4. Renouvellement de la dévotion au Sacré-Cœur : du XIV° au XVII° siècle
Les Chartreux
· Ludolphe de Saxe, dit le Chartreux (v.1295-1378), ancien Dominicain devenu Chartreux, longtemps prieur de la maison de Strasbourg, auteur en 1340 d'une Vie de Jésus-Christ (Vita D. N. Jesu Christi, éd. princeps en 1477), dans laquelle il écrit (II° partie, chap. 64) : "Le Cœur du Christ a été blessé pour nous d'une blessure d'amour, afin que nous par un retour amoureux nous puissions par la porte du côté avoir accès à son Cœur, et là unir tout notre amour à son divin amour, de façon à ne faire plus qu'un même amour, comme il en est du fer embrasé et du feu. Car l'homme doit… ordonner tous ses désirs vers Dieu par amour pour le Christ… et conformer en tout sa volonté à la volonté divine, en retour de cette blessure d'amour qu'il reçut pour l'homme sur la croix, quand la flèche d'un amour invincible perça son très doux Cœur… Rappelons-nous donc quel amour plus qu'excellent le Christ nous a montré dans l'ouverture de son côté en nous ouvrant par là large accès à son Cœur. Hâtons-nous d'entrer dans le Cœur du Christ, recueillons tout ce que nous avons d'amour pour l'unir à l'amour divin, en méditant sur ce qui vient d'être dit".
· Jean de Brunswick (†1380), prieur du monastère de Strasbourg, qui aime à répéter avant la communion : "O Cœur très doux, Cœur très indulgent, Cœur très bon, Cœur paternel, Cœur infiniment aimable et miséricordieux ! Moi, misérable et indigne d'être appelé votre fils, voici que je vais m'approcher de cet auguste sacrement… O Cœur charitable, Cœur doux, Cœur aimable, je me recommande entièrement à vous, je me jette tout entier en vous, je me livre tout entier à vous".
· Le Bienheureux Jan Van Ruysbroeck (1293-1381, béatifié en 1908), dit l'Admirable, fondateur du monastère de Grœnendael près de Waterloo (Vauvert), auteur de douze traités en flamand (Miroir du salut éternel, Sept clôtures, Sept degrés, Ornement des noces spirituelles, Royaume des amants, etc.), dont certains écrits mystiques traitent de la Passion du Christ et du Cœur du Sauveur. Il écrit par exemple : "Le Christ est notre frère, il étend largement ses bras, pour vous accueillir. C'est là que vous devez chercher refuge, et il vous protégera contre tous vos ennemis. Demeurez dans la blessure de son Cœur, d'où jaillissent tous les fleuves de la grâce. Vivez enfin dans son Cœur plein d'amour, car en lui se trouvent la plénitude de l'Esprit-Saint et de l'amour éternel". Ses écrits sont à l'origine de la Devotio moderna, mouvement destiné à promouvoir une spiritualité accessible à tous, et dont L'Imitation de Jésus-Christ attribuée à Thomas a Kempis est un parfait exemple.
· Gérard de Zütphen (†1398), aux Pays-Bas, disciple de Gérard Groot (1340-1384) et de Florent Radewijns (1350-1400), fondateurs des Frères de la Vie commune, qui deviendront le berceau de la Congrégation de Windesheim où s'épanouira la Devotio moderna. Il est l'auteur d'Elévations spirituelles (Spiritualibus ascensionibus), dans lesquelles l'accent est mis sur les souffrances intérieures du Cœur de Jésus.
· Henri Egher de Calcar (1328-1408), prieur de plusieurs monastères - dont celui de Mönnikuizen, et celui de Strasbourg où il convertit en 1374 Gérard Groot cité ci-dessus - en lesquels il répand la dévotion au Cœur de Jésus. Il est l'auteur d'un Exercitatorium très proche de l'Imitation attribuée à Thomas a Kempis (voir plus loin). On lui doit cette prière : "Très miséricordieux Jésus, je m'offre maintenant à votre Majesté et à votre Bonté, je me recommande humblement à Vous ; je vous supplie, par toutes les blessures de votre corps, par chaque goutte de votre précieux sang, par l'immense tendresse de votre Cœur, de me recevoir dans votre grâce, de me délivrer et préserver de tout péché".
· Dominique de Trèves (v.1384-1461), chez qui le Cœur de Jésus apparaît comme le centre de la pratique de toutes les vertus. Il écrit : "C'est dans le Cœur très doux de Jésus que nous trouverons la force, la miséricorde, la justice, la paix, la vertu et le salut éternel. C'est de Lui que nous viendront la vie, la consolation, et aussi la lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde, mais surtout celui qui est dans la tribulation et le besoin, et qui recourt à Lui en toute confiance. […] C'est pourquoi vous baiserez fréquemment avec reconnaissance ce Cœur très pieux de Jésus inséparablement uni au Cœur divin, où sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science de Dieu, une image, dis-je, soit de ce Cœur, soit du crucifix. Vous aspirerez sans cesse à le contempler face à face, en lui confiant vos peines ; de là vous attirerez dans votre cœur son esprit et son amour, ses grâces et ses vertus ; à lui vous vous remettrez, dans les biens et dans les maux, en lui vous aurez confiance, à lui vous vous attacherez ; en lui vous habiterez…, afin que lui en retour daigne faire sa demeure en votre cœur ; là enfin vous vous endormirez doucement et reposerez dans la paix. Car quand les cœurs de tous les mortels vous tromperaient ou vous abandonneraient, ce Cœur très fidèle jamais ne vous trompera ni ne vous abandonnera… Vous ne négligerez pas non plus d'honorer dévotement et d'invoquer la glorieuse Mère de Dieu… et très douce Vierge Marie, afin qu'elle daigne vous obtenir du très doux Cœur de son Fils tout ce qui vous sera nécessaire. En retour, vous offrirez tout au Cœur de Jésus par ses mains bénies".
· Jacques de Clusa (1386-1466), abbé Cistercien avant d'être Chartreux à Erfurt, qui écrit dans l'un de ses Sermons (Sermones formales) : "Si notre amour pour Jésus se refroidit, regardons son côté percé et ouvert pour nous, et soudain le feu de la charité embrasera de nouveau notre âme, parce que nécessairement un Cœur entr'ouvert doit allumer le feu de l'amour dans l'âme qui le contemple".
· Thomas Hemerken, dit a Kempis (v.1380-1471), chanoine régulier de la Congrégation de Windesheim, au couvent du Mont Sainte-Agnès aux Pays-Bas, à qui l'on attribue l'Imitation de Jésus-Christ (de Imitatione Christi). Dans ses Prières et Méditations sur la vie du Christ (Orationes et meditationes de vita Christi), il écrit : "Approche-toi, ô mon âme, de ce Cœur très noble, de ce Cœur caché, de ce Cœur silencieux, de ce Cœur divin qui t'ouvre ses portes. Elu de Dieu, pénètre dans ce Cœur ; pourquoi restes-tu au-dehors ? La source de vie est ouverte pour toi, la voie du salut, l'arche céleste dont émane un parfum abondant. Voici la source du fleuve divin qui apaise la soif des âmes altérées".
· Denys Ryckel, dit Denys le Chartreux (v.1402-1471), surnommé le Docteur extatique, disciple de Ruysbroeck, commentateur de Cassien, de saint Jean Climaque, du Pseudo Denys, qui a laissé trente-cinq volumes d'écrits. Chartreux à Ruremonde, il est l'un des théologiens allemands les plus remarquables du Moyen Age, avec saint Albert le Grand. On lui doit la belle prière suivante : "Seigneur Jésus-Christ, en union avec les louanges que Vous adressez à Dieu de toute éternité, je désire vous adresser maintenant ces louanges et ces prières, cependant que je prie Votre infinie miséricorde de me donner un cœur contrit et pieux, un cœur humble et pur, un cœur plein de zèle et de fidélité, un cœur selon Votre Cœur, un cœur que Vous sanctifierez en Votre Cœur, que Vous attacherez au Vôtre, que Vous recevrez dans le Vôtre, afin que je ne me livre qu'à Vous seul, que je ne voie, que je n'entende et ne cherche que Vous, que je Vous loue et que je Vous célèbre sans cesse, que je Vous aime toujours en tout et par-dessus tout. Ainsi soit-il".
· Henri Arnold (†1487), prieur de Bâle, qui commente l'ouverture du côté et du Cœur de Jésus.
· Gabriel Biel (1420-1495), chanoine de Windesheim, philosophe, théologien et disciple de Guillaume d'Occam (ou d'Ockham, v.1285-v.1349, l'un des fondateurs du nominalisme), qui expose cette doctrine philosophique dans le Collectorium ex occano. Il est considéré comme le dernier des scolastiques. Il parle du Cœur souffrant du Sauveur lorsqu'il parle des souffrances endurées par le Christ. Dans un Discours sur la Passion, 4° partie, il écrit : Le coup de lance, selon Rémi et Damascène, fut porté, non comme les peintres le représentent, à travers les côtes, ce que ne permettait pas la hauteur de la croix ; mais il fut porté au-dessous des côtes, de telle manière que la lance enfoncée avec violence dans le corps, monta jusqu'au Cœur amoureux de Jésus, et le transperça".
· Nicolas Kempf (1393-1497), Chartreux en Autriche, qui fait allusion au mystère du Cœur de Jésus dans ses écrits ascétiques, notamment dans son commentaire des versets II, 13-14 du Cantique des Cantiques.
· Jean Mauburnus (ou Mombaer, †1502), chanoine de la Congrégation de Windesheim originaire de Bruxelles, qui vient en France en 1496 pour y réformer plusieurs monastères, avant de rejoindre l'abbaye de Livry près de Paris. Il est l'auteur d'un Rosetum (1494, édité à Paris en 1610), "Rosaire" d'exercices spirituels où l'on trouve des salutations au Cœur de Jésus, ainsi qu'au Cœur de Marie : "O Cœur divin, semblable à la cire fondue, blessé par un seul crin de l'épouse, attristé à cause de nous et percé par la lance du soldat ; vrai Saint des Saints, écrin de vie, où sont contenus les noms des fils, blesse mon propre cœur par ta charité".
· Jean Veghe, chanoine de Windesheim au couvent de Münster en Westphalie, grand orateur qui prêche en bas-allemand. Il est fait mention à de nombreuses reprises du Cœur de Jésus dans ses œuvres mystiques, comme par exemple dans la Vigne de l'âme : "Ame dévote, veux-tu donner, abandonner, sacrifier ton cœur ? Ton Epoux divin a sur ce cœur le premier et le meilleur droit, parce que, le premier, il a donné son Cœur en faisant tout par amour pour ton salut. Saint Augustin a dit : "Tout ce qui est donné ou fait par amour ne peut être récompensé que par l'amour". Si tu prouves ta reconnaissance envers ton divin Epoux et l'amour de son Cœur en lui donnant ton cœur, tu seras encore endettée vis-à-vis de lui, dans la mesure où son divin Cœur est meilleur que le tien, à moins que tu ne lui offres son Sacré Cœur lui-même, le posant sur le tien".
· Pierre Dorland (1440-1507), prieur du monastère de Zeelhem près de Diest. Voici un extrait du Dialogue entre la très sainte Vierge et Dominique sur les mystères de la Passion : " (Dominique) : … Vos enseignements, douce Vierge Marie, me donnent une grande confiance ; vous venez de m'apprendre que tout ce que votre Fils a fait et souffert a été inspiré par l'amour, l'humilité et la plus grande miséricorde. C'est également, si je ne me trompe, par bonté que Jésus a voulu qu'après sa mort, son côté fût ouvert par la lance d'un soldat ; la blessure de son côté montre l'amour de son Cœur, car la lance pénétra jusqu'au Cœur. - (Marie) : Maintenant, vous le voyez sans peine, les fils d'Adam n'ont plus à se plaindre que la porte du Paradis leur soit fermée. […] Par cette porte, ils peuvent entrer dans le Cœur du Sauveur, de son Cœur dans son âme, de son âme dans l'abîme de la divine clarté où l'on cueille des fruits d'une admirable douceur, des fruits qui ne se gâtent point mais qui se conservent éternellement. […] Chaque fois que vous serez tenté, entrez dans cet asile du Cœur de Jésus et tenez-vous y jusqu'à ce que passent les fureurs de la tempête."
· Pierre Blomenvenna (1506-1536), prieur durant trente ans des Chartreux de Cologne, maître de Jean Juste Lansperge, qui se charge de l'impression des œuvres de Denys le Chartreux. Il traduit également Harphius, le mystique Franciscain (voir plus bas). Dans son commentaire du verset III, 11 du Cantique des Cantiques, il écrit : "Ame du Chartreux, fille de Sion, c'est-à-dire fille de la contemplation, sortez de vous-même et voyez comme Jésus est couronné au jour de la joie de son Cœur… Le Cœur de Jésus désire notre salut et y trouve son bonheur… Dans la blessure du côté qui nous conduit au Cœur de Jésus, dans la blessure du côté qui est la représentation extérieure de la blessure du Cœur, lisez l'amour de Jésus, amour qu'aucun autre amour ne pourra le surpasser. C'est en voyant cette blessure du Cœur que vous comprendrez seulement combien Dieu vous a aimés, combien Jésus vous a aimés, puisqu'il a donné sa vie pour vous, misérables pécheurs. Jésus ressuscité montre cette blessure mortelle qu'il reçut au Cœur ; lecteur, profitez de cette lecture, en aimant Jésus-Christ de tout votre cœur".
· Jean Gerecht (en latin Justus = Juste) dit Lansperge, de Landsberg en Bavière (1489-1539), disciple du précédent à la Chartreuse de Cologne, puis prieur de Candave près de Juliers, maître des novices puis supérieur de l'Ordre, qui traduit et réédite les œuvres de sainte Mechtilde et de sainte Gertrude, qui étaient tombées dans l'oubli. Il est l'auteur de nombreux ouvrages, tels la Vita et Passio servatoris nostri Jesu Christi, les Sermones capitulares, ou les Septem effusiones cordis ad septem horas canonicas, ainsi qu'un certain nombre d'œuvres regroupées dans Pharetra divini amoris, recueil de sermons, lettres, prières et exercices composés par Lansperge et édité dès 1536. Il s'inspire beaucoup des écrits de Dominique de Trèves (voir plus haut), et comme ce dernier, il conseille pour aider les âmes de se servir des images du Cœur, des cinq Plaies ou du Crucifix : "Ayez donc une image du Cœur divin ou des Cinq Plaies ou de Jésus sanglant et tout blessé. Mettez-la en quelque lieu où vous passez souvent, pour qu'elle vous rappelle votre pratique et votre exercice d'amour envers Dieu". Il écrit dans la 54° Homélie : "Dans toutes les adversités et les angoisses, recourez à ce Cœur blessé. Si le plaisir vous attire, si la tristesse vous écrase, ne craignez point, vous avez un endroit où vous pouvez être en sûreté : c'est le Cœur entr'ouvert de Jésus… Jetez dans cette blessure tous vos péchés, afin qu'ils soient effacés, détruits par la bonté de Jésus-Christ ; cachez-y toutes vos bonnes œuvres, afin que la sainteté de Jésus les garde et les protège… Si vous avez faim, c'est là que vous trouverez la manne pour vous nourrir ; si vous avez soif, c'est là que vous trouverez la fontaine du Sauveur, à laquelle vous pourrez boire abondamment ; oui, le Cœur de Jésus est cette source qui sortait du milieu du Paradis terrestre, elle se répand dans les cœurs qui lui sont dévoués, elle arrose, elle féconde toute la terre. Le Cœur de Jésus est la porte de l'Arche par laquelle entrent ceux qui doivent échapper au déluge. Placez-vous donc, habitez dans cette blessure, et méditez comme une colombe la Passion de Jésus-Christ, les bienfaits de Jésus-Christ, l'amour de Jésus-Christ". On trouve également dans ses écrits de fort belles prières au Cœur de Jésus, par exemple : "O Cœur si noble, si bon, si doux, de mon fidèle ami, Jésus-Christ mon Dieu et mon Seigneur, attirez, absorbez en vous, je vous en prie, mon cœur, toutes mes pensées et mes affections, toutes les puissances de mon âme et tous mes sens, tout ce qui est en moi, tout ce que je suis et tout ce que je puis : que je ne vive que pour votre gloire et suivant votre très sainte volonté.
O très miséricordieux Jésus, en votre Cœur je me remets et je m'abandonne tout entier. Je vous en prie, Dieu de bonté, ôtez-moi mon cœur corrompu, sans piété, sans gratitude, et donnez-moi votre divin Cœur ; ou bien faites mon cœur selon votre Cœur, façonnez-le à votre gré.
Ah ! Seigneur mon Dieu, mon Sauveur et mon Rédempteur, ôtez-moi mes péchés et tout ce qui vous déplaît en moi ; tout ce qui vous plaît, versez-le en moi de votre Cœur très saint. Changez-moi et possédez-moi tout entier. Que je ne vive que pour vous plaire, ô Dieu très saint, et pour vous aimer. Faites que mon cœur s'unisse à votre Cœur, ma volonté à votre volonté : que je ne veuille jamais rien, que je ne puisse jamais vouloir que ce que vous voulez, que ce qui vous plaît. Que je vous aime, ô doux Jésus, mon Dieu, de tout mon cœur, en tout et par dessus tout. Amen".
· Jean de Torralba, prieur de la Cour-Dieu.
· Laurent Surius (1522-1578), entré chez les Chartreux de Cologne en 1541, ami de saint Pierre Canisius et élève de Nicolas Van Esch (Eschius), qui traduit en latin un très grand nombre d'ouvrages mystiques allemands, notamment Suso et Tauler (en 1548). Il est également hagiographe, et on lui doit une Vitae sanctorum ab aloysio lipomanno olim conscriptae (1570), de Probatis Sanctorum vitis (6 vol. 1570-1575), ainsi que des Commentarius brevis rerum in orbe gestarum ab anno 1500 (1566). Dans le traité de Decem caecitatibus (des Dix aveuglements) d'auteur inconnu, qu'il fait imprimer à la suite des œuvres de Tauler, se trouve une méditation de la Passion du Sauveur qui mène à son Cœur : "Ainsi uni à lui, vous irez à la divinité même et vous vous plongerez si profondément en votre Dieu si doux, que les créatures ne vous retrouvent pas comme créature, et là vous désirerez être absorbé en lui, et à votre tour l'absorber lui-même, puisqu'il n'est qu'une montagne ou une mer immense d'amour et de bonté… Et si pendant que vous êtes ainsi dans le Cœur de Jésus la divinité vous absorbe, vous serez heureux".
· Antoine Volmar (né vers 1550), prieur d'Astheim.
· Jean Michel de Vesly (1535-1600), 44° général des Chartreux (1594), qui publie à Lyon en 1598 un Manuel d'exercices de Piété à l'usage des religieux de son Ordre, où il est question du Sacré-Cœur à chaque page. Voici une de ses prières : "O vous seul véritable et très fidèle ami de mon âme, Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu et de la Très miséricordieuse Vierge Marie, ô Dieu souverainement digne d'être infiniment aimé et adoré, en union avec l'amour de votre très aimante Mère, des Anges et des Saints du Paradis, en mon nom et au nom de vos amis et de mes amis, au nom de toute l'Eglise militante et souffrante, je vous offre à vous-même votre très doux Cœur, et c'est par lui que je vous adore en union avec le Père et le Saint-Esprit ; c'est par votre Cœur que je vous loue et vous glorifie, que je vous aime et vous remercie".
· Anne Griffon (1580-1641), originaire d'Abbeville, moniale à Gosnay en Artois, qui écrit dans sa Vie manuscrite : "Ce qui découlait du Cœur de mon doux Sauveur était une lumière pure qui m'attirait à lui. Ce très subtil rayon qui sortait de ce Cœur divin et qui pénétrait le plus intime de mon âme, tirait à soi toute l'affection de mon cœur pour le perdre et le transformer en lui, d'une manière admirable et incompréhensible… […] Une autre fois, ayant beaucoup de peines pour tant d'offenses qui se commettaient ordinairement au carême prenant, et m'abandonnant entièrement à mon doux Sauveur, et m'offrant pour satisfaire pour toutes les offenses qui se commettaient en ces jours par tout le monde, je lui demandai comme je pourrais satisfaire à sa justice et lui faire plaisir, et je connus le plaisir inestimable que mon Seigneur prenait quand j'offrais à de tels jours au Père éternel l'amour du Cœur de son Fils".
Citons également les auteurs suivants, mentionnés dans l'ouvrage Mois du Sacré-Cœur par d'anciens Chartreux de dom Cyprien-Marie Boutrais :
· Antoine de Molina (†1619), entré d'abord chez les Ermites de Saint-Augustin, puis vers 1605 à la Chartreuse de Miraflores près de Burgos en Espagne, et auteur d'Instrucción de los Sacerdotes (Instructions pour les prêtres, 1608). Dans ses Méditations sur la Passion, il parle de l'oppression du Cœur du Christ au jardin des Oliviers (V° méditation) : "Considérez comment Notre-Seigneur nous prouve dans son agonie qu'il avait réellement pris la nature humaine. Lui qui naguères consolait ses disciples et dissimulait devant eux sa propre tristesse, il est tellement abandonné, privé de tout secours, que maintenant il découvre, de lui-même, ses peines à ses Apôtres, vient se consoler avec eux et demande leur assistance en disant : « Attendez ici et veillez avec moi. » Le Cœur de Jésus devait sans aucun doute être sous le poids d'une angoisse extrême lorsqu'il prononça ces paroles, et comme cette souffrance de son Cœur était toute renfermée au dedans et ne paraissait point, il voulut nous la faire connaître : en effet il ne convenait pas qu'une douleur si grande et si digne de toute notre reconnaissance demeurât dans l'oubli. C'est pour le même motif que sur la croix il s'écria : « J'ai soif », pour nous dévoiler un genre de tortures qu'il endurait, et dont nous ne pouvions apprendre la réalité que de sa propre bouche. Comprenez donc l'extrême angoisse qui torturait le Cœur de Jésus !…".
· René Hensaeus (Hensœur) (†1610), prieur de la Chartreuse de Brühn en Moravie, résume les principales figures de la plaie du côté, avant de conclure : "Entrez donc par cette porte du Paradis. Allez vers la fontaine et l'arbre de vie, qui ne sont autres que le Cœur même de Jésus, afin que vous voyiez comment il vous a porté dans son Cœur. Entrez par cette porte dans le cellier mystique : l'Epoux des âmes vous y invite, quand il dit : Si quis sitit, veniat ad me et bibat, que l'âme altérée vienne à moi et se désaltère".
· Polycarpe de la Rivière (†1629), prieur de la Chartreuse de Bordeaux , puis de celle de Bonpas près d'Avignon. "… Pourquoi percer le côté et le cœur plutôt que les bras ou les pieds, que la tête ou les jambes ? Grand mystère, mystère excellent et surpassant tout mystère. Certes, les amis du monde nous ouvrent bien quelquefois leurs maisons pour y entrer, converser et vivre librement avec eux ; parfois leurs greniers et leurs caves pour en tirer du blé et du vin ; rarement leurs coffres et leurs trésors pour les mettre à notre volonté et discrétion ; mais quel ami du monde a jamais découvert et ouvert son cœur avec une telle franchise qu'il ne se soit réservé, au dedans du moins, quelques secrètes pensées ? Seul Jésus-Christ, le saint Amant des sauvés, n'a jamais refusé faveurs ni plaisirs à ses amis ; jamais il ne leur a failli au besoin ; jamais il ne leur a caché secret ni pensée quelconque qui fût pour leur bien, voire même après sa mort. Il a permis que son Cœur fût ouvert d'un grand coup de lance, afin que par là, nous vissions de quel cœur il avait souffert pour nous, et combien ses entrailles étaient ardentes et enflammées de son amour, du soin et du désir de notre Rédemption…".
· Jean Anadon (†1682), prieur des Chartreux de Saragosse. "Longin m'a ouvert, avec sa lance, le Côté de Jésus et j'y suis entré ; j'habite là en toute sécurité, je m'y repose doucement, m'y réconforte avec délices, m'y nourris avec délectation. Oui, le côté de Jésus a été percé à dessein près du cœur, pour nous ouvrir un chemin et une porte qui donnent accès à son Cœur. C'est l'ouverture de l'Arche par laquelle entrent tous ceux qui échappent au naufrage ; examinez cette plaie du Sacré-Cœur, c'est là l'origine de votre vie ! Là, effectivement, notre Père céleste nous a régénérés pour la vie du ciel ; là, on peut contempler, à découvert, l'incompréhensible amour de Jésus pour nous, quand on le voit se dépenser tout entier pour nous ! Il ne s'est rien réservé pour Lui-même au fond de son Cœur, mais a tout donné pour nous. Que pouvait-il faire de plus ? et tout ce qu'il pouvait faire il l'a fait…".
Les Chartreux adoptent la représentation du Cœur blessé, tant dans les gravures des livres imprimés que dans leur ornementation architecturale, parfois accompagné des cinq Plaies et des instruments de la Passion. Dom Boutrais (in Lansperge le Chartreux, Grenoble, 1878) signale par exemple qu'une image des cinq Plaies la plaie du côté représentée par le Cœur de Jésus percé par la lance fut ainsi gravée en 1535 pour les Chartreux de Cologne.
Notons enfin que le R.P. Dom Innocent Le Masson, 49° général de l'Ordre, publiera en 1694 un opuscule intitulé : Directoire pour se former à la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus-Christ, composé pour les religieuses Chartreuses qui lui demanderont la permission d'honorer le Sacré-Cœur comme Notre-Seigneur l'aura demandé à Marguerite-Marie Alacoque (voir à cette date).
Le Sacré-Coeur de Jésus Deux mille ans de Miséricorde Le recueil qui est reproduit dans les pages de ce dossier avait trouvé un éditeur, Téqui, en juin 2008. Une version considérablement enrichie, et actualisée jusqu'en juin 2019, est disponible à la vente chez le même éditeur depuis le 4 décembre 2019, en ligne sur son site internet ICI. Merci de faire connaître autour de vous la nouvelle version de ce travail, augmentée de plus de 200 pages par rapport à la première édition. « Les personnes qui propageront cette dévotion, auront leur nom inscrit dans mon Cœur, et il ne sera jamais effacé. » (11ème promesse du Sacré-Coeur à sainte Marguerite-Marie) |