Les anges se manifestent en vision intellectuelle, en vision imaginaire, en vision corporelle. - Nature et forme des corps qu'ils revêtent. - Les circonstances où ils se montrent. - Ils apparaissent à l'autel pendant le saint sacrifice et distribuent la sainte Eucharistie. - Ils avertissent les amis de Dieu de l'heure de la mort, assistent à leurs derniers moments, et transportent leurs âmes au ciel. - Ils combattent visiblement les ennemis de Dieu et de ses saints, et prêtent leur concours dans les batailles. - Quels sont les anges susceptibles de ces missions ? - Les trois nommés dans l'Écriture : Michel, Gabriel et Raphaël. - Les anges gardiens . - Leur intervention ordinaire. - Nouveaux anges gardiens donnés à quelques Ames.
I. - La théologie chrétienne fait la plus large part aux anges dans les apparitions surnaturelles. Ces esprits célestes sont les messagers de Dieu, et la plupart des interventions extraordinaires dans le monde des créatures s'accomplissent par leur ministère. Les faits sont innombrables, et ils ne sauraient, dans leur ensemble, être révoqués en doute par quiconque a quelque teinture, fût-ce la plus légère, de l'histoire religieuse.
Il est d'abord incontestable qu'ils peuvent être l'objet d'une vision intellectuelle. Cette sorte de vision est même la plus proportionnée, et, à vrai dire, la seule connaturelle à l'immatérialité de ces purs esprits. Si, de fait, elle se produit moins souvent que les deux autres, c'est parce que celles-ci conviennent mieux à la nature sensible de l'homme, à qui s'adressent ces manifestations. Il s'en rencontre cependant plus d'un exemple. Le Sauveur Jésus et sa très-sainte Mère apparaissent rarement sans cette escorte des anges. Sainte Thérèse, dans une apparition que nous avons rapportée, vit autour de la bienheureuse Vierge une multitude de ces esprits célestes, non sous une forme sensible, mais par un simple regard de l'esprit, parce que, nous dit-elle (
Additions à sa Vie), "la vision était intellectuelle."
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II. - Après la révélation intellectuelle, la plus accommodée à la nature des anges est celle qui s'accomplit dans l'imagination. Tant qu'ils ne revêtent que des formes idéales dans notre esprit, il semble qu'ils ne perdent pas encore leur qualité d'esprits purs.
L'échelle (
Gen. XXVIII, 12) mystérieuse montrée à Jacob pendant son sommeil, et le long de laquelle les anges de Dieu montaient et descendaient, est le premier et le plus mémorable exemple qui soit expressément mentionné dans l'Écriture d'apparition imaginaire accomplie par les anges ; mais il n'est pas le seul. Plus d'une fois on y voit les esprits célestes venir annoncer les volontés divines aux hommes, soit pendant leur sommeil, comme à Élie (
III Reg. XIX, 5) fuyant la colère de Jézabel, s'endormant découragé dans le désert, et réveillé à deux reprises par un ange ; soit en simple vision, ainsi qu'il arrive à plusieurs prophètes, en particulier à Daniel (
Daniel VIII, 16 ; IX, 21 ; I, 20, XII), à Zacharie (
Zachar. I, 13, 19), à saint Jean dans l'Apocalypse (
Apoc. Passim), et à plusieurs autres personnages ; à saint Joseph (
Matth. 1, 20 ; II, 13, 19, 22), quatre fois averti par un ange des desseins du Seigneur, au centurion Corneille (
Act. X, 3), à saint Paul (
Act. XXVII, 23).
Les faits de ce genre ne se comptent pas dans l'histoire des Saints : qu'il nous suffise de rapporter les deux suivants.
La bienheureuse Colette (
Et. De Juliers. BB. 6 mart., t.7, p.559, n.88) eut un jour une vision semblable à celle du patriarche Jacob. Les habitants d'une noble maison faisaient de larges aumônes à la communauté : la sainte et ses compagnes y .répondaient par de ferventes prières. Or l'humble servante de Dieu vit une fois, vers le milieu de la nuit, une grande lumière resplendir sur cette maison, et une multitude d'anges qui la défendaient contre les incursions des esprits malfaisants ; puis une échelle d'or allant de cette maison au ciel, et les anges qui montaient et descendaient, présentant à Dieu les prières de la bienheureuse et les aumônes que ces bienfaiteurs faisaient à elle et à ses religieuses. Colette appela une de ses sœurs pour lui montrer cette douce vision ; mais celle-ci ne parvint à l'apercevoir qu'après que sa sainte mère eut demandé pour elle cette grâce.
Tandis que saint Thomas d'Aquin (
Guill. De Thoco. BB. 7 mart., p.659, n.11) à peine âgé de vingt ans, était renfermé dans un donjon par la tyrannie de ses frères, qui prétendaient le détourner de la vie religieuse, on introduisit dans sa prison une créature d'une perfide beauté, ayant toutes les audaces du mal, et qui reçut la hideuse mission de vaincre, par tous les moyens, la constance du magnanime jeune homme. Mais lui, qui déjà avait juré de n'avoir d'autre épouse que la divine Sagesse, dès qu'il vit ce suppôt du démon, quoique ému d'abord dans ses sens d'un trouble jusqu'alors inconnu, s'arma d'un tison, et, plein d'une noble colère, pourchassa l'infâme hors de sa cellule. Puis, de ce tison parquant une croix sur la muraille, il se prosterne et demande à Dieu avec larmes la grâce d'une perpétuelle vigilance. Tandis qu'il mêlait ainsi ses pleurs à sa prière, il s'endormit, et durant son sommeil il vit deux anges descendre du ciel, attacher à ses reins une ceinture mystérieuse, en lui disant : "De la part de Dieu, nous te ceignons, ainsi que tu l'as demandé, du cordon de la chasteté, qu'aucun effort du démon ne pourra vaincre désormais ; ce que la vertu humaine ne saurait mériter, la Bonté divine te l'accorde en pur don." A partir de ce moment, le Docteur angélique ne connaîtra plus les révoltes de la chair.
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III. - Quelque opposées que puissent paraître à la nature de purs esprits les formes matérielles, les anges se sont manifestés sous ces dehors aux hommes, et le fait est tellement constant qu'il y aurait une insigne témérité à le contester.
Dans l'Ancien Testament, les messagers célestes appariassent sous forme humaine à une foule de personnages : à Abraham (
Gen. XVIII, 2 et seq.. - XXII, 11), à Lot (
Gen. XIX, 1), à Jacob (
Gen. XXXII, 24), à Balaam (
Num. XII, 31), à Josué (
Jos. V, 13), à Gédéon (
Jud. VI, 12), à David (
II Reg. XXIV, 17), à Tobie (
Tob. V-XII) et à plusieurs autres.
Dans le Nouveau Testament, c'est l'ange Gabriel (
Luc I, 28) qui se présente visiblement à la bienheureuse Vierge Marie pour lui annoncer le mystère de l'Incarnation ; le même ange prédit à Zacharie (
Luc I, 11) la naissance de Jean-Baptiste ; les anges servent le Sauveur dans le désert (
Matth. IV, 11 - Marc I, 13) ; ils apparaissent aux saintes femmes après la résurrection (
Matth. XXVIII, 3 - Luc XXIV, 4 - Joan XX, 12) ; c'est un ange (
Act. V, 19) qui délivre les apôtres et leur ordonne de prêcher Jésus-Christ dans le temple ; un ange encore (
Act. XII, 7), qui fait sortir Pierre de sa prison et l'accompagne à travers les rues, jusqu'aux portes de Jérusalem.
Devant ces témoignages aussi nombreux que formels, Suarez (
De Angelis, l.4, c.33, n.3, p.536) n'hésite pas à conclure que cette vérité a la certitude même de la foi. L'histoire confirme ces récits de l'Ecriture par de nouveaux récits. Les Bollandistes signalent plus de cent exemples de ces apparitions, en traitant de saint Michel et des autres anges (
BB. 29 sept., t.48, p.38-124).
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IV. - Les anges revêtent donc des apparences corporelles, et avertissent les hommes de leur présence en frappant leurs sens. Le sentiment commun (
Suarez, de Angelis, l.4, C.34, n.5, p.542) des théologiens est qu'ils se composent des corps avec l'air ambiant des lieux où ils paraissent, et leur donnent la forme qu'ils veulent par une disposition et condensation convenables. Ainsi s'exprime saint Thomas (
Sum. 1.P., q.51, a.2, ad.3). Cependant ces esprits célestes, comme l'enseigne encore expressément le même docteur (
Ibid, a.3), et avec lui l'ensemble de l'École, n'informent pas à la façon des corps vivants les corps qu'ils revêtent : ils les meuvent, mais ne les animent pas.
Les formes par lesquelles ils se rendent visibles sont diverses. D'ordinaire (
Bona. De discr. Spir. C.19, n.7, p.308), c'est la figure humaine dans son expression la plus belle et la plus pure ; l'enfant avec sa grâce et sa candeur, le jeune homme resplendissant de force, de noblesse et de beauté. Le plus souvent ils ont des ailes, ainsi qu'on le voit dans l'Écriture et que l'attestent les légendes chrétiennes, pour signifier la sublimité de leur contemplation et la promptitude avec laquelle ils exécutent les messages de Dieu. On croit que le vieillard majestueux qui aborda saint Justin et détermina sa conversion au Christianisme, en lui montrant dans les divines prophéties la sagesse que ce philosophe poursuivait avec avidité, était un de ces esprits célestes (
Tillemont, in S. Just. a.4, t.2). Ils ont apparu sous les dehors de la pauvreté à plusieurs serviteurs de Dieu célèbres par leur amour pour les pauvres, à saint Ives (
Processus de Vit. et Mirac. BB. 19 maii, t.17, p.555, n.44), par exemple, à la vénérable Marie de Maillies (
Processus de Vita et Mirac. BB. 28 mart., t.9, p.736, n.13), à saint Philippe de Néri (
J. Barnabei. BB. 26 maii, t.19, p.564, n.248). Ils se révèlent encore sous l'aspect de globes lumineux, de flammes splendides (
BB. 29 sept., de S. Michael et omnibus Angelis, t.48, p.81, n.348). En général, les apparences qu'ils empruntent expriment la grâce, l'agilité, la force, la pureté, la lumière, l'amour. Rarement ils apparaissent sous la forme d'animaux, et, quand cela arrive, c'est en recourant aux types les plus nobles et les plus gracieux, comme ceux de l'agneau (
De Lantages, Vie de la Vén. Mère Agnès de Jésus, t.2, p.387), de la colombe ou autres semblables (
BB. 1 jun, t.21, p.149, n.21 - 2 jun, ibid., p.219, n.8).
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V. - Les célestes messagers sont aux ordres de Dieu, et Dieu les envoie selon ses desseins d'amour, de miséricorde, de justice sur les hommes. Ils apparaissent autour du Verbe incarné à Bethléem, au désert, à Gethsémani, et ils assistent l'homme dans les plus menus détails de la vie (
Cf. De Lantages, Vie de la Vén. Mère Agnès de Jésus, 3°p., c.17, t.2, p.386 - Nicephor. Vita S. Andreae Soli. BB. Corollar. Ad 28 maii, t.19, p.28, n.52 et seq.). Énumérer toutes les circonstances où ils interviennent est chose impossible. Nous ne mentionnerons que les plus ordinaires.
En général, ils annoncent et exécutent les divines volontés, viennent en aide à ceux qui les appellent ou qui invoquent le secours d'en haut ; ils conseillent, réconfortent et récréent.
Nous avons vu qu'ils forment l'escorte ordinaire du Sauveur et de la Vierge Marie dans leurs apparitions.
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VI. - Ils entourent l'autel et se rendent souvent visibles au prêtre ou aux âmes saintes pendant l'action du sacrifice. Saint Chrysostome, au rapport de saint Nil (
S. Nil. Oper. L.2, Epist. 294, Anastasio, Migne, Patr. Gr. T.79, col.346), son contemporain et son disciple, voyait ces esprits bienheureux environner l'église, particulièrement pendant le temps du sacrifice, et, dans sa joie, il en faisait la confidence à ses amis. Dès que le prêtre commençait la divine oblation, les Puissances bienheureuses descendaient, disait-il, du ciel, revêtues de splendides ornements ; et, les pieds nus, les regards attentifs, la face inclinée, ils entouraient l'autel dans l'attitude de l'adoration, immobiles et silencieux, jusqu'à la consommation des redoutables mystères ; puis, se répandant dans l'enceinte sacrée, ils assistaient invisiblement les évêques, les prêtres et les diacres pendant qu'ils distribuaient aux fidèles le corps et le sang du Sauveur.
Depuis le jour de son ordination jusqu'à sa mort, saint Samson (
BB. 28 jul., t.33, p.583, n.44) de Dôle ne chanta jamais la messe sans voir à ses côtés les anges, qui plus d'une fois rompaient de leurs mains les espèces eucharistiques. Le bienheureux Boniface (
BB. 19 febr., t.6, p.157, n.23), évêque de Lausanne, était fréquemment assisté à l'autel par deux anges. Tandis que saint Oswald (
BB. 28 febr., t.6, p.761, n.21), évêque d'York, n'étant encore que simple prêtre, disait un jour la messe, le pauvre qui faisait l'office de servant aperçut tout à coup, au moment de l'offertoire, un homme d'un aspect majestueux et céleste, tenant entre ses mains un petit morceau de pain d'une extrême blancheur, qu'il élevait jusqu'à sa tête avec un grand respect, et qui prit peu à peu des proportions extraordinaires. Saisi de terreur, il s'enfuit hors de l'église ; mais, de temps en temps, il entrebâillait la porte pour voir ce qui se passait à l'autel : l'assistant mystérieux répondait à toutes les prières, et servit le saint prêtre jusqu'à la fin du sacrifice. Sainte Catherine de Bologne (
BB. 9 mart., t.8, p.38, n.8) entendit un jour les anges répéter le SANCTUS du prêtre à la messe, avec une suavité qui la ravit en extase.
Une apparition angélique assez souvent répétée est celle où ces esprits bienheureux apportent la sainte communion à des âmes ferventes, avides de ce pain céleste.
Le soldat saint Zozime (
BB. 19 jun, t.20, p.678, n.7), martyrisé en Pisidie, sous Trajan, après avoir subi d'horribles tortures, était depuis trois jours dans sa prison sans avoir goûté aucune nourriture, lorsqu'il vit entrer deux enfants, ou plutôt deux anges, dont l'un portait le pain de l'Eucharistie, et l'autre un vase plein d'eau ; "Prends, lui dirent-ils, le présent que Dieu t'envoie." Le martyr prit l'aliment qui lui était offert, puis rendant grâces : "Je vous bénis, Seigneur, s'écria-t-il, parce que vous avez eu pitié de votre serviteur, et que, loin de me délaisser, vous m'avez rassasié de votre céleste nourriture. Je louerai et célébrerai à jamais votre gloire et votre magnificence." Quand le jour fut venu, le président ordonna qu'on amenât le martyr devant son tribunal. Zozime comparut, le visage joyeux et sans aucune trace de fatigue, ce qui jeta dans la stupeur le juge et les bourreaux, qui s'attendaient à le trouver exténué par les tourments et par la faim.
Saint Stanislas Kostka (
Cepari, Vie du B. Stanislas Kostka, n.4, p.15, et n.7, p.27) reçut une première fois la même faveur pendant une grave maladie qu'il fit, à Vienne, dans la maison d'un luthérien : deux anges lui apportèrent le saint Viatique, qu'il demandait vainement aux hommes. Une autre fois, entre Augsbourg et Dilingue, étant entré dans une église qui se trouvait sur son chemin, pour y entendre la messe et y communier, il ne tarda pas à s'apercevoir qu'il était dans un temple protestant. Il ressentit une douleur extrême de voir les saints mystères profanés par les hérétiques, et il en fit à Dieu les plaintes les plus touchantes. Pendant qu'il se plaignait ainsi avec une grande abondance de larmes, il vit venir à lui une troupe d'anges ; l'un d'eux, qui tenait l'Eucharistie entre ses mains, s'approcha de lui avec un air plein de majesté, le communia, et le laissa comblé de joie dans la possession de Jésus-Christ. L'Église (
Brev. Rom. Pro aliq. Locis. 13 nov., lect 5) rappelle ces merveilles dans la légende du saint et à la secrète de la messe qu'elle autorise en son honneur.
Les saints qui ont ainsi reçu la divine Eucharistie par le ministère des esprits célestes, sont en grand nombre. Entre plusieurs autres, nous pouvons ajouter aux noms déjà cités, ceux de saint Bonaventure (
BB. 14 jul., t.30, p.807, n.28), de la vénérable Ida (
Hugues de Flore, BB. 13 april., t.11, p.164, n.20) religieuse cistercienne, de sainte Agnès (
Raymund. Capuan. BB. 20 april., t.11, p.795, n.26) de Montepulciano, de la bienheureuse Véronique (
Isid. De Isolano. BB. 13 jan., t.2, p.206, n.3) de Binasco, de la vénérable mère Agnès de Jésus (
De Lantages, 1°P., c.11, t.1, p.121 et suiv.).
Parfois les anges font escorte aux saintes âmes au moment où elles vont recevoir Notre-Seigneur ou qu'elles le portent avec elles. La bienheureuse Lutgarde (
Thom. Cantipratan. 16 jun., t.24, p.203, n.39), ayant peine à marcher à cause de sa faiblesse, était soutenue par deux anges, qui la conduisaient à l'autel et la ramenaient à sa place. La sainte pénitente Eudoce (
BB. 1 mart., t.7, p.19, n.44), de Samarie, martyrisée à Héliopolis, sous Trajan, avant de se livrer aux satellites venus pour l'arrêter, cache dans son sein une parcelle de la divine Eucharistie, et aussitôt elle voit marcher devant elle un ange, sous la forme d'un jeune homme vêtu de blanc, portant dans ses mains un flambeau dont il éclaire les pas de la martyre dans l'obscurité profonde de la nuit, sans que les soldats aperçoivent ni le guide ni la lumière.
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VII. - Un autre office que les anges rendent fréquemment aux amis de Dieu, est de les avertir de leur mort prochaine. Nous avons déjà signalé ce fait, au chapitre précédent, en parlant de l'apparition de la bienheureuse Vierge Marie à saint Félix de Valois quelques jours avant sa mort. On le rapporte également de saint Siméon (
BB. 24 maii, t.18, p.396, n.248) Stylite le Jeune, de saint Maxime (
BB. 2 jan., t.1, p.94, n.26) martyr, de saint Guédas (
BB. 29 jan., t.3, p.578, n.29), abbé de Ruy en Bretagne, de sainte Aldegonde (
BB. 30 jan., t.3, p.652) et d'un grand nombre d'autres.
Plus fréquemment encore, ils assistent les saints à l'heure de la mort, rendant leur présence visible, pour les soutenir dans cette lutte dernière, et pour ajouter encore à l'impatience de leurs désirs.
Saint Vincent (
Act. Martyr. n.8, p.394), l'illustre martyr de Saragosse, après des supplices inouïs supportés avec une force d'âme magnifique, est jeté, les ceps aux pieds, dans un cachot ténébreux, dont le sol avait été semé de débris de pots cassés, qui déchirent ses blessures et en ravivent la douleur. Mais, tout à coup, l'obscurité de cette prison se dissipe, une céleste lumière la remplit, les entraves se brisent. Ces têts aigus se changent en fleurs odorantes, qui font au martyr une couche délicieuse. Une multitude d'anges l'environnent, lui parlent, le félicitent de sa victoire. "Reconnais, ô vainqueur invincible, lui disent-ils, Celui pour qui tu as si vaillamment combattu ; Lui-même, qui t'a rendu victorieux au milieu des tourments, tient dans sa main la couronne de la gloire qu'il t'a préparée. La lutte est finie, et l'heure va sonner où, dépouillant ce fardeau de la mortalité, tu seras réuni au chœur des bienheureux." Et tous, unissant leurs voix dans un même concert de louanges, font retentir ces voûtes sombres des accents les plus mélodieux.
Les martyrs qui ont été soutenus dans leurs combats par les anges de Dieu sont en grand nombre. Les quarante légionnaires de Sébaste, célébrés par saint Basile (
S. Basil. Hom. 19 in SS. Quadrag. Martyres, n.7, Migne, t.31, col.519) ; sainte Agnès de Rome, qui le fut par saint Ambroise (
S. Ambr. BB. 21 jan., t.2, p.716, n.8) ; saint Constance (
BB. 29 jan., t.3, p.544, n.13), évêque de Pérouse, et une infinité d'autres ont reçu cette assistance céleste.
Les serviteurs de Dieu qui, sans donner leur sang pour Jésus-Christ, ont cependant mérité la même faveur, sont plus nombreux encore. Parmi tant de noms, nous ne citerons que celui de saint Antoine. Son historien, l'illustre Athanase (
Vita S. Antonii, n.92 (Versio Evagrii). Migne, t.26, col.971), raconte qu'au moment où son âme allait s'envoler, le visage de ce grand patriarche des cénobites s'éclaira d'une douce lumière, et ses yeux se reposèrent, avec la joie qu'on éprouve à voir des amis, sur les anges descendus pour recueillir son âme et la porter au ciel.
Conduire et déposer les âmes pures dans le sein de Dieu, tel est le principal office des esprits célestes, et voilà pourquoi ils apparaissent si fréquemment à la mort des prédestinés. Dans la même Vie du grand solitaire, saint Athanase (
Ibid., n.60, col.930) rapporte qu'un jour Antoine, assis au sommet de la montagne, porta tout à coup ses regards en haut ; il voyait une âme inconnue s'élever vers les célestes demeures, et les anges, joyeux, venir à sa rencontre. S'étant mis en prière, il demanda à Dieu de lui faire connaître quel était ce bienheureux, et aussitôt une voix se fit entendre et lui dit que c'était l'âme du moine Ammon , qui venait de mourir au désert de Nitrie. Au rapport de saint Jérôme (
Vita S. Pauli primi eremitae, n.14. Migne, t.23, col.27), Antoine eut encore le même spectacle quand il vit l'âme de Paul, premier ermite, s'envoler au ciel, resplendissante de blancheur, au milieu des phalanges angéliques, des chœurs des prophètes et des apôtres.
Des chants harmonieux accompagnent ordinairement ces apparitions célestes ; et ont transformé plus d'une fois les funérailles des saints en des manifestations de joie et de triomphe. Il en fut ainsi aux obsèques de saint Martin, selon ses deux premiers historiens, Sulpice Sévère (
Epist. 3 ad Bassulam. Migne, t.20, col.184) et Grégoire (
De mirac. S. Martini, l.1, c.5. Migne, t.71, col.919) de Tours. On rapporte la même chose de plusieurs serviteurs et servantes de Dieu, entre autres de saint Nicolas (
Brev. Rom. 6 dec., lect.6) de Myre, de saint Walfrid (
Andreas. Abb. Montis-Viridis. BB. 15 febr., t.5, p.846, n.8), premier abbé du monastère du Mont-Vert en Toscane, de saint Laurent Justinien (
Bernardus Justinianus. BB. 8 jan., t.1, p.563, n.63), de sainte Romule (
Greg. Magn. Dialog. L.4, c.15 - Migne, t.77, col.345), de la bienheureuse Colette (
Petrus a Vallibus. BB. 6 mart., t.7, p.579, n.196, 200), de la vénérable Marie de Maillies (
Proces. De Virt. Et Mirac. BB. 28 mart., t.9, p.745, n.8).
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VIII. - Les anges apparaissent parfois pour protéger visiblement les saintes causes et pour réprimer l'audace des méchants. L'Écriture en contient des exemples mémorables. L'ange du Seigneur frappe en une nuit l'armée du roi d'Assyrie, Sennachérib (
IV Reg. XIX, 35). Un ange arrête l'ânesse de Balaam (
Num. XXII, 22) et menace ce prophète cupide du glaive qu'il tient dans sa main. Héliodore (
II Mach. III, 26 et 26) est fustigé par les anges au moment où il tente de s'emparer des trésors du temple.
La milice céleste intervient aussi dans les batailles en faveur des amis de Dieu et de la justice. Judas Machabée (
II Mach. X, 29, 30) combattait avec les siens les hordes de Timothée. Au plus fort de la mêlée, les ennemis des Juifs voient descendre du ciel cinq guerriers montés sur des chevaux, à l'attitude noble et fière, qui soutiennent et conduisent les adorateurs du vrai Dieu. Deux d'entre eux se tiennent autour de Machabée et le protègent de leurs armes ; les autres lancent des traits et des foudres contre ses ennemis, qui, frappés d'aveuglement et en complet désarroi, tombent pêle-mêle devant eux. Dans une autre rencontre (
II Mach. XI, 6, 8), au moment où Machabée et ses soldats sortaient de Jérusalem pour aller au-devant de l'armée de Lysias, un homme à cheval, revêtu d'un habit blanc, avec des armes d'or et une lance à la main, parut tout à coup, marchant devant eux, comme pour les exciter au combat.
Bénadab, roi de Syrie, irrité de voir ses ruses de guerre découvertes au roi d'Israël par Élisée, fait cerner par ses troupes pendant la nuit la ville de Dothar, où se trouvait le prophète. Au lever du jour, le serviteur de l'homme de Dieu vient, en tremblant, lui apprendre que l'armée syrienne, avec ses chevaux et ses chars, entoure les remparts. "Sois sans crainte, lui répond Élisée, il y a plus de monde avec nous qu'il n'y en avec eux." Puis, se mettant en prière : "Seigneur, dit-il, ouvrez-lui les yeux pour qu'il voie." Le Seigneur ouvrit les yeux à ce serviteur, et il vit la montagne pleine de chevaux et de chariots de feu, qui étaient tout autour d'Élisée (
IV Reg. VI, 15-17).
Les légendes chrétiennes abondent en semblables récits, et elles ont vraisemblablement donné lieu en Portugal, en France et en d'autres pays, à l'institution d'ordres de chevalerie sous le patronage de saint Michel, prince de la milice céleste (
BB. 29 sept., t.48, p.86-89, n.372 et seq.). Un fait d'une authenticité incontestable, c'est l'assistance que donnèrent les anges à saint Wenceslas , duc de Bohème, dans un combat singulier contre Radislas, prince de Gurcine, comme on peut le voir dans le Bréviaire romain, à la fête de ce saint (
28 sept., lect.6). Il est pareillement rapporté dans la vie de l'empereur saint Henri, qu'il vit plus d'une fois l'ange du Seigneur et les saints martyrs ses protecteurs combattant pour lui au premier front de bataille.
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IX. - Quels sont les anges qui apparaissent ainsi aux hommes ?
Les auteurs se partagent en deux opinions. La première soutient qu'une partie des anges n'est jamais députée vers les créatures inférieures, et attribue cette fonction aux moindres ordres de la hiérarchie céleste. Elle divise les esprits bienheureux en deux parts : les assistants, qui ne sortent jamais de devant la face de Dieu, et les ministres qui interviennent dans le monde matériel et humain. Selon saint Grégoire le Grand (
Homil. 34 in Evang. n.8 Migne, t.76, 1250), les deux derniers ordres sont seuls envoyés, les Anges pour les missions communes, et les Archanges pour les plus grandes. Saint Thomas (
Sum. 1.P., q.112, a.2) pense que les cinq derniers ordres peuvent être députés, et que les quatre premiers, savoir : les Séraphins, les Chérubins, les Trônes et les Dominations, ne sont point employés à cet office. Suarez (
De Angelis, l.6, c.21, n.24, p.788) et plusieurs autres théologiens ne font cette réserve que pour les trois ordres de la première hiérarchie. Dans ce sentiment, les anges supérieurs, ou demeurent étrangers à toute intervention extérieure, ou ne l'exercent que par l'intermédiaire des anges inférieurs. Telle est la première opinion avec ses diverses nuances.
La seconde admet que tous les anges indistinctement sont susceptibles de mission. Selon le P. Pétau (
Theologic. Dogmat., l.2, c.6, n.3, t.4, p.22), qui rapporte les témoignages, ce sentiment est beaucoup plus commun parmi les saints Pères, et il l'embrasse lui-même pour cette raison et aussi à cause de ces paroles de l'Apôtre aux Hébreux : "Ne sont-ils pas tous des esprits destinés à servir, et envoyés pour exercer leur ministère, en faveur de ceux qui doivent recueillir l'héritage du salut ?" Ce savant auteur s'appuie encore sur l'exemple du Verbe, supérieur à toutes les hiérarchies angéliques, et cependant envoyé et descendu jusqu'à la chair de l'homme. Les anges qui sont envoyés ne perdent pas d'ailleurs pour cela la claire vision de Dieu, et ne cessent pas d'être assistants en sa présence, ainsi que l'ange Raphaël le disait de lui-même (
Tob. XII, 15) ; ou bien il faudrait en venir à cette conclusion, que les anges gardiens sont exilés du paradis tout le temps qu'ils exercent leur tutelle auprès des âmes, contrairement à ce qu'affirme Notre-Seigneur dans l'Évangile : "Je vous le dis, les anges de ces petits enfants voient sans cesse la face de mon Père, dans le ciel (
Matth. XVIII, 10)."
Pour toutes ces raisons, la seconde opinion nous paraît préférable à la première.
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X. - Parmi les anges qui ont apparu aux hommes, l'Écriture n'en désigne que trois par un nom propre : Michel, Gabriel et Raphaël, noms qui expriment la vertu particulière de ces esprits célestes ou les missions qu'ils ont remplies. On sait que Michel ou Michaël veut dire : Qui est comme Dieu ? cri de guerre poussé par le chef des phalanges fidèles contre Lucifer et ses légions maudites ; que Gabriel signifie la force ou le Fort de Dieu, c'est-à-dire le messager des grands desseins où Dieu déploie sa puissance ; que Raphaël, ou Remède de Dieu, rappelle les guérisons opérées par l'ange qui accompagna le jeune Tobie.
Quelques révélations particulières, dont l'authenticité ou l'autorité sont contestables, citent d'autres noms d'anges. Dans les entretiens, par exemple, qu'on nous a conservés de la bienheureuse Humilité (
BB. Appendix ad diem 22 maii, t.20, p.816), cette sainte raconte que deux anges étaient préposés à sa garde, dont elle avait appris les noms de la bouche de saint Jean l'Évangéliste. L'un, du chœur ordinaire des anges, et qui était son gardien depuis sa naissance, s'appelait Sapiel ; l'autre, qui était un Chérubin, et qu'elle avait reçu à l'âge de trente ans, portait le nom d'Emmanuel. Au IV° livre d'Esdras, il est fait mention de l'ange Uriel (
IV, 1) et de l'archange Jérémiel (
IV, 36) ; mais on sait que ce livre est apocryphe et ne mérite point de créance, même au point de vue historique. C'est une tradition constante dans l'Église que les trois anges qui sont nommés dans l'Écriture sont les seuls dont on connaisse les noms. Un concile (
Labb. t.6, 1561) tenu à Rome, l'an 745, sous le pape Zacharie, réprouve cette prière composée par un imposteur nommé Adelbert : "Je vous adresse mes voix et mes supplications, ange Uriel, ange Raguël, ange Tubuel, ange Michel, ange Inias, ange Tubuas, ange Sabaoc, ange Simiel ;" et la raison alléguée par les Pères de ce concile, c'est que, à l'exception du nom de Michel, tous les autres désignent plutôt des démons que des bons anges, dont trois seulement sont nommés par l'Écriture et la tradition, savoir : Michel, Gabriel et Raphaël. Ceci est moins une décision de droit qu'une question de fait et d'histoire ; car rien n'empêche que d'autres anges, outre ceux qui sont déjà nommés, reçoivent des noms qui expriment leurs missions.
L'ange Raphaël n'est mentionné dans l'Écriture qu'au livre de Tobie ; mais il intervient assez fréquemment dans les révélations et les vues des Saints. Il aide saint Jean de Dieu à charger un pauvre malade sur ses épaules, et le conduit dans l'obscurité de la nuit jusqu'à l'hôpital. Une autre fois, il distribue le pain aux pauvres sous les dehors du même saint (
Anton. Govea. BB. 8 mart., t.7, n.22 et 23). Il sert de guide et de soutien à sainte Françoise Romaine (
Mattiotti. BB. 9 mart., t.8, p.65, n.47) et à saint Baront (
BB. Visio S. Baronti., 25 mart., t.9, p.568), dans leurs visions célèbres de l'enfer, du purgatoire et du ciel.
Gabriel est l'ange de l'Incarnation. C'est lui qui dicte à Daniel (
Daniel IX, 21) la fameuse prophétie des soixante-dix semaines, qui fixe avec la dernière précision la venue du Messie. Il apparaît deux fois dans l'Évangile (
Luc. I, 11, 16), pour prédire à Zacharie la naissance du précurseur, et pour annoncer à la Bienheureuse Vierge Marie le mystère de sa virginale maternité. On lui attribue plusieurs autres apparitions bibliques, mais à l'aide d'interprétations qui nous semblent peu fondées. Il intervient aussi plus d'une fois dans les révélations privées (
Eginhard. Transl. SS. Marcellini et Petri, BB. 2 jun., t.21, p.189, n.48 - Jean de Sainte-Marie, Vies et actions mémorables des Saintes et Bienheureuses de l'Ordre de Saint-Dominique, t.1, p.266).
Quoique saint Michel soit nommé plusieurs fois dans l'Écriture (
Daniel X, 13, 21 - Epist. Cath. Judae, 9), en réalité il ne s'y trouve qu'une seule apparition faite au nom de cet archange. Elle est décrite au chapitre XII° de l'Apocalypse, lorsque saint Jean voit un grand combat s'engager dans le ciel, Michel et ses anges combattant le dragon et ses compagnons de révolte ; le dragon vaincu est précipité sur la terre, où il devient le séducteur de l'homme, le diable ou Satan (
Apoc. XII, 7-9). Cependant quelques interprètes attribuent à saint Michel un certain nombre d'apparitions angéliques, tant de l'Ancien (
BB. 29 sept., t.48, p.16, n.64, p.17, n.70, p.18, n.73, etc. etc.) que du Nouveau (
P. Giry. Vie des Saints, 29 sept., éd. in-folio, t.2, p.1200) Testament, où cet archange n'est point expressément désigné.
Il est certain du moins qu'il s'est manifesté plusieurs fois dans les âges chrétiens. Les Grecs ont leurs légendes et leurs solennités sur ces apparitions (
BB. 29 sept., t.48, p.38 et seq., n.185), dont la plus célèbre est celle de Chones, ancienne Colosse, en Phrygie. En Occident, les faits sont encore plus nombreux et plus précis. On cite quelques saints honorés de cette faveur, entre autres saint Martin de Tours (
Greg. Tur. De Mirac. S. Martin. L.1, c.5, t.71, col.919), saint Wilfrid (
Beda. Hist. Eccles. Sect.3, c.19. Migne, Patr. Lat. t.95, col.268), évêque d'York ; le bienheureux Ferdinand (
J. Alavrez. BB. 5 jun., t.21, p.575, n.99), prince de Portugal ; la glorieuse Pucelle d'Orléans (
Procès, t.1, p.73), Jeanne d'Arc, à qui les Anglais vaincus feront payer cher cette vision.
Il est d'autres apparitions dont la mémoire, consacrée par des fêtes et par des monuments, revêt le caractère d'une plus grande authenticité. Telle fut celle qui fonda, vers l'an 708, le pèlerinage si célèbre du mont Saint-Michel, en Normandie (
BB. 29 sept. Apparitio in monte Tumba, t.48, p.77, n.5, 7). Saint Aubert, évêque d'Avranches, miraculeusement averti, par trois fois, durant son sommeil, de consacrer sur le rocher de la Tombe une église en l'honneur du glorieux archange, se hâta d'ériger ce pieux sanctuaire, autour duquel s'élevèrent bientôt un monastère et une petite bourgade. Mais de toutes les apparitions de saint Michel, la plus célèbre est celle qui se fit sous le pape Gélase I°, vers l'an 493, au mont Gargan, aujourd'hui mont Saint-Ange, dans la province italienne de la Pouille. Pour perpétuer la mémoire de ce fait merveilleux, l'Église a établi une fête qui se célèbre dans tout le monde chrétien le huitième jour du mois de mai.
Voici en quelques mots le récit de ce mémorable événement. Un berger qui paissait ses troupeaux sur le mont Gargan, voulant faire sortir d'une caverne un taureau qui s'y était réfugié, décocha sur lui une flèche ; mais, arrivée au but, la flèche, plus prompte que le vent, revint sur elle-même et blessa celui qui l'avait lancée. Ce prodige frappa d'étonnement et d'effroi ceux qui en furent témoins, et le bruit s'en répandit bientôt dans la ville de Siponto, située au pied de la montagne. On courut avertir l'évêque, qui, soupçonnant quelque secret dessein de la Providence, ordonna un jeûne de trois jours, pour demander au Ciel de manifester clairement ses volontés. Le troisième jour, l'archange saint Michel apparut à l'évêque, dans le temps de la nuit, et lui déclara que le lieu où s'était accompli le miracle était sous sa protection, qu'il devait être consacré au culte divin, en son honneur et en celui des anges. Le pontife se rendit avec son peuple à l'endroit désigné. Ils y trouvèrent une caverne spacieuse, en forme de temple, dans laquelle on n'eut qu'à dresser un autel pour y célébrer les saints mystères. Les peuples d'alentour accoururent en foule à ce nouveau sanctuaire, ne cessant d'y faire retentir les louanges de Dieu et de son glorieux Archange (
BB. 29 sept., t.48, p.61). Les miracles (
BB. 29 sept., t.48, p.63, n.272) et le concours des pèlerins le rendirent bientôt célèbre dans toute la terre.
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XI. - Les anges gardiens étant les représentants et les médiateurs de Dieu auprès des âmes, la plupart des apparitions angéliques sont leur œuvre. Du moins, dans une multitude de cas, ils sont expressément désignés comme les auteurs de ces manifestations surnaturelles.
L'ange du martyr saint Vite (
BB. 15 jun., t.23, p.499, n.1) lui apparut dans son enfance, et lui dit : "Je t'ai été donné pour être ton gardien jusqu'à la fin de ta vie : demande au Seigneur tout ce que tu voudras, et tu seras exaucé." Sainte Françoise de Rome vivait dans une sainte familiarité avec son ange gardien, ainsi que le rappelle l'Église dans l'oraison de son office (
Brev. Rom. 9 mart. orat.). Ces faits se retrouvent dans les vies de la bienheureuse Marguerite (
BB. 22 febr., t.6, p.308, n.24) de Cortone, de Marie d'Oignies (
Jacques de Vitry. BB. 23 jun., t.25, p.555, n.35) de sainte Lidwine (
J. Brugman. BB. 14 april., t.11, p.318, n.66), de sainte Rose de Lima (
Leonard Hansen. BB. 26 aug., t.39, p.940, n.200), de saint Anub (
BB. 16 jun., t.21, p.632, n.5) ermite, du bienheureux Dalmace (
Brev. Dominican. 24 sept., lect.5) dominicain, et de tant d'autres, dont la seule énumération prendrait des pages entières.
Un des faits les plus mémorables de ce genre est celui qui est rapporté aux Actes (
BB. 14 april., t.11, p.204 et seq.) de sainte Cécile, et dont l'Église reproduit le récit dans l'office de cette aimable et illustre martyre (
Brev. Rom. 22 nov., lect.4 et 5).
Cécile, d'une grande famille de Rome, et chrétienne dès son enfance, avait consacré à Jésus-Christ sa virginité. Cependant ses parents, contre son gré, la donnèrent en mariage à un jeune homme de noble lignée, nommé Valérien. Le soir des noces, elle parla ainsi à son époux : "Valérien, je suis sous la garde d'un ange qui protège ma virginité ; n'essayez pas d'y porter atteinte, si vous ne voulez attirer sur vous la colère du Ciel." Saisi de crainte, Valérien répondit qu'il ajouterait foi à ces paroles, s'il voyait de ses yeux l'ange dont elle lui parlait. La vierge chrétienne répondit qu'il fallait pour cela qu'il crût en Jésus-Christ et se fît baptiser. Impatient de voir l'esprit céleste, Valérien alla demander le baptême au pape saint Urbain, et revint auprès de son épouse. Il la trouva en prière et aperçut à ses côtés son ange, éclatant de lumière et tenant en ses mains deux couronnes entremêlées de roses et de lis. Il en offrit une à chacun, en leur disant: "Gardez avec une grande pureté de cœur et de corps ces guirlandes que je vous apporte du paradis de Dieu. Vous le reconnaîtrez à ce signe, que jamais ces fleurs ne se flétriront ni ne perdront leur douce odeur, et que ceux-là seuls pourront les voir, qui, comme vous, aimeront la chasteté. Et vous, Valérien, parce que vous avez consenti à l'invitation de la pureté, le Christ Fils de Dieu m'envoie vous dire qu'il est prêt à exaucer toutes vos prières." Valérien se prosterna humblement à terre, et répondit que son plus grand désir était de voir son unique frère Tiburce converti à la foi. L'ange lui assura que Dieu lui ferait cette grâce, et disparut à leurs yeux.
Tiburce vint incontinent, et sentant le parfum qui s'exhalait de la couronne qui ornait la tête de Cécile, demanda d'où venait, dans une saison où les fleurs étaient passées, cette odeur céleste qui l'embaumait. Les bienheureux époux lui racontèrent alors la grâce dont Dieu les avait comblés, l'exhortèrent à ouvrir les yeux à la lumière et à partager leur bonheur. Tiburce, lui aussi, voulut voir l'ange ; il demanda le baptême, et obtint la même faveur. Cécile et les deux frères reçurent bientôt la couronne plus précieuse du martyre et de la gloire.
La vénérable mère Agnès de Langeac eut également avec son ange gardien les rapports les plus admirables, que son pieux historien nous a décrits avec une simplicité charmante. Qu'on en juge par les traits suivants, glanés çà et là.
"C'était particulièrement son saint gardien qu'elle voyait, dit M. de Lantages (
Vie de la Vén. Mère Agnès, 3°P., c.17, p.388 et suiv.), cet ange avec qui elle avait une communication quasi perpétuelle, et dont elle recevait toutes sortes de secours à tout moment. Il l'instruisait, il la reprenait, il la consolait, il la servait avec une affection qu'on ne saurait assez admirer...
"Fort souvent, quand elle avait oublié quelque chose, ce gardien charitable l'en faisait souvenir ; et elle était accoutumée à s'adresser à lui pour cela tout simplement. Une fois, par exemple, après s'être confessée, elle ne se souvenait pas de la pénitence que le confesseur lui avait donnée ; elle pria le saint ange de lui dire ce que c'était. Et il lui dit, comme il était vrai, qu'on lui avait donné un Ave Maria et trois fois Jesus Maria.
"Comme elle était toujours fort recueillie en Dieu, il arrivait parfois qu'elle n'entendait pas sonner la cloche de la porte, quand elle était sous-portière ; et alors son ange lui disait. "On t'appelle à la porte." Tout de même, n'ayant pas ouï le signe de l'office divin, il l'avertissait. Et comme un soir elle devait sonner pour la retraite des sœurs, étant tout absorbée en Dieu, son ange la conduisit et lui mit la corde de la cloche en main...
"Il était si ordinaire à la mère Agnès d'être servie par son bon ange en toute occasion, qu'elle ne feignait point de l'appeler pour cela dans le besoin, lui disant amoureusement : "Eh ! mon ami, ne me laissez pas ; assistez-moi s'il vous plaît !" Mais ordinairement elle n'avait pas besoin de l'appeler, prévenue qu'elle était par ce vigilant gardien...
"Nous avons déjà dit que cet esprit bienheureux l'enseignait et l'avertissait merveilleusement. Il lui apprit à dire son bréviaire. Quelquefois, lorsqu'elle ne pouvait le réciter seule, à cause de son indisposition, il venait le dire avec elle, le récitant alternativement, verset à verset. Comme une fois elle n'avait pas son voile, et s'en allait ainsi au chœur par mégarde, un jour de communion, il le lui apporta promptement. Enfin, nous n'aurions pas fait de bien longtemps, si nous voulions rapporter ici tous les bons offices que cet ange fidèle lui rendait, avec une assiduité incroyable, aussi bien que toutes les grâces surnaturelles qu'elle en obtint. De là ce mot agréable d'une bonne sœur tourière du temps de la mère Agnès, au sujet de son ange : "C'est le rapporteur de la mère Agnès." Il est certain qu'il était presque toujours présent en sa compagnie."
Ce ne fut pas seulement dans le cloître que la mère Agnès jouit de cette faveur ; étant encore dans le monde et plusieurs années avant que de devenir religieuse, elle avait avec son ange cette sainte familiarité.
"(
Vie de la Vén. Mère Agnès, 1°P., c.6, t.1, p.51) Quand elle sortait de la maison, elle pouvait aller partout où il était nécessaire, sans avoir besoin de penser ni aux lieux où elle allait, ni aux chemins qui y conduisaient, ni à aucune outre chose extérieure. C'était qu'aussitôt qu'elle sortait pour se rendre en quelque endroit, au même moment elle voyait voler devant elle un petit oiseau blanc, semblable à un papillon, qui lui servait de guide jusqu'au lieu destiné. Autrement elle se fût fourvoyée, par suite de la sainte ivresse où la mettaient les ravissements.
"Cette faveur extraordinaire, qui lui a duré pendant huit ans, était faite assurément par le ministère de son ange, qui prenait la forme de ce petit oiseau, ou au moins qui le conduisait devant elle, comme un autre ange conduisit autrefois l'étoile devant les Mages jusqu'à Bethléhem. Et ce qui persuade puissamment que le saint gardien d'Agnès lui rendait cet office, c'est celui qu'il lui rendit dans la rencontre que nous allons rapporter. S'étant confessée dans l'église des religieuses de Sainte-Catherine (du Puy), un jour de la fête des saints anges gardiens, le sien lui apparut, la prit par la main, et 1a mena devant le grand autel pour communier. Pendant qu'il la conduisit de la sorte, le petit oiseau, contre son ordinaire, ne parut point, à cause sans doute que l'ange n'avait que faire de ce signe lorsqu'il paraissait en propre personne. La simplicité d'Agnès mit à découvert cette touchante faveur. Car elle demanda dans la journée au P. Raboly, son confesseur, s'il avait vu son ange. Elle croyait, l'humble et innocente fille, que chacun pouvait voir son ange."
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XII. - Qu'on nous permette d'ajouter un dernier trait sur l'ange de la mère Agnès de Jésus. A la mort de cette grande servante de Dieu, son ange devint celui de M. Olier, fondateur du séminaire et de la société de Saint-Sulpice. C'est M. Olier lui-même qui nous l'apprend dans ses mémoires autographes.
"Voilà, écrit-il, qu'un ange fond sur moi du haut du ciel, avec la vitesse et la puissance d'un aigle qui fond sur sa proie, et m'environne de ses ailes, plus grandes mille fois qu'il ne fallait pour me défendre. J'entends ces paroles qui me furent dites par mon ange gardien, celui qui était avec moi depuis le baptême : "Honore bien l'ange qui est près de toi, et qui t'est donné maintenant ; c'est un des plus grands qui aient été donnés à créature sur la terre," et je me sentais pénétré de respect. J'avais bien autrefois ressenti, approchant du même lieu où j'allais, pendant qu'on y faisait la mission, quelques caresses et ressentiments de joie du bon ange de la paroisse ; mais il ne laissait pas ce respect, ni ensuite un témoignage de sa grandeur comme celui-ci... Cet ange qui m'a été donné par une bonté particulière, et dont je ne puis assez rendre de reconnaissance à Dieu, est un Séraphin, comme on le croit sur des paroles que sœur Agnès disait devant sa mort. Je me souviens que, passant par les rues de Paris, peu de temps après, où il y avait grand monde, il me sembla que je voyais les autres anges lui rendre de grands hommages et de grands respect. Or, le jour que j'appris la nouvelle de cette mort, aussitôt tout touché, je m'en allai devant le saint Sacrement faire mes plaintes à Notre-Seigneur... Je m'adressai même à elle dans le saint Sacrement, puisque les saints y sont présents... Cette sainte âme, qui avait une grande compassion de la moindre de mes peines, me dit ces paroles, qui partirent du tabernacle, et que j'entendis comme dans mon cœur "Je t'ai laissé mon ange..." Depuis ce temps-là je sens de grands respects en mon âme quand j'invoque cet ange, et je ne puis l'invoquer ni l'honorer, ou rendre aucun devoir à Dieu pour lui, qu'il ne me semble absolument que ce ne soit le mien...
"C'est une chose admirable, ajoute M. Olier, dont le témoignage confirme les récits précédents, de voir dans les Mémoires de cette sainte fille les services qu'elle recevait de son bon ange dans tous ses besoins. Elle le voyait et lui parlait familièrement ; et je me souviens que, comme je partais d'auprès d'elle pour m'en aller par des chemins dangereux, pendant la nuit, elle me le donnait pour m'aider à passer le danger ; et une fois, ayant passé le péril, il me dit adieu en s'en retournant vers sa bonne âme. Elle le donnait à des personnes qui avaient à faire de longs et difficiles chemins pour Dieu, par où elles n'avaient jamais passé. Et au retour, elles remarquaient qu'elles ne s'étaient fourvoyées ni détournées d'un seul pas."
"Cet ange, écrivait encore M. Olier, en 1647, plus de douze ans après la mort de la mère Agnès, n'est pas mon ange gardien, puisque celui-ci, qui est avec moi depuis le baptême, me dit en parlant de l'autre, au jour où il me fut donné : Honore bien cet ange qui t'est donné maintenant ; c'est un des plus grands qui aient été donnés à créature sur la terre. C'est celui de la charge et non de la personne ; et ses ailes si étendues me faisaient entendre qu'il en couvrirait plusieurs autres qui seraient avec moi : comme depuis ce temps la compagnie des saints ecclésiastiques que Dieu m'a donnés en ressent l'assistance, vivant sous sa garde et en recevant mille protections (
Extrait de la Vie de la Vén. Mère Agnès, édit. De M. l'abbé Lucot, 3°P., c.12, t.2, p.274 et suiv.)."
Il est pareillement rapporté de sainte Françoise (
J. Mattiotti. BB. 9 mart., t.8, p.147, visio 66) Romaine qu'elle reçut un second ange gardien, sous forme humaine, pris du quatrième chœur, c'est-à-dire de l'ordre des Puissances , dont l'extérieur annonçait la vertu et la gloire, et qui par sa seule présence mettait les démons en fuite. La bienheureuse Catherine (
Jean de Ste Marie, Vie des SS. Et BB. Filles de l'ordre de Saint-Dominique, t.1, p.417) de Racconigi avait aussi deux anges, dont l'un était un Séraphin.
Il nous faut suspendre là ces intéressants récits : où irions-nous si nous voulions tout reproduire ?
Extrait de
La Mystique divine distinguée des contrefaçons diaboliques et des analogies humaines, par M.
J. Ribet, Paris, Poussielgue Frères, 1879, tome second : Les phénomènes mystiques distincts de la contemplation - Phénomènes intellectuels : les visions, Chap. VIII : Les objets de la vision surnaturelle - Les Anges.