Exposition
sur l'histoire et l'actualité de
la dévotion au Sacré-Coeur de Jésus



Panorama des thèmes présentés dans cette exposition

Jusqu’au XVIIe siècle - XVIIe siècle - XVIIIe siècle - XIXe siècle - XXe siècle - Thèmes généraux


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Construction de la Basilique - Souvenirs - Archiconfrérie - Consécration (1919)


1872-1873 : Projet, débats et vote à l'Assemblée Nationale

1872

Au mois d'octobre, alors qu'il gravit aux côtés de son vicaire général l'Abbé Langénieux (1824-1905) les pentes de la butte Montmartre, l'archevêque de Paris Mgr Joseph Hippolyte Guibert * (1802-1886) découvre la beauté du lieu et le retient comme lieu d'érection du sanctuaire dédié au Sacré-Cœur de Jésus.
(* il a succédé l'année précédente à Mgr Darboy, fusillé par les Communards)

1873

Le 5 mars, Mgr Guibert adresse une demande officielle à M. Jules Simon (1814-1896), Ministre de l'Instruction Publique et des Cultes, en vue d'obtenir que soit déclarée d'utilité publique la construction d'une église à Montmartre.

Le 24 mai, chute de Thiers et élection de Mac-Mahon à la présidence de la République. Celui-ci nomme le duc de Broglie premier ministre. Création d'un gouvernement « d'Ordre moral ».
Ce même jour, Anselme Batbie (1828-1887), successeur de Jules Simon au ministère des Cultes, dépose le projet de loi concernant l'érection du sanctuaire de Montmartre sur le bureau de la Chambre des Députés.

Le 11 juillet, Emile Keller (1828-1909), rapporteur de la Commission nommée à cet effet, présente le projet de construction du sanctuaire de Montmartre. Après avoir rappelé l'historique du projet, et démontré l'inanité des objections juridiques qui ont été posées par quelques membres de l'Assemblée, il fait valoir le sens élevé de l'Œuvre entreprise. Charles Chesnelong (1820-1899), Édouard Morisson de la Bassetière (1825-1885) et Gabriel de Belcastel (1821-1890) défendent également le projet avec ardeur.

« Elever une église qui atteste que dans ses épreuves douloureuses la France n'a voulu désespérer ni de Dieu ni d'elle-même, voilà la pensée du Vœu national. Qui pourrait ne pas respecter cette pensée ? Qui pourrait ne pas s'y associer ? Qui même, parmi ceux qui ne s'y associent pas, pourrait ne pas la comprendre et ne pas la respecter ? »
Extrait du discours de M. Chesnelong, in R.P. Jonquet et F. Veuillot, Montmartre Autrefois et Aujourd'hui, Paris, Bloud et Gay, 1920.
Le 24 juillet, Pie IX adresse un Bref d'encouragement aux députés de l'Assemblée nationale :

« … Il y a vraiment un spectacle digne des anges et des hommes dans ces légions pressées de chrétiens et de chrétiennes qui, sans nulle incitation de l'autorité ecclésiastique, mais uniquement à sa grande joie et sous son action modératrice, affluent spontanément dans les sanctuaires pour demander pardon de s'être tenues si longtemps éloignées de Dieu, et lui présenter ce cœur contrit et humilié, qui ne connaît pas de refus.
Lorsque Nous Nous rappelons que l'origine de tous les maux est venue de ceux qui, à la fin du siècle dernier, s'étant emparés du pouvoir suprême, importèrent les horreurs d'un nouveau droit et propagèrent les fictions d'une doctrine insensée ; lorsque Nous Nous rappelons qu'elle est venue aussi d'un emploi pervers de la puissance et des armées, s'où sont sorties, avec le bouleversement complet de l'ordre politique en Europe, toutes ces semences de désordre qui chaque jour se répandent plus au loin, ont peu à peu conduit le monde à cet état de commotion qui ne cesse pas : Nous éprouvons une joie extrême en voyant que le retour de la France à Dieu commence avec éclat et par ceux qui ont été députés pour s'occuper des affaires du peuple, pour porter des lois et gouverner la chose publique, et par ceux qui, placés à la tête des armées de terre et de mer, refont la force de la nation…
»
Extrait du Bref de Pie IX, 24 juillet 1873, in Le Pèlerinage du Sacré-Cœur en 1873, A.M.D.G., Moulins, C. Desrosiers et Paris, Albanel, 1873.
Le même jour, après des débats houleux et des explications tendant à dépolitiser le projet, et écarter toute idée de subvention de l'Etat, l'Assemblée Nationale proclame d'utilité publique la construction d'une église consacrée au Sacré-Cœur sur la butte Montmartre, en réparation pour toutes les fautes nationales : « Gallia poenitens et devota ». Le texte est voté par 382 voix contre 138, et 160 abstentions.

« Article premier. – Est déclarée d'utilité publique la construction d'une église sur la colline de Montmartre, conformément à la demande qui en a été faite par l'archevêque de Paris dans sa lettre du 5 mars 1873 adressée au Ministre des Cultes. Cette église, qui sera construite exclusivement avec des fonds provenant de souscriptions, sera à perpétuité affectée à l'exercice public du culte catholique.
Article 2. – L'emplacement de cet édifice sera déterminé par l'archevêque de Paris, de concert avec le préfet de la Seine, avant l'enquête prescrite par le titre II de la loi du 3 mai 1841.
Article 3. – L'archevêque de Paris, tant en son nom qu'au nom de ses successeurs, est substitué aux droits et obligations de l'administration, conformément à l'article 63 de la loi du 3 mai 1841, et autorisé à acquérir le terrain nécessaire à la construction de l'église et à ses dépendances, soit à l'amiable, soit, s'il y a lieu, par la voie de l'expropriation…
»
Texte de loi voté le 24 juillet 1873 et paru le lendemain au Journal Officiel.
Le 31 juillet, faisant suite à cette sanction nationale, un Bref de Pie IX adressé au cardinal Guibert approuve de nouveau l'Œuvre et la construction prochaine du sanctuaire. Le Saint Père apporte en cette occasion une offrande personnelle de 20.000 francs pour la construction de l'église.

« Quelle joie a été la Nôtre en apprenant que l'Assemblée nationale, favorisant les pieux désirs du peuple, avait voté une loi pour la construction d'un temple sur le point le plus élevé de Paris, qui montrera à tous, d'âge en âge, que la France, au milieu de ces temps de trouble et d'hostilité contre la Religion, s'est de nouveau consacrée à Dieu par un hommage général et solennel, et s'est plus étroitement unie à lui ! Nous ne doutons pas que l'annonce d'une si grande chose, qui semble devoir ramener la France à son ancien honneur de fille aînée de l'Eglise, n'apporte une très douce satisfaction aux catholiques, et Nous n'hésitons pas à croire à leur empressement pour concourir de tous leurs moyens à l'exécution de ce projet, afin que l'édifice sacré, par sa majesté, reproduise de quelque manière la grandeur de l'événement. Dieu qui a mis dans les âmes un si noble dessein, vous viendra en aide, vénérable frère, et vous donnera les forces et les ressources nécessaires pour entreprendre et achever un monument qui réponde à l'abondante miséricorde du ciel et soit digne de la reconnaissance de votre patrie. »
Pie IX, extrait du Bref du 31 juillet 1873, in R.P. Jonquet et F. Veuillot, Montmartre Autrefois et Aujourd'hui, Paris, Bloud et Gay, 1920.


1874-1914 : Construction

1874

Du 1er février au 30 juin, un concours public a été ouvert en vue d'élire le meilleur projet de construction de la basilique qui doit être érigée sur la butte Montmartre. Soixante-dix-huit projets sont ainsi déposés, et exposés aux Champs-Elysées, dans les salles du Palais de l'Industrie.

Le 28 juillet, après de longues délibérations, c'est le projet de Paul Abadie (1812-1884), l'architecte restaurateur de la cathédrale Saint-Front à Périgueux et de celle d'Angoulême, qui, dans un style romano-byzantin, retient finalement les suffrages.

« Le cardinal-archevêque de Paris m'a définitivement désigné pour la construction de l'église du Sacré-Cœur. Ce sera ma dernière, mais ma plus rude tâche. Je l'accepte sans joie, presque avec peur, mais j'obéirai ! Celui qui m'a inspiré, qui m'a poussé dans la voie du concours me soutiendra, me donnera la force nécessaire à l'accomplissement de sa volonté. J'y crois, j'y compte, et je le prie de ne pas m'abandonner. Je pleure en vous écrivant ces lignes, je pleure de reconnaissance, de crainte, et je ne sais quels sentiments se heurtent dans ma tête et gonflent mon cœur.
J'obéirai.
Vous serez surpris, Monseigneur, de trouver en moi de la tristesse et non de la joie. Votre cœur et votre raison vous expliqueront le mystère devant lequel je reste tout pensif, mais au fond bien heureux. C'est le moment de répéter votre devise : "Sursum corda !". Je ne l'ai pas oubliée, et je ne l'oublierai pas. Elle me rappellera Dieu et vous.
»
Lettre de Paul Abadie à l'évêque d'Angoulême, juillet 1874.



Le Journal Illustré, 9 août 1874



1875

Au cours de la seconde quinzaine de mai, démolisseurs et terrassiers se mettent à l'œuvre sur le chantier de la basilique sur la butte Montmartre.

Le 30 mai, dans la lettre pastorale qui annonce la bénédiction et la pose de la première pierre de la basilique pour le 16 juin suivant, l'archevêque de Paris Mgr Guibert tente d'apaiser les querelles politiques et religieuses qui se raniment à la perspective de cette cérémonie :

« Nous ne pouvons nous dispenser de répondre en quelques mots aux fausses et malveillantes interprétations que certains organes de l'opinion donnaient naguère à la cérémonie projetée à Montmartre. Sans doute nous ne saurions nous étonner de l'hostilité que rencontre notre entreprise auprès des ennemis de la religion : cette opposition en démontre mieux que tout autre argument l'utilité et l'excellence. Mais ce que nous ne devons pas tolérer, c'est qu'on ose attribuer un caractère politique à une pensée toute de foi et de piété. La politique a été et sera toujours loin, bien loin de nos inspirations : l'œuvre est née au contraire de la conviction profonde que la politique est tout à fait impuissante à guérir les maux de notre pays. Les causes de ces maux sont morales et religieuses ; les remèdes doivent être pris dans le même ordre, et si nous invitions la France à porter auprès du Cœur de Jésus-Christ un suprême recours, c'est que nous ne voyons de salut pour elle dans aucun des moyens dont la sagesse humaine dispose.
Il y a un autre motif non moins décisif qui nous fait écarter de notre entreprise toute idée politique : c'est que la politique divise, tandis que notre œuvre a pour but : l'union. Le Cœur de Jésus est un rendez-vous pacifique, où nous convions tous nos frères à venir chercher avec nous la vérité dans la charité, veritatem facientes in caritate. Ce que nous demandons à ce Cœur adorable, c'est la conversion de la France, non la conversion à telles ou telles opinions, mais sa conversion, ou plutôt, son retour à la foi chrétienne, aux espérances éternelles, à l'amour de Dieu, qui embrasse et comprend aussi l'amour des hommes. Ainsi la pacification sociale est au terme de l'œuvre dont nous poursuivons la réalisation, et le temps viendra, nous en avons la ferme confiance, où ceux mêmes qui se montrent hostiles aujourd'hui, viendront se prosterner et prier dans le sanctuaire du Sacré-Cœur : là, ils pleureront avec nous sur les malheurs de notre patrie, avec nous ils imploreront pour elle la protection du Ciel et ils recevront la révélation de cette charité divine qui rapproche les cœurs, qui éteint les haines et guérit toutes les blessures.
»
Mgr Guibert, lettre pastorale du 30 mai 1875, in Paul Lesourd, La Butte sacrée – Montmartre des origines au XXe siècle, Paris, Spes, 1937, Notes.
Le 16 juin, la première pierre est solennellement posée et bénie par Mgr Guibert, et les travaux sont entrepris suivant les plans de l'architecte Paul Abadie. Ces travaux, financés par une large souscription nationale, se poursuivront de 1876 à 1912.



Souvenir du 16 juin 1875
Ed. Mme Saudinos, Paris



Souvenir du 16 juin 1875
Vve Saudinos-Ritouret, Paris

(verso)



Souvenir du 16 juin 1875
Ch. Letaille, Paris











Le Monde Illustré, 26 juin 1875
Mgr Guibert, archevêque de Paris



Le Monde Illustré, 26 juin 1875
Pose de la première pierre



Portrait de M. Abadie
Truelle et marteau de la cérémonie
La foule dispersée par la pluie




Le Monde Illustré, 26 juin 1875
Cérémonie de bénédiction


1876

Le 3 mars, le cardinal Guibert inaugure la chapelle provisoire ouverte à proximité de la future basilique, répondant ainsi au vœu formulé par Pie IX à M. Lagarde, vicaire général de Paris : « La construction de l'édifice sera bien longue, il faudrait que la prière puisse commencer à Montmartre avant son achèvement ». La chapelle est confiée aux Oblats de Marie Immaculée - congrégation dont Mgr Guibert fait lui-même partie – et trouve en Laurent-Achille Rey O.M.I. (1828-1911) son premier chapelain. Dès lors, toutes les paroisses et institutions de la capitale s'y succèdent, bientôt suivies par celles des provinces françaises. Les annales de l'Œuvre enregistrent à la fin de l'année 206 pèlerinages, soit plus de 140.000 pèlerins venus s'y recueillir.

« Il y a en fait deux façons d'entendre le christianisme. Il est des âmes qui, dans toute la pratique habituelle, envisagent Dieu surtout comme un maître, attentives à ses droits, marchant sous l'œil de sa justice, pénétrées de sa crainte. Ces âmes ne dépassent guère dans leurs déterminations intimes l'idée sévère du devoir. Toutes leurs préoccupations, toutes leurs ambitions surnaturelles se résument et s'enferment pour ainsi dire dans un mot, le salut. Comment faire mon salut ? C'est bien là, mais dans un sens étroit et craintif, la question du jeune homme de l'Evangile : « Que faut-il faire pour m'assurer la possession de la vie éternelle ? » Blâmerons-nous cette religion pratique ? Non pas absolument, car la crainte de Dieu est le commencement de la sagesse, car cette crainte, chez les âmes qui nous occupent, n'est point absolument servile ; elle implique un imparfait mais suffisant amour… Disons néanmoins qu'il serait périlleux de s'en tenir par système à cette sagesse initiale […]. Disons surtout que dans ce christianisme tout de justice et de crainte, Jésus-Christ trouve à peine sa place, mais que son Cœur ne se montre nulle part : religion sans élan ni flamme, vie surnaturelle contrainte et anxieuse, sorte de voyage laborieux au bord des abîmes, à travers un paysage sans soleil.
Et maintenant rendons sa place à Jésus-Christ, au grand oublié que le démon efface cruellement et subtilement de la pensée chrétienne. Qu'il se lève sur la vallée de notre pèlerinage, cet Orient divin, ce soleil de justice et de vie. Qu'il se montre à nous comme il se montra jadis à la bienheureuse vierge de Paray, qu'il nous dise comme à elle : « Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes ! »
Que se passe-t-il ? Tout demeure, et cependant tout est changé. La sagesse initiale subsiste tout entière. Ni Dieu n'est moins souverain, ni sa justice moins exacte, ni sa colère moins redoutable. Le devoir parle toujours ; le salut reste la grande affaire, l'unique affaire. Et cependant tout a pris un aspect, nouveau : tout rit, tout s'éclaire, tout s'échauffe sous le rayon du ciel. Pourquoi donc ? Ah ! c'est que l'amour a fait son apparition dans le monde, l'amour de Dieu manifesté dans un Cœur d'homme, l'amitié, la fraternelle amitié d'un Dieu nous poursuivant, j'allais dire nous harcelant de ses avances et implorant le retour, oui l'implorant en même temps qu'elle le requiert de plein droit et en toute rigueur de justice. Le Maître dit toujours du haut de son Sinaï et parmi les éclats du tonnerre : « Tu m'adoreras et tu me serviras moi seul », mais l'Ami me dit tout bas à l'oreille : "0 mon fils, donne-moi ton cœur. » Et moi que répondrai-je à cette voix de l'amitié, à cette voix des larmes, à cette voix du sang, à cette voix du Cœur d'un Dieu ? « Il m'a aimé, il s'est livré pour moi. » Et moi suis-je libre encore? Entre lui et moi ce n'est plus seulement affaire de justice, non, c'est affaire de délicatesse, de générosité, de haute et cordiale courtoisie. La grande question se pose toujours : « Que faire pour m'assurer la possession de la vie éternelle ? » Mais une autre la complète, la domine, la transforme : « Que rendrai-je à celui qui m'a tant aimé ? » Dès lors ma religion s'épure, ma vie surnaturelle s'embellit et s'anime, mon christianisme s'élève et s'élargit. Ce n'est plus seulement entre Dieu et moi une relation d'empire et de dépendance ; non, c'est un échange de procédés nobles, une réciprocité, une rivalité de sacrifice, un commerce d'amitié délicate, abnégation pour abnégation, dévouement pour dévouement, amour pour amour.
La voilà la religion vraie, complète, pratique et généreuse ; la voilà telle que le Sacré-Cœur de Jésus la résume et la propose. Plaignons ceux qui l'ignorent ou la méconnaissent, plaignons encore plus ceux qui la blasphèment ; et par nos prières et les démarches de notre zèle efforçons-nous de la faire goûter à tous nos frères.
»
R.P. Longhaye S.J., allocution adressée aux élèves de l'école Sainte-Geneviève dans la Chapelle provisoire de Montmartre, le 18 avril 1880, in R.P. X. de Franciosi, La Dévotion au Sacré-Cœur de Jésus et au Saint-Cœur de Marie, Nancy, Le Chevallier Frères, 1885.



3 mars 1876, Inauguration de
la chapelle provisoire
Saudinos-Ritouret, Paris



La chapelle provisoire
Pierre Petit, Paris



3 mars 1876, Inauguration de
la chapelle provisoire
Saudinos-Ritouret, Paris



A partir du 18 avril 1876, le premier vendredi de chaque mois, le Saint Sacrement est exposé dans la chapelle provisoire de sept heures du matin à quatre heures du soir.

Le 24 mai, le cardinal Guibert signe l'adoption du projet concernant les travaux préalables de fondations, nécessaires à l'élévation de la basilique du Sacré Cœur. Le traité avec l'entrepreneur M. Rifaut est signé deux jours plus tard, et le 5 juin ces travaux peuvent enfin commencer. Ils dureront à eux seuls près de deux ans, nécessitant une dépense de plus de 4 millions de francs.

1879

A partir du 1er juin, le Père Laurent-Achille Rey (1828-1911), premier chapelain de la basilique du Sacré-Cœur, organise une adoration quotidienne devant le tabernacle de la chapelle provisoire, de six heures du matin à six heures du soir.

1881

En janvier, le Père Rey fait part de son souhait de voir se multiplier les adorateurs devant le Saint Sacrement exposé en la chapelle provisoire de la butte Montmartre :

« Nous avons le bonheur de constater que Notre-Seigneur est bien rarement seul, mais nous voudrions qu'il ne le fût jamais ! Nous voudrions aussi que Paris ne fût pas seul à payer cette dette de reconnaissance, de réparation et d'amour ; nous voudrions que toute personne pieuse qui vient à la capitale, vînt jusqu'à Montmartre adorer Notre-Seigneur, lui rendre hommage de la manière qu'il a désignée lui-même comme lui étant particulièrement agréable. La France viendrait, ainsi, se prosterner au pied de Jésus Amour ; et le Cœur si aimant de notre bon Sauveur ne résisterait pas à cette humble mais généreuse manifestation. »
Au cours des nuits des 27 et 28 février, à l'occasion du carnaval, deux nuits d'adoration réparatrice sont organisées, qui regroupent 11 adorateurs le 27, et 19 la nuit suivante. Plusieurs autres adorations nocturnes suivront, jusqu'en juin où 27 nuits d'adoration seront organisées pour ce seul mois. Les élections approchant, et le gouvernement s'alarmant de ces réunions nocturnes en lesquelles il croit voir la préparation d'un complot contre la sécurité de l'Etat, le cardinal Guibert demande au Père Rey de suspendre provisoirement les adorations de nuit. Elle reprendront le 29 mai 1882, et seront alors poursuivies sans interruption jusqu'au transfert dans la grande Basilique le 1er août 1885.

Le 21 avril, le cardinal Guibert célèbre la première Messe dans la chapelle Saint-Martin de la crypte de la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre.



Le Monde Illustré, 1880


1882

Le 30 juin a lieu à la Chambre des députés la discussion du projet de loi déposé par M. Delattre visant le retrait de la loi du 24 juillet 1873, qui reconnaissait d'utilité publique la construction de la Basilique du Sacré-Coeur. Clemenceau déclare à cette occasion que cette loi est « une loi de provocation et de défi dirigée non seulement contre la ville de Paris, contre la capitale de la France républicaine, mais contre la France toute entière. » Il ajoute : « On a voulu imposer à la France le culte du Sacré-Cœur comme un culte de pénitence et de contrition. […] On a prétendu nous signifier d'avoir à demander pardon d'avoir combattu comme nous combattrons encore pour les droits de l'homme, d'avoir à nous repentir d'avoir fait la Révolution française. » Par 261 voix contre 199, la Chambre vote la prise en considération de la demande de M. Delattre.

Le 18 juillet, le cardinal Guibert envoie aux membres de la commission chargée d'examiner le projet de loi une très longue lettre rendue publique, en laquelle il réfute les arguments avancés par les anticléricaux. Il insiste notamment sur la nécessité qu'il y aura de rembourser les sommes offertes par les trois millions de donateurs en cas de démolition de l'édifice. « Voilà un projet qui coûterait cher au pays. Si l'on demandait au Parlement d'imposer cette charge aux contribuables pour démolir une église qui ne gêne personne, qui sera un des plus beaux monuments de la capitale, il est permis de douter que le suffrage de ceux qui paient fût disposé à ratifier une si étrange décision. » Cette lettre – et sans doute ce dernier argument - produiront l'effet attendu, et le projet de loi restera sans suite.



L'Illustration, 16 septembre 1882


1883

Le 1er mai, l'exposition diurne du Saint Sacrement devient quotidienne en la chapelle provisoire de la butte Montmartre. Elle s'arrête alors à quatre heures du soir. L'adoration ne deviendra véritablement perpétuelle, sans interruption entre celle effectuée de jour et l'adoration nocturne, que lors de son transfert en la basilique le 1er août 1885.

En juin, une statue du Christ au bras ouverts est inaugurée sur le futur emplacement du maître-autel de la basilique du Sacré-Cœur à Montmartre.

1884

Le 2 août, mort de Paul Abadie, architecte de la basilique. Le Comité de l'Œuvre, parmi toutes les candidatures déposées par les architectes désireux de lui succéder, retient finalement celle d'Honoré Daumet (1826-1911), professeur à l'Ecole des Beaux-Arts. Mais l'indépendance de ce dernier vis-à-vis des décisions du Comité, et les excès de dépenses engagées dans les travaux amèneront une séparation à l'amiable en novembre 1886. Lui succéderont Charles Laisné (1819-1891), également professeur à l'Ecole des Beaux-Arts, puis Henri-Pierre Rauline (1846-1915), ancien inspecteur des travaux formé par Paul Abadie et auteur du grand dôme, Lucien Magne (1849-1916), auteur du campanile et – avec son fils Henri-Marcel Magne (1877-1946) – de la grande mosaïque du chœur et des vitraux, et enfin Jean-Louis Hulot.

1885

Le 1er août, le Saint-Sacrement est exposé pour la première fois à la basilique du Sacré-Cœur. C'est l'établissement définitif de l'adoration perpétuelle, qui n'a jamais cessé depuis. La création du Comité de l'Adoration diurne des Dames l'année suivante, sous la présidence de Mme Legentil, permettra aux femmes de rejoindre l'adoration qui était jusqu'alors strictement masculine.

Le Père François Voirin (1836-1898) remplace le Père Rey au poste de Supérieur des chapelains de la basilique.

1886

Le 8 juillet, décès de Mgr Guibert. Son coadjuteur Mgr François Richard de La Vergne (1819-1908) lui succède à l'archevêché de Paris.

Le 19 novembre, première cérémonie d’inauguration pour la partie achevée de la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, avec bénédiction solennelle des deux absides (de la crypte et de l'église haute) par le cardinal Benoît Langénieux (1824-1904), archevêque de Reims et ancien vicaire général de Mgr Guibert, entouré de seize évêques, de deux cents prêtres et d’une foule de 3.000 fidèles.



Le Monde Illustré, 17 juillet 1886



Le Monde Illustré, 17 juillet 1886
Etat des travaux



Le Monde Illustré, 17 juillet 1886
Mort de Mgr Guibert




1886, souvenir de pèlerinage



Quelques cartes postales d'illustration
1890-1900





L'Illustration, 7 juin 1890


1891

Le 5 juin, jour de la fête du Sacré-Cœur, bénédiction et inauguration solennelle de la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre – à laquelle il ne manque que le grand dôme - par Mgr Richard, cardinal-archevêque de Paris, assisté par trois cardinaux et par quatorze archevêques ou évêques, et en présence de cinquante-trois curés de Paris et cinq cents prêtres. Dans l'assistance, on remarque Mme la comtesse de Paris, M. le duc d'Alençon, les sénateurs MM. Chesnelong, de Kerdrel, Wallon, les députés MM. Cazenoves de Pradines, Comte de Mun, Thellier de Poncheville... A cette occasion est lue en chaire par M. le vicaire général Caron une lettre adressée par Léon XIII à Mgr Richard :

« Chers Fils,
Salut et bénédiction apostolique,
Très agréable a été pour Nous la nouvelle que nous ont apportée vos lettres du 28 avril. Vous Nous y annoncez que la construction du temple, que les fidèles de la France entière, dans une pensée d'expiation nationale et pour implorer le secours divin en faveur de leur patrie, avaient fait vœu, il y a vingt ans, d'élever sur le mont des martyrs, à Notre-Seigneur Jésus-Christ nous révélant son Cœur, se trouvait, grâce aux offrandes de toute la nation française, assez avancée pour qu'il pût dès maintenant être ouvert au culte public : et que vous avez décidé que le 5 du mois de juin prochain, jour consacré à honorer le divin Cœur, la bénédiction en serait faite solennellement selon les rites prescrits par l'Eglise. Et vous souvenant que Notre prédécesseur d'heureuse mémoire, Pie IX, approuvant le vœu public et le prenant sous ses auspices, avait accordé aux premiers débuts de l'œuvre les encouragements de sa piété et de son affection, vous avez cru devoir Nous prier d'accompagner pareillement la dédicace, qui doit incessamment s'accomplir, du témoignage de Notre affection et des dons sacrés de notre puissance.
C'est une grande joie pour Nous, cher Fils, que de voir s'élever ainsi, dans votre pays, en un lieu si célèbre, ce temple votif, monument insigne attestant la foi et la piété de la nation française, dont l'attachement à la religion de ses pères s'est, de tout temps, affirmé par l'illustres exemples. C'est pour Nous une joie qu'au sein du même peuple, où rayonnèrent les vertus de la bienheureuse habitante du ciel, disciple du divin Cœur et propagatrice de sa gloire, cette très pieuse dévotion prenne de nouveaux accroissements et se recommande à la postérité par l'exécution d'une si grande œuvre. Et ce qui augmente encore cette joie, ce sont les fruits de salut que promet une telle œuvre ; c'est la ferme confiance où nous sommes de voir le Christ Notre-Seigneur prendre de pareils adorateurs de son Cœur sous sa divine protection et sa perpétuelle sauvegarde.
Mais, à la vue de ces excellentes dispositions de la nation française, en ce qui touche la religion, Nous formons surtout un souhait : c'est que, de même que la pieuse union de tous les fidèles de France s'est merveilleusement signalée en faisant sortir de terre la masse imposante de ce temple votif, l'union de toutes les volontés s'affirme aussi et se fortifie pour défendre, au sein de la patrie, l'existence et la cause de la religion catholique ; qu'imposant silence à ces rivalités de partis, dans lesquelles s'amoindrit la force des bons et s'accroît celle des méchants, tous réunissent leurs pensées et leurs efforts pour maintenir l'honneur d'une nation, à qui l'illustre vertu de ses aïeux a valu, dans l'Eglise, une telle dignité et un nom si glorieux. De toutes les ambitions, de toutes les politiques, c'est là, en effet, la plus noble, celle à laquelle nous sommes conviés par la voix même de la divine vérité, quand elle nous enseigne qu'il faut chercher avant tout le royaume de Dieu et sa justice, et qu'elle nous recommande d'attendre, de là, la récompense par laquelle Dieu rémunère, non seulement dans le ciel, mais même dès cette terre, la pratique de la piété et de la justice et le zèle de sa gloire.
Ces avis, que Nous inspire, à votre égard, la tendresse paternelle de Notre cœur seront, Nous en avons la confiance, accueillis par les fidèles de France avec les sentiments que Nous avons toujours reconnus en des fils si pleins d'amour et si chers à notre affection. […] Enfin, Nous ne pouvons terminer sans tourner, vers le Christ, notre Seigneur et notre Dieu, qui est la vie et la force des cœurs, et qui promet de consoler ceux qui travaillent et qui gémissent sous leurs fardeaux, les vœux les plus intimes de Notre âme, afin qu'il accueille les hommages de votre religion et de votre piété avec indulgence et miséricorde et, qu'ouvrant les trésors de sa bonté, il répande, sur vous et sur toute votre patrie, les dons les plus abondants de paix, de salut et de prospérité.
Nous voulons que vous ayez l'augure de ces faveurs célestes, comme aussi le gage de Notre sincère bienveillance dans la Bénédiction apostolique qu'à vous, cher Fils, à tout le clergé et à tous les fidèles de la France, nous accordons avec toute la tendresse de Notre cœur.
Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 5 mai de l'année 1891, de Notre pontificat de quatorzième.
Léon XIII, Pape.
»
Le Messager du Cœur de Jésus, Tome LXe, Juillet 1891.



Le Soleil du Dimanche, 14 juin 1891



Le Journal Illustré, 14 juin 1891



Annales Politiques et Littéraires
Supplément, 7 juin 1891



1892

Le 14 juillet, le Comité du Vœu National fait placer sur la basilique Montmartre au côté du drapeau tricolore une croix électrique visible de tout Paris. « Il était beau et doux à contempler, le signe sacré de notre rédemption, brillant dans le ciel au milieu de la nuit, éclairant de ses reflets le drapeau national dont la basilique était pavoisée » écrira le journal Le Monde le 18 juillet suivant.



L'Illustration, 9 juin 1894


1895

Le 20 novembre, une cloche de 19 tonnes (la plus grosse de France) fondue en 1891 à Annecy et offerte par la Savoie à la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre est baptisée par Mgr Richard sous le nom de Françoise-Marguerite-Marie du Sacré-Cœur de Jésus. Le Père Jacques Monsabré (1827-1890) déclare à cette occasion : « Puisse-t-elle bientôt sonner le pardon de Dieu, le réveil de la France et les gloires du Sacré-Cœur ! ». La Savoyarde – ainsi nommée - prendra possession le 13 mars 1907 de l'emplacement qui lui était réservé au bas du campanile, juste au-dessus de la coupole de la chapelle de la Sainte Vierge.



L'Illustration, 19 octobre 1895



La Savoyarde
Baptisée le 20 novembre 1895



La Savoyarde
Montage le 16 octobre 1895



La Savoyarde
Baptisée le 20 novembre 1895




Coupelle souvenir




Le Pèlerin
Courrier des Bonnes Œuvres
21 juin 1896



Carte postale v.1896



Photo ancienne sepia, v.1896



Carte postale v.1896




L'Illustration, 12 juin 1897



L'Illustration, 12 juin 1897



Tract juin 1898
(verso)



1898

Le 16 décembre, bénédiction et pose de la clef de voûte du grand dôme de la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre.

1899

Le 17 octobre, pose et bénédiction de la Croix du grand dôme de la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre par Mgr Richard.



L'Illustration, 21 octobre 1899



L'Illustration, 21 octobre 1899


1900

Le 23 juin, inauguration du dôme de la basilique du Sacré-Cœur.



Carte postale, v.1900



Photo ancienne sepia, v.1900



Photo ancienne sepia, v.1900



Carte postale, v.1900



1902

Publication du livre Les Cordicoles de Gustave Téry, qui attaque la basilique en assimilant l'Eglise et la contre-révolution, et mélangeant religion et politique. "Le christianisme, c'est Dieu fait Homme, le socialisme, c'est l'Homme fait Dieu, Cordicole ou socialiste, il faut choisir !" écrit-il, en proposant de transformer la basilique en Palais du Peuple.
La même année, la revue La Lanterne, journal violemment anticlérical et républicain alors dirigé par Victor Flachon, publie l'affiche d'Eugène Ogé (1861-1936) - reproduite ci-dessous en carte postale. La formule « Voilà l’ennemi » fait référence au discours de Léon Gambetta le 4 mai 1877 à la Chambre des députés qui, reprenant les paroles de son ami Peyrat en 1863, s’exclama à la tribune : « le cléricalisme, voilà l’ennemi ! ». Plus de détails sur le site l’Histoire par l’Image.



Carte postale éditée par La Lanterne en 1902


1904

Le 30 mai, la proposition de Victor Dejeante (1850-1927), membre du Parti ouvrier socialiste révolutionnaire et député de Belleville, est adoptée par 306 voix contre 231 : « La loi du 31 juillet 1873 consacrant comme œuvre nationale la France au Sacré-Cœur est abrogée ». Cette décision ne remet pas en cause la construction de la basilique, en voie d'achèvement.



Titre de participation, 1903




Le Pèlerin n°1432, 12 juin 1904
Dessin d'Edouard-Auguste Carrier



Carte de la Libre Pensée, 1905



Carte de la Libre Pensée, 1905




Montage de la Savoyarde au clocher
13 mars 1907



Souvenir de la Savoyarde, 1907




Achèvement du Campanile, 1910



Achèvement du Campanile, 1910



1912

Le 6 avril, le campanile de la basilique du Sacré-Cœur étant achevé, a lieu la pose de la croix du lanternon de la flèche conique.


Suite : Consécration de la Basilique en 1919




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