7. Nouvelle expansion - La dévotion au XX° siècle : 1870 à nos jours
1876 : Dans la nuit du 14 au 15 février, première apparition de la Vierge à Estelle Faguette (†1929) à Pellevoisin, dans l'Indre. Celle-ci est guérie miraculeusement de sa péritonite tuberculeuse et de la phtisie à la suite d'une nouvelle apparition le 19 février suivant (Mgr Vignancourt, archevêque de Bourges, a reconnu officiellement le 8 septembre 1983 le caractère miraculeux de la guérison). La Vierge lui rend de nouveau visite à partir du 1° juillet, et à plusieurs reprises jusqu'au 8 décembre. Le 9 septembre, soulevant une pièce de laine qu'elle porte sur la poitrine, elle laisse apparaître un Cœur rouge, le scapulaire du Sacré-Cœur, qu'elle portera également au cours des prochaines apparitions. "J'aime cette dévotion" dit-elle à Estelle Faguette, la chargeant de la promouvoir : "Je veux voir cette livrée sur la poitrine de tous mes enfants… Qu'ils s'appliquent à réparer les outrages que mon Fils reçoit dans le sacrement de son amour". Le "scapulaire de Pellevoisin" sera approuvé par un décret de la Congrégation des Rites le 4 avril 1900 : deux morceaux de laine blanche rattachés l'un à l'autre par deux cordons, l'un portant un cœur de laine rouge avec les emblèmes caractéristiques, l'autre une image de la Vierge et l'inscription "Mater misericordiae". Il s'agit du seul scapulaire du Sacré-Cœur autorisé par décret du Saint-Office.
Sur ces années 1879-1907 : le Parti républicain au pouvoir
Dans les derniers jours de février, Mère Saint-Dominique (†1888), religieuse Dominicaine du diocèse de Saint-Dié qui se trouve en prière pour les Quarante-Heures devant le Saint Sacrement de l'église paroissiale de Mirecourt, est gratifiée d'une vision intérieure. Elle voit la basilique du Sacré-Cœur achevée, en même temps que le Seigneur s'adresse à elle et lui fait part de son désir de voir le Saint Sacrement exposé jour et nuit. Avec l'accord de ses supérieurs religieux, elle viendra s'établir à Montmartre afin de travailler à l'organisation de l'Adoration perpétuelle dans le sanctuaire du Sacré-Cœur.
« Il m'a été dit qu'Il voulait que son Cœur fût perpétuellement adoré dans l'Eucharistie et exposé jour et nuit dans une chapelle provisoire en attendant la construction de la basilique élevée à Montmartre, au nom de la France, comme centre de réparation nationale et lieu de rendez-vous de la Miséricorde et de la Justice divines, pour apporter la paix à la France, à l'Eglise et même au monde entier. »
Mère Saint-Dominique, relation de la vision des 27-28-29 février 1876, in Paul Lesourd, La Butte sacrée - Montmartre des origines au XX° siècle, Paris, Spes, 1937.
Le 3 mars, le cardinal Guibert inaugure la chapelle provisoire ouverte à proximité de la future basilique, répondant ainsi au vœu formulé par Pie IX à M. Lagarde, vicaire général de Paris : "La construction de l'édifice sera bien longue, il faudrait que la prière puisse commencer à Montmartre avant son achèvement". La chapelle est confiée aux Oblats de Marie Immaculée - congrégation dont Mgr Guibert fait lui-même partie - et trouve en Laurent-Achille Rey O.M.I. (1828-1911) son premier chapelain. Dès lors, toutes les paroisses et institutions de la capitale s'y succèdent, bientôt suivies par celles des provinces françaises. Les annales de l'Œuvre enregistrent à la fin de l'année 206 pèlerinages, soit plus de 140.000 pèlerins venus s'y recueillir.
« Il y a en fait deux façons d'entendre le christianisme. Il est des âmes qui, dans toute la pratique habituelle, envisagent Dieu surtout comme un maître, attentives à ses droits, marchant sous l'œil de sa justice, pénétrées de sa crainte. Ces âmes ne dépassent guère dans leurs déterminations intimes l'idée sévère du devoir. Toutes leurs préoccupations, toutes leurs ambitions surnaturelles se résument et s'enferment pour ainsi dire dans un mot, le salut. Comment faire mon salut ? C'est bien là, mais dans un sens étroit et craintif, la question du jeune homme de l'Evangile : "Que faut-il faire pour m'assurer la possession de la vie éternelle ?" Blâmerons-nous cette religion pratique ? Non pas absolument, car la crainte de Dieu est le commencement de la sagesse, car cette crainte, chez les âmes qui nous occupent, n'est point absolument servile ; elle implique un imparfait mais suffisant amour… Disons néanmoins qu'il serait périlleux de s'en tenir par système à cette sagesse initiale […]. Disons surtout que dans ce christianisme tout de justice et de crainte, Jésus-Christ trouve à peine sa place, mais que son Cœur ne se montre nulle part : religion sans élan ni flamme, vie surnaturelle contrainte et anxieuse, sorte de voyage laborieux au bord des abîmes, à travers un paysage sans soleil.
Et maintenant rendons sa place à Jésus-Christ, au grand oublié que le démon efface cruellement et subtilement de la pensée chrétienne. Qu'il se lève sur la vallée de notre pèlerinage, cet Orient divin, ce soleil de justice et de vie. Qu'il se montre à nous comme il se montra jadis à la bienheureuse vierge de Paray, qu'il nous dise comme à elle : "Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes !"
Que se passe-t-il ? Tout demeure, et cependant tout est changé. La sagesse initiale subsiste tout entière. Ni Dieu n'est moins souverain, ni sa justice moins exacte, ni sa colère moins redoutable. Le devoir parle toujours ; le salut reste la grande affaire, l'unique affaire. Et cependant tout a pris un aspect, nouveau : tout rit, tout s'éclaire, tout s'échauffe sous le rayon du ciel. Pourquoi donc ? Ah ! c'est que l'amour a fait son apparition dans le monde, l'amour de Dieu manifesté dans un Cœur d'homme, l'amitié, la fraternelle amitié d'un Dieu nous poursuivant, j'allais dire nous harcelant de ses avances et implorant le retour, oui l'implorant en même temps qu'elle le requiert de plein droit et en toute rigueur de justice. Le Maître dit toujours du haut de son Sinaï et parmi les éclats du tonnerre : "Tu m'adoreras et tu me serviras moi seul", mais l'Ami me dit tout bas à l'oreille : "0 mon fils, donne-moi ton cœur." Et moi que répondrai-je à cette voix de l'amitié, à cette voix des larmes, à cette voix du sang, à cette voix du Cœur d'un Dieu ? "Il m'a aimé, il s'est livré pour moi." Et moi suis-je libre encore? Entre lui et moi ce n'est plus seulement affaire de justice, non, c'est affaire de délicatesse, de générosité, de haute et cordiale courtoisie. La grande question se pose toujours : "Que faire pour m'assurer la possession de la vie éternelle ?" Mais une autre la complète, la domine, la transforme : "Que rendrai-je à celui qui m'a tant aimé ?" Dès lors ma religion s'épure, ma vie surnaturelle s'embellit et s'anime, mon christianisme s'élève et s'élargit. Ce n'est plus seulement entre Dieu et moi une relation d'empire et de dépendance ; non, c'est un échange de procédés nobles, une réciprocité, une rivalité de sacrifice, un commerce d'amitié délicate, abnégation pour abnégation, dévouement pour dévouement, amour pour amour.
La voilà la religion vraie, complète, pratique et généreuse ; la voilà telle que le Sacré-Cœur de Jésus la résume et la propose. Plaignons ceux qui l'ignorent ou la méconnaissent, plaignons encore plus ceux qui la blasphèment ; et par nos prières et les démarches de notre zèle efforçons-nous de la faire goûter à tous nos frères. »
R.P. Longhaye S.J., allocution adressée aux élèves de l'école Sainte-Geneviève dans la Chapelle provisoire de Montmartre, le 18 avril 1880, in R.P. X. de Franciosi, La Dévotion au Sacré-Cœur de Jésus et au Saint-Cœur de Marie, Nancy, Le Chevallier Frères, 1885.
Le 1° avril, fondation par le Père Rey et le cardinal Guibert de la Confrérie du Sacré-Cœur de Jésus, "association de prières et bonnes œuvres établie dans le sanctuaire du Sacré-Cœur, à Montmartre, pour perpétuer la pensée d'expiation, de pénitence et d'invocation qui a inspiré le Vœu national au Sacré-Cœur de Jésus" selon les premiers mots des statuts. Pie IX l'érige en Archiconfrérie le 20 février 1877 - elle compte alors 20.000 inscrits, lui donnant ainsi la capacité de s'agréger d'autres confréries en France. En janvier 1878, le nombre d'associés est déjà passé à 30.000. Le 10 mars 1894, Léon XIII étendra ce privilège au monde entier, lui donnant le titre d'Archiconfrérie du Sacré Cœur de Jésus pour la liberté du Pape et le salut de la Société. Les Associés se partagent alors en trois classes : les simples Associés, les Adorateurs du Sacré Cœur de Jésus (Enfants de France au Sacré Cœur - Femmes de France au Sacré Cœur - Hommes de France au Sacré Cœur), et les Apôtres de la dévotion au Sacré Cœur (Zélateurs - Auxiliaires de l'Apostolat - Prêtres-Apôtres).
« Cœur Sacré de Jésus, je me consacre entièrement à vous ; protégez la Sainte Eglise contre ses ennemis, ayez pitié de la France, et faites que je vous aime chaque jour davantage. »
Consécration des Associés de la Confrérie du Sacré-Cœur, 1876, récitation quotidienne.
A partir du 18 avril, le premier vendredi de chaque mois, le Saint Sacrement est exposé dans la chapelle provisoire de sept heures du matin à quatre heures du soir.
Le 24 avril, Mgr Perraud, archevêque d'Autun, fonde à Paray-le-Monial les Chapelains du Sacré-Cœur, dont le Supérieur est le curé de Paray, et qui sont chargés de desservir la basilique nouvellement créée. Ils emménageront en 1889 dans une maison élevée sur les fondations de l'ancien château abbatial, dont il ne reste qu'une tour (du XVI° siècle) et deux monumentales cheminées à l'intérieur. Les Chapelains se consacrent au ministère paroissial, mais aussi à la révélation des bontés du Cœur de Jésus au travers des missions et des retraites qui leur sont confiées.
Le 24 mai, le cardinal Guibert signe l'adoption du projet concernant les travaux préalables de fondations, nécessaires à l'élévation de la basilique du Sacré Cœur. Le traité avec l'entrepreneur M. Rifaut est signé deux jours plus tard, et le 5 juin ces travaux peuvent enfin commencer. Ils dureront à eux seuls près de deux ans, nécessitant une dépense de plus de 4 millions de francs.
Répondant à l'appel du Bulletin du Vœu National, les derniers diocèses français sont consacrés par leur évêque au Sacré-Cœur.
1877 : Le 6 janvier, Pie IX approuve la fondation de l'Institut des Missionnaires de Marie que Marie de la Passion (Hélène-Marie de Chappotin, 1839-1904, béatifiée le 20 octobre 2002) a souhaité fonder, et les premières Maisons voient le jour à Saint-Brieuc. L'Institut sera rattaché par Léon XIII à l'Ordre Franciscain, dans le Tiers Ordre duquel Marie de la Passion entre le 4 octobre 1882, et le décret d'approbation donné le 11 mai 1896. Les Franciscaines Missionnaires de Marie sont aujourd'hui présentes dans le monde entier.
Pie IX proclame saint François de Sales Docteur de l'Eglise.
« … Ses lettres aussi offrent une très riche moisson ascétique. Et c'est merveille, notamment, comment, plein de l'Esprit de Dieu, et s'approchant de l'Auteur même de la suavité, il a jeté les germes de cette dévotion au Sacré-Cœur de Jésus que, dans nos temps malheureux, nous avons la grande joie de voir merveilleusement propagée au grand profit de la piété. »
Pie IX, extrait du Bref pontifical.
Les 6 et 11 mars, Hubert Rohault de Fleury obtient de Pie IX les encouragements pontificaux et les indulgences qu'il espérait pour la Sainte-Ligue du Vœu National qu'il a créé, contre l'avis du cardinal Guibert. Celui-ci en devient dès lors le protecteur, et en juillet 1878, la ligue compte déjà 15.000 membres. Il leur est demandé "d'accepter généreusement les peines de cette vie et de faire seize communions par an", ainsi que "pour la réussite de l'Œuvre, des prières ferventes et incessantes".
« Le Vœu national présente trois caractères :
La Prédication, qui amène les aumônes nécessaires à la construction et les conversions individuelles qui aideront puissamment, j'en ai la plus ferme conviction, à la conversion nationale ;
La Construction de l'ex-voto ;
Et enfin la Prière, qui, fécondant nos efforts, nous permettra d'arriver à notre but.
La Sainte-Ligue forme cette troisième partie. Elle se recrute surtout parmi les personnes très pieuses, les ecclésiastiques et les monastères. Mais un grand nombre de ces derniers sont empêchés par leur règle d'entrer dans une Confrérie ; nous avons donc pensé que l'affiliation la plus étroite avec notre Archiconfrérie ne suffisait pas, qu'il fallait encore obtenir des grâces pour ceux de nos ligues, et ce sont les plus nombreux, qui ne peuvent pas venir en pèlerinage à Montmartre, qui ne peuvent donner d'argent que très difficilement, qui ne peuvent gagner les indulgences de la Confrérie quoiqu'ils puissent disposer de leurs intentions de prières et de leurs communions… Véritable armée de prières, véritable armée de soutien du Vœu national pour la délivrance du Souverain Pontife et de la France ; les membres de la Sainte-Ligue du Vœu National se consacrent particulièrement au Sacré-Cœur de Jésus pour le glorifier et obtenir la conversion de la France et la délivrance de l'Eglise. »
Hubert Rohault de Fleury, in Paul Lesourd, La Butte sacrée - Montmartre des origines au XX° siècle, Paris, Spes, 1937.
Avec l'assentiment de l'évêque de Soissons et le soutien de Mère Marie du Cœur de Jésus, fondatrice de la Congrégation des Servantes du Cœur de Jésus, le chanoine Léon Dehon fonde à l'institution Saint-Jean de Saint-Quentin la Congrégation des Oblats du Sacré-Cœur. D'étroits liens spirituels rapprocheront longtemps la communauté du P. Dehon et celle de Mère Marie du Cœur de Jésus, installée à Saint-Quentin dès 1873. Supprimée par Rome en décembre 1883, la Congrégation est de nouveau autorisée dès mars 1884, sous le nom de Congrégation des Prêtres du Sacré-Cœur, approuvée par le Saint-Siège le 4 juillet 1905, approbation renouvelée le 5 décembre 1923. C'est une congrégation sacerdotale, dont les membres sont aussi appelés Déhoniens, centrée sur la dévotion au Cœur de Jésus, et qui œuvre dans l'apostolat social, la formation du clergé et du laïcat, et les missions (Afrique et Asie). Jean-Paul II rappellera toute l'actualité de cette mission le 23 juin 1979. Le Père Dehon est également l'auteur de deux volumes d'Etudes en contribution à la préparation d'une Somme doctrinale du Sacré-Cœur de Jésus.
« Il y a heureusement des cœurs qui comprennent l'amour de Notre Seigneur et qui y répondent ; mais leur nombre est bien minime en comparaison de ceux qui ne veulent pas l'entendre ou qui se contentent d'être en apparence ses amis et ses disciples. Pour cette injustice qui lui est faite, Notre Seigneur demande compensation. Il cherche réparation… Que voulait-il par la manifestation de son Cœur, sinon l'amour et la réparation ? Ce désir de son Cœur a-t-il cessé ? Non ! A présent encore et plus que jamais, il cherche des cœurs dont il soit véritablement aimé, des cœurs qui le consolent par une vie pleine de foi, de générosité, de ferveur et d'amour. »
P. Léon Dehon, Directoire spirituel des Prêtres du Cœur de Jésus, p.23.
« L'avenir réserve une plus grande place au Sacré-Cœur dans l'exposition du dogme catholique. Le Sacré-Cœur illuminera tout le dogme chrétien de sa lumière divine. Le signe du Sacré-Cœur ne doit-il pas rayonner sur la science théologique comme sur toute la vie chrétienne ? »
P. Léon Dehon, Etudes, t. II, p. 85.
Le Père Victor Drevon (1820-1880) - fondateur en 1854 de l'Association de la Communion réparatrice - fonde à Paray-le-Monial avec le baron Alexis de Sarachaga (1841-1918), diplomate originaire de Bilbao dont il a fait la connaissance à l'occasion du grand pèlerinage de 1873, la Société du Règne social de Jésus-Christ, appelée également Institut des Fastes Eucharistiques, plus connue aujourd'hui sous son appellation de Hiéron du Val d'Or (Hiéron signifiant en grec "lieu sacré" et Val d'Or ou Orval étant l'ancienne appellation de la vallée de Paray). "La Société des Fastes Eucharistiques, son nom le dit, se propose pour objet de ses travaux l'Histoire triomphale du Règne de Jésus-Christ dans l'Eucharistie et par l'Eucharistie. Préparer cette histoire, la vulgariser, l'utiliser, voilà tout son but." (Le Messager du Cœur de Jésus, juin 1884). Les deux fondateurs unissent leurs efforts pour rassembler en un même lieu ouvrages, tableaux, gravures et objets d'art en rapport avec le culte de la Sainte Eucharistie (cf. en 1889, pour les détails sur la fondation du Musée). La mort du Père Drevon trois ans plus tard (le 8 mars 1880) n'entamera pas l'élan donné à l'Institut, dont un Bref de Léon XIII en date du 16 avril 1888 viendra encourager les travaux :
« La Société des Fastes Eucharistiques fait profession de promouvoir, dans les Etats, l'Empire du Christ, en exaltant l'Auguste Sacrement de l'Eucharistie… Cette entreprise est sans doute excellente ; car, que peut-on faire de plus saint que de s'efforcer d'appeler les nations à rendre hommage à leur Dieu, par l'étude approfondie de cette sublime merveille, en vertu de laquelle le Christ s'unit mystérieusement à chacun des fidèles ! »
Extrait du Bref de Léon XIII, in Le Messager du Cœur de Jésus, tome LXVI, octobre 1894.
Louis Cazottes, professeur de peinture et dessin au collège des PP. Jésuites à Sarlat (Dordogne), fonde à Paray-le-Monial l'école du Sacré-Cœur, école d'art religieux vouée à la décoration et la rénovation des lieux de culte. L'école est transférée peu de temps après à Montricoux (Tarn et Garonne), où des ateliers seront spécialement érigés puis bénis solennellement par l'évêque de Montauban en 1886.
On doit à cette école, outre la décoration de la chapelle particulière des PP. Jésuites à Paray-le-Monial, la rénovation d'un grand nombre de sanctuaires notamment dans le Tarn et Garonne (chapelle Notre-Dame à Lafrançaise, église paroissiale Saint-Félix à Piquecos, …), le Lot, le Tarn, la Dordogne, le Lot-et-Garonne, la Drôme (église paroissiale de Tain en 1888), etc.
Le 14 octobre, la gauche remporte les élections législatives.
1878 : Fondation de la Société des âmes vouées au culte du Sacré-Cœur, agrégée à l'Archiconfrérie du culte perpétuel envers le Sacré-Cœur d'Issoudun, qui a pour but de pénétrer les associés de l'esprit du Cœur de Jésus : esprit d'amour, de simplicité et d'humilité.
Le 17 mars, Mgr d'Appolinie, auxiliaire de Mgr Petitjean évêque de Myriophybe au Japon méridional, consacre le vicariat au Sacré-Cœur de Jésus, sous les yeux des chrétiens de Nagasaki.
1879 : Le 5 janvier, les républicains obtiennent la majorité au Sénat. Le 30 janvier, Mac-Mahon démissionne, et est remplacé par Jules Grévy. Le 31 janvier, les républicains instituent le 14 juillet jour de fête nationale, et la Marseillaise hymne national. Le 21 février, la Chambre vote la démolition des Tuileries.
et les mesures anticléricales
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Le 23 février, l'évêque de Dijon Mgr Rivet (†1884) confie à l'Abbé Cegaut, curé de Saint-Michel de Dijon, la fondation et la direction de l'Association du Sacré-Cœur de Jésus pénitent pour nous, confrérie dont il a approuvé le règlement rédigé par l'Abbé Lalourcey suivant les révélations reçues par Mme Royer, et dont il a choisi le titre au détriment de celui qu'avait mentionné celle-ci comme étant donné par Notre Seigneur lui-même : Association de Prière et de pénitence en union avec le Sacré-Cœur de Jésus (voir au 10 juin 1873). L'association, qui compte rapidement plus de 30.000 membres, est rattachée en 1882 à l'Archiconfrérie du Sacré-Cœur de Montmartre, et dépasse alors les 90.000 membres.
« Je ne puis dire combien le Sacré-Cœur me montre que la pénitence est le point essentiel que toute sa puissance et son amour ne sauraient suppléer. La sainte communion, la visite au Saint-Sacrement, la prière vocale ou mentale sont comme le sucre et le miel dont le bon Sauveur veut envelopper ce remède amer, qui, seul, peut nous guérir, nous sauver. Les âmes aimantes et généreuses savent d'ailleurs combien la pénitence, sous son amertume apparente, cache de douceurs, et combien le bon maître console et récompense ceux qui ont le courage de l'embrasser. […]
Mon Père, la seule impression que j'éprouve, c'est qu'il ne faut pas circonscrire la pénitence positive pour les religieux et ecclésiastiques. Le Sacré-Cœur sans doute les appelle et compte spécialement sur eux, mais il regarde les cœurs, non l'habit, et il me disait hier, quand je lui demandais pourquoi il voulait demander cela aux gens du monde, qu'il a beaucoup d'âmes généreuses dans le monde comme dans le cloître ; que c'est dans le monde surtout qu'on a besoin de réapprendre la pénitence. »
Lettre de Mme Edith Royer à l'Abbé Lalourcey, 6 novembre 1878, in Maurice Berthon, Mme Royer (1841-1924) - Un message du Sacré-Cœur, Issoudun, Dillen et Cie, 1947.
« Oh, si la Bienheureuse [Marguerite-Marie] pouvait revivre, combien elle dirait mieux que moi que le Sacré-Cœur ne peut nous sauver que par la pénitence, qu'il faut que la confiance au Sacré-Cœur, les prières, les communions, les pèlerinages, soient accompagnés non seulement de la pénitence intérieure, mais aussi d'une pénitence extérieure proportionnée à la position et aux grâces de chacun ! Oh, si je pouvais dire combien à Paray, et depuis, la Bienheureuse m'a pressée de dire ce qui m'était montré par cette association, me faisant comprendre que cette association complétait sa mission à elle, faisait produire à la dévotion au Sacré-Cœur ses fruits, et enlevait les obstacles qui empêchaient ce divin Cœur de verser son amour, sa miséricorde sur le monde ! »
Edith Royer, in Maurice Berthon, Mme Royer (1841-1924) - Un message du Sacré-Cœur, Issoudun, Dillen et Cie, 1947.
A partir du 1° juin, le Père Rey, chapelain de la basilique du Sacré-Cœur, organise une adoration quotidienne devant le tabernacle de la chapelle provisoire, de six heures du matin à six heures du soir.
* Au cours de la célébration de la fête du Sacré-Cœur, Teresa Helena Higginson (1844-1905), institutrice anglaise favorisée de nombreuses grâces divines (Mariage Mystique en 1874, participation aux souffrances de la Passion et empreinte des stigmates du Christ), reçoit la première révélation de Notre Seigneur qui l'invite à relier la dévotion rendue à son Cœur Sacré à celle rendue à sa Sainte Face. Ces messages rejoignent ceux révélés en France par Sœur Marie de Saint-Pierre (1816-1848) dès 1843.
« Je considérais l'amour excessif du Sacré-Cœur, j'offrais à mon divin Epoux ce même amour en réparation de notre froideur, ainsi que son immutabilité et ses infinies richesses en dédommagement de notre pauvreté et misère, quand, soudainement, Notre-Seigneur me présenta la Divinité comme une très grande pierre précieuse de cristal, dans laquelle toutes choses sont réfléchies ou existent, passé, présent, avenir, en telle manière qu'elles sont toujours présentes en Lui. Cette immense pierre précieuse envoyait des flots de lumière richement colorée plus étincelante sans comparaison que dix mille soleils, que je compris représenter les Attributs infinis de Dieu. Ce grand joyau paraissait aussi être recouvert d'yeux innombrables, que j'ai compris représenter la Sagesse et la Science de Dieu… Notre-Seigneur me montra cette divine Sagesse, ainsi que je le disais, comme la puissance directrice qui régla les mouvements et les affections du Sacré-Cœur, me faisant voir qu'elle a, sur le moindre de ses actes, en l'élevant, le même effet et le même pouvoir que le soleil faisant monter la vapeur de l'océan. Il m'a donné à entendre qu'une adoration et vénération spéciales devaient être rendues au Chef Sacré de Notre-Seigneur, en qualité de Temple de la divine Sagesse et puissance directrice des sentiments du Sacré-Cœur, et qu'ainsi serait complétée cette céleste dévotion. […]
C'est la volonté de Notre-Seigneur que sa Tête Sacrée soit adorée comme le sanctuaire de la divine Sagesse : non pas la Tête Sacrée toute seule (je veux dire comme nous honorons les Mains et les Pieds Sacrés) non, mais la Tête comme le Temple des puissances de l'âme et des facultés de l'esprit et, dans celles-ci, la Sagesse qui a guidé chaque affection du Sacré-Cœur et tous les mouvements de l'Etre entier de Jésus, notre Seigneur et notre Dieu. Ce n'est pas sa divine Volonté que les attributs ou qualités abstraites de l'âme ou de l'esprit, ou que cette divine Sagesse qui guidait, gouvernait et dirigeait tout en Lui (l'Homme-Dieu) reçoivent une adoration distincte, mais Il veut qu'ils soient tous ensemble l'objet d'un culte spécial et que son Chef Sacré soit adoré comme leur Temple. Notre-Seigneur m'a montré aussi comment la tête est le point de ralliement de tous les sens du corps et comment cette dévotion est non seulement le complément de la dévotion au Sacré Cœur, mais encore le couronnement et la perfection de toutes les dévotions . »
Teresa Helena Higginson, in Cecil Kerr, Teresa Helena Higginson, trad. par l'Abbé V. Billé, Saint-Cénéré, Ed. Saint-Michel, 1971 (éd. originale Desclée, 1935).
Le 13 novembre, le cardinal Guibert fonde la première Confrérie diocésaine du Cœur Eucharistique, dans la chapelle d'un orphelinat à Paris. Elle est approuvée le 28 décembre de la même année par Léon XIII, et érigée en Archiconfrérie en l'église Saint-Joachim à Rome par un Bref en date du 16 février 1903.
« La dévotion au Cœur Eucharistique de Jésus contient et réunit en elle la dévotion au Saint-Sacrement et au Sacré-Cœur avec l'intention d'honorer par un culte spécial le Cœur Sacré de Jésus dans l'acte d'amour avec lequel il a donné l'Eucharistie et perpétué à travers elle son adorable présence parmi nous. »
Cardinal Guibert, 13 novembre 1879, in Le Cœur du Christ pour un monde nouveau - Actes du congrès de Paray-le-Monial 13 au 15 octobre 1995, Paris, Ed. de l'Emmanuel, 1998.
« Le culte du Cœur Eucharistique de Jésus n'est pas plus parfait que le culte envers l'Eucharistie elle-même, et ne diffère pas du culte envers le Sacré Cœur de Jésus. »
Décret du Saint-Office, extrait, 3 juin 1891.
« Nous n'avons rien de plus à cœur et rien ne nous est plus doux que de donner dans cette auguste ville, centre du monde catholique, un siège digne d'elle à cette association de fidèles qui, tout en ayant envers le Sacré-Cœur une dévotion ne différant en aucune manière de la dévotion de l'Eglise, s'appliquent à rendre un culte d'amour, de reconnaissance, de vénération et d'hommage à cet acte de dilection suprême, en vertu duquel notre divin Rédempteur, prodiguant toutes les richesses de son Cœur, institua l'adorable Sacrement de l'Eucharistie, pour demeurer avec nous jusqu'à la consommation des siècles. »
Léon XIII, extrait du Bref du 16 février 1903.
1880 : Au mois de juin, le Père Rey multiplie les jours d'exposition du Saint Sacrement dans la chapelle provisoire de la butte Montmartre. Début novembre puis au mois de décembre, il renouvelle ces expositions répétées, jusqu'à trois fois par semaine.
Par un bref en date du 31 août, Léon XIII érige en Archiconfrérie l'Association de l'Adoration perpétuelle du Sacré Cœur fondée en1718 par Anne-Madeleine Remuzat.
* Le 28 septembre, l'Archange saint Michel apparaît à Marie-Julie Jahenny.
« Voici mon épée flamboyante, je veux en faire part aux amis du Sacré-Cœur et leur offrir cette épée pour le combat, car l'heure n'est pas éloignée où vous tous, peuple fidèle, il faudra prendre les armes de la foi et du courage pour lutter contre l'implacable acharnement de l'Enfer contre la vengeance des hommes… »
Vision de Marie-Julie Jahenny, in Marquis de la Franquerie, Marie-Julie Jahenny la stigmatisée bretonne, Ed. réservée, 1985.
Le 30 novembre, le montant de la souscription lancée pour la construction de la basilique du Sacré-Cœur dépasse les 80 millions de francs.
1881 : En janvier, le Père Rey fait part de son souhait de voir se multiplier les adorateurs devant le Saint Sacrement exposé en la chapelle provisoire de la butte Montmartre :
« Nous avons le bonheur de constater que Notre-Seigneur est bien rarement seul, mais nous voudrions qu'il ne le fût jamais ! Nous voudrions aussi que Paris ne fût pas seul à payer cette dette de reconnaissance, de réparation et d'amour ; nous voudrions que toute personne pieuse qui vient à la capitale, vînt jusqu'à Montmartre adorer Notre-Seigneur, lui rendre hommage de la manière qu'il a désignée lui-même comme lui étant particulièrement agréable. La France viendrait, ainsi, se prosterner au pied de Jésus Amour ; et le Cœur si aimant de notre bon Sauveur ne résisterait pas à cette humble mais généreuse manifestation. »
En février, la Mère Saint-Dominique insiste auprès du Père Rey pour que soit inaugurée l'exposition jour et nuit du Saint Sacrement.
Au cours des nuits des 27 et 28 février, à l'occasion du carnaval, deux nuits d'adoration réparatrice sont organisées, qui regroupent 11 adorateurs le 27, et 19 la nuit suivante. Plusieurs autres adorations nocturnes suivront, jusqu'en juin où 27 nuits d'adoration seront organisées pour ce seul mois. Les élections approchant, et le gouvernement s'alarmant de ces réunions nocturnes en lesquelles il croit voir la préparation d'un complot contre la sécurité de l'Etat, le cardinal Guibert demande au Père Rey de suspendre provisoirement les adorations de nuit. Elle reprendront le 29 mai 1882, et seront alors poursuivies sans interruption jusqu'au transfert dans la grande Basilique le 1° août 1885.
Le 21 avril, le cardinal Guibert célèbre la première Messe dans la chapelle Saint-Martin de la crypte de la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre. Le même jour, répondant à la demande de Mgr Rivet, évêque de Dijon, il agrège l'Association du Sacré-Cœur de Jésus pénitent pour nous créée par Edith Royer à l'Archiconfrérie du Vœu national établie à Montmartre, dont elle devient le 3° degré.
Manuel Domingo y Sol (1836-1909, béatifié en 1987) fonde en Espagne la Fraternité des Prêtres Ouvriers diocésains du Cœur Sacré de Jésus, pour l'encouragement des vocations sacerdotales.
En décembre, soutenu par les anticléricaux qui ont décidé de s'attaquer à l'Œuvre du Vœu national et de faire stopper les travaux de la basilique, M. Delattre dépose à la Chambre des députés un projet de loi demandant le retrait de la loi du 24 juillet 1873. Le projet sera discuté au mois de juin 1882.
Du 28 au 30 juin, réunion à Lille du premier Congrès Eucharistique International, créé à l'initiative d'Emilie Tamisier (1834-1910), soutenue par Mgr de Ségur (1820-1881) et Léon XIII. Ils sont destinés à approfondir la doctrine de l'Eucharistie, et à rendre un hommage public et solennel au Saint-Sacrement. En 1888, le Congrès choisira la nef de la basilique Montmartre en construction pour lieu de son rassemblement, et en 1897, Paray-le-Monial. Convoqués une fois par an jusqu'en 1914, puis une fois tous les deux ans sur la recommandation de Pie XI entre les deux guerres, les Congrès ne se réunissent plus que tous les quatre à cinq ans depuis 1951, le 47° ayant été organisé à Rome en l'an 2000. Le premier Congrès Eucharistique National se réunit en France à Faverney en 1908.
1882 : Le Père Théodore Wibaux (†1882), Jésuite et ancien zouave pontifical, soumet au Messager du Cœur de Jésus l'idée d'une propagande invitant les familles à se consacrer au Sacré-Cœur. Relayée aussitôt par le journal, celle-ci remporte rapidement un grand succès auprès des lecteurs. Ainsi, de 1882 à 1886, dix mille familles se consacrent au Sacré-Cœur dans la seule ville de Marseille. En 1889, l'Apostolat de la Prière adressera à son tour un appel aux fidèles du monde entier, les engageant instamment à donner au Sacré-Cœur ce témoignage d'amour :
« Etablir le Règne du Sacré-Cœur dans les familles, c'est préparer, c'est inaugurer son triomphe dans la société civile ; et le jour, où toutes les familles officiellement consacrées au Sacré-Cœur adorable de Jésus, son Règne public dans l'Etat sera proche ou déjà même commencé. »
En 1890, 35 volumes remplis des noms des familles consacrées seront ainsi déposés à Paray-le-Monial, et 7 autre volumes portés en même temps à la Basilique de Montmartre, soit le chiffre de plus d'un million de familles de tous les pays du monde rassemblés dans ces "Livres d'or du Sacré-Cœur". En 1907, le Père Mateo reprendra et complétera cette idée, avec la cérémonie de l'Intronisation.
Le 30 juin, un Acte de Consécration est lu à Paray-le-Monial par M. Gabriel de Belcastel au nom d'un grand nombre de familles françaises.
Le même jour a lieu à la Chambre des députés la discussion du projet de loi déposé par M. Delattre visant le retrait de la loi du 24 juillet 1873, qui reconnaissait d'utilité publique la construction de la Basilique du Sacré-Coeur. Clemenceau déclare à cette occasion que cette loi est "une loi de provocation et de défi dirigée non seulement contre la ville de Paris, contre la capitale de la France républicaine, mais contre la France toute entière". Il ajoute : "On a voulu imposer à la France le culte du Sacré-Cœur comme un culte de pénitence et de contrition. […] On a prétendu nous signifier d'avoir à demander pardon d'avoir combattu comme nous combattrons encore pour les droits de l'homme, d'avoir à nous repentir d'avoir fait la Révolution française". Par 261 voix contre 199, la Chambre vote la prise en considération de la demande de M. Delattre.
Le 18 juillet, le cardinal Guibert envoie aux membres de la commission chargée d'examiner le projet de loi une très longue lettre rendue publique, en laquelle il réfute les arguments avancés par les anticléricaux. Il insiste notamment sur la nécessité qu'il y aura de rembourser les sommes offertes par les trois millions de donateurs en cas de démolition de l'édifice. "Voilà un projet qui coûterait cher au pays. Si l'on demandait au Parlement d'imposer cette charge aux contribuables pour démolir une église qui ne gêne personne, qui sera un des plus beaux monuments de la capitale, il est permis de douter que le suffrage de ceux qui paient fût disposé à ratifier une si étrange décision". Cette lettre et sans doute ce dernier argument - produiront l'effet attendu, et le projet de loi restera sans suite.
« Messieurs les députés, la majorité de la Chambre n'a pas donné beaucoup de preuves, jusqu'ici, de la protection que les institutions religieuses, comme toutes les autres, ont droit d'attendre des pouvoirs publics ; et cependant je me refuse à croire qu'elle veuille s'approprier la proposition de M. Delattre. Je me persuade qu'en prenant en considération ce projet, elle a moins voulu s'y montrer favorable que répudier toute solidarité avec l'acte accompli, en 1873, par l'Assemblée nationale. Cette Assemblée tenait à prendre sa part dans un acte public de religion, la Chambre actuelle tient à s'en désintéresser ; l'histoire, étrangère à nos agitations, jugera ces tendances opposées. Je constate seulement que le but visé par la nouvelle majorité est pleinement atteint ; la discussion et le vote du 30 juin ont nettement fait connaître ses sentiments sur la question de l'église de Montmartre. Les documents publics qui serviront à nos annales attesteront que la Chambre élue en 1871 encouragea la religieuse entreprise, et que la Chambre élue en 1881, la désapprouva ; la postérité ne pourra s'y tromper. Tous les esprits sages et exempts de passion penseront que cela doit suffire et qu'il ne faut pas, pour rendre plus éclatante une contradiction déjà trop regrettable, se porter à des mesures excessives et se créer des embarras inextricables... »
Mgr Guibert, extrait de la lettre adressée aux membres de la Commission d'examen du projet de loi de M. Delattre.
Le 17 octobre, les Abbés Joseph (1836-1915) et Augustin (1836-1909) Lémann, juifs convertis au catholicisme, font placer devant l'autel des apparitions de la chapelle du monastère de Paray-le-Monial, une lampe dédiée aux Fils de David, qui n'a jamais cessé de brûler depuis (l'huile a été remplacée par l'électricité au XX° siècle). Les deux Abbés, qui éditent à cette occasion un opuscule intitulé La lampe d'Israël devant le Sacré-Cœur de Paray, témoignent ainsi de la vocation à laquelle ils se sont sentis appelés dès leur conversion, priant pour "l'illumination" d'Israël, afin que leurs frères israélites reconnaissent en Jésus-Christ le Messie tant attendu par leurs pères. Lors de la restauration de la chapelle des apparitions en 1966, la lampe sera déplacée et suspendue à l'arcature de la chapelle saint Joseph.
« Une lampe va désormais brûler devant la face du Sacré-Cœur : la voici suspendue. Elle est dédiée aux Fils de David, parce qu'il est écrit qu'un jour les enfants d'Israël doivent reconnaître et acclamer Notre-Seigneur Jésus-Christ comme Fils de David (Osée III,5). […] Son huile sera le symbole du remède qui va opérer suavement et fortement, avec douceur et efficacité, et sa lumière annoncera celle qui doit être rendue aux yeux de notre cher peuple. O lampe, tu brûleras n'est-ce pas, pour hâter ce réveil à la clarté ? Et toi, ô Huile de la lampe, sois heureuse de te consumer pour un si noble but… »
Joseph Lémann, extrait du Discours du 17 octobre 1882, in P. Théotime de Saint Just, Les Frères Lémann - Juifs convertis, Paris, Librairie S. François et Gembloux (Belgique), Imprimerie J. Duculot, 1937.
1883 : Les pères Augustins (dissous en 1880) se regroupent, et fondent sous la direction du R.P. François Picard (1831-1903), supérieur général, le journal La Croix, dont le premier numéro paraît le 16 juin, jour anniversaire des Révélations du Sacré-Cœur à sainte Marguerite-Marie (1675) et de la Consécration de la France au Sacré-Cœur (1875). Le P. Vincent de Paul Bailly (1832-1912) y travaillera longtemps comme éditorialiste, signant du pseudonyme "le Moine". Les Assomptionnistes de retireront du journal à la demande de Léon XIII en avril 1900, à la suite du "Procès des douze".
Le 1° mai, l'exposition diurne du Saint Sacrement devient quotidienne en la chapelle provisoire de la butte Montmartre. Elle s'arrête alors à quatre heures du soir. L'adoration ne deviendra véritablement "perpétuelle", sans interruption entre celle effectuée de jour et l'adoration nocturne, que lors de son transfert en la basilique le 1° août 1885.
En juin, une statue du Christ au bras ouverts est inaugurée sur le futur emplacement du maître-autel de la basilique du Sacré-Cœur à Montmartre.
Réunie à l'occasion de la 23° Congrégation générale, la Compagnie de Jésus accepte officiellement la tâche qui lui a été confiée par le Seigneur, telle qu'il l'a révélée à Marguerite-Marie le 2 juillet 1688, relative à la dévotion envers son divin Cœur : "en faire voir et connaître l'utilité et la valeur, afin qu'on en profite, en le recevant avec le respect et la reconnaissance dus à un si grand bienfait" (Lettre LXXXV à la Mère de Saumaise, (4(?) juillet 1688).
« Nous déclarons que la Compagnie de Jésus accepte et reçoit avec un esprit débordant de joie et de gratitude la charge très douce que lui a confiée Notre Seigneur Jésus Christ de pratiquer, promouvoir et propager la dévotion à son très divin Cœur. »
Décret 46, 23° Congrégation générale des Pères de la Compagnie de Jésus.
En 1915, la 26° Congrégation générale reliera dans son décret 21 cette mission spécifique de la Compagnie au développement de l'Apostolat de la Prière.
Une infirme, Mathilde Marchat, se prétend favorisée d'apparitions du Sacré-Cœur et de Notre-Dame de Lourdes, qui lui demanderaient la fondation d'une communauté à Loigny sous le vocable de "Sacré-Cœur de Jésus pénitent". Installée avec quelques illusionnées à Etampes, puis à Chartres en 1887, elle annonce une restauration monarchique prochaine en prenant parti pour la légitimité des Naundorf. Le 8 mars 1888, l'évêque de Chartres Mgr Regnault condamnera après enquête ces révélations comme "ridicules et inconvenantes", condamnation confirmée le 15 décembre par Léon XIII qui invite la communauté, qui s'est transportée à Loigny, à se dissoudre. Un décret de l'Index frappera toutes leurs publications en 1890, et Rome interdira le 9 juillet 1893 l'expression "Cœur de Jésus pénitent". Mathilde Marchat sera finalement excommuniée le 27 juin 1894.
1884 : Le 3 janvier, décès du P. Henri Ramière à Toulouse. L'Œuvre de l'Apostolat de la Prière compte alors 15 versions du Messager du Cœur de Jésus, et plus de 35.000 centres organisés dans le monde entier. Le R.P. Auguste Drive lui succède à la tête de l'Association.
Le 2 août, mort de Paul Abadie, architecte de la basilique. Le Comité de l'Œuvre, parmi toutes les candidatures déposées par les architectes désireux de lui succéder, retient finalement celle d'Honoré Daumet, professeur à l'Ecole des Beaux-Arts. Mais l'indépendance de ce dernier vis-à-vis des décisions du Comité, et les excès de dépenses engagées dans les travaux amèneront une séparation à l'amiable en novembre 1886. Lui succéderont Charles Laisné (†1891), également professeur à l'Ecole des Beaux-Arts, puis Henri Rauline, ancien inspecteur des travaux formé par Paul Abadie et auteur du grand dôme, Lucien Magne, auteur du campanile et avec son fils Marcel Magne de la grande mosaïque du chœur et des vitraux, et enfin M. Hulot.
1885 : Le 25 mars, le R.P. Achille Rey (1828-1911), supérieur des Chapelains, et le cardinal Guibert, fondent à Montmartre la Confrérie en l'honneur du Sacerdoce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, association de prières pour les prêtres catholiques et les religieux, destinée à "exalter le Cœur Sacré du Prêtre des Prêtres".
Le 30 juin, dernier jour du mois du Sacré-Cœur et fête de saint Paul, le P. Henry Verjus M.S.C. (1860-1892), accompagné des frères Salvatore Gasbarra et Nicolas Marconi, aborde en Nouvelle-Guinée. Il y célèbre sa première messe le 4 juillet suivant. Le 7 avril 1889, il sera nommé par Léon XIII évêque titulaire de Limyre et vicaire apostolique de la Nouvelle-Bretagne (en Mélanésie).
« Malgré les immenses distances qui nous séparent, mon cœur est souvent près de vous et de tous nos Pères d'Europe. Sur les fleuves, sur la mer, au milieu des bois, je pense à tous, et je suis tout fier et tout heureux de redire mille et mille fois dans ces solitudes qui n'ont jamais entendu le nom de Dieu la belle devise que vous nous avez donnée et qui résume notre apostolat : "Aimé soit partout le Sacré Cœur de Jésus!" »
Lettre du P. Henry Verjus au P. Chevalier, in P. Jean Vaudon, Monseigneur Henry Verjus, Paris, Victor Retaux, 1899.
Le 1° août, le Saint-Sacrement est exposé pour la première fois à la basilique du Sacré-Cœur. C'est l'établissement définitif de l'adoration perpétuelle, qui n'a jamais cessé depuis. La création du Comité de l'Adoration diurne des Dames l'année suivante, sous la présidence de Mme Legentil, permettra aux femmes de rejoindre l'adoration qui était jusqu'alors strictement masculine.
A Montmartre, le P. Amorès et Madame Clesse fondent une association de bienfaisance rassemblant des femmes qui visiteront les pauvres et les malades, placeront orphelins et vieillards, feront le catéchisme aux enfants - les préparant aux sacrements de Pénitence et d'Eucharistie. Elles apporteront également leur aide à l'Œuvre des pauvres de Montmartre, et aux messes dominicales qui rassemblent les miséreux dans la crypte de la Basilique. C'est la Confrérie des Dames de Charité du Sacré-Cœur. Cette association sera érigée en Archiconfrérie par Pie X en 1907, et subsistera jusque vers 1950.
Le Père François Voirin remplace le Père Rey au poste de Supérieur des chapelains de la basilique.
A la demande de Mgr Ignace Bourget, évêque de Montréal, l'Apostolat de la Prière est établi au Québec. Le Père Edouard Hamon (1841-1904) S.J. en devient le premier responsable. Celui-ci a déjà fondé la Ligue du Sacré-Cœur pour les hommes, qui a été approuvée comme branche spéciale de l'Apostolat de la Prière par le directeur général le 31 décembre 1884. Le Père Jean-Baptiste Nolin entreprend une véritable croisade à travers le pays, et il enrôle en moins de trois ans plus de 160.000 fidèles dans l'association. En 1892, il fonde le Messager canadien du Sacré-Cœur, destiné à soutenir comme en France les œuvres de l'Apostolat.
1886 : Le 29 mars, Albert de Mun (1841-1914) fonde l'ACJF, Association Catholique de la Jeunesse de France, qui donnera le jour en 1927 à la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne).
Le 8 juillet, mort du cardinal Guibert, archevêque de Paris. Mgr François Richard de La Vergne, son coadjuteur depuis 1875, lui succède.
Le 19 novembre, première cérémonie d’inauguration pour la partie achevée de la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, avec bénédiction solennelle des deux absides (de la crypte et de l'église haute) par le cardinal Benoît Langénieux (1824-1904), archevêque de Reims et ancien vicaire général de Mgr Guibert, entouré de seize évêques, de deux cents prêtres et d’une foule de 3.000 fidèles.
Le 28 décembre, pose de la première pierre du Temple de Tibidabo, sur les hauteurs de Barcelone en Espagne, sur un terrain offert à Don Bosco en vue d'élever une église au Sacré-Cœur. Enrique Sagnier en est l'architecte, et la crypte sera inaugurée en 1911.
1887 : Le 14 mai, le cardinal-vicaire de Rome consacre la basilique élevée au Castro Pretorio en l'honneur du Sacré-Cœur, bâtie selon les plans de F. Vespignani, sous la direction de Don Bosco, chargé par Léon XIII de cette réalisation.
Le 19 août, mort du général Gaston de Sonis. Ses obsèques solennelles sont célébrées sous le drapeau du Sacré-Cœur qui a servi à la bataille de Patay-Loigny en décembre 1870.
Le 6 novembre, Thérèse Martin - future Thérèse de l'Enfant-Jésus (1873-1897, canonisée en 1925), alors âgée de 14 ans, qui se rend à Rome avec son père et sa sœur Céline pour y demander l'autorisation d'entrer au Carmel de Lisieux malgré son jeune âge, prononce sa consécration au Sacré-Cœur dans la chapelle Saint-Pierre de la crypte de la basilique Montmartre.
« … O Cœur de Jésus, trésor de tendresse,
C'est toi mon bonheur, mon unique espoir !
Toi qui sus bénir, charmer ma jeunesse
Reste auprès de moi jusqu'au dernier soir.
Seigneur, à toi seul j'ai donné ma vie,
Et tous mes désirs te sont bien connus.
C'est en ta bonté toujours infinie
Que je veux me perdre, ô Cœur de Jésus !
Ah ! je le sais bien, toutes nos justices
N'ont devant tes yeux aucune valeur ;
Pour donner du prix à mes sacrifices,
Je veux les jeter en ton divin Cœur.
Tu n'as pas trouvé tes Anges sans tache ;
Au sein des éclairs, tu donnas ta loi ;
En ton Cœur Sacré, Jésus, je me cache,
Je ne tremble pas : ma vertu, c'est Toi !
Afin de pouvoir contempler ta gloire
Il faut, je le sais, passer par le feu.
Et moi je choisis pour mon purgatoire
Ton amour brûlant, ô Cœur de mon Dieu !
Mon âme exilée, en quittant la vie,
Voudrait faire un acte de pur amour,
Et puis s'envolant au Ciel sa Patrie,
Entrer dans ton Cœur sans aucun détour ! »
Ste Thérèse de l'Enfant-Jésus, Poème Au Sacré Cœur de Jésus (octobre 1895), in Sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, Office central de Lisieux, s.d. (1941).
1888 : L'Abbé Antoine Crozier (1850-1916) fonde l'Union dans le Sacré-Cœur et pour le Sacré-Cœur, qui rassemble "une famille invisible d'âmes croyantes liées entre elles par une même volonté de tout faire dans et pour l'Amour, dans et pour le Cœur de Jésus".
Au mois d'avril, grâce au concours du Père Rabussier S.J. et avec l'assentiment de Mgr Fulbert Petit, évêque du diocèse du Puy, fondation dans ce diocèse d'une Société de femmes ayant pour but l'enseignement du catéchisme aux enfants. Reconnue et approuvée comme Institut à vœux simples fin 1889, la communauté deviendra l'Institut des Religieuses de la Sainte Famille du Sacré-Cœur, qui recevra l'approbation pontificale de Léon XIII le 24 juillet 1902, et de Pie X le 23 mars 1907.
« Comme la Sainte Famille de Nazareth fut fondée de Dieu et enrichie de grâces immenses, pour faire naître et grandir, pour aimer, protéger et nourrir le divin Enfant Jésus, et ne former ainsi qu'un cœur et qu'une âme dans le Sacré-Cœur de Jésus : puisse notre petite Sainte Famille mettre tout son cœur à former Jésus-Christ dans les âmes, et par un moyen si bien à la portée de la faiblesse et de la modestie de notre sexe ! »
Extrait des Constitutions des Sœurs de la Sainte Famille du Sacré-Cœur, Paris, Imprimerie F. Levé, 1907.
Publication de la traduction française de Glories of the Sacred Heart : Les Gloires du Sacré-Cœur, du cardinal Henry Edward Manning (1808-1892), archidiacre de l'Eglise anglicane converti au catholicisme en 1851, et fondateur en 1857 de la Congrégation des Oblats de St-Charles Borromée.
« Maintenant j'essaierai de vous donner une règle par laquelle vous pouvez vous rendre semblables au Sacré-Cœur de Notre-Seigneur. Les ordres religieux, vous le savez, ont une règle et des statuts. Je vais vous donner une règle et des statuts pour ceux qui vivent dans le monde ; et si vous voulez en faire le sujet de vos méditations, vous ferez des progrès dans cette ressemblance et vous serez transformés en l'image du Législateur de qui vient cette règle. Or voici la loi que je veux vous donner : « Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre cœur, de tout votre esprit, de toute votre âme, de toutes vos forces et votre prochain comme vous-mêmes. » Ce n'est pas moi qui ai fait cette loi : vous savez qui en est l'auteur. Il l'a donnée à tous les hommes, et, hélas ! bien peu d'hommes l'observent. Maintenant, prenez une résolution en vous-mêmes, en l'honneur du Sacré-Cœur, la résolution de faire vos efforts pour observer cette loi de perfection. Prenez cette loi pour règle de votre vie.
Puis, vous aurez besoin de statuts, c'est-à-dire de détails ou de développements de cette loi. Je vais vous en donner deux chapitres. Le premier contiendra les douze fruits du Saint-Esprit. Méditez-les un à un, et efforcez-vous de les faire passer dans votre vie. L'autre chapitre renferme les huit Béatitudes. Que votre but soit de les posséder : « Heureux ceux qui ont l'esprit de pauvreté ; heureux ceux qui sont doux ; heureux ceux qui pleurent ; heureux ceux qui ont faim et soif de la justice ; heureux les miséricordieux ; heureux ceux qui ont le cœur pur ; heureux les pacifiques ; heureux ceux que le monde persécutera pour la justice. » C'est là que vous trouverez la plus sûre règle de conformité au Cœur Sacré de Notre-Seigneur ; et si vous observez ces statuts, vous obtiendrez un triple résultat, très important pour vous. En premier lieu vous serez humble, puis vous serez charitable, et enfin vous aimerez la Croix. Dans tout ce qui crucifiera votre volonté et sera contraire aux désirs de votre cœur ; dans tout ce qui fait le tourment et le chagrin des autres hommes, et en quoi leur raison les abandonne, vous, si cela vous arrive, vous vous direz : "Ceci est l'art de la perfection ; ceci est le signe que l'Esprit du Seigneur me transforme en cette ressemblance que mon cœur désire. Volontiers, je consens à vivre et à mourir avec cette croix, pourvu qu'elle puisse me rendre semblable au Cœur Sacré de Jésus." »
Cardinal Manning, Les Gloires du Sacré-Cœur, trad. par l'Abbé C. Maillet, Tours, Alfred Cattier, 1888.
Le P. Sanna Solaro S.J. entreprend en Italie une croisade en faveur de la dévotion au Sacré-Cœur. Dès l'année suivante, il compose et propage un Acte d'hommage-lige à la Majesté régnante du Sacré-Cœur, où le règne social du Christ est mis en avant.
« Oui, Seigneur Jésus-Christ-Hostie, nous vous proclamons et révérons, en votre Sacré-Cœur, notre souverain régnant de droit, de naissance et de conquête. En cet anniversaire deux fois séculaire de votre promesse de régner par votre Cœur, nous proclamons que l'insigne amour de ce Cœur a mérité le trône, la couronne, le sceptre et l'empire du monde…
Soyez miséricordieux, Seigneur Jésus-Christ, pour les Etats, les Princes et les Républiques de notre temps. Souvenez-vous des fêtes triomphales et des hommages nationaux que reçut votre Sacrement aux meilleurs âges de la chrétienté et dernièrement encore dans la catholique République de l'Equateur et au Congrès Eucharistique de Fribourg. Faites, en souvenir des trophées que nos ancêtres vouèrent à vos victoires, que l'acte de réparation publique, déposé à vos pieds par nos mains, préserve de vos justices les peuples et les gouvernements.
Que votre règne arrive, Seigneur Jésus-Christ-Hostie, la plénitude du règne de votre Sacré-Cœur ; que toute restauration s'opère par votre miséricorde ; que votre Sacré-Cœur resplendisse en soleil d'universel amour sur les étendards des nations !
Afin de hâter cet heureux avènement, Divine Majesté, Sacré-Cœur, Hostie Sainte, nous tous ici présents, nous jurons par loyal serment et juridique promesse, maintien de tous vos droits, honneurs, titres, hommages et services, ainsi qu'ils résultent des pactes sociaux de Tolbiac, Cavadonga, Milan, Bbraga, Rutli, Florence, Venise et Quito, et nous voulons en faire respecter les clauses par tous les moyens que vous nous donnerez de connaître et d'appliquer à leur heure.
Et cela, Seigneur Jésus-Christ, en vertu et pour la gloire de votre promesse formelle et de la parole insigne de votre Sacré-Cœur : Je règnerai malgré Satan et tous ceux qui s'y opposent.
Vive le Sacré-Cœur de Jésus-Christ, souverain des nations ! Je jure fidélité à son règne social. »
Acte d'hommage-lige à la Majesté régnante du Sacré-Cœur, du R.P. Sanna Solaro S.J., in Abbé S. Coubé, La Royauté du Sacré-Cœur, Paris, Bureau de la Ligue Eucharistique, 1906.
Cette idée d'un hommage rendu au Sacré-Cœur se répandra en France en 1897, par l'intermédiaire de V. Franque, catholique du Havre, qui s'en fera le fervent promoteur (voir à cette date).
1889 : En janvier, parution du premier numéro de la revue Le Règne du Cœur de Jésus dans les âmes et la société, à l'initiative du Père Léon Dehon, fondateur de la Congrégation des Prêtres du Cœur de Jésus en 1877.
« Il faut que le culte du Sacré-Cœur, commencé dans la vie mystique des âmes, descende et pénètre dans la vie sociale des peuples. Il apportera un souverain remède aux maladies cruelles de notre monde moral. Le règne du Sacré-Cœur est donc éminemment opportun.
Ces considérations nous laissent déjà entrevoir que le culte du Sacré-Cœur n'est pas pour nous une simple dévotion, mais une véritable rénovation de toute la vie chrétienne…
Le Cœur de Jésus peut seul rendre à la terre la charité qu'elle a perdue. Lui seul regagnera le cœur des masses, le cœur des ouvriers, le cœur des jeunes gens. Cette nouvelle conquête des cœurs est manifestement commencée avec le règne du Sacré-Cœur… Qu'il vienne donc ce règne béni, réparateur, du Cœur de Jésus ! »
P. Dehon, in P. Ch. Kanters, Le T.R.P. Dehon, fondateur de la Congrégation des Prêtres du Cœur de Jésus, Brugelette, Noviciat du Sacré-Cœur, 1932.
Madame Bigard fonde l'Œuvre de Saint-Pierre Apôtre, qui travaille en pays de mission au recrutement du clergé.
Le 6 juin, Charles de Foucauld se consacre au Sacré-Cœur en la basilique de Montmartre, toujours en construction. En 1902 il établira canoniquement à Béni-Abbès une Confrérie du Sacré-Cœur, agrégée à celle de Montmartre, et entrera dans l'Association des prêtres apôtres du Sacré-Cœur de Jésus, fondée par le Père Alfred Yenveux en 1901.
« Promis solennellement 1° de dédier au Sacré-Cœur toutes les œuvres apostoliques que j'entreprendrai, 2° de me regarder, moi et mes entreprises, toute ma vie, comme étant sous le patronage de la bienheureuse Marguerite-Marie. »
Charles de Foucauld, 2 février 1903, in Voyageur dans la nuit, Notes de spiritualité, Paris, Nouvelle Cité, 1979.
« Que vous nous aimez, ô Cœur de Jésus ! Il ne vous a pas suffi de contenir tous les hommes, tous ces hommes si ingrats, pendant toute votre vie, vous avez voulu encore leur être ouvert et être blessé pour eux après votre mort ; vous avez voulu porter éternellement cette blessure comme signe de votre amour, comme signe que votre Cœur est toujours ouvert à tous les vivants, et toujours prêt à les recevoir, à leur pardonner, à les aimer. Par cette ouverture béante, vous appelez éternellement tous les hommes à croire à votre amour, à avoir confiance en lui, à venir à vous, si souillés qu'ils soient. A tous, tous, même aux plus indignes, votre Cœur est ouvert ; pour tous, tous, il a été percé ! Vous aimez tous les vivants, vous les appelez tous à Vous, vous leur offrez à tous le salut jusqu'à la dernière heure, leur dernier instant. Voilà ce que vous nous dites, vous nous criez éternellement par cette bouche béante de votre Cœur, ô tendre Jésus ! »
Charles de Jésus, Nouveaux écrits spirituels, 1950.
Au mois de juin est célébré solennellement partout en France le bicentenaire de l'apparition de Notre-Seigneur à Marguerite-Marie en 1689, et plus particulièrement à Paray-le-Monial et à Montmartre à Paris. Une formule de consécration proposée par le cardinal Richard et diffusée par le P. Voirin, chapelain de la Basilique, est écrite à cette occasion (cf. chapitre correspondant). Elle rappelle également le centenaire de la Déclaration des droits de l'homme, et proclame les droits de l'homme-Dieu sur le cœur, la famille et la société. On estimera à 500.000 le nombre de consécrations ainsi recueillies à Montmartre, dont celles de 100.000 familles. Celles recueillies par l'Apostolat de la Prière, les Missionnaires de Lourdes et le P. de Boylesve tiendront en 11 gros volumes reliés. L'année qui suit sera plus fructueuse encore dans ce domaine, puisqu'en 1890 la Visitation de Paray recevra un million et demi de consécrations du monde entier, et Montmartre celles de 500.000 familles françaises.
Le 20 juin, la Société des Fastes Eucharistiques à Paray-le-Monial rend un hommage solennel à la Majesté régnante du Sacré-Cœur, pour hâter la restauration de son règne social, et commémorer la demande de 1689. Les 14 et 15 août suivants, un nouvel hommage est rendu au Cœur de Jésus, pour protester contre la célébration officielle en France du centenaire de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Le 28 juin, accédant au désir de l'archevêque de Toulouse Mgr Desprez (1807-1895), Léon XIII élève la fête du Sacré-Cœur au rite double de première classe.
« Une des fins principales de la dévotion au Sacré-Cœur, c'est d'expier par nos hommages d'adoration, de piété et d'amour le crime d'ingratitude, si commun parmi les hommes, et d'apaiser la colère de Dieu par le très sacré Cœur de Jésus. […]
Jésus n'a pas de désir plus ardent que de voir allumer dans les âmes le feu d'amour dont son propre Cœur est dévoré. Allons donc à Celui qui ne nous demande comme prix de son amour que la réciprocité de l'amour. »
Léon XIII, Lettre apostolique Benigno divinae Providentiae du 28 juin 1889.
Le baron de Sarachaga se rend avec le comte Etienne d'Alcantara à Rome pour présenter au Saint Père la maquette d'un Temple Palais dédié à la gloire de "Jésus-Hostie-Roi", destiné à abriter l'ensemble des collections rassemblées jusqu'alors (cf. 1877). Il recevra à son retour à Paray un Bref d'encouragement de Léon XIII :
« En considération de votre Religion et de votre piété, de la droiture de votre conduite et surtout du soin particulier et du dévouement que vous mettez chaque jour à promouvoir l'honneur et le culte de l'Auguste Sacrement, qui est tout ce qu'il y a de plus utile au Genre Humain, nous sommes décidé à vous décerner un titre très honorifique qui soit une récompense de vos mérites et un témoignage de notre bienveillance pour vous. »
Le baron de Sarachaga sera en effet honoré d'un Brevet de Commandeur de l'Ordre de Pie pour son œuvre réparatrice. Les travaux dureront trois ans, et le Temple du Hiéron accueillera désormais plus de 120 tableaux et quelques quatre à cinq mille ouvrages sur les thèmes de l'Eucharistie. Une salle dédiée au Sacré-Cœur y présente plus spécialement le règne de l'Eucharistie sur les cœurs des hommes.
« Le Hiéron a été construit par la Société des Fastes Eucharistiques dans le but de faire connaître, de promouvoir et d'agrandir le règne de Jésus-Christ. L'inscription, gravée à son frontispice, le dit suffisamment : HIERON - A JESUS-HOSTIE-ROI.
[…] Commencé en 1890, sur le plan de M. Noël Bion, qui a travaillé lui-même d'après les indications d'un Comité spécial, l'édifice a été achevé en 1893. Son architecture, simple et variée à la fois, se rattache au style ionien de la meilleure école. Il appartiendra au visiteur compétent d'en apprécier la valeur et d'en comprendre le symbolisme, lequel, dégagé de toute idée de la Grèce païenne, se rapporte plutôt à la règle de l'art égyptien et au canon salomonique.
Le mot Hiéron est tiré du grec. Etymologiquement, il exprime l'idée d'une enceinte consacrée à la Divinité. Mais il semble avoir été réservé par l'usage à désigner les Temples-Palais, les Hypèthres sacrés, où les sages, qui faisaient partie du Collège des Amphictyonies et des Aréopages, élaboraient les lois souveraines et rendaient les sentences arbitrales qui, au nom des principes du droit divin, maintenaient la paix parmi les nations.
[…] En dehors des Lieux saints et de la ville de Rome, Paray-le-Monial est unique dans son genre. Dieu a permis qu'il fût ignoré pendant longtemps, qu'on fit sur lui le silence ; mais voici que les ombres se dissipent. Les Peuples de la Chrétienté viennent se retremper sur ce nouveau Thabor. Des théologiens et des orateurs regardent Paray comme un lieu hors de pair. Ils le saluent comme la Jérusalem nouvelle, comme la Citadelle royale de Sion dont parlent Isaïe, David et saint Jean, et ils le comparent à Bethléem et Nazareth !
Tout cela est strictement vrai. C'est à Paray, en effet, que Notre-Seigneur a, pour ainsi dire, parachevé son avènement, en venant affirmer ses droits de Souverain, et renouveler, sous certaines conditions, ses promesses de protection spéciale aux princes et aux nations fidèles.
Et puisque Paray […] se rattache à de hautes et sublimes origines, puisque son sol garde le souvenir de temps héroïques et lointains, il était tout naturel qu'il fût choisi pour être le centre de l'œuvre dont le but, en exaltant la royauté du Christ, est aussi de montrer la continuité de ce règne, de siècle en siècle, parmi les peuples et les nations du monde entier.
C'est dans ce but que le Hiéron du Val d'Or a été fondé. »
Félix de Rosnay, Le Hiéron du Val d'Or, Paray et Paris, Dujols, 1900, extraits de l'avant-propos.
On peut encore voir au Musée du Hiéron de Paray une petite partie de l'imposante documentation rassemblée par les fondateurs, l'essentiel de la bibliothèque ayant été vendu en 1943 à un monastère Jésuite de Louvain (en Belgique) pour couvrir les frais de réparation de la toiture du bâtiment. Fermé depuis les années 1990, et pris en charge par la ville de Paray-le-Monial en décembre 2000, le musée a fait l'objet d'un grand projet de rénovation, et a rouvert en septembre 2005.
Les différentes revues éditées par le Hiéron de 1883 à 1915 (cf. Bibliographie) témoignent d'un aspect plus ésotérique de l'Institut. Paul Le Cour (1861-1954), fondateur en 1927 de l'association Atlantis, rencontra en 1923 à Paray Jeanne Lépine, qui fut la secrétaire du baron de Sarachaga. Après trois années d'active correspondance, celle-ci lui légua à sa mort en 1926 la chevalière du baron, que Paul Le Cour considéra comme le signe de la transmission de l'esprit du Hiéron (cf. "Ma Vie Mystique", Paris, Omnium Littéraire, 1955). Celui-ci définit ainsi les quatre buts principaux poursuivis par l'Institut : 1° : Démontrer les origines lointaines du Christianisme, de l'Atlantide à nos jours, en passant par le Druidisme, la religion égyptienne, le judaïsme, etc. ; 2°: Reconstituer la tradition sacrée en faisant appel à la gnose, la kabbale chrétienne, etc. ; 3° : Annoncer et préparer pour l'an 2000 le règne politique et social du Christ-Roi et 4° : Enseigner le nom sacré d'Aor-Agni (Lumière-Feu, Amour et Connaissance initiatique, identifiés respectivement à Jésus et à Jean), clef de toute connaissance. A noter que l'Institut organisa également une "Chevalerie du Sacré-Cœur", composée de "Chevaliers de la Croix" qui faisaient le serment d'hommage au Sacré-Cœur en se dévouant à l'avènement du Règne social de Jésus-Christ.
En décembre, profitant d'un voyage à Paris, Marguerite Claret de La Touche vient se recueillir en la chapelle du Sacré-Cœur de la basilique Montmartre.
« Ta miséricorde ! oh ! qu'elle est douce au cœur infidèle et méprisable ! Ta miséricorde, c'est le salut et la vie de l'âme pécheresse. Ta miséricorde, ô Jésus, c'est mon refuge et mon espérance ; c'est ton Cœur ouvert, ton Amour recréant et vivifiant ; c'est Toi-même, Sauveur et rédempteur ! O Jésus, douce Miséricorde, fais-moi t'aimer jusqu'à mourir ! »
Marguerite Claret de La Touche, Autobiographie.
1890 : Albert Lagrange, en religion Frère Marie-Joseph (1855-1938), fonde l'Ecole pratique d'études bibliques de Jérusalem. Sa cause de béatification a été introduite en 1990.
Sous l'impulsion de l'Union des communes de France, de nombreuses communes procèdent à leur consécration au Sacré-Cœur (cf. l'acte au chapitre Consécrations).
Le 29 juin, à Montmartre, première apparition du Sacré-Cœur sur le drapeau tricolore, celui du Syndicat des employés du Commerce et de l'Industrie. En 1894, l'Union fraternelle du Commerce et de l'Industrie présidée par Léon Harmel (1829-1915) apposera à son tour l'emblème du Sacré-Cœur sur le drapeau national.
Un grand drapeau du Sacré-Cœur est placé dans le chœur de Notre-Dame de Paris.
Le 8 décembre, le cardinal Richard approuve l'Association établie à Montmartre sous le nom d'Adoration perpétuelle et universelle. Il s'agit d'une vaste Association de prières entre les diocèses, les vicariats apostoliques, les principaux sanctuaires, les paroisses, les séminaires, les communautés religieuses, les écoles chrétiennes, les œuvres et institutions de l'Eglise, qui a été fondée "afin d'attirer la protection divine sur les grands intérêts de Jésus en ce monde, et pour obtenir son règne universel".
« Cœur adorable de Jésus, en union avec les adorateurs du Sacré-Cœur de Montmartre, nous vous offrons au nom de l'Eglise et de la France, cette heure d'adoration que nous allons passer devant vous. Indignes de cet honneur et de vos grâces, nous venons, sous la protection de la Très Sainte Vierge, de saint Joseph, de saint Michel et de toute la cour céleste, vous offrir nos adorations, nos actions de grâces, nos réparations et nos prières.
Vous ne dédaignerez pas nos efforts, ô Cœur divin ! mais vous regarderez avec amour vos humbles serviteurs et vous leur accorderez pour cette heure de garde votre précieuse bénédiction. Ainsi soit-il. »
Acte d'offrande de l'Heure d'Adoration, in Livre des Heures d'Adoration en union avec le Sanctuaire du Sacré-Cœur de Montmartre, Paris, Bureaux de la Basilique, 1897.
1891 : Le 15 mai, publication de l'Encyclique Rerum novarum de Léon XIII.
Le 27 mai, un décret du Saint-Office désapprouve les images récemment imprimées du Cœur Eucharistique, qui représentent soit au milieu d'une hostie un cœur surmonté de flammes, soit des hosties tombant du Cœur de Jésus sur une patène.
Le 5 juin, jour de la fête du Sacré-Cœur, bénédiction et inauguration solennelle de la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre - à laquelle il ne manque que le grand dôme - par Mgr Richard, cardinal-archevêque de Paris, assisté par trois cardinaux et par quatorze archevêques ou évêques, et en présence de cinquante-trois curés de Paris et cinq cents prêtres. Dans l'assistance, on remarque Mme la comtesse de Paris, M. le duc d'Alençon, les sénateurs MM. Chesnelong, de Kerdrel, Wallon, les députés MM. Cazenoves de Pradines, Comte de Mun, Thellier de Poncheville…A cette occasion est lue en chaire par M. le vicaire général Caron une lettre adressée par Léon XIII à Mgr Richard :
« Chers Fils,
Salut et bénédiction apostolique,
Très agréable a été pour Nous la nouvelle que nous ont apportée vos lettres du 28 avril. Vous Nous y annoncez que la construction du temple, que les fidèles de la France entière, dans une pensée d'expiation nationale et pour implorer le secours divin en faveur de leur patrie, avaient fait vœu, il y a vingt ans, d'élever sur le mont des martyrs, à Notre-Seigneur Jésus-Christ nous révélant son Cœur, se trouvait, grâce aux offrandes de toute la nation française, assez avancée pour qu'il pût dès maintenant être ouvert au culte public : et que vous avez décidé que le 5 du mois de juin prochain, jour consacré à honorer le divin Cœur, la bénédiction en serait faite solennellement selon les rites prescrits par l'Eglise. Et vous souvenant que Notre prédécesseur d'heureuse mémoire, Pie IX, approuvant le vœu public et le prenant sous ses auspices, avait accordé aux premiers débuts de l'œuvre les encouragements de sa piété et de son affection, vous avez cru devoir Nous prier d'accompagner pareillement la dédicace, qui doit incessamment s'accomplir, du témoignage de Notre affection et des dons sacrés de notre puissance.
C'est une grande joie pour Nous, cher Fils, que de voir s'élever ainsi, dans votre pays, en un lieu si célèbre, ce temple votif, monument insigne attestant la foi et la piété de la nation française, dont l'attachement à la religion de ses pères s'est, de tout temps, affirmé par l'illustres exemples. C'est pour Nous une joie qu'au sein du même peuple, où rayonnèrent les vertus de la bienheureuse habitante du ciel, disciple du divin Cœur et propagatrice de sa gloire, cette très pieuse dévotion prenne de nouveaux accroissements et se recommande à la postérité par l'exécution d'une si grande œuvre. Et ce qui augmente encore cette joie, ce sont les fruits de salut que promet une telle œuvre ; c'est la ferme confiance où nous sommes de voir le Christ Notre-Seigneur prendre de pareils adorateurs de son Cœur sous sa divine protection et sa perpétuelle sauvegarde.
Mais, à la vue de ces excellentes dispositions de la nation française, en ce qui touche la religion, Nous formons surtout un souhait : c'est que, de même que la pieuse union de tous les fidèles de France s'est merveilleusement signalée en faisant sortir de terre la masse imposante de ce temple votif, l'union de toutes les volontés s'affirme aussi et se fortifie pour défendre, au sein de la patrie, l'existence et la cause de la religion catholique ; qu'imposant silence à ces rivalités de partis, dans lesquelles s'amoindrit la force des bons et s'accroît celle des méchants, tous réunissent leurs pensées et leurs efforts pour maintenir l'honneur d'une nation, à qui l'illustre vertu de ses aïeux a valu, dans l'Eglise, une telle dignité et un nom si glorieux. De toutes les ambitions, de toutes les politiques, c'est là, en effet, la plus noble, celle à laquelle nous sommes conviés par la voix même de la divine vérité, quand elle nous enseigne qu'il faut chercher avant tout le royaume de Dieu et sa justice, et qu'elle nous recommande d'attendre, de là, la récompense par laquelle Dieu rémunère, non seulement dans le ciel, mais même dès cette terre, la pratique de la piété et de la justice et le zèle de sa gloire.
Ces avis, que Nous inspire, à votre égard, la tendresse paternelle de Notre cœur seront, Nous en avons la confiance, accueillis par les fidèles de France avec les sentiments que Nous avons toujours reconnus en des fils si pleins d'amour et si chers à notre affection. […]
Enfin, Nous ne pouvons terminer sans tourner, vers le Christ, notre Seigneur et notre Dieu, qui est la vie et la force des cœurs, et qui promet de consoler ceux qui travaillent et qui gémissent sous leurs fardeaux, les vœux les plus intimes de Notre âme, afin qu'il accueille les hommages de votre religion et de votre piété avec indulgence et miséricorde et, qu'ouvrant les trésors de sa bonté, il répande, sur vous et sur toute votre patrie, les dons les plus abondants de paix, de salut et de prospérité.
Nous voulons que vous ayez l'augure de ces faveurs célestes, comme aussi le gage de Notre sincère bienveillance dans la Bénédiction apostolique qu'à vous, cher Fils, à tout le clergé et à tous les fidèles de la France, nous accordons avec toute la tendresse de Notre cœur.
Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 5 mai de l'année 1891, de Notre pontificat de quatorzième.
Léon XIII, Pape. »
Le Messager du Cœur de Jésus, Tome LX°, Juillet 1891.
Le 20 août, le Saint Office interdit d'exposer sur les autels à la vénération des fidèles les représentations isolées du Cœur du Christ, afin que ne soit pas confondue la vénération du Sacré Cœur et l'adoration du très Saint Sacrement. La dévotion privée à ce type de représentation reste permise.
1892 : En janvier, parution du 1° numéro du Messager Canadien du Sacré-Cœur de Jésus, sous la direction du R.P. J.-B. Nolin S.J., directeur supérieur de la Ligue du Sacré-Cœur et de la Communion réparatrice aux bureaux du Sacré-Cœur, au Gesù, à Montréal.
Le 14 juillet, le Comité du Vœu National fait placer sur la basilique Montmartre au côté du drapeau tricolore une croix électrique visible de tout Paris. "Il était beau et doux à contempler, le signe sacré de notre rédemption, brillant dans le ciel au milieu de la nuit, éclairant de ses reflets le drapeau national dont la basilique était pavoisée" écrira le journal Le Monde le 18 juillet suivant.
1893 : Le 31 mai, la Confrérie du Sacré-Cœur de Jésus pour le soulagement et la délivrance des Ames du Purgatoire, créée par le Père Victor Jouët (1839-1912), est érigée canoniquement à Rome. Elle sera confiée aux missionnaires du Sacré-Cœur de la province d'Italie par Pie X le 20 janvier 1913, et Benoît XV l'élèvera au rang d'Archiconfrérie par une Bulle en date du 17 décembre 1917.
Le 9 juillet, l'autorité Romaine condamne l'expression de "Cœur de Jésus Pénitent".
Le 15 juillet, le Saint-Office rejette le titre de "Cœur pénitent de Jésus", et proscrit sa dévotion.
Le 22 octobre, pour célébrer l'alliance franco-russe, le cardinal Richard ordonne un Te Deum dans toutes les paroisses de Paris, et préside celui de la basilique Montmartre.
Le Sacré-Coeur de Jésus Deux mille ans de Miséricorde Le recueil qui est reproduit dans les pages de ce dossier avait trouvé un éditeur, Téqui, en juin 2008. Une version considérablement enrichie, et actualisée jusqu'en juin 2019, est disponible à la vente chez le même éditeur depuis le 4 décembre 2019, en ligne sur son site internet ICI. Merci de faire connaître autour de vous la nouvelle version de ce travail, augmentée de plus de 200 pages par rapport à la première édition. « Les personnes qui propageront cette dévotion, auront leur nom inscrit dans mon Cœur, et il ne sera jamais effacé. » (11ème promesse du Sacré-Coeur à sainte Marguerite-Marie) |