Grands auteurs chrétiens
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Hermas (Le Pasteur)
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Origène
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Pseudo-Tauler
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J.-B. Bossuet
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A. Arrighini
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CH.D. Boulogne o.p.
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Mgr Jean Calvet
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Jacques Maritain
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Paul Claudel
Hermas (Le Pasteur)
Vers 150
" 1. Écoute maintenant, dit-il, ce qui concerne la foi. Il y a deux anges avec l'homme : l'un, de justice, l'autre, du mal. 2. - Comment donc, Seigneur, dis-je, distinguerai-je leur action, si les deux anges habitent avec moi ? 3. - Écoute, dit-il, et comprends. L'ange de justice est délicat, modeste, doux, calme. Quand c'est lui qui monte à ton coeur, d'emblée, il te parle de justice, de chasteté, de sainteté, de tempérance, de tout acte juste, de toute vertu noble. Quand tout cela te monte au coeur, sache que l'ange de justice est avec toi, car ce sont là les oeuvres de l'ange de justice ; aie confiance en lui et en ses oeuvres. 4. Vois maintenant les oeuvres de l'ange du mal. Et tout d'abord, il est colérique, amer, insensé ; et ses oeuvres mauvaises corrompent les serviteurs de Dieu. Quand donc il monte à ton coeur, connais-le d'après ses oeuvres, 5. - Comment je le distinguerai, Seigneur, dis-je, je l'ignore. - Écoute, dit-il. Quand la colère s'empare de toi, ou l'aigreur, sache qu'il est en toi ; de même les désirs d'activité dispersée, les folles dépenses en festins nombreux, en boissons enivrantes, en orgies incessantes, en raffinements variés et superflus, la passion des femmes, de la grande richesse, l'orgueil exagéré, la jactance et tout ce qui y ressemble : si cela te monte au coeur, sache que l'ange du mal est en toi. 6. Puisque donc tu connais ses oeuvres, éloigne-toi de lui, ne crois pas en lui, car ses oeuvres sont mauvaises et funestes aux serviteurs de Dieu. Voilà quelle est l'action des deux anges. Comprends-la et mets ta confiance dans l'ange de justice. 7. Éloigne- toi de l'ange du mal puisque son enseignement est mauvais en tout. Car si quelqu'un est très fidèle et que le désir de cet ange monte à son coeur, il est inévitable que celui-là, homme ou femme, commette le péché. 8. Qu'un homme ou une femme, au contraire, soit tout à fait dépravé et que les oeuvres de l'ange de justice montent à son coeur, il est inévitable qu'il fasse le bien. 9. Tu vois donc qu'il est bon de suivre l'ange de justice et de renoncer à l'ange du mal. 10. Ce commandement indique ce qui concerne la foi, pour que tu aies foi dans les oeuvres de l'ange de justice et en les accomplissant, tu vivras pour Dieu. Crois aussi que les oeuvres de l'ange du mal sont funestes ; en les évitant, tu vivras pour Dieu.
Le Pasteur - Précepte VI - 36 (2)
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Origène
Prêtre
Né vers 185 probablement à Alexandrie (Egypte)
Mort vers 254 à Tyr (Liban)
Les deux églises
Pour ma part, je n'hésite pas à penser que dans notre assemblée aussi les anges sont présents, puisqu'ils veillent non seulement sur toute l'Eglise, prise dans son ensemble, mais aussi sur chacun d'entre nous. C'est d'eux que parle le Sauveur quand il dit : "Leurs anges voient sans cesse la face de mon Père qui est dans les cieux" (a). Il y a ici deux églises : celle des hommes et celle des anges. Si ce que nous disons est conforme à la pensée divine et à l'intention de l'Ecriture, les anges se réjouissent et prient avec nous. Et c'est parce que les anges sont présents dans les églises, dans celles tout au moins qui le méritent et qui appartiennent au Christ, qu'il est prescrit aux femmes, pendant la prière "d'avoir un voile sur la tête à cause des anges" (b). De quels anges s'agit-il ? Sans aucun doute, des anges qui assistent les saints et se réjouissent dans l'Eglise ; certes, nous ne les voyons pas
parce que la boue du péché nous souille les yeux, mais les apôtres de Jésus les voient et c'est à eux qu'il est dit : "En vérité, en vérité je vous le dis : vous verrez les cieux ouverts et les anges de Dieu montant et descendant sur le Fils de l'homme" (c).
(a) : Matthieu 18.10
(b) : 1 Corinthiens 11.10
(c) : Jean 1.51
Origène, Homélies sur Saint Luc, Paris, Le Cerf, 1962 (Sources chrétiennes, 87)
Chaque fidèle, même s'il est tout petit dans l'Eglise, est dit assisté d'un ange dont le Christ atteste qu'il contemple sans cesse la face du Père. (1)
(1) : Matthieu 18.10
Origène, De Princ., II, 10, 7; Koetschau, 181.
Il faut dire que toute âme d'homme est sous la direction d'un ange, comme d'un père. (1)
(1) : Actes 12.15
Origène, Co. Mt XIII, 5; Klostermann, 191.
Les anges se rassemblent près de celui qui prie Dieu pour s'unir à sa prière. Bien plus, l'ange de chacun, même de ceux qui sont petits dans l'Eglise, contemplant continuellement la face du Père qui est dans les cieux, prie avec nous et travaille avec nous, autant qu'il le peut dans les choses que nous demandons.
Origène, De Or., XI, 5
Il monte, portant les prières des hommes, puis il redescend, apportant à chacun selon qu'il le mérite quelqu'une des choses dont ils ont reçu mandat auprès de Dieu d'être les ministres auprès de ceux qui sont l'objet de leur bienfaisance.
Origène, Contra Cels., V, 4.
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Pseudo-Tauler
XIV° siècle
Le cinquième aveuglement est l'ignorance concernant soit la dignité des anges, soit le service qu'ils nous rendent, soit l'affection dont ils nous entourent. Et d'abord, pour ce qui est de leur dignité, il est certain qu'ils ont été créés d'une manière excellente et tout à fait supérieure, dans une splendeur, une beauté, une noblesse, une gloire vraiment admirable.
[...]
En second lieu, considère, je te prie, ô homme doué de raison, comme ces resplendissants amis et enfants de Dieu, ces très dignes princes du palais céleste, ont été désignés par un amour vraiment incompréhensible et excessif à être tes serviteurs. Ils te gardent, ils te servent avec une telle attention, un tel soin, une telle prévenance qu'aucun esprit ne peut s'en rendre compte. Aucune mère, jamais, n'a veillé sur son fils unique et bien-aimé pour le guider, le garder, le protéger comme ces bienheureux esprits veillent sur ton salut. C'est surtout ton ange à toi, celui qui est spécialement député par Dieu à ta garde qui, jour et nuit, en tout temps et en tout lieu, t'assiste dans tous tes besoins et tous tes intérêts, te protège contre les tentations et les embûches des ennemis visibles et surtout invisibles ; il t'entoure de sa sollicitude et de son dévouement de manière à ne pas s'éloigner de toi un instant, que dis-je ? de manière à ne pouvoir pas te quitter et cesser d'avoir les yeux sur toi. Et il est absolument nécessaire qu'il en soit ainsi, car tu vis au milieu d'une foule innombrable d'ennemis que tu ne peux pas voir, qui te poursuivent sans relâche de leur haine terrible, de sorte que tu n'échapperais pas un seul instant à leur fureur si ton bon ange n'était là pour les repousser. Ouvre donc tes yeux et pense avec reconnaissance à la sollicitude pleine d'une tendresse infinie de ton Père céleste, vois de quel honneur il a daigné te combler en te confiant à la garde d'amis si puissants et si fidèles qui te servent avec un soin jaloux et te conduisent dans toutes tes voies. Tous ces esprits sont en effet des serviteurs envoyés en aide à ceux qui désirent l'héritage du salut (a). En troisième lieu, regardez comme certain et indubitable que l'affection des anges envers les hommes, celle de votre ange propre envers vous, est tellement grande, tellement vive qu'elle dépasse, plus qu'on ne saurait dire, toute affection humaine. Non, jamais mère, si tendre et si compatissante que vous la supposiez, n'a porté à son fils unique un amour comparable à celui que votre ange propre a sur vous. Ces esprits célestes et bienheureux savent en effet, ils voient clairement de quel amour immense, admirable et très ardent le Seigneur entoure tous les hommes et vous-mêmes, aussi veulent-ils, à leur tour, vous aimer comme vous ne pourrez jamais le comprendre ou l'exprimer.
Voilà pourquoi votre ange vous sert très amoureusement, très doucement, très fidèlement, en toute circonstance, dans tous les périls; il veille nuit et jour à votre conduite, à votre direction, à votre protection ; il se transporte avec vous d'un lieu à l'autre ; jamais il ne vous abandonne le plus petit instant. C'est ainsi que toujours il vous persuade ou vous inspire ce qu'il y a de meilleur, de plus sûr, de plus heureux pour vous, il se réjouit d'une manière indicible de vos progrès et de vos bonnes résolutions ; il s'attriste profondément de vos défauts et de vos désagréments ; il souhaite ardemment, il demande, il sollicite pour vous tout ce qui peut vous être salutaire dans ce monde et dans l'autre ; il présente lui-même à Dieu vos prières et vos bonnes oeuvres, en fait il se fait votre intercesseur continuel et dévoué pour votre salut, auprès de Dieu.
(a) : Psaume 90 ; Hébreux 1.
J Tauler, Oeuvres complètes, Paris, A. Tralin, 1912, vol. 7 : Des dix aveuglements, Chap. 5 : Cinquième aveuglement.
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Jacques-Bénigne Bossuet
Evêque de Condom, puis de Meaux
Né en 1627 à Dijon (Côte d'Or, France)
Mort en 1704 à Paris
Tous les hommes sont des prisonniers, chargés des liens de ce corps mortel : esprits dégagés, aidez-les à porter ce pesant fardeau; soutenez l'âme qui doit tendre au ciel, contre le poids de la chair, qui l'entraîne en terre. Tous les hommes sont des ignorants, qui marchent dans les ténèbres : esprits qui voyez la lumière pure, dissipez les nuages qui nous environnent. Tous les hommes sont attirés par les biens sensibles : vous qui buvez à la source même des voluptés chastes et intellectuelles, rafraîchissez notre sécheresse par quelques gouttes de cette céleste rosée. Tous les hommes ont au fond de leur âme un malheureux germe d'envie, toujours fécond en procès, en querelles, en murmures, en médisances, en divisions : esprits charitables, esprits pacifiques, calmez la tempête de nos colères, adoucissez l'aigreur de nos haines, soyez des médiateurs invisibles pour réconcilier en Notre-Seigneur nos coeurs ulcérés.
Bossuet, Sermon pour la fête des saints Anges gardiens, Premier point, Oeuvres oratoires de Bossuet, Ed. Lebarq, T. III.
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A. Arrighini
Comme l'observe saint Thomas, le seul voisinage, le seul contact de l'ange suffisent pour nous rendre meilleurs. Le saint enseigne, en effet, qu'en se tournant vers les anges inférieurs ou vers les âmes humaines, et en s'approchant d'elles, les esprits célestes les fortifient en leur communiquant quelque chose de leur propre perfection. Le feu rayonne et répand autour de lui la chaleur; la flamme diffuse autour d'elle sa lumière; le mouvement d'un corps solide jeté dans l'eau se propage de cercle en cercle jusqu'au bord. De même aussi le contact avec une personne vertueuse nous rend meilleur. A approcher un saint, même sans lui parler, vous vous sentez pénétré par je ne sais quelle aspiration à la vertu, au bien, à la sainteté.
De même le monde des esprits rayonne de chaleur, de lumière et de vertu. Une touche mystérieuse, intime, profonde, émane comme un effluve spirituel, communiquant qualités et perfections.
Pourquoi donc ne recevrions-nous rien de tout cela de l'esprit céleste qui est toujours à nos côtés ? Avec les plus grands théologiens, nous pouvons donc croire que son voisinage nous fortifie, nous purifie, nous rend de toute façon meilleurs que nous ne serions autrement. Cette influence bénéfique devient presque visible et palpable dans la vie des saints. Si eux, bien que faits comme tous les autres hommes, sujets aux mêmes passions et aux mêmes misères, s'élevèrent à une perfection quasi angélique, ne faut-il pas attribuer cette progression aussi à l'influence de l'ange ?
A Arrighini, Gli Angeli buoni e cattivi, Rome, 1937
Cité par George Huber, in Mon ange marchera devant toi, p. 95.
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CH.D. Boulogne o.p.
Dans les images qui, en nous, telles un fleuve intarissable, se déroulent sans cesse, les anges opèrent un tri, repoussant dans l'ombre les grossières, les malsaines ou les inutiles, mettant en lumière les plus affinées, les plus exactes, les plus saines. Et ces images, ils les renforcent, les rendant à la fois plus claires et plus nobles. De tout cela, la plupart du temps, nous ne nous rendons point compte. En bien comme en mal, l'action sur nous de l'esprit pur est essentiellement discrète; celle du démon par ruse; celle de l'ange, par pudeur. [...] Dans l'imagination l'ange assainit nos images; par le jeu des idées, il enrichit nos pensées. Il nous aide sans le proclamer. Aussi, dans notre quête de la vérité, ignorons-nous souvent la part dont nous lui sommes redevables. Qui saurait dire la genèse de nos propres pensées, et prétendre voir clair dans la chimie complexe et mystérieuse de l'esprit ?
Ch. D. Boulogne o.p., Le Monde des esprits, 1945
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Mgr Jean Calvet
Je me promenais dans un chemin creux et ombreux de ma campagne, quand j'ai rencontré, derrière un fourré et trois brebis, une vieille pliée en deux sur son bâton. Comme je dois reconnaître tout le monde, je lui ai dit :
- Bonjour Catinelle.
Elle s'est redressée à moitié et m'a répondu :
- Bonjour, Monsieur le Curé et la compagnie.
- Comment, grand-mère ? Je suis tout seul, où voyez-vous la compagnie ?
Elle s'est redressée entièrement, et j'ai vu son visage creusé de rides et ses yeux clairs encore beaux. Elle m'a dit gravement :
- Et l'ange gardien, qu'en faites-vous ?
- Mère, pardon. J'allais oublier l'ange gardien; je vous remercie de me l'avoir rappelé.
J'avais reçu une fière leçon. Le peuple chrétien garde les traditions que les intellectuels abandonnent. Les sources ne se perdent pas, comme on le croit parfois; elles descendent d'un étage dans le sous-sol.
Jean Calvet, La lumière de Complies.
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Jacques Maritain
Quand une soudaine inspiration nous survient, elle peut certes être d'origine naturelle. Mais il est probable que plus souvent que nous ne pensons elle nous est soufflée à l'oreille par notre ange gardien.
Jacques Maritain, Le tenant-lieu de théologie chez les simples, in Nova et Vetera, 1969, n°2
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Paul Claudel
Nul du Père n'est accueilli
Qui n'est semblable à ses petits...
C'est pourquoi que nul ne méprise
A cause qu'il ne la voit pas
Cette main que Dieu a commise
Pour tenir la nôtre ici-bas.
Nulle route n'est si raide
Qu'un ange ne nous précède.
Près de l'infirme et du vieux
Se tient quelqu'un qui voit Dieu.
Malheur à qui le scandalise !
Paul Claudel
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