votre bon Ange vous communique aujourd'hui quelques-uns de ces précieux témoignages réunis en un cahier que nous aimons à nommer : l'Art d'être heureux, ou mieux encore : Mémorial de l'Ange Gardien.

En voici la première partie intitulée :

Où est le bonheur ?

Le bonheur est une chose de l'âme et non du corps ; la source en est dans le dévouement, non dans la jouissance (P. Lacordaire).

J'ose défier tous les sentiments humains de donner à l'âme autant de gaieté franche, de bonheur intime, d'épanouissement extérieur, autant de cordialité expansive, que la piété vraie, intelligente et sagement dirigée (Mgr Landriot).

Dans le jardin de la vie, il est une fleur nécessaire, c'est celle de la foi ; là où ne croit pas cette plante céleste, bien d'autres fleurs se dessèchent rapidement, surtout celle du vrai bonheur (Id.).

Qui dira les trésors de joie renfermés dans ce seul mot : l'état de grâce ? ressembler aux Anges, avoir Dieu en soi ! Si l'on souffre, souffrir pour lui ; si l'on pleure, sentir qu'il nous console ; si l'on est malade, l'avoir à son chevet ; si l'on meurt, aller au ciel ! … Il y a dans cette union de l'homme avec Dieu, des joies sans cesse renouvelées ; c'est un océan sans rivages ; c'est l'espace enchanté que nul horizon ne ferme. Les âmes marquées de ce signe se reconnaissent entre elles, s'aiment et s'admirent… Mon Dieu, pour moi, pour tous ceux que j'aime, je vous demande un seul bonheur, l'état de grâce ! (Marie Jenna).

Le bonheur est en Dieu. Il commence ici-bas par la pratique des vertus que son amour inspire, et s'achève dans une vie meilleure, par la vision des choses qu'on a crues, et par la jouissance de l'Etre infini qu'on a aimé. On devient heureux en faisant son salut, et on ne peut le devenir autrement, parce que toutes les autres voies nous éloignent de notre fin (Ch. Sainte-Foi).

Les nuits nous sont des jours quand Dieu est dans notre cœur ; et les jours nous sont des nuits quand il n'y est point (St François de Sales).

Dans le sens chrétien, savoir être heureux, ce n'est pas arranger sa petite vie de manière à jouir le plus possible, en ne se souciant de rien. Ce talent est celui des égoïstes, et la vraie vertu consiste à en être tout à fait dépourvu. Etre heureux, c'est secouer les tristesses malsaines et les vaines inquiétudes ; c'est dominer les passions qui nous tyrannisent (P. Marchal).

L'âme n'a pas d'oreiller plus doux ni plus moelleux pour se reposer, qu'une bonne conscience (S. Grégoire le Grand).

Le doux délassement que nous trouverions dans la vie, si nous avions, comme les saints, nous reposer en Dieu ! Ils vont à lui comme des enfants à leur mère, et sur son sein, ils reposent, ils prient, ils pleurent. Mais nous, terrestres, nous ne connaissons que la terre, cette pauvre terre noire, sèche, triste, comme une demeure maudite (Eugénie de Guérin).

Il n'y a d'heureux dans ce monde que ceux qui ont le calme de l'âme au milieu des peines de la vie ; ils goûtent la joie des enfants de Dieu.
Les bons chrétiens qui travaillent à sauver leur âme sont toujours heureux et contents ; ils jouissent, par avance, du bonheur du ciel ; ils seront heureux pendant toute l'éternité ; tandis que les mauvais chrétiens qui se damnent sont toujours à plaindre ; ils murmurent, ils sont tristes, et ils le seront pendant l'éternité.
Voyez les rois, les empereurs, les grands de la terre : ils sont bien riches ; sont-ils contents ? S'ils aiment le bon Dieu, oui ; mais autrement, non ; ils ne sont pas content. Moi, je trouve qu'il n'y a rien de si à plaindre que les riches, quand ils n'aiment pas le bon Dieu.
Allez de monde en monde, de royaume en royaume, de richesse en richesse, de plaisir en plaisir, vous ne trouverez pas votre bonheur. La terre entière ne peut pas plus contenter une âme immortelle qu'une pincée de farine, dans la bouche d'un affamé, ne peut le rassasier.
Savez-vous en quoi consiste le vrai bonheur ? A prier et à aimer Dieu. La prière est un avant goût du ciel, un écoulement du paradis ; les peines se fondent devant une prière bien faite, comme la neige devant le soleil. Quant à l'amour de Dieu, c'est un baume, une douceur qui enivre, une lumière qui éblouit ; l'union de Dieu avec sa petite créature est un bonheur qu'on ne peut comprendre (St curé d'Ars).

Voilà quelques-uns des témoignages qu'a recueillis votre bon Ange. Profitez-en pour votre conduite, et vous verrez comme votre vie deviendra plus douce, plus riante, plus féconde en véritables plaisirs !

L'Ange Gardien n°10, février 1895 (pp. 327-330)


  Mémorial de l'Ange Gardien - 2° partie

Où n'est pas le bonheur ?

Ainsi commence la deuxième page du Mémorial : une des choses les plus frappantes pour un chrétien, c'est l'aveu que font de leur ennui, de leur malaise, de leur chagrin, tous ceux qui ne pratiquent pas la religion. En vain s'entourent-ils de jouissances, et leur prodigue-t-on les louanges, les honneurs, l'admiration ; ils ne sont jamais heureux, jamais ils ne comblent le vide de leur cœur.
Il faudrait des volumes pour reproduire leurs tristes confidences. Leurs plaintes sont si amères et si sincères, que la pensée du suicide est venue à l'esprit de certains d'entre eux. Les plus francs, du reste, l'avouent sans détour. Lamartine, Victor Hugo eux-mêmes, auxquels assurément aucun genre de gloire, aucun élément de bonheur terrestre n'a manqué, n'ont pas échappé à cette épidémie de désenchantement, à ce sombre et immense dégoût de toutes choses qui, dans certaines périodes surtout, leur rendait le fardeau de la vie insupportable.

"Je serais mort déjà mille fois de la mort de Caton*, a écrit Lamartine, si j'étais de la religion de Caton ; mais je n'en suis pas."

* Caton d'Utique (95-46 av. J.-C.) : homme d'état romain, arrière petit-fils de Caton l'Ancien. Tribun puis sénateur, il s'opposa à Pompée puis à César. Il se suicida après la défaite de Thapsus. Il fut à Rome l'un des modèles du stoïcisme.

"Ce que le monde nomme plaisir, dit Maine de Biran, je l'ai goûté dans toute son étendue. Insensé que j'étais ! j'allais à l'opposé du bonheur, je courais après lui et je le laissais par derrière ! J'errais de fête en fête, plein de trouble et d'ennui, souffrant dans cette foule comme un galérien du bagne, ne pouvant être ému par aucune des magnificences qui frappaient mes yeux, rentrant chez moi totalement déçu et me disant alors : C'est une belle chose qu'une fête… quand on en est revenu !"

Ecoutons Mme du Deffant, placée par Voltaire sur une espèce de piédestal, et qui trônait comme une reine dans les salons de la libre-pensée, à la fin du dernier siècle :
"Pour moi, je l'avoue, dit-elle, je n'ai qu'une pensée fixe, qu'un sentiment, qu'un chagrin, qu'un malheur : c'est la douleur d'être née. Je déteste la vie, je me désole d'avoir tant vécu, et je ne me con,sole pas d'être née. Je ne suis point faite pour ce monde-ci ; je ne sais pas s'il y en a un autre ; en cas que cet autre existe, quel qu'il puisse être, je le crains."
Elle vécut près de quatre-vingt ans, et toujours en répétant sur tous les tons "qu'elle était bien malheureuse".

Mme de Staël, qui a tant fait de bruit au commencement de ce siècle, dit à son tour : "Je suis plongée dans une espèce de désespoir qui me décore ; je ne crois pas que je me relève jamais de ce que j'éprouve. Rien ne m'intéresse plus, je ne trouve de plaisir à rien ; la vie est pour moi comme un bal dont la musique a cessé, et tout me paraît sans couleur. Je vous assure que si vous lisiez dans mon âme, je vous ferais pitié."
Et quelle amertume, quelle désespérance dans ses gémissements qu'exhalait l'orgueilleux Luther aux approches de la mort : "Je suis paresseux, fatigué, froid, c'est-à-dire vieux et inutile. J'ai achevé ma route ; me voilà rassasié de vie, si cela peut s'appeler une vie… Le monde me semble venu à sa dernière heure et avoir vieilli comme un vêtement. Voici l'heure qu'il en faut changer ! Je tiens que, depuis cent ans, il n'y a pas eu un homme que le monde ait plus haï que moi. Mais moi aussi j'ai de la haine contre le monde ; je ne sais rien dans toute ma vie à quoi j'ai eu plaisir : aussi suis-je complètement fatigué de vivre ;"
Arrêtons ces citations sur un dernier aveu qui contient de trop graves enseignements pour être passé sous silence. Il est une femme-auteur qui a eu les plus beaux succès qu'on puisse rêver dans le monde corrompu auquel elle appartenait, Georges Sand. "L'ennui désole ma vie. L'ennui me tue. Tout s'épuise pour moi, tout s'en va. J'ai vu à peu près la vie sous toutes ses faces, la nature dans toutes ses splendeurs. Que verrai-je maintenant ? Quand j'ai réussi à combler l'abîme d'une journée, je me demande avec effroi avec quoi je comblerai celui du lendemain. Il me semble parfois qu'il existe encore des êtres dignes d'estime et des choses capables d'intéresser ; mais avant de les avoir examinés, j'y renonce par découragement et par fatigue. Je sens qu'il ne me reste pas assez de sensibilité pour apprécier les hommes, pas assez d'intelligence pour comprendre les choses. Je me replie sur moi-même avec un calme et sombre désespoir, et nul ne sait ce que je souffre. Les hommes qui me connaissent se demandent ce qui me manque, à moi dont la richesse a pu atteindre toutes les jouissances, dont la beauté et le luxe ont pu réaliser toutes les ambitions. Parmi tous ces hommes, il n'en est pas un dont l'intelligence soit assez étendue pour comprendre que c'est un grand malheur de n'avoir pu s'attacher à rein, et de ne pouvoir plus rien désirer sur la terre…"
"Il est des heures dans la nuit où je me sens accablée d'une épouvantable douleur. D'abord, c'est une tristesse inexprimable, la nature tout entière pèse sur moi, et je me traîne brisée, fléchissant sous le fardeau de la vie comme un nain qui serait forcé de porter un géant… Alors l'élan poétique et tendre tourne en moi à l'effroi et au reproche. Je hais l'admirable beauté des étoiles, et la splendeur des choses qui nourrissent mes contemplations ordinaires, ne me paraît plus que l'implacable indifférence de la puissance pour la faiblesse. Je suis en désaccord avec tout, et mon âme crie au sein de la création comme une corde qui se brise au milieu des mélodies triomphantes d'un instrument sacré."
Dans ces confidences, n'y a-t-il pas une leçon d'un intérêt capital pour nous, qui désirons sincèrement le bonheur ? Oh ! que nous serions à plaindre, si nous le cherchions dans les plaisirs et les biens périssables du monde ! Ce serait nous préparer de très cruelles déceptions.

Heureux, mille fois heureux, ceux qui n'emploient les choses de la terre qu'en vue du ciel ! Ils ignoreront ces regrets tardifs qui empoisonnent la fin d'une existence stérile, et ils auront la joie si douce, si consolante, de pouvoir se rendre, à l'heure de la mort, le précieux témoignage que leur passage en cette vie aura marqué par des œuvres utiles qui les suivront et les défendront au tribunal de Dieu.

L'Ange Gardien n°11, mars 1895 (pp. 363-366)


  Mémorial de l'Ange Gardien - 3° partie

Les comptes du Ciel

Un jour, Notre-Seigneur dit à ses disciples, en se servant d'une touchante allégorie : "Negotiamini donec venio." Faites le négoce, jusqu'à mon arrivée.
De quel négoce parle le Sauveur ? Est-ce le négoce des intérêts matériels, des richesses terrestres que la rouille et les vers dévorent ? Non certainement, car il dit encore dans l'Evangile : Qu'il est difficile à ceux qui possèdent des richesses d'entrer dans le royaume des cieux !
Pourquoi cette appréhension sur les biens de ce monde ? C'est qu'ils sont pleins de danger, et que leur emploi deviendra, au jour du jugement, la matière d'un compte rigoureux. On est si exposé à y attacher son cœur et à oublier, dans de vaines jouissances, dans des amusements multipliés, dans un repos qui n'a pas été acheté par le travail, cette autre recommandation des Livres saints : Que vos œuvres ne soient pas inutiles et paresseuses !
Le négoce auquel Notre-Seigneur convie ses disciples, et par là même tous les chrétiens, c'est celui des intérêts spirituels. La fortune qu'il faut gagner, c'est le ciel. Ah ! qu'elle est noble et glorieuse la passion de s'enrichir, quand on s'enrichit pour le ciel ; quand on fait fructifier, comme le bon serviteur de l'Evangile, le nombre de talents que l'on a reçu de Dieu !
Oui, chers enfants ; oui, pieux associés de la Confrérie des Saints-Anges gardiens, vous êtes tous banquiers durant votre vie. Vous tenez la banque du bon Dieu, et il n'en est pas de vous comme du banquier vulgaire, qui, malgré ses soins et son intelligence, ne laisse pas de courir de grands risques et peut se ruiner au lieu de s'enrichir. Vous, au contraire, vous êtes toujours sûrs de réussir, si vous vous mettez courageusement à l'œuvre. Votre bonne volonté suffit, aidée de la grâce divine qui ne vous fera jamais défaut.
Le secours de votre Ange gardien ne vous manquera pas non plus. Constamment il vous rappellera que votre vie entière, et chacune des journées de votre vie, se composant d'une multitude d'actions qui, si vous êtes attentifs à les bien faire, peuvent vous valoir d'immenses trésors de mérites que Dieu récompensera de la manière la plus magnifique.
Soyez donc saintement jaloux de devenir d'habiles et industrieux banquiers, de ne laisser rien perdre d'une fortune si précieuse. Quand, au terme de votre pèlerinage terrestre, le souverain Maître vous demandera la reddition des comptes, vous pourrez vous rendre le témoignage d'avoir mis parfaitement en pratique la parole du Sauveur : "Negotiamini donec venio." Ce sera votre consolation et votre bonheur.
La venue du souverain Maître tardera-t-elle longtemps encore ? Vous n'en savez rien… Hâtez-vous de vous enrichir. C'est le conseil de votre bon Ange qui tient, au mon de Dieu, le Grand-Livre de votre vie.

L'Ange Gardien n°12, avril 1895 (pp. 399-400)


  Bilan de la Confrérie

L'année dernière, à pareille époque, la confrérie des Saints-Anges-Gardiens comptait 60.786 agrégations. Aujourd'hui, elle en compte 73.597, soit 12.811 pour cette année.
Nous nous réjouissons avec les Anges de l'extension de plus en plus grande que prend cette oeuvre, non seulement en France, mais dans tout le monde catholique.
Le R.P. Foucher, clerc de Saint-Viateur, directeur de la confrérie au Canada, nous a écrit à la date du 25 octobre : « Dans nos établissements scolaires, mes confrères s'occupent de l'organisation de la confrérie. Nous avons déjà 2.889 agrégations. J'adresse une circulaire à tous les directeurs pour promouvoir cette oeuvre qui, avec l'aide des saints Anges, se développera rapidement dans notre pays et, j'en ai la douce espérance, donnera gloire au divin Maître.
En la fête de saint Michel, immédiatement avant la sainte messe, en présence des élèves, je bénissais une belle statue de l'Ange gardien dans la chapelle de notre grande académie de Saint-Jean-Baptiste de Montréal. Quelques jours après, en la fête même des saints Anges gardiens, je présidais une réception de soixante petits associés, enfants des écoles de Joliette. Leur directeur, le R.F. Huard, les avait préparés à cette cérémonie si touchante en elle-même, et que rehaussaient encore les riches ornements de l'autel, l'éclat du luminaire autour d'une magnifique statue de l'Ange gardien, et les chants harmonieux que le R.F. Saint-Laurent avait préparés pour la circonstance. Ces chers enfants conserveront bien longtemps, sans nul doute, le souvenir de leur consécration à leurs célestes protecteurs.
Sur une invitation spéciale du T.R.P. Provincial, on fait le mois des saints Anges dans tous nos établissements, devant une statue ou une image de nos saints Gardiens. Que ces actes de piété attirent des grâces de choix sur les maîtres et les enfants, qu'ils soient pour eux une puissante sauvegarde contre l'esprit du mal ! »
Ce pieux désir deviendra certainement une bienheureuse réalité, car, au Canada comme en France, les Anges accorderont de grandes et nombreuses faveurs à ceux qui, enrôlés sous leur bannière, les invoqueront et propageront leur dévotion, dévotion si nécessaire en ces jours où les milices infernales semblent déchaînées sur le monde pour perdre les âmes.

L'Ange Gardien n°8, décembre 1895 (pp.263-264)


Depuis 1891, la revue "L'Ange Gardien" créée et dirigée par les Clercs de Saint-Viateur, fait connaître et aimer tous les saints Anges.
Spécimen gratuit sur demande :
L'Ange Gardien - 21, Montée St-Laurent - 69005 Lyon - France
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Th. Laval : Le rôle des Anges
P. Enfantin : Le secours des saints Anges
Ch. Sauvé : Le rôle des Anges
Th. Laval : Révolte et fidélité
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