4. L'enracinement - Jean Eudes et Marguerite-Marie Alacoque : 1600-1690
1601 : Le 14 novembre, naissance de Jean Eudes.
1604 : Le 16 octobre, Madame Acarie (future bienheureuse Marie de l'Incarnation, 1566-1618), introductrice des Carmélites en France, demande à ses religieuses de commencer les exercices de leur fondation dans la capitale par une visite à Montmartre.
Fondation du couvent des Capucines rue Saint-Honoré à Paris.
1608 : Publication de Introduction à la vie dévote de François de Sales.
« Voyez-vous, ma chère Philothée, il est certain que le Cœur de notre cher Jésus voyait le vôtre dès l'arbre de la Croix et l'aimait ; et, par cet amour, lui obtenait tous les biens que vous aurez jamais. »
François de Sales, Introduction à la vie dévote, V° partie, ch. XIII.
1610 : Le 14 mai, assassinat de Henri IV par Ravaillac rue de la Ferronnerie à Paris. Les Jésuites recueillent son cœur dans leur collège de La Flèche.
Publication de Le Messager céleste de Galileo Galilei (1564-1642), ouvrage dans lequel l'astronome défend entre autres la vision héliocentrique de l'Univers professée par son prédécesseur polonais Nicolas Copernic (1473-1543), selon laquelle le Soleil est au centre de notre Univers. Les œuvres de Copernic seront mises à l'Index en 1616, ces thèses s'opposant à la doctrine de l'Eglise catholique qui défend alors la vision géocentrique du monde telle qu'enseignée par Ptolémée, selon laquelle la Terre se trouve au centre de l'Univers. A la suite de la publication en 1632 du Dialogue sur les principaux systèmes du monde, Galilée sera condamné par l'Inquisition (1633) et contraint d'abjurer ses thèses. Giordano Bruno (1548-1600), philosophe Dominicain, avait été brûlé sur un bûcher pour les mêmes raisons.
François de Sales fonde l'Ordre des Visitandines. L'année suivante, il écrit à Jeanne de Chantal pour lui relater les pensées qu'il a eues à ce sujet.
« Dieu m'a donné cette nuit la pensée que notre maison de la Visitation est par sa grâce assez noble et assez considérable pour avoir ses armes, son blason, sa devise et son cri d'armes. J'ai donc pensé, ma chère Mère, si vous en êtes d'accord, qu'il nous faut prendre pour armes un unique cœur percé de deux flèches, enfermé dans une couronne d'épines, ce pauvre cœur servant d'enclavure à une croix qui le surmontera, et sera gravé des sacrés noms de Jésus et de Marie. Ma fille, je vous dirai, à notre première entrevue, mille petites pensées qui me sont venues à ce sujet ; car vraiment notre petite congrégation est un ouvrage du Cœur de Jésus et de Marie. Le Sauveur mourant nous a enfantés par l'ouverture de son Sacré Cœur, il est donc bien juste que notre cœur demeure, par une soigneuse mortification, toujours environné de la couronne d'épines qui demeurera sur la tête de notre Chef, tandis que l'amour le tient attaché sur le trône de ses mortelles douleurs. »
Saint François de Sales, Lettre à sainte Jeanne de Chantal, 10 juin 1611.
« O ma fille ! si vous regardez ce Cœur, il est impossible qu'il ne vous plaise pas ; car c'est un Cœur si doux, si suave, si condescendant, si amoureux des chétives créatures, pourvu qu'elles reconnaissent leurs misères, si gracieux envers les misérables, si bon envers les pénitents ! Eh ! qui n'aimerait ce Cœur royal, si paternellement maternel envers nous ? »
Saint François de Sales, Lettre à une religieuse, 18 février 1618.
1610-1643 : Règne de Louis XIII (1601-1643), fils d'Henri IV et de Marie de Médicis (Régence de Marie de Médicis et de Concini (†1617) jusqu'en 1614).
1611 : Pierre de Bérulle fonde la Congrégation de l'Oratoire de Jésus. On trouve dans ses écrits, notamment dans les relations du Sauveur telles qu'il les décrit avec sainte Madeleine, plusieurs mentions du divin Cœur :
« Fils de Dieu, traitant avec une femme surprise en adultère, montre la pitié et la douceur de son Cœur… Suivons cette douceur et débonnaireté de Notre-Seigneur envers l'humble et dévote Magdeleine… Elle est collée et attachée à Jésus en sa croix ; et ce sang ruisselant de Jésus est le ciment qui joint le Cœur de Jésus et de Magdeleine ensemble. Et Magdeleine est attachée à la croix de Jésus par des clous plus forts que ceux dont les Juifs y ont attaché son Sauveur et son Amour… Et Magdeleine ne parle point à Jésus, comme Jésus ne parle point à Magdeleine. Elle ne lui parle point en vérité, mais son cœur parle et parle le langage d'amour qui est le langage du cœur… Et le Cœur de Jésus parle à Magdeleine et pour Magdeleine au Père éternel... Vous vivez en la terre (ô Magdeleine) de la vie de Jésus, comme les saints vivent au ciel de la vie de Dieu même. Là vous porterez l'impression et l'opération de son Cœur dans votre cœur, de son Esprit dans votre esprit, de sa vie dans votre vie. »
Pierre de Bérulle, in Abbé Levesque, L'Origine du Culte du Sacré-Cœur de Jésus, Avignon, Maison Aubanel, 1930.
1613 : Le 2 avril, les princesses Catherine et Marguerite d'Orléans, les demoiselles de Longueville et d'Estouteville, Anne de Beauvilliers et sa sœur Marie Abbesse du monastère offrent à l'abbaye Bénédictine de Montmartre la maison qu'elles viennent d'acquérir à La Ville-l'Evêque, sur l'actuelle place de la Madeleine, à charge d'y fonder un prieuré. Celui-ci, placé sous l'invocation de Notre-Dame de Grâce, sera surnommé le Petit Montmartre, puis connu sous le nom de Val-de-Grâce. Marguerite de Veyni d'Arbouze (1580-1626) y est nommée prieure, et c'est à elle que Jacques Ferraige dédie sa traduction des Insinuationum divinae pietatis libri de Gertrude la Grande, publiée en ce début de siècle. Elle-même dévote aux plaies sacrées du Sauveur, Marguerite d'Arbouze écrit dans son Traité de l'Oraison mentale :
« Jésus en la dernière heure de sa vie, cloué en cet arbre de douleur, s'oublier tout, et non content de se sacrifier tout pour nous, il ne se souvient que de nous. Et donc l'épouse n'a-t-elle pas raison de dire que cet Epoux est tout à elle, puisqu'il se donne en telle sorte que, mourant en la Croix et son Cœur réservant en soi quelque partie de son sang divin et sacré, pour soutenir la douleur d'une mort si violente, son amour ne le peut souffrir, voulant que son Cœur fût ouvert après sa mort pour nous restituer ce sacré et précieux trésor, quoiqu'il ne fût pas nécessaire pour notre rédemption de le répandre, puisqu'une seule goutte de son sang étant d'un mérite infini, était plus que suffisante pour notre remède et salut. Mais il était besoin pour étancher la soif amoureuse de Jésus qu'il le versât tout et sans réserve, pour faire qu'avec vérité il se donnât tout à nous, ainsi que son épouse dit : Dilectus meus mihi, mon Bien-Aimé est tout à moi.
Cet Epoux divin nous marque cet excès incompréhensible, disant que son épouse lui a blessé le Cœur, ou, comme dit une autre version, lui a enlevé le Cœur avec l'un de ses cheveux. Certes, l'amour de nos âmes a fait cette ouverture au Cœur sacré de Jésus, plus que la lance qui a donné le coup. Nous voilà donc assuré qu'il n'y a rien en l'Epoux Jésus crucifié qui ne soit à l'épouse. »
Marguerite d'Arbouze, Traité de l'oraison mentale, in L'Amour du Cœur de Jésus contemplé avec les saints et les mystiques de l'Ordre de Saint Benoît, Paris - Bruges, Desclée de Brouwer, Abbaye de Maredsous, 1936.
1616 : Publication du Traité de l'Amour de Dieu de François de Sales.
« Oui, Théotime, l'amour divin assis sur le Cœur du Sauveur, comme son trône royal, regarde par la fente de son côté percé tous les cœurs des enfants des hommes : car ce Cœur étant le roi des cœurs, tient toujours ses yeux sur les cœurs. […] Oh ! si nous oyons ce divin Cœur, comme il chante, d'une voix d'infinie douceur, le cantique de louange à la divinité ! Quelle joie, Théotime, quels efforts de nos cœurs pour se lancer au ciel, afin de le toujours ouïr ! Il nous y invite, certes, ce cher Ami de nos âmes… Viens, dit-il, ma bien-aimée toute chère, et pour me voir plus clairement, viens ès mêmes fenêtres par lesquelles je te regarde. Viens considérer mon Cœur en la caverne de l'ouverture de mon flanc, qui fut faite lorsque mon corps comme une maison réduite en masure fut si piteusement démoli sur l'arbre de la Croix. »
François de Sales, Traité de l'Amour de Dieu, Livre V, ch. XI.
1617 : Le 25 octobre, le Capucin François Joseph Le Clerc du Tremblay dit le Père Joseph (1577-1638) fonde à Poitiers en compagnie d'Antoinette d'Orléans (1572-1618), Feuillantine de Fontevrault, la Congrégation des Religieuses Bénédictines de Notre-Dame du Calvaire, dite des Filles du Calvaire. De nombreuses fondations suivront jusqu'à la mort du Père Joseph : à Angers (1619), à Paris au Luxembourg (1620), à Nantes (1623), à Loudun et à Mayenne (1624), à Vendôme, à Morlaix et Saint-Brieuc (1625), à Chinon (1626), à Redon (1629), à Rennes (1631), à Paris au Marais et à Quimper (1634), à Tours (1636) et à Orléans (1638). Le Père Joseph invite les religieuses à vivre et travailler sur le Calvaire, où jaillit la source sanglante du Cœur de Jésus "qui y verse les torrents dorés de son sang et de son amour". Dans ses Exhortations (1636) comme dans les Exercices qu'il impose à ses filles, il met en avant la dévotion au Cœur de Jésus, faisant de sa Congrégation l'une des premières (sans doute avec les Annonciades - cf. 1501) à rendre ainsi un hommage collectif au Cœur du Christ.
« Cœur de Jésus-Christ contient en soi la plénitude de toutes les grâces et trésors du Père. C'est de son Cœur et de son amour, dont le cœur est le symbole, que tout notre bien procède. (V° Exhortation sur les Cinq Plaies, ms. IX)
Voilà une bonne âme qui se met sur le Calvaire au pied de la croix. Elle voit comme Notre-Seigneur l'attend, lui ouvrant ses bras et son Cœur. Il lui dit : Voici que je t'attends, ne crois pas que je me sois enfui pour tes ingratitudes, je suis encore tout prêt à te recevoir. Tu crois que je suis ton Dieu et Sauveur, que je suis mort pour toi ; opère selon cette croyance et l'exemple que je t'ai montré. Tu crois que je suis mort et ressuscité pour l'amour de toi ; il faut aussi que tu meures et ressuscites pour mon amour. Porte la main dans mon Cœur, que j'ai ouvert, afin que tu puisses y entrer. (III° Exhortation sur les Cinq Plaies, ms. IX)
L'âme doit ouvrir son cœur pour recevoir en soi le Cœur du Fils de Dieu, le priant qu'il lui plaise s'écouler et se verser en elle, ou bien recevoir son cœur en son Cœur, afin que désormais il soit l'Esprit de son esprit, l'âme de sa vie, le centre et le cœur de toutes ses pensées et affections. (VII° Exhortation sur les Cinq Plaies, ms. IX)
Au Calvaire, nous voyons son corps tout à découvert, l'agneau occis y est brûlé dans le feu de son amour et sert de nourriture aux âmes pour les fortifier en la vie nouvelle qui s'acquiert par la mort. Il est vrai que l'on n'y mange pas son corps d'une façon sanglante, mais l'on s'y repaît de son Cœur, de manière que le banquet du Calvaire est le Cœur ouvert du Fils de Dieu ; c'est son amour et sa volonté qu'il nous donne pour nous soutenir et sustenter ; c'est ce dont il veut que nous nous repaissions, comme les aigles qui ne se nourrissent que des cœurs. Ainsi faut-il qu'en la communion nous ayons ce dessein principal de manger ce Cœur du Fils de Dieu, et d'être faits une même chose avec lui par l'union et transformation de notre volonté en la sienne […] Si vous ne mangez ce Cœur, si vous ne transformez votre amour, votre volonté dans celle du Fils de Dieu, dont le Cœur est le symbole, vous n'accomplirez pas les desseins qu'il a en se donnant à vous, vous ne tirerez pas de profit de la communion et le banquet de Sion ne vous servira de rien, si vous ne venez à celui du Calvaire. 1° Exhortation sur le Saint-Sacrement, ms. III) »
Père Joseph du Tremblay, in Abbé Louis Dedouvres, Un Précurseur de la B. Marguerite-Marie : Le Père Joseph et le Sacré-Cœur, Angers, Germain et G. Grassin, 1899.
Le 8 décembre, Vincent de Paul (1581-1660) fonde sa première Confrérie de la Charité, et donne solennellement en l'hôpital de Châtillon aux premières "Dames de la Charité" leur règlement définitif. Vincent de Paul a été canonisé le 16 juin 1737 par Clément XII. Le 2 juin 1883, Léon XIII a proclamé saint Vincent de Paul patron de toutes les œuvres charitables répandues dans le monde.
1618 : Début de la guerre de Trente Ans en Europe (la France rejoindra ce conflit en 1635).
1619-1622 : Jeanne de Chantal dirige le couvent qu'elle a établi dans le faubourg Saint-Antoine, à Paris. En 1622, elle est à la tête de 12 maisons visitandines.
« Considérez que, non seulement notre doux Sauveur nous montra son amour par toute l'œuvre de la Rédemption, avec tous les chrétiens, mais qu'il nous oblige spécialement, nous autres de la Visitation, par le don et faveur qu'il a faits à notre ordre et à chacune de nous en particulier de son Cœur, ou, pour mieux dire, des vertus qui y résident, puisqu'il a fondé notre très aimable institut sur ces deux principes : Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur… C'est le partage qui nous est échu de tous ses trésors, ayant donné aux autres ordres, à l'un l'éminence de l'oraison, à l'autre la solitude, à l'autre l'austérité, mais à nous ce qu'il estimait sans doute le plus cher, puisque son précieux Cœur en est le dépositaire ; que nous pouvons avoir cette satisfaction, si nous apprenons et pratiquons bien la leçon que cet amoureux Sauveur nous donne, que nous aurons l'honneur de porter le titre de Filles du Cœur de Jésus.»
Sainte Jeanne de Chantal, Exercices spirituels pour les dix jours de solitude, Méditation VIII : De l'amour que Jésus nous porte, 4° Considération. La Mère Hélène-Angélique L'Huillier serait le véritable auteur de cet ouvrage, attribué à Jeanne de Chantal.
1622 : Paris est érigé en archevêché, détaché de Sens.
Grégoire XV inscrit au canon des saints Ignace de Loyola, François-Xavier, Louis de Gonzague et Stanislas Kotska, net hommage rendu aux Jésuites, ainsi que Philippe de Néri, fondateur de l'Oratoire romain, et Thérèse d'Avila, réformatrice du Carmel. La même année, par la Bulle Inscrutabili, il organise la Sacrée Congrégation de la Propagande, chargée de gérer l'ensemble des Missions.
Un nouveau couvent dépendant de l'abbaye est élevé sur la colline de Montmartre à Paris, près de la chapelle du Martyre, et prend le nom de Prieuré des Martyrs. Une clôture entoure l'ensemble des trois bâtiments, et le Prieuré est bientôt agrandi par Louis XIV. Dans la dernière moitié du XVII° siècle, le mouvement religieux vers Montmartre connaîtra une période particulièrement florissante :
« Les nonces du pape n'oublient pas de visiter ce saint lieu en arrivant en France… Les prélats ne vont guère dans leurs évêchés sans venir prendre comme une mission intérieure du premier évêque de Paris et de l'apôtre de tout le royaume. Le vénérable chapitre de Notre-Dame y fait tous les ans des processions fort exemplaires. Les curés, tant de Paris que des paroisses circonvoisines, imitent en cela leur cathédrale métropolitaine. C'est une particulière consolation de voir le nombre de pieux ecclésiastiques qui viennent y célébrer la sainte messe, principalement durant l'octave. A l'exemple du clergé, le peuple, grands, médiocres, petits, fréquente souvent ce saint lieu par ses pèlerinages, mais il redouble son concours d'une manière incroyable (si on ne l'a vu), durant l'octave de saint Denys, où il y a tous les jours indulgence plénière, et sermon par les célèbres prédicateurs qui sont lors à Paris. »
Théâtre des Antiquités de Montmartre, 1661, cité in P. Laligant, Montmartre - La Basilique du Vœu national au Sacré-Cœur, Grenoble, Arthaud, 1933.
1623 : En mars, Pierre de Bérulle accueille Jean Eudes à l'Oratoire de Paris.
Publication des Discours de l'état et des grandeurs de Jésus de Pierre de Bérulle.
1624 : Jean-Baptiste Noulleau (1604-1672) rejoint Jean Eudes à l'Oratoire. En 1639, il sera nommé archidiacre, puis l'année suivante théologal de Saint-Brieuc. Ses prêches rencontreront un grand succès dans les campagnes, mais les reproches qu'il adressera au clergé, trop laxiste à son goût vis-à-vis du désordre moral, lui vaudront d'être interdit par Mgr Louis de Barde, évêque de la ville. Il se retirera alors à Dol. On trouve dans ses écrits L'Idée du vrai chrétien (1664), De la grâce de Dieu (1665), et surtout dans L'Esprit du christianisme tiré de cent paroles de Jésus-Christ (1664) de belles pages sur le Cœur du Christ.
« … La seconde expression de la religion chrétienne, c'est qu'elle consiste toute dans l'adoration de Dieu selon l'Esprit de Jésus-Christ et dans l'amour de Dieu selon le Cœur de Jésus-Christ, qui est la vraie adoration de tous les chrétiens en esprit et en vérité… Car quel moyen d'adorer Dieu comme il veut être adoré, que de le faire dans l'Esprit de Jésus-Christ ? Et quel moyen de l'aimer en vérité, comme il mérite d'être aimé, que de le faire, pour ainsi dire, avec le Cœur même de Jésus-Christ, qui est à nous et que nous pouvons nous approprier à cette grande fin, quand nous voulons, aussi bien que toute sa Personne, pour adorer en cet Esprit et en ce Cœur, qui sont plus à nous que nous-mêmes ? »
« Jésus-Christ, j'adore votre Cœur comme le Cœur du pur amour de Dieu. J'adore en vous, ô Jésus mon Seigneur, tout l'amour que vous avez pour Dieu. Je l'aime dans votre Cœur comme je l'aimerais dans le mien… O Cœur de Jésus-Christ, aimez Dieu pour nous comme vous l'aimez. Satisfaites, en la place de tous les hommes, à l'amour que tous les hommes lui doivent. Suppléez même pour eux à tous les défauts de l'amour que, lui devant, ils ne lui rendent pas. Que je suis et que je serai éternellement ravi de voir en vous un Cœur qui contente le Cœur de Dieu ! »
Jean-Baptiste Noulleau, L'Esprit du christianisme, in Abbé Levesque, L'Origine du Culte du Sacré-Cœur de Jésus, Avignon, Maison Aubanel, 1930.
A l'invitation de Pierre de Bérulle, Jean Eudes fait le "vœu de servitude à Jésus".
Le 29 avril, Armand Emmanuel du Plessis, cardinal de Richelieu (1585-1642) devient ministre de Louis XIII. De 1629 à 1636, il se fait construire un Palais, le Palais Cardinal (futur Palais-Royal), qu'il léguera au roi.
Anne d'Autriche pose la première pierre du monastère du Val de Grâce.
1625 : Vincent de Paul (1581-1660) fonde les Prêtres de la Mission, ou Lazaristes, qui obtiennent l'approbation d'Urbain VIII en 1632.
1625-1626 : Nouvelles luttes contre les protestants. Le 5 février 1626, paix de la Rochelle.
1626 : Le 4 septembre, sept religieuses venues du monastère de la Visitation de Bellecour à Lyon arrivent à Paray sous la direction de Mère Marguerite-Elisabeth Sauzion, et fondent le 26° monastère de l'Ordre où entrera Marguerite-Marie en 1671. La première maison, dite "de Daron", était située rue de la Paix, actuelle rue de l'Hôtel-de-Ville. En 1629 la Mère Anne-Elisabeth de Lingendes organise le transfert de la communauté, les Pères Jésuites ayant proposé l'échange des bâtiments spacieux qu'ils occupent contre le petit couvent de la Visitation. Après travaux et agrandissement, les Sœurs s'y installent le 14 septembre 1632. La chapelle - lieu des apparitions du Christ à Marguerite-Marie - sera construite l'année suivante. Restaurée en 1854 (l'actuel Maître-autel date de 1856), elle sera ornée en 1966 d'une grande fresque représentant Jésus montrant ses plaies "comme cinq soleils" à la religieuse. Seule manque aujourd'hui à ce monastère la tour, démolie en 1809, qui était le centre de la vie du noviciat que dirigeait la sainte de Paray.
Le 18 novembre, à Rome, consécration solennelle de la Basilique Saint-Pierre.
1627 : Henri de Lévis, duc de Ventadour, fonde la Compagnie du Saint-Sacrement. Jean Eudes, Bossuet, Jean-Jacques Olier, Vincent de Paul, Charles de Condren, l'évêque de Noailles en feront partie. Sous la pression de Mazarin, la fondation sera supprimée en 1665 par le jeune Louis XIV.
1629 : Vincent de Paul (1581-1660, canonisé le 16 juin 1737) et Louise de Marillac (1591-1660, canonisée le 11 mars 1934) fondent l'Ordre des Filles de la Charité pour le service des pauvres, qui sera consacré en 1634. En 1968, l'Ordre prendra le nom d'Equipes Saint-Vincent. On connaît un tableau de grand format réalisé par Louise de Marillac, représentant Notre-Seigneur en pied, le Cœur rayonnant sur la poitrine, les mains marquées de l'empreinte des clous attirant les hommes à Lui. Vincent de Paul, qui termine plusieurs Lettres par la mention "Votre très humble serviteur dans le Cœur de Jésus", y parle également à plusieurs reprises du Cœur du Seigneur.
« Pourvu que votre cœur honore la très sainte tranquillité de celui de Notre-Seigneur, en son amour, il lui sera agréable. »
Vincent de Paul, Lettre à Louise de Marillac.
« Or sus, Notre-Seigneur soit en notre cœur et notre cœur dans le sien, afin qu'ils soient trois en un et un en trois, et que nous ne voulions que ce qu'il veut. »
Vincent de Paul, Lettre à Mademoiselle Legras.
Pose de la première pierre de l'église Notre-Dame des Victoires à Paris, dédiée par Louis XIII à la Vierge Marie.
1630 : Marie Granger (1588-1636), entrée à l'abbaye Bénédictine de Montmartre en 1617, et devenue depuis maîtresse des novices, est favorisée de nombreuses faveurs divines. La Mère de Blémur, supérieure de l'abbaye de Montargis que Marie Granger fondera en cette année 1630 (et dont elle sera l'abbesse jusqu'en 1636), relate en 1679 une vision de la religieuse, qui fait d'elle l'annonciatrice de la dévotion appelée à se développer en cette fin de XVII° siècle.
« Notre divin Sauveur lui apparut, tenant une croix en sa main, avec un Cœur percé de trois clous et une couronne d'épines ; il paraissait que ce Cœur répandait des gouttes de sang : " Ma fille, lui dit Notre-Seigneur, je vous donne ce blason et je ne veux pas que vous en preniez jamais d'autre. Vous triompherez par la croix." La servante de Dieu l'accepta avec beaucoup de reconnaissance, elle en fit graver un cachet, dont nos religieuses de Montargis se servent encore aujourd'hui. »
Mère de Blémur, Eloges t. I, cité in H. Brémond, Histoire littéraire du sentiment religieux en France, Paris, Bloud et Gay, 1919, t. II.
1631 : Marie Martin entre chez les Ursulines, et y prend le nom de Marie de l'Incarnation. C'est dans ces années trente que Dieu lui inspire une pratique de dévotion au Sacré-Cœur (Exercice du Cœur sacré de Jésus), qu'elle décrira beaucoup plus tard dans un courrier adressé à son fils, devenu Bénédictin de la Congrégation de Saint-Maur.
« C'est par le Cœur de mon Jésus, ma Voie, ma Vérité et ma Vie que je m'approche de vous, ô Père éternel.
Par ce divin Cœur, je vous adore pour tous ceux qui ne vous adorent pas, je vous aime pour tous ceux qui ne vous aiment pas, je vous reconnais pour tous les aveugles volontaires qui par mépris ne vous connaissent pas.
Je veux par ce divin Cœur satisfaire au devoir de tous les mortels. Je fais en esprit le tour du monde pour y chercher toutes les âmes rachetées du Sang précieux de mon Sauveur. Je les embrasse pour vous les présenter par lui, et par lui, je vous demande leur conversion.
Sur cet adorable Cœur, je vous présente tous les ouvriers de l'Evangile, afin que par ses mérites vous les remplissiez de l'Esprit-Saint.
O Verbe Incarné, Jésus mon Bien-Aimé, vous savez tout ce que je veux dire à votre Père par votre divin Cœur. Je vous le dis en le lui disant, parce que vous êtes dans votre Père et que votre Père est en vous. Faites donc que tout cela s'accomplisse et joignez-vous à moi pour fléchir par votre Cœur celui de votre Père. Faites, selon votre parole, que comme vous êtes une même chose avec lui, toutes les âmes que je vous présente soient aussi une même chose avec lui et avec vous. »
Marie de l'Incarnation, Lettre CLIII à son fils dom Claude Martin (16 sept.1661).
Le 21 novembre, Marguerite Parigot, en religion Sœur Marguerite du Saint-Sacrement (1619-1648) prononce ses vœux au Carmel de Beaune. Favorisée de nombreuses visions de Jésus Enfant, elle est chargée par Lui de faire connaître cette nouvelle dévotion qui portera le titre de "la famille du Saint Enfant Jésus", insistant sur l'importance d'un retour à la simplicité et à l'humilité. Marguerite est l'une des voyantes qui a annoncé plusieurs mois à l'avance la naissance prochaine d'un dauphin, le futur Louis XIV. Elle fera construire en 1639 dans le cloître une chapelle dédiée à l'Enfant Jésus, où sera placée une statue de la Vierge à l'Enfant, et fera réaliser pour le Carmel le tableau connu aujourd'hui sous le nom de "Petit Roi de gloire". Jean Eudes rapporte que Sœur Marguerite du Saint-Sacrement eut également des visions du Cœur divin, l'Enfant Jésus lui ayant dit un jour : "Puise ce que tu voudras dans mon Cœur, et rien ne te sera refusé".
« [Le Seigneur] lui fit donc paraître son Cœur comme une vaste et immense fournaise d'amour dans laquelle Il l'enferma les jours et les nuits, durant l'espace de trois semaines ou d'un mois. Là elle puisa tant de grâces dans leur source et parvint à une telle sainteté que ses progrès parurent plus grands en un seul jour qu'ils n'avaient été auparavant en des années entières… Toutefois parmi tant de richesses et de bonheur, elle vit que ce divin Cœur avait été noyé dans les abîmes profonds de douleur et d'amertume ; qu'il avait été abattu et languissant de tristesse, à cause des péchés des hommes. Mais nonobstant, elle connut en ce Cœur très bénin un si adorable transport pour ceux qui lui avaient causé tant de maux, que cela ne peut pas exprimer. »
Œuvres de saint Jean Eudes, VIII, pp. 300-302.
1632 : Christophe d'Authier de Sisgau (1609-1667), futur évêque de Bethléem (1651), fonde à Avignon la Congrégation du Saint-Sacrement, qu'Innocent X destine aux missions et à la direction des séminaires. Il s'agit de l'une des premières congrégations eucharistiques, qui se multiplieront dès la deuxième moitié du XVII° siècle. Celle-ci disparaîtra à la Révolution.
1633 : Condamnation de Galilée.
1634 : Un décret d'Urbain VIII relatif à la béatification et la canonisation, impose comme condition préalable une discussion sur le degré héroïque atteint par les vertus des Serviteurs de Dieu.
Le 18 août, Urbain Grandier (1590-1634), curé de Loudun, accusé par 17 Ursulines qui se disent possédées du démon, est brûlé vif pour sorcellerie.
1635 : Entrée en guerre de la France contre l'Espagne, qui rejoint la "guerre de Trente Ans".
1637 : Le 25 mars, Jean Eudes prononce un "vœu du martyre", qu'il signe de son propre sang. Il publie la même année La Vie et le Royaume de Jésus dans les âmes chrétiennes. Il y fait déjà mention du Cœur de Jésus, et de son règne dans les âmes par l'amour donné et reçu.
« Anéantissez en moi mon propre cœur et mon amour-propre, et y établissez votre Cœur et votre amour. C'est cet amour infini de votre Cœur et ce Cœur immense, tout rempli d'amour, que je veux vous offrir, … puisque vous me l'avez donné en vous donnant à moi avec le Cœur bien-aimé de votre Mère bien-aimée, Cœur le plus aimable, le plus aimé et le plus aimant de tous les cœurs qui adorent le vôtre. […]
O Roi des cœurs, … ah ! que bienheureux sont ces cœurs qui ne feront autre chose, en toute l'éternité, que d'adorer, louer et aimer le très adorable et très aimable Cœur de Jésus ! »
Jean Eudes, La Vie et le Royaume de Jésus, Œuvres, I, p. 397.
Publication du Discours de la méthode de Descartes, qui sera mis à l'Index en 1663.
1638 : Le 10 février, publication de la lettre patente de Louis XIII qui officialise la consécration de la France à la Vierge Marie, formulée le jour de Noël 1635 : "Nous avons déclaré et déclarons que, prenant la très sainte et très glorieuse Vierge pour protectrice spéciale de notre royaume, nous Lui consacrons particulièrement notre personne, notre Etat, notre Couronne et nos sujets, la suppliant de nous vouloir inspirer si sainte conduite, et défendre avec tant de soin de royaume contre l'effort de tous ses ennemis, que, soit qu'il souffre le fléau de la guerre, ou jouisse des douceurs de la paix, que nous demandons à Dieu de tout notre cœur, il ne sorte point des voies de la grâce qui conduisent à celles de la gloire. Et afin que la postérité ne puisse manquer à suivre nos volontés en ce sujet, pour monument et marque immortelle de la consécration présente que nous faisons, nous ferons construire de nouveau le grand autel de l'église cathédrale de Paris, avec une image de la Vierge, qui tiendra en ses bras celle de son précieux Fils descendu de la croix ; nous serons représenté aux pieds du Fils et de la Mère, comme leur offrant notre couronne et notre sceptre."
Cette consécration sera renouvelée par Louis XIV le 25 mars 1650, par Louis XV le 21 juillet 1738, et par Louis XVIII le 5 août 1814.
Vincent de Paul (1581-1660) fonde l'Œuvre des Enfants trouvés.
1639 : Fondation des Dominicaines de l'Adoration perpétuelle du Saint-Sacrement.
Marie de l'Incarnation implante l'Ordre des Ursulines au Canada.
« J'ai coutume de parler ainsi à Dieu le Père, par le Cœur de mon Jésus, ma voie, ma vérité et ma vie : Je viens à vous, ô Père éternel ! par ce divin Cœur ; je vous invoque pour tous ceux qui ne vous adorent pas, et je vous aime pour tous ceux qui ne vous aiment pas ; je vous reconnais et vous confesse au nom de tous les aveugles volontaires qui vous méprisent et ne veulent pas apprendre à vous connaître ; je voudrais, par ce divin Cœur, satisfaire à tous les devoirs que les hommes ont à remplir envers vous. Je parcours en pensée l'univers tout entier, et je cherche toutes les âmes rachetées par le précieux sang de mon divin Epoux. Je les embrasse et les réunis toutes pour vous les offrir par lui, je vous demande la grâce de leur conversion. O Père saint, éternel, souffrirez-vous donc qu'elles ne connaissent pas mon Jésus et qu'elles ne vivent pas pour celui qui est mort pour elles ?
O Père céleste, vous voyez qu'elles n'ont pas encore la vie : ah ! faites par ce divin Cœur qu'elles vivent…
Dans ce divin Cœur, je vous offre N* N*, au nom de mon époux ; je vous en supplie, remplissez-les de votre esprit ; faites qu'avec l'aide et la bénédiction de ce divin et très saint Cœur, ils méritent de vivre avec vous éternellement.
Puis je m'adresse au Verbe divin fait homme pour nous, et je lui dis : Vous savez, ô mon bien-aimé, tout ce que je veux demander à votre Père par votre divin Cœur et votre sainte âme ; je vous le dis en même temps que je le lui demande, parce que vous êtes dans votre Père et votre Père est en vous. Opérez donc tout ce bien avec lui. Je vous offre ces âmes, faites qu'elles soient une avec vous. Telle est ma pratique de dévotion envers le divin Cœur de Jésus.»
Marie de l'Incarnation, Ecrits, in R.P. Schmude, La Dévotion au Sacré Cœur de Jésus, Paris, Desclée, De Brouwer, 1899.
1641 : Le 2 février, naissance de Claude de La Colombière.
En août, Jean Eudes rencontre pour la première fois à Coutances Marie des Vallées.
« En cette même année 1641, au mois d'août, Dieu me fit une des plus grandes faveurs que j'aie jamais reçues de son infinie bonté ; car ce fut en ce temps que j'eus le bonheur de commencer à connaître la Sœur Marie des Vallées, par laquelle sa divine Majesté m'a fait un très grand nombre de grâces très signalées. »
Jean Eudes, in Œuvres complètes, Vannes et Paris, 1905-1911, t. XII, pp. 111, 112.
Le 25 novembre, Jean Eudes ouvre à Caen la première Maison du Refuge, origine de l'Ordre de Notre-Dame de Charité. Il écrira dans les Constitutions qu'en concevant cet institut, il eut la pensée de «consacrer à l'honneur du très digne Cœur de sa très honorée Mère qui n'est qu'un Cœur avec le Cœur divin de son Fils. » Il compose également un Office à neuf leçons en l'honneur du Sacré-Cœur de Marie "qui n'a qu'un même Cœur avec son fils bien-aimé".
Le 13 décembre, mort de Jeanne de Chantal.
1642 : En mars, Jean-Jacques Olier est nommé curé de Saint-Sulpice. Le 26 mars, il fonde une association de prêtres voués à la formation des aspirants au sacerdoce, congrégation qui deviendra la Société des prêtres de Saint-Sulpice. M. Olier, favorisé de la vision du divin Cœur, a écrit de très belles pages à ce sujet.
« Ce divin intérieur qu'il a plu autrefois à la bonté de Dieu de me faire connaître, est la chose du monde la plus belle et la plus admirable. O mon Jésus, rien n'est égal à vous, en votre intérieur, et plût à Dieu que je puisse être éternellement abîmé dans l'adoration de votre sainteté ! O intérieur adorable ! ô âme divinisée ! ô âme qui me paraît tout en Dieu, qui est toute changée en Dieu, qui n'a rien de l'infirmité qui paraît en dehors de votre personne adorable ! O, mon Jésus, qu'on est trompé en vous voyant, et qu'on voit peu de choses de vous, quand on vous contemple seulement par le dehors ! Les hommes regardent par là et vous méprisent ; mais la foi vous fait voir bien autre, pénétrant votre Cœur. Et c'est cet intérieur adorable qu'il faut considérer incessamment, et qui donne la vertu à tout votre extérieur sans lequel vos œuvres ne seraient pas considérables à la face de Dieu. […] Oh ! béni soyez-vous, Cœur adorable de mon Jésus ; et qu'à jamais vous soyez béni, loué et adoré par tous les hommes ! »
Jean-Jacques Olier, Mémoires, 8 juillet 1642, in Henri-Joseph Icard, Doctrine de M. Olier, Paris, 1891.
« Quel cœur que le Cœur de Jésus ! Quel océan d'amour s'y trouve contenu et déborde sur toute la terre ! O source féconde et intarissable de tout amour ! O abîme profond et inépuisable de toute religion ! O divin centre de tous les cœurs ! […] O Jésus, souffrez que je vous adore en votre intérieur, que j'adore votre âme bénie, que j'adore votre Cœur que j'ai vu encore ce matin. Je voudrais le décrire, mais je ne le puis tant il est ravissant. Je l'ai vu comme un ciel tout rempli de lumière, d'amour, de reconnaissance et de louanges. Il exaltait Dieu, il exprimait ses grandeurs et ses magnificences. »
Jean-Jacques Olier, in L'esprit de M. Olier, T.I.
« Demeurez donc en paix comme une sainte Madeleine aux pieds de votre divin Amant. Jouissez du fruit de ses chastes amours et perdez-vous mille fois le jour dans son aimable Cœur où vous vous sentez si puissamment attirée. C'est là où vous entrerez dans la jouissance de tout ce qu'il est et même des correspondances et des communications mutuelles qui se passent entre lui et son Père. C'est la pièce d'élite que le Cœur du Fils de Dieu ; c'est la pierre précieuse du cabinet de Jésus ; c'est le trésor de Dieu même où il verse tous ses dons et où il communique toutes ses grâces... C'est en ce Cœur sacré et en cet adorable Intérieur que se sont premièrement opérés tous les mystères… Voyez par là à quoi Notre Seigneur vous appelle en vous ouvrant son Cœur, et combien vous devez profiter de cette grâce qui est une des plus grandes que vous ayez obtenues en votre vie. »
Jean-Jacques Olier, Lettres, T.II, Lettre "à une personne retirée du monde" 458 (Ed. de Gigord, 1935).
Publication du Catéchisme de la Mission de Jean Eudes.
Publication à Londres du premier livre expressément consacré à la dévotion au Sacré-Cœur (avec celui, moins connu, de Mathias Hejnal : Un livre pour ceux qui aiment le Sacré Cœur de Jésus, écrit en 1629), sous le titre The Heart of Christ in Heaven, towards Sinners on Earth, œuvre de l'anglican Thomas Goodwin (1600-1680), membre de l'Université de Cambridge et l'un des chapelains de Cromwell. Plusieurs fois réédité au XVII° siècle, et jusqu'en 1879 par John Wesley, l'ouvrage sera traduit en latin et imprimé à Heidelberg en 1658 sous le titre Cor Christi in coelis erga peccatores in terris. Les Jansénistes se référeront à cet ouvrage lorsqu'à partir de 1773 ils chercheront à assigner à la dévotion au Sacré-Cœur des origines protestantes.
Le 4 décembre, mort de Richelieu. Le cardinal Mazarin est appelé par Louis XV au conseil.
1643-1715 : Règne de Louis XIV (1638-1715), fils de Louis XIII et d'Anne d'Autriche (régence d'Anne d'Autriche et de Mazarin jusqu'en 1651).
1643 : Les bollandistes inaugurent les Acta Sanctorum, étude critique des documents hagiographiques, initiée par le Jésuite Héribert Rosweyde (1569-1629) dès 1616, et reprise par Jean Bolland (1596-1665) et son auxiliaire Godefroid Henschenius (1601-1681). La collection qui suit l'ordre du calendrier comporte l'édition des vies anciennes accompagnée de nombreuses notes et documents spirituels, compilation unique en son genre qui n'a été achevée qu'en ce XX° siècle.
Le 19 mars, encouragé en cette voie par Marie des Vallées, Jean Eudes quitte l'Oratoire, pour fonder le 25 mars suivant, jour de l'Annonciation, la Congrégation du séminaire de Jésus et Marie (C.J.M.), qui sera approuvée par le Saint-Siège en 1851. Ce nouvel institut poursuit un double but : fonder des séminaires et prêcher des missions. La même année, un premier séminaire est fondé à Caen. Six seront ainsi fondés de son vivant.
« Je n'ai point de paroles qui puissent exprimer l'excellence infinie de la faveur incompréhensible que vous nous avez faite, lorsque vous nous avez donné, à mes confrères et à moi, le Cœur adorable de votre bien-aimé Fils avec le vôtre tout aimable pour être le cœur, la vie et la règle de la susdite Congrégation. »
Jean Eudes, Le Cœur admirable, Œuvres complètes, VIII, p.355.
« Tous les ecclésiastiques de la Congrégation de Jésus et Marie ont un grand sujet de consolation et une obligation très particulière de rendre grâces à Notre-Seigneur et à sa très sainte Mère de les avoir appelés et reçus dans une Congrégation qui appartient, d'une manière très spéciale, à leur très aimable Cœur…
Premièrement parce que cette Congrégation est toute dédiée et consacrée à ce divin Cœur et qu'une des principales fins pour lesquelles elle est établie est pour honorer particulièrement ce Cœur très auguste qu'elle regarde et respecte comme son premier et principal Patron, et comme la règle et l'exemplaire qu'elle propose à ses enfants, afin qu'ils s'étudient d'y conformer les sentiments et affections de leur cœur.
Secondement parce que toutes les églises et chapelles de cette Congrégation sont dédiées et consacrées à l'honneur de ce très saint Cœur…
Troisièmement par ce que c'est dans cette Congrégation que l'on a commencé à célébrer solennellement les fêtes du Cœur admirable de Jésus et Marie. Et l'on ne doit point avoir égard à l'extrême et infinie indignité de celui dont Dieu s'est servi pour les établir, qui est le dernier de tous les hommes, le premier de tous les pécheurs et le plus indigne de tous les prêtres. Mais le grand Dieu qui a fait le monde de rien et qui l'a racheté sans qu'il ait en rien contribué à sa rédemption, a coutume de choisir les choses les plus viles et les plus basses et qui ne sont point, pour faire ce qu'il lui plaît. Ne s'est-il point servi de sainte Julienne, qui était une pauvre religieuse de l'Ordre de Citeaux, pour porter le pape Urbain IV à établir la solennité du très Saint Sacrement de l'autel ? »
Jean Eudes, Le Cœur admirable, Œuvres complètes, VII, p.411.
A l'occasion d'une mission prêchée par Jean Eudes à Saint-Sauveur-le-Vicomte dans le diocèse de Coutances, un autel est érigé aux Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie. Catherine Symon de Longpré (†1668) assiste à la cérémonie. Elle deviendra en religion Mère Catherine de Saint-Augustin, et à la suite de Marie de l'Incarnation qui l'a précédée neuf ans plus tôt, elle portera au Canada en 1648 la dévotion aux Sacrés-Cœurs, en même temps que sa vénération pour Marie des Vallées avec laquelle elle était en relation.
1646 : Au cours d'une révélation, Jésus dit à Marie des Vallées qu'Il a trois Cœurs en Un :
« Le premier est l'Amour qui m'a fait descendre du ciel ; le second, qui procède du premier, est ma Passion ; et le troisième, qui procède du second, est le Saint-Sacrement. Il lui dit aussi que ces trois Cœurs n'en font qu'un, et qu'aux uns Il donne le premier, qui est l'Amour, aux autres, le second qui est la souffrance, aux autres le troisième, qui sont les consolations. »
Elle écrira plus tard :
« Il a toujours demeuré dans mon cœur. Mais je n'entends pas ce cœur charnel qui est dans mon corps, mais dans le cœur qu'Il m'a donné, qui est sa Passion. Je le porte toujours dans ce cœur ; de vous dire en quelle manière cela est, je ne saurais l'expliquer autrement. C'est là que je le trouve, que je le vois d'une manière qui est sans aucune forme ni figure. C'est là que je lui parle et qu'Il me parle. »
Emile Dermenghem, La Vie admirable et les révélations de Marie des Vallée, Paris, Plon-Nourrit, 1926.
Tour à tour théologienne, philosophe et poète, elle relate ses visions à ceux qui l'entourent, le thème du Saint Sacrement revenant souvent dans ses confidences.
« La porte est de fin or pour montrer… que ceux qui sont dans le Saint Sacrement sont déifiés, car on reçoit Notre-Seigneur en soi par la communion, mais on est reçu en Lui par la déification, et c'est ce qui est signifié dans ce jardin, dans lequel entrent ceux qui sont déifiés. Aussi y a-t-il écrit sur la porte : Il n'entre ici que des rois, c'est-à-dire des personnes revêtues de la royauté et des divines qualités de Jésus, par une parfaite transformation et véritable déification. Près la table du jardin, il y a une table ronde de jaspe, qui représente le Cœur de Notre-Seigneur. Les anges mirent au-dessus un doublier, qui représente le Cœur de Notre Dame. Sur le doublier, ils mirent un beau pain blanc, qui représente la divinité de Notre-Seigneur. Autour du pain, ils mirent trois coupes d'or, qui représentent les trois puissances de son âme. Autour des trois coupes, cinq vases de cristal qui représentent les cinq sens intérieurs. Autour des cinq vases, cinq autres de cristal, pleins de vin vermeil, qui représentent les cinq sens extérieurs. Aux deux côtés, deux vases de terre blanche, pleins de vin blanc, l'un desquels bouillonnait, qui représente l'irascible, et l'autre le concupiscible… »
Marie des Vallées, in R.P. Denis Boulay, Vie du vénérable Jean Eudes, Paris, René Haton, 1905-1908, t. III, Appendice et H. Brémond, Histoire littéraire du sentiment religieux en France, Paris, Bloud et Gay, 1929, t. III.
Le Sacré-Coeur de Jésus Deux mille ans de Miséricorde Le recueil qui est reproduit dans les pages de ce dossier avait trouvé un éditeur, Téqui, en juin 2008. Une version considérablement enrichie, et actualisée jusqu'en juin 2019, est disponible à la vente chez le même éditeur depuis le 4 décembre 2019, en ligne sur son site internet ICI. Merci de faire connaître autour de vous la nouvelle version de ce travail, augmentée de plus de 200 pages par rapport à la première édition. « Les personnes qui propageront cette dévotion, auront leur nom inscrit dans mon Cœur, et il ne sera jamais effacé. » (11ème promesse du Sacré-Coeur à sainte Marguerite-Marie) |