Le 24 février dernier, nous avons mis en place sur ce site un court sondage qui nous permettra de mieux connaître d'une part vos préférences de navigation, et d'autre part les rubriques qui retiennent ordinairement votre attention. Nous vous remercions par avance de prendre une ou deux minutes pour répondre à ce petit questionnaire, qui nous aidera à l'avenir à mieux répondre à votre attente.
Certains anges sont préposés à la garde des hommes. Nous en sommes certains par l'Evangile. Un seul ange serait, certes, assez intelligent et vigilant pour assurer cet office auprès de plusieurs d'entre nous ; mais la croyance commune du peuple fidèle est que chacun de nous a son ange gardien. Il serait bien téméraire de le nier. Chaque homme a sa vocation particulière ; la dispensation affectueuse de la Providence, qui députe un ange pour veiller à sa réussite, se conforme à ce caractère tout personnel. Notre ange nous assiste dès notre naissance ; baptisés ou non, nous en avons un, car nous sommes tous en puissance des enfants de Dieu, dont notre Père des cieux prend soin.
Son action est fort vaste. Par une prière très aimée dans l'Eglise, nous lui demandons chaque jour de nous " garder, illuminer, régir et gouverner ". La liturgie prie les anges habitant dans nos demeures de nous " garder, réconforter, protéger, visiter et défendre ". Qu'est-ce à dire ?
Leur " garde ", leur " protection ", leur " défense " s'exerce d'abord à l'égard des démons. Nous traversons un monde infesté. Le diable a été assez malin, c'est le cas de le dire, pour nous rendre cette idée comique. Au vrai, ce monde est assujetti aux puissances mauvaises ; l'un des offices des anges qui régissent les éléments est d'en compenser l'action ; l'Eglise exorcise les lieux, les objets, les corps. De mauvais esprits parcourent les airs. Ils s'en prennent surtout aux âmes. La lutte serait inégale si nous ne comptions sur des alliés de leur nature. Hermas, des Pères grecs et des auteurs médiévaux en Occident se figuraient que chacun de nous avait deux anges attitrés, un mauvais pour le tenter, un bon pour le secourir. On ne trouve rien de tel dans l'Ecriture, et l'Eglise en son enseignement ordinaire semble y contredire. La réalité n'est pas si sombre. Dieu n'a pas chargé un ange de nous éprouver, il n'a pas mis un ordre si triste dans le monde du désordre ; il permet seulement que les démons nous exercent, mais sa volonté positive est toute bonne : elle nous confie à la garde d'un bon ange qui pare en nous les attaques et les subterfuges de cette engeance.
Sur ce sujet, on sera certainement heureux de lire quelques lignes qui me semblent belles et que j'ai recopiées comme une prière à l'ange de leur auteur, alors prisonnier en Allemagne. Le Père Congar écrit : " Les mauvais anges, avec l'acuité de vision des purs esprits, connaissent beaucoup mieux que nous les grands courants spirituels, les ressorts de l'âme humaine, la pente générale des affaires, le nœud secret de notre temps ; ils inspirent et guident la lutte contre le royaume de Dieu sur la terre. La véritable lutte dans l'Eglise ne s'exerce pas seulement ni principalement contre les séductions de la chair, mais contre celles de l'esprit ; Il faut à tout prix sauver la chasteté des âmes, la pureté de la doctrine pour la pureté de la charité ; aussi l'Eglise demande-t-elle " d'éviter d'être touchée par les mauvais anges, afin de suivre DIEU SEUL, avec une âme très chaste " (collecte du XVII° dimanche après la Pentecôte).
Notre ange ne fait pas que nous défendre, il nous " illumine ". Dieu peut nous donner directement de bonnes inspirations, mais d'ordinaire il nous les envoie par notre ange. Cet ami nous glisse une pensée adaptée à notre tournure d'esprit ; il agit surtout sur notre imagination, puisqu'elle nous meut bien plus souvent que notre esprit. Il ne peut rien sur notre volonté elle-même. Ni bon ange ni démon n'est en mesure d'attenter à notre liberté radicale : âmes faites pour l'éternité, notre vouloir ne dépend immédiatement que de Dieu et de nous. Mais notre sensibilité, mais notre intelligence elle-même sont impressionnées par les créatures, et notre vouloir se laisse malheureusement capter. La lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde est là : ce sens de la vérité qui anime l'esprit le plus faux, et cette inclination foncière au bien, qui subsiste dans le cœur le plus perverti. Mais les passions et mille désordre font errer cet esprit, quand il doit juger des buts particuliers à poursuivre, des moyens de les atteindre ; ils troublent ce cœur dans ses élans. Dans l'action réelle, les principes, ah ! les principes qui devraient la commander et sur lesquels, au fond, nous sommes d'accord, ils sont bien lointains et bien vagues. Dieu nous a confiés à un représentant des principes, un vivant, qui est l'intelligence même du bien et qui est psychologue. Il nous rend convaincants les principes. Il compense nos déviations, en nous suggérant, sans avoir l'air de rien, ceci ou cela. Tant pis pour nous si nous n'en profitons pas. Ces souvenirs qu'il réveille en notre mémoire, ces rêves qu'il nous fait faire, ces tristesses ou ces joies qu'il insinue, ces dégoûts et ces enthousiasmes, ces bons conseils qui nous tireraient d'affaire, il a mille ressources. Il nous connaît, il nous traite à notre mode. Il ne se lassera pas, jusqu'au dernier instant, où peut-être nous l'écouterons enfin, et ses opportunes lumières nous décideront pour l'éternité bienheureuse.
Certains violents éprouvent son action qui les contrecarre, qui les tourmente. Le fameux sonnet de Beaudelaire, inspiré par l'Héliodore de Delacroix, exprime une réalité de la vie spirituelle :
Un ange furieux fond du ciel comme un aigle,
Du mécréant saisit à pleins poings les cheveux,
Et dit, le secouant : " Tu connaîtras la règle,
Car je suis ton bon ange, entends-tu, je le veux ! "
Charles Péguy a fait à Joseph Lotte cette confidence : " J'ai un ange gardien incroyable ! Il est encore plus malin que moi, mon vieux ! Je suis gardé. Je ne puis échapper à sa garde. Trois fois, je l'ai senti m'empoigner, m'arracher à des volontés, à des actes médités, préparés, voulus. Il a des trucs incroyables ! " A l'ordinaire, il est plus discret, mais non moins efficace. Il nous rend des services. Riez, si vous voulez. Mieux vaudrait que, vivant en confiance avec cet ami divin, vous fussiez à même de constater ses attentions. Passe pour l'autosuggestion, quand c'est à lui qu'on s'en remet pour être tiré du sommeil à temps, parce que la sonnerie du réveil est détraquée. Mais la fréquence et la précision des rencontres qu'il arrange, quand on l'en prie et qu'on travaille pour la gloire de Dieu !… Combien d'entre nous, qui tâchent de vivre en enfants de Dieu, peuvent témoigner de ce qu'il combine lorsque nous l'envoyons en fourrier devant nous ! Les mauvais pas dont il nous tire et les affaires qu'il arrange doivent nous donner une idée de son service spirituel, qui nous importe bien davantage, à lui et à nous.
Un des services qu'ils nous rendent est " d'offrir nos prières à Dieu ". C'est l'expression traditionnelle, et l'on a vu qu'elle vient de l'Ecriture : Raphaël " présentait à Dieu " les prières de Tobie. Saint Jean a vu un ange faire monter vers Dieu d'un encensoir qu'il tenait en sa main une fumée d'encens qui était les prières des âmes saintes. Que peut-on entendre par là ? Le sens le plus profond, le plus réel, nous est difficile à comprendre. C'est assurément une intercession, l'accroissement mystérieux de pouvoir que reçoit notre prière en montant à Dieu par l'ordre des purs esprits, comme inversement l'action divine est mieux proportionnée à notre faiblesse en descendant par ces ministres inférieurs. A un point de vue psychologique, Bossuet, dans son admirable sermon sur les Anges gardiens, fait appel à l'expérience de la difficulté que présente pour nous la prière : " Quelle peine d'élever à Dieu vos esprits : au milieu de quelles tempêtes formez-vous vos vœux ! Combien de vaines imaginations, combien de pensées vagues et désordonnées, combien de soins temporels qui se jettent continuellement à la traverse pour en interrompre le cours ! Etant donc ainsi empêchés, croyez-vous qu'elles puissent s'élever au ciel et que cette prière faible et languissante, qui, parmi tant d'embarras qui l'arrêtent, à peine a pu sortir de vos cœurs, ait la force de percer les nues et de pénétrer jusqu'au haut des cieux ? " Alors l'ange prête à ces faibles prières " ses ailes pour les élever, sa force pour les soutenir, sa ferveur pour les animer ".
En tout ce qu'il fait pour nous, notre ange ne " quitte " pas le ciel pour la terre. Il a le ciel avec lui, ne cessant jamais de jouir de la vision béatifique. Son ministère ne gêne en rien cette vision, puisque c'est un ministère d'ordre spirituel et que cette vision même le règle. En nous servant, il ne s'abaisse pas : c'est Dieu qu'il sert en nous, car " qui adhère au Seigneur, dit saint Paul, est un même esprit avec lui ". Tout un courant traditionnel nous apporte même cette admirable pensée, que le ciel où notre ange contemple la face du Père, c'est notre âme, dans laquelle habite la Trinité sainte, si nous sommes de ces petits ou de ceux qui leur ressemblent.
R.P. Regamey, o.p. : Extrait de
Anges - Paris, Editions Pierre Tisné, 1946.
"C'est par le ministère des Anges, dit François de Sales, que nous recevons souvent les inspirations de Dieu". Aussi, consulté par une dame chrétienne, que sa condition obligeait d'être à la cour, et qui lui exposait la crainte qu'elle avait de perdre sa piété sous un ciel si contagieux, le saint Evêque de Genève lui écrivit, avec plusieurs autres conseils : "Nulle compagnie, nulle sujétion ne peut vous empêcher d'écouter les sermons intérieurs de Jésus-Christ et de votre bon Ange".
L'Ange gardien nous inspire en effet. Ses inspirations, ce sont ces impulsions vers la vertu qui naissent à notre insu dans notre cœur ; ce sont des réflexions involontaires sur la vanité de ce monde ; ce sont des voix intérieures qui nous disent : "Fais ceci, abstiens-toi de cela". Illuminant notre intelligence, il l'éclaire sur ce que Dieu veut ou désire, et lui fait comprendre tout ce que le bien renferme d'avantages et le mal de dangers. Si notre volonté se montre lâche, si elle répugne à embrasser le bien qu'elle connaît, il redouble de zèle, nous fait voir un saint exemple, nous incite à l'audition de la parole divine, à des lectures pieuses qui parviennent à vaincre nos résistances. (...)
Sainte Marguerite de Cortone, revenue des égarements de sa jeunesse fut tellement favorisée par le Seigneur, que chaque jour, elle recevait quelque visite angélique. Après une pénitence sévère (...) elle entendit son bon Ange qui venait de lui apparaître, lui dire : "Je suis un Ange de Dieu, chargé de préparer dans votre cœur une demeure à ce grand Roi (...) Soyez sainte, soyez parfaite comme votre Père céleste est parfait".
Abbé M.-A. Renaud : L'Ange Gardien - Desclée de Brouwer, 1907.
Extrait de la revue "L'Ange Gardien", mars-avril 2001.
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