6. L'implantation en France - De la révolution à la guerre de 70 : 1789-1870
1789 : Début de la Révolution française.
Sur ces années 1789-1814 : la Révolution française et Napoléon
et les mesures antireligieuses en France
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Au mois de mars, Mme de Saisseval - à l'instigation de Mme Elisabeth, sœur de Louis XVI - commence une neuvaine au Sacré-Cœur.
Au mois de juillet, Mme Elisabeth donne à son amie Mme de Raigecourt une prière au Sacré Cœur de Jésus qu'elle a elle-même composée :
« Cœur adorable de Jésus… en reconnaissance de [votre] charité infinie, je vous donne mon cœur et avec lui tout ce que je possède au monde, tout ce que je suis, tout ce que je ferai, tout ce que je souffrirai. Mais enfin, mon Dieu, que ce cœur, je vous en supplie, ne soit plus indigne de vous ; rendez-le semblable à vous-même, entourez-le de vos épines pour en fermer l'entrée à toutes les affections déréglées ; établissez-y votre croix ; qu'il en sente le prix, qu'il en prenne le goût ; embrasez-le de vos divines flammes. »
Lettre de Mme Elisabeth à Mme de Raigecourt, in De Beauchesne, Vie de Mme Elisabeth, autographe à la Bibliothèque Nationale.
1789-1791 : Assemblée Constituante.
1790 : Le 23 mai, René Bérault (1728-1794) et Anne de la Girouardière (1740-1827) fondent à Baugé (près d'Angers) l'Institut des Filles du Sacré-Cœur de Marie dont les Constitutions seront approuvées par Pie VII le 17 août 1821. En 1799, la fondatrice y adjoindra pour un temps une petite Congrégation de Frères du Sacré-Cœur, mais devra bientôt renoncer à cette deuxième fondation. Le dernier frère décèdera en 1846.
1791 : Le 2 février, Pierre-Joseph Picot de Clorivière S.J. (1735-1820), avec l'appui d'Adélaïde de Cicé (1749-1818), fonde à Saint-Malo la Société des Filles du Cœur-de-Marie (pour les femmes) et à Paris la Société du Cœur-de-Jésus (pour les hommes), qui prennent forme simultanément dans un acte d'association signé en ces deux villes. La Société du Cœur de Jésus, disparue au milieu du XIX° siècle, a été reconstituée en 1918 par le P. Daniel Fontaine, curé de Saint-Antoine à Paris (1862-1920), sous le nom d'Institut des prêtres du Cœur de Jésus. Reconnu comme Institut séculier en 1952, il s'est ouvert aux laïcs en 1969 en prenant le nom de Groupe Evangile et Mission (GEM). En 1996, le GEM a rejoint la famille Cor Unum nouvellement fondée, qui fait preuve aujourd'hui d'une grande vitalité.
« Le Cœur est symbole naturel de l'Amour ; le Cœur de Jésus, symbole vivant et vivifiant de la charité divine, est tout amour pour Dieu et pour les hommes. Le Cœur du Fils qui, avec le Père, est principe unique de l'Esprit Saint, Amour consubstantiel du Père et du Fils, ce Cœur est aussi l'ouvrage de ce divin Esprit (Lc 1,35). Il le possède en plénitude et le communique à tous ceux qui l'approchent. »
Pierre-Joseph Picot de Clorivière, 1° Lettre circulaire p.19.
« Qui peut penser au Cœur de Jésus sans reconnaître tout ce qu'il lui doit, et sans se sentir intérieurement pressé de l'aimer ? Sans gémir de l'avoir si peu aimé, de l'avoir si peu servi, si fort outragé, et sans désirer en même temps de réparer autant qu'il est en lui et ses propres négligences et celles d'autrui… Seriez-vous insensibles aux outrages que notre Seigneur reçoit de toutes sortes de personnes ? N'auriez-vous pas horreur de ces irrévérences grossières, que l'on renouvelle chaque jour dans nos temples, presque sans y faire attention ? Vous-même, vous verrait-on assister avec si peu de respect au sacrifice redoutable de nos autels ? Vous éloignerez-vous tant de temps de la table du Sauveur du monde, qui vous sollicite de venir à lui, et qui a fait tant de prodiges pour venir vous-même à lui ? Une vraie dévotion au Sacré-Cœur de Jésus vous aurait préservé de tous ces vices. »
P. de Clorivière, extrait d'un Sermon inédit, in Christus n°190 HS, Le Cœur de Jésus, mai 2001.
1791-1792 : Assemblée législative.
La diffusion des scapulaires du Cœur de Jésus atteint son apogée. Les images se répandent par millions. Le P. Lenfant - confesseur de Louis XVI - qui sera l'une des victimes des massacres de septembre, écrit le 1° juin dans une lettre adressée à sa famille résidant à Nancy :
« Je dois vous dire encore que la confiance aux petites images que je vous ai envoyées est à tel point qu'un seul couvent de cette ville en a distribué 125.000, et tous en distribuent. Il y a eu des traits de protection marquée, et les têtes les plus illustres, les têtes même couronnées, sont munies de ce pieux bouclier. La dévotion qui a pour objet Celui que ces images représentent est regardée comme devant être le salut de l'empire. Ce n'est pas sans doute une vérité de foi, mais la piété se nourrit de cette idée d'une manière frappante. »
Le P. Lenfant, in article du P. Fouqueray, Etudes Religieuses, 25 oct. 1905, et R.P. Franciosi, Le Sacré-Cœur de Jésus et la Tradition, Tournai - Paris, Casterman, 1908 (2° édition).
1792-1794 : Persécutions religieuses. Les chrétiens qui portent des images du Sacré-Cœur sont taxés de "fanatisme", accusés de distribuer "des images du Sacré-Cœur et autres signes contre-révolutionnaires", des "images superstitieuses", et conduits à l'échafaud.
1792 : Le 21 juillet, le texte du vœu attribué à Louis XVI est remis au P. Hébert, supérieur général des Eudistes et confesseur du roi, qui en a peut-être été lui-même l'inspirateur. Ce texte aurait été composé dans les premiers mois de l'année 1792. Le Père Hébert fait transcrire le vœu et la consécration par le vicaire de l'église Saint-Louis, auquel il remet les documents originaux avant d'être tué lui-même aux Carmes le 2 septembre 1792. Le vicaire les remettra à son tour à la duchesse d'Angoulême sous la Restauration.
« Vœu par lequel Louis XVI a dévoué sa Personne, sa Famille et tout son Royaume, au Sacré-Cœur de Jésus.
Vous voyez, ô mon Dieu, toutes les plaies qui déchirent mon cœur, et la profondeur de l'abîme dans lequel je suis tombé. Des maux sans nombre m'environnent de toutes parts. A mes malheurs personnels et à ceux de ma famille, qui sont affreux, se joignent, pour accabler mon âme, ceux qui couvrent la face du royaume. Les cris de tous les infortunés, les gémissements de la religion opprimée retentissent à mes oreilles, et une voix intérieure m'avertit encore que peut-être votre justice me reproche toutes ces calamités, parce que, dans les jours de ma puissance, je n'ai pas réprimé la licence du peuple et l'irréligion, qui en sont les principales sources ; parce que j'ai fourni moi-même des armes à l'hérésie qui triomphe, en la favorisant par des lois qui ont doublé ses forces et lui ont donné l'audace de tout oser.
Je n'aurai pas la témérité, ô mon Dieu, de me justifier devant vous ; mais vous savez que mon cœur a toujours été soumis à la foi et aux règles des mœurs ; mes fautes sont le fruit de ma faiblesse et semblent dignes de votre grande miséricorde. Vous avez pardonné au roi David, qui avait été cause que vos ennemis avaient blasphémé contre vous ; au roi Manassès, qui avait entraîné son peuple dans l'idolâtrie. Désarmé par leur pénitence, vous les avez rétablis l'un et l'autre sur le trône de Juda ; vous les avez fait régner avec paix et gloire. Seriez-vous inexorable aujourd'hui pour un fils de saint Louis, qui prend ces rois pénitents pour modèles, et qui, à leur exemple, désire réparer ses fautes et devenir un roi selon votre Cœur ? 0 Jésus-Christ, divin Rédempteur de toutes nos iniquités, c'est dans votre Cœur adorable que je veux déposer les effusions de mon âme affligée. J'appelle à mon secours le tendre Cœur de Marie, mon auguste protectrice et ma mère, et l'assistance de saint Louis, mon patron et le plus illustre de mes aïeux.
Ouvrez-vous, Cœur adorable, et par les mains si pures de mes puissants intercesseurs, recevez avec bonté le vœu satisfactoire que la confiance m'inspire et que je vous offre comme l'expression naïve des sentiments de mon cœur.
Si, par un effet de la bonté infinie de Dieu, je recouvre ma liberté, ma couronne et ma puissance royale, je promets solennellement :
1° De révoquer le plus tôt possible toutes les lois qui me seront indiquées, soit par le pape, soit par quatre évêques choisis parmi les plus vertueux de mon royaume, comme contraires à la pureté et à l'intégrité de la foi, à la discipline et à la juridiction spirituelle de la sainte Eglise catholique, apostolique, romaine, et notamment la constitution civile du clergé ;
2° De rétablir sans délai tous les pasteurs légitimes et tous les bénéficiers institués par l'Eglise, dans les bénéfices dont ils ont été injustement dépouillés par les décrets d'une puissance incompétente, sauf à prendre les moyens canoniques pour supprimer les titres de bénéfices qui sont moins nécessaires, et pour en appliquer les biens et revenus aux besoins de l'Etat ;
3° De prendre, dans l'intervalle d'une année, tant auprès du pape qu'auprès des évêques de mon royaume, toutes les mesures nécessaires pour établir, suivant les formes canoniques, une fête solennelle en l'honneur du Sacré Cœur de Jésus, laquelle sera célébrée à perpétuité dans toute la France, le premier vendredi après l'octave du Saint-Sacrement, et toujours suivie d'une procession générale, en réparation des outrages et des profanations commis dans nos saints temples, pendant le temps des troubles, par les schismatiques, les hérétiques et les mauvais chrétiens ;
4° D'aller moi-même en personne, sous trois mois à compter du jour de ma délivrance, dans l'église Notre-Dame de Paris, ou dans toute autre église principale du lieu où je me trouverai, et de prononcer, un jour de dimanche ou de fête, au pied du maître-autel, après l'offertoire de la messe, et entre les mains du célébrant, un acte solennel de consécration de ma personne, de ma famille et de mon royaume au Sacré Cœur de Jésus, avec promesse de donner à tous mes sujets l'exemple du culte et de la dévotion qui sont dus à ce Cœur adorable ;
5° D'ériger et de décorer à mes frais, dans l'église que je choisirai pour cela, dans le cours d'une année à compter du jour de ma délivrance, une chapelle ou un autel qui sera dédié au Sacré Cœur de Jésus, et qui servira de monument éternel de ma reconnaissance et de ma confiance sans bornes dans les mérites infinis et dans les trésors inépuisables de grâces qui sont renfermés dans ce Cœur sacré ;
6° Enfin, de renouveler tous les ans, au lieu où je me trouverai, le jour qu'on célébrera la fête du Sacré-Cœur, l'acte de consécration exprimé dans l'article quatrième, et d'assister à la procession générale qui suivra la messe de ce jour.
Je ne puis aujourd'hui prononcer qu'en secret cet engagement, mais je le signerais de mon sang s'il le fallait, et le plus beau jour de ma vie sera celui où je pourrai le publier à haute voix dans le temple.
0 Cœur adorable de mon Sauveur ! Que j'oublie ma main droite et que je m'oublie moi-même, si jamais j'oublie vos bienfaits et mes promesses, et cesse de vous aimer et de mettre en vous ma confiance et toute ma consolation. Ainsi soit-il. »
Paul Viollet, Œuvres chrétiennes des familles royales de France, Paris, Poussielgue, 1870.
1792-1795 : Convention Nationale. Première République.
1792 : Le 16 août, les religieuses Bénédictines de Montmartre reçoivent l'ordre de quitter leur abbaye dans les trois jours. Madame Marie-Louise de Laval, duchesse de Montmorency (1723-1794), qui en est la quarante-troisième abbesse - alors âgée de 71 ans - se retire à Saint-Denis avec neuf de ses religieuses. Le 9 mai 1794, elle sera arrêtée et écrouée à la prison de Saint-Lazare, puis à la Conciergerie, avant de mourir sur l'échafaud le 24 juillet (6 thermidor). L'abbaye et la chapelle du Martyre sont détruites, et l'église abbatiale de Saint-Pierre sera profanée et pillée au cours de l'émeute du 7 novembre 1793.
Massacres de septembre. Les évêques d'Arles, de Beauvais et de Saintes sont martyrisés aux Carmes. Ils seront béatifiés en 1926.
Le 21 septembre 1792, la royauté est abolie. Le 25 septembre, la République est déclarée une et indivisible.
1793 : Le 21 janvier, exécution de Louis XVI qui meurt sur l'échafaud.
Le 10 mars, début du soulèvement de la Vendée contre la Convention (cf. Annexe 3).
Le 12 juin, Jacques Cathelineau (1759-1793) est nommé commandant en chef de l'armée vendéenne catholique et royale, qui affiche sur ses étendards l'emblème du Sacré-Cœur, qui "est comme la livrée et la marque distinctive de la catholicité, ainsi que l'était ci-devant, de leur adhésion au nouveau régime, le ruban tricolore et la médaille de la Fédération, pour nos intrus et autres constitutionnels", tel que l'expliquera un curé vendéen.
« Sacré-Cœur sur la poitrine, chapelet autour du cou, le Vendéen qui avance au chant du Vexilla Regis se considère comme un véritable soldat-prêtre. Dans les marches et dans les camps, ils se livrent à toutes les pratiques de la dévotion. J'ai rencontré un groupe nombreux, genoux à terre et disant le chapelet dévotement ; je les ai vus ensuite en chantant des cantiques. »
Lettre d'un officier des colonnes infernales de Turreau (1756-1816) - janvier/juillet 1794, adressée au Comité de Salut public le 17 mai 1794.
1794 : Le 22 avril, le Père Pierre-Marie-Joseph Coudrin (1768-1837) rejoint l'Association du Sacré-Cœur qui vient de se former à Poitiers, et dont les membres, honorant le Sacré-Cœur de Jésus, prient pour le retour de la paix et de la religion en France. Henriette Aymer de La Chevalerie (1767-1834) le rejoindra au mois de novembre, et c'est ensemble qu'ils fonderont en 1797 une Congrégation dédiée au divin Cœur.
Le 18 juillet, les jeunes Pères Charles de Broglie, Joseph Varin (1769-1850), Charles Leblanc et les frères Léonor et Xavier de Tournély se regroupent pour constituer la Société du Sacré-Cœur, dans le but de restaurer la Compagnie de Jésus en France. "Saint Ignace sera glorifié de compter pour enfants les enfants du Sacré-Cœur" écrit le P. Tournély. Celui-ci a également en projet de créer une Société de femmes dévouées à assurer par le Sacré-Cœur l'éducation des jeunes filles, et en rédige les bases : "Se dévouer au Cœur de Jésus, ressusciter l'amour de Jésus dans les âmes et la lumière de sa doctrine dans les esprits ; pour cela prendre les sentiments et les dispositions intérieures de ce Cœur divin et les répandre par le moyen de l'éducation de la jeunesse". Il meurt le 9 juillet 1797 avant d'avoir pu réaliser ce projet, que reprendra le Père Varin, en amenant Madeleine Sophie Barat à la fondation de la Société du Sacré-Cœur de Jésus en 1800. La Société du Sacré-Cœur a été regroupée entre temps avec celle des Pères de la Foi fondée à Rome en 1797 par le Père Paccanari, qui devient Supérieur des deux sociétés fusionnées. En 1804, le P. Paccanari ayant été condamné par le Saint Office à la prison perpétuelle, sa Société sera détruite et les anciens membres de la Société du Sacré-Cœur reviendront en France.
Le 28 août, Pie VI, par la Bulle Auctorem fidei, condamne 85 propositions issues des Actes du synode de Pistoie, et par extension toute opposition doctrinale au culte du Cœur de Jésus. Il considère notamment et la LXI° et la LXIII° propositions (cf. 1786) comme « captieuses et injurieuses », et la LXII° comme « fausse, téméraire, perverse, offensant les oreilles pies, et injurieuse pour le Siège Apostolique ». Voici les textes des décrets répondant à ces propositions :
« La proposition qui enseigne qu'adorer directement l'Humanité du Christ, et surtout une partie de cette Humanité, c'est toujours rendre à la créature un honneur dû à Dieu seul, en tant que par le mot "directement", on veut blâmer le culte d'adoration rendu à l'Humanité et à la Chair vivante du Christ, non pas considérée en elle-même et comme une simple chair, mais comme unie à la Divinité, comme si c'était un honneur divin rendu à une créature, et non pas plutôt la même et unique adoration qui adore le Verbe Incarné et la Chair qu'Il a voulu revêtir ; cette proposition est fausse, captieuse, préjudiciable et injurieuse au culte pieux qui est dû à l'Humanité du Christ que les fidèles lui ont rendu et doivent lui rendre. »
« La doctrine qui relègue la dévotion envers le très sacré Cœur de Jésus, parmi les dévotions qu'elle qualifie de nouvelles, de fausses, ou même simplement de dangereuses, si l'on entend cette dévotion comme elle a été approuvée par le Siège Apostolique, cette doctrine est fausse, téméraire, pernicieuse, offensante pour des oreilles pies, injurieuse pour le Siège Apostolique. »
« De même aux dévots du Cœur de Jésus, on fait le reproche de ne pas prendre garde que ni la très sacrée Chair du Christ, ni aucune de ses parties, ni même toute la Nature humaine, si on la sépare ou si on l'isole de la Divinité, ne peut être adorée du culte de latrie ; comme si les fidèles adoraient le Cœur de Jésus, séparé ou isolé de la Divinité ; ils l'adorent, au contraire, comme Cœur de Jésus, c'est-à-dire, comme le Cœur de la personne du Verbe, à laquelle il est inséparablement uni ; ainsi le Corps du Christ inanimé, pendant les trois jours de sa mort, fut adorable dans le sépulcre, sans séparation de la Divinité, sans précision aucune. Cette proposition est captieuse, injurieuse, pour les dévots adorateurs du Cœur du Christ. »
« Le Saint-Siège a coupé court dès longtemps à toutes les équivoques, et a placé cette dévotion au-dessus de tout reproche de grossière superstition, en déclarant que ce culte nous fait, dans la représentation symbolique du Cœur, considérer et honorer la grâce incommensurable et l'amour surabondant de notre divin Sauveur. »
Lettre de Pie VI à l'évêque de Pistoie, in R.P.Schmude, La Dévotion au Sacré Cœur de Jésus, Paris, Desclée, 1899, et A. Hamon, Histoire de la dévotion au Sacré-Cœur, t. IV, Paris, Beauchesne, 1940.
1795-1799 : Directoire.
1796 : Le 1° juin, les Etats du Tyrol menacés par les guerres à leur porte, réunis à Botzen à la demande des prêtres de la contrée, prennent la résolution de consacrer leur pays au Cœur de Jésus et de s'engager par vœu à célébrer solennellement sa fête chaque année. En 1809, Andreas Hoffer (1767-1810), à la tête des armées d'indépendance, prononcera de nouveau cette consécration, qui sera renouvelée une fois encore avec faste le 23 juin 1876.
« Seigneur Jésus-Christ, Fils du Dieu vivant, vrai Dieu et vrai homme, toute puissance vous a été donnée sur la terre comme au ciel, vous êtes assis à la droite de votre Père et un jour vous reviendrez avec grande majesté entouré de vos anges, pour juger le monde entier. Mais maintenant vous êtes le bon Pasteur de vos brebis, le gardien de vos fidèles, et vous restez sans cesse avec nous dans le Très-Saint-Sacrement pour être notre consolation et le pain de nos âmes. Souvenez-vous de l'alliance que nos pères, au milieu des dangers, ont conclue pour toujours avec votre Cœur Sacré ; lorsqu'ils vous ont adressé leurs prières et leurs supplications, vous avez abaissé sur eux les regards de votre miséricorde ; votre Cœur compatissant s'est tourné vers notre patrie, vous lui avez conservé la foi catholique, vous l'avez délivrée de ses ennemis et votre saint Nom a été glorifié parmi les nations.
Nous renouvelons de grand cœur cette sainte alliance de nos pères, et nous promettons de vous servir fidèlement en accomplissant en tout votre divine volonté, en gardant vos commandements, en glorifiant votre saint Nom si souvent blasphémé de nos jours. Toute notre confiance est en vous ; car il n'y a personne qui combatte pour nous, si ce n'est vous seul qui êtes notre Dieu. Tournez vers vos faibles enfants votre Cœur paternel, afin que, fortifiés par votre grâce, nous puissions résister à nos ennemis spirituels et corporels, vous servir dans la justice et la paix, conserver à notre patrie le précieux héritage de sa vieille foi et le transmettre intact à nos descendants jusqu'à la fin des siècles. Ainsi soit-il. »
Acte de rénovation de l'alliance avec le Cœur de Jésus, prononcé par Mgr. de Brixen le 23 juin 1876, in R.P. E. Letierce, Le Sacré-Cœur - Ses apôtres et ses sanctuaires, Nancy, Le Chevallier Frères, 1886.
Le 21 novembre, Marie Rivier (1768-1838, béatifiée en 1982) fonde à Thueyts (Ardèche) la Congrégation des Sœurs de la Présentation de Marie de Bourg-Saint-Andéol, dont la maison généralice est aujourd'hui à Castel Gandolfo (Italie). La première Congrégation de ce nom avait été fondée en 1760 par Mgr de Barral et sa sœur Félicitée à Castres. Elles ont été regroupées en 1978.
1797 : Au mois de juin, Henriette Aymer de La Chevalerie (1767-1834) fait l'acquisition d'une maison à Poitiers, en laquelle elle fonde le 25 août avec le Père Pierre-Marie-Joseph Coudrin (1768-1837) la Congrégation des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie et de l'Adoration Perpétuelle du T.S. Sacrement de l'Autel, pour l'enseignement, les missions, et l'apostolat. Les deux fondateurs prononceront ensemble leurs vœux en la nuit de Noël 1800. C'est peu de temps après que le Seigneur dévoilera à la fondatrice le plan de l'Institut :
« Dieu m'a fait connaître qu'il voulait un Ordre destiné à adorer son Divin Cœur, à réparer les outrages qu'Il reçoit, un Ordre qui entre dans la douleur intérieure de ce Cœur sacré, qui retrace les quatre âges de sa Vie : son Enfance en élevant des enfants, sa Vie évangélique par la prédication et les missions, sa Vie cachée par l'adoration perpétuelle et le silence, enfin sa Vie crucifiée par la pratique de la mortification chrétienne et religieuse. La règle doit être un peu austère afin d'imiter la vie crucifiée, mais Il veut que l'on entre particulièrement dans le crucifiement intérieur de son Cœur. »
Henriette Aymer de La Chevalerie, 3 février 1802, in La Congrégation des Religieuses des Sacrés-Cœurs et de l'Adoration perpétuelle, coll. Les Ordres religieux, Paris, Letouzey & Ané, 1924.
1799 : Les 10 et 11 novembre, coup d'état des 18 et 19 brumaire, au cours duquel Bonaparte fait voter la suppression du Directoire et fait nommer trois consuls provisoires.
1800-1804 : Consulat. Bonaparte 1° Consul.
1800 : Le 21 novembre, en se consacrant au Sacré-Cœur, guidée par le Père Varin S.J., Madeleine Sophie Barat fonde la Société du Sacré-Cœur de Jésus (ou Société des Dames du Sacré-Cœur), qui œuvre dans l'éducation pastorale. Implantée en Amérique du Nord en 1818 par Rose Philippine Duchesne (1769-1852, canonisée en 1988), elle est aujourd'hui présente dans 43 pays. La Société sera approuvée par un bref de Léon XII en date du 22 décembre 1826.
« Si le monde connaissait la beauté de Jésus, s'il savait combien son Cœur est brûlant d'amour pour nous, il ne pourrait s'empêcher de l'aimer. Quelle folie que de vouloir mettre des bornes à l'infinie miséricorde de Dieu ! […]
Ce n'est pas sans un dessein spécial de la Providence que dans un âge si enclin à l'égoïsme vous portez le titre "d'Enfants du Sacré-Cœur", de ce Cœur brûlant de zèle et de charité. Ce nom vous indique la mission qui vous est confiée. Votre tâche est de continuer, je pourrais même dire de compléter notre mission en vous dévouant à l'amour de Jésus-Christ et au salut des âmes qui ne le connaissent pas. Et pour le faire connaître au monde, vos paroles seront moins éloquentes que vos exemples ; mais pour qu'il en soit ainsi il faut profiter des innombrables grâces que vous recevez maintenant. Votre désir d'être ainsi fidèles est l'offrande qui me plaît le plus et en retour je prierai de tout cœur Jésus-Christ et sa divine Mère de vous bénir. Je leur demanderai que pas une d'entre vous ne soit indigne du nom qu'elle porte ni ne manque au rendez-vous où la Mère et les enfants seront réunies dans l'unique centre de leur amour. »
Madeleine Sophie Barat, extraits de ses Lettres, Vie de la Bienheureuse, Montréal, Librairie Beauchemin, 1913.
Dieu dont la Providence dispose de tout avec sagesse pour le bien de l'Eglise, lui a donné, dans tous les temps, des secours proportionnés à ses besoins. Mais c'est surtout dans ce dernier siècle qu'Il a fait éclater envers elle sa bonté et sa magnificence, en lui montrant les immenses trésors de grâce renfermés dans le Cœur de son Fils. Il a voulu par là, non seulement faire rendre à ce Divin Cœur le culte d'amour et d'adoration qui lui est dû à tant de titres, mais aussi ranimer le flambeau de la foi et le feu sacré de la charité, que l'impiété s'efforçait d'éteindre dans tous les cœurs.
La dévotion au Sacré-Cœur est marquée à des caractères qui ne permettent pas de méconnaître le doigt de Dieu. La rapidité avec laquelle elle s'est répandue dans tout le monde chrétien, l'empressement des fidèles à en embrasser les saintes pratiques, le zèle des souverains pontifes et des évêques à en favoriser les progrès ; les fruits de grâce qu'elle a produits en tant de lieux, mais surtout dans la France qui en est le berceau ; enfin la nature de cette dévotion, si propre à toucher le cœur des pécheurs et à ranimer la ferveur des justes ; tout prouve combien elle est agréable au Seigneur et que c'est Lui-même qui l'inspire.
C'est pour entrer dans ses desseins si clairement manifestés de nos jours que cette petite Société, formée sous l'autorité des évêques, avec le désir et l'espoir d'obtenir du Souverain pontife une approbation solennelle, s'est consacrée au Divin Cœur de Jésus et à la propagation de son culte.
La fin de cette Société est donc de glorifier le Sacré-Cœur de Jésus - d'abord en travaillant au salut et à la perfection de ses membres par l'imitation des vertus dont ce divin Cœur est le centre et le modèle - puis en se consacrant, autant que cela peut convenir à des personnes du sexe, à la sanctification du prochain, comme à l'œuvre la plus chère au Cœur de Jésus. Elle se propose aussi d'honorer d'un culte particulier le très saint Cœur de Marie, si parfaitement conforme en tout au Cœur adorable de Jésus, son divin Fils. »
Prologue des statuts de la Société, 1815, in Gaëtan Bernoville, La Société du Sacré-Cœur de Jésus, Paris, E. Grasset, 1940.
« J'ai lu par devoir les constitutions de presque tous les ordres, soit anciens, soit modernes. Toutes sont belles, admirables, marquées du sceau de Dieu. Mais celle-ci m'a paru exceller entre toutes, parce qu'elle renferme l'essence de la perfection religieuse, et qu'elle est en même temps un chef d'œuvre d'unité. Le Sacré-Cœur de Jésus est à la fois le pivot sur lequel tout se meut, et le terme où tout aboutit. »
Cardinal Recanati, in Histoire de Mme Barat, par Abbé Baunard, Paris, Poussielgue, 1876.
Le 25 décembre, le Père Coudrin et Henriette Aymer de La Chevalerie - fondateurs de la Congrégation des Sacrés-Cœurs en 1797 - prononcent leurs vœux perpétuels comme "zélateurs de l'amour des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie". La communauté s'implantera, après Mende (en 1802) et Cahors (en 1803), rue de Picpus à Paris en 1804, d'où le nom de Picpuciens qui sera donné aux religieux. Pie VII approuvera la Congrégation le 17 novembre 1817 sous le nom de Société des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie. L'Institut se diffuse rapidement en France, puis à l'étranger jusqu'en Australie et en Amérique du Sud (tels le Père Damien (1840-1889), apôtre des lépreux aux îles Hawaii, et le Père Mateo, dont nous reparlerons plus loin). La Congrégation est aujourd'hui à Rome.
Au XVIII° siècle, quatre Sociétés religieuses seulement portaient le nom de Sacré-Cœur : la Congrégation du Sacré-Cœur d'Ernemont (fondée en 1668), les Prêtres du Sacré-Cœur de Marseille (1728), les Filles Bénédictines du Sacré-Cœur de Jésus (du monastère de l'Abbaye Saint-Etienne de Gorjan, à Clermont-Lodève) et les Religieuses des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie (1774). Le XIX° siècle qui va naître sera particulièrement fécond en Œuvres nouvelles, et très nombreuses seront celles qui se placeront sous le patronage du Cœur Sacré de Jésus. Parmi elles, citons, pour les hommes : les Pères du Sacré-Cœur et de Marie Immaculée (ou Pères de Picpus, cf. ci-dessus), les Prêtres auxiliaires du Sacré-Cœur de Jésus à Bétharram (1835), les Prêtres du Sacré-Cœur à Issoudun (1855), les Prêtres oblats du Sacré-Cœur à Saint-Quentin (1877), les Frères de l'Instruction chrétienne ou du Sacré-Cœur ; celles-ci figurent à la date de leur fondation dans les pages qui suivent. Pour les femmes, les congrégations ou communautés nouvelles sont innombrables, et nous n'avons signalé plus loin que les plus importantes. Citons ici : les Filles du Sacré-Cœur de Jésus et de Marie (dites Dames de Louvencourt) au diocèse d'Amiens, les Dames de la Sainte-Union des Sacrés-Cœurs à Douai, les Sœurs du Sacré-Cœur de Jésus à Coutances, les Sœurs de Sainte-Ursule du Sacré-Cœur à Périgueux, les Sœurs Franciscaines oblates du Sacré-Cœur à Paris et Nantes, ainsi que les Sœurs du Sacré-Cœur de Jésus à Saint-Julien-du-Gua (1805), les Ursulines du Sacré-Cœur à Pons près de La Rochelle (1807), les Franciscaines de la Famille du Cœur de Jésus à Nîmes (1810), les Sœurs des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie à Mormaison près de Luçon (1818), les Sœurs du Sacré-Cœur de Jésus à Saint-Aubin près de Rouen (1818), les Filles des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie à Tournon près de Viviers (1819), les Sœurs de l'Adoration perpétuelle du Sacré-Cœur à Lyon (1820), les Sœurs des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie à Tours (1820), les Sœurs de la Charité du Sacré-Cœur à Angers (1821), les Sœurs de l'Instruction chrétienne dites du Sacré-Cœur de Jésus à Bordeaux (1826), les Religieuses Franciscaines du Sacré-Cœur à Lyon (1827), les Sœurs du Sacré-Cœur de Jésus à Valence (1830), les Victimes du Sacré-Cœur de Jésus à Marseille (1842), les Sœurs des Sacrés-Cœurs de l'Instruction chrétienne à Paramé près de Rennes (1846), les Sœurs des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie à Recoubeau près de Valence (1851), les Servantes du Sacré-Cœur de Jésus à Avenières (1853), les Filles du Sacré-Cœur de Jésus à Tours (1853), les Dames du Sacré-Cœur de Jésus agonisant à Villeurbanne près de Lyon (1859), les Franciscaines du Sacré-Cœur à Saint-Quentin (1865), les Servantes du Sacré-Cœur à Saint-Quentin (1873), etc. (Voir Mgr Baunard, Un siècle de l'Eglise de France, Paris, Poussielgue, 1901).
De nombreuses Congrégations de femmes et d'hommes ne portant pas le nom du Sacré-Cœur ne s'attachent pas moins avec ferveur à cette dévotion. Citons par exemple : la Congrégation de Notre-Dame (Chanoinesses de Saint-Augustin, fondée par Alice Le Clerc, où sera célébré en 1833 le premier "Mois du Sacré-Cœur"), les Religieuses de la Vierge Fidèle (Institut solennellement consacré au Cœur de Jésus), les Auxiliatrices des Ames du Purgatoire (fondées à la demande du Cœur divin), les Religieuses de Marie-Réparatrice (qui portent sur leur habit le Cœur de Jésus et le Cœur de Marie), la Congrégation de l'Adoration Réparatrice (fondée par Théodelinde Dubouché, à la demande du Sacré-Cœur de Jésus lui-même), les Fidèles Compagnes de Jésus (dont la fondatrice Madame Houet s'est engagée par vœu à propager la dévotion au Sacré-Cœur), etc..
1801 : Le 2 février, le Père Jean-Baptiste Bourdier-Delpuits (1734-1811), chanoine de Paris, réunit la Congrégation, fondée initialement en 1560, sous le patronage de "Marie secours des chrétiens" (dite "Congrégation de la Sainte-Vierge"). Association mi-laïque, mi-ecclésiastique, elle jouera un rôle important sous la Restauration, avant d'être dissoute par décret impérial en 1809. Elle sera reconstituée par les Abbés Legris-Duval (†1819) et Pierre Ronsin (1771-1846), pour donner naissance à la Société des Bonnes Œuvres, à la Bibliothèque Catholique, à l'Association pour la Défense de la Religion, au Refuge des Jeunes Condamnés, etc..
1802 : Publication du livre Le Génie du christianisme de François-René de Chateaubriand (1768-1848), qui exalte les beautés du merveilleux chrétien.
Marie-Madeleine Postel (1756-1846, canonisée en 1925) fonde à Cherbourg la Congrégation des Sœurs des Ecoles chrétiennes de la Miséricorde.
1804-1814 : Premier Empire. Bonaparte devient Napoléon I°, empereur (sacre à Notre-Dame le 2 décembre). Guerres napoléoniennes.
1804 : Le 7 avril, Pie VI accorde à la reine du Portugal l'autorisation de faire célébrer dans ses Etats la fête du Sacré-Cœur sous le rite double de première classe, avec octave. La veille, le jeûne est obligatoire, et le jour même, on doit s'abstenir d'œuvre servile.
1805 : L'évêque de Pistoie se rend au jugement de Pie VI sur les Actes du synode.
1807 : Le 12 mai, Anne-Marie Javouhey (1779-1851) fonde à Cabillon les Sœurs de Saint-Joseph-de-Cluny, ville où la congrégation s'installe en 1812. Enseignantes et missionnaires, les sœurs partent à Bourbon (1817), au Sénégal (1822), en Sierra Leone (1823), Anne-Marie Javouhey restant elle-même plusieurs années en Guyane française. Il existe aujourd'hui 413 communautés, regroupant plus de 3.000 membres, sur les cinq continents. La Mère Javouhey a été béatifiée le 15 octobre 1950.
Elisabeth Bichier des Anges (1773-1838, béatifiée en 1947) et le Père André Fournet (1752-1834, canonisé en 1933) fondent à Poitiers la Congrégation des Filles de la Croix, vouée à l'enseignement et au soin des malades. Après la mort du P. Fournet, Elisabeth sera soutenue dans son œuvre par Michel Garicoïts, qu'elle encouragera en retour pour la fondation de son Institut.
Publication de l'Histoire critique des dévotions nouvelles au Sacré-Cœur de Jésus et au Cœur de Marie d'Henri Grégoire, janséniste, ancien évêque constitutionnel.
1814 : Publication d'une petite brochure intitulée Le Salut de la France du Père Lambert, ouvrage politique et religieux en lequel l'auteur invite les âmes à se consacrer au Cœur de Jésus, "dévotion sublime et tendre qui, pendant les temps les plus orageux, a rallié les fidèles serviteurs du roi". Le Père Lambert y demande la consécration de la France au Sacré-Cœur comme fête religieuse, mais aussi un service de réparation et d'action de grâce pour le retour d'un roi catholique, la récitation de l'Amende honorable chaque vendredi, etc.. Les démarches de Marie Leczinska, du dauphin Louis et le vœu de Louis XVI y sont mentionnés. La brochure est lue en chaire et remporte un vif succès. Elle est sans doute pour beaucoup dans la multiplication des consécrations de diocèses au Sacré-Cœur qui ont lieu entre 1814 et 1869 (les 2/3 des diocèses français). On attribue également au Père Lambert une prière qui circule partout en France à cette même époque, intitulée "Consécration de la France au Sacré-Cœur". Cette prière, prenant référence sur la peste de Marseille en 1720, offre la patrie et les cœurs de tous les sujets au Sacré-Cœur.
Le 6 avril, abdication de Napoléon I°. Le 12, le comte d'Artois entre à Paris, le 20, Napoléon part pour l'île d'Elbe, et le 24 Louis XVIII (1755-1824), 2° fils du Dauphin Louis et de Marie-Josèphe de Saxe, débarque à Calais. Il fait son entrée à Paris le 3 mai.
Première Restauration.
Fondation de l'Ami de la religion et du roi par Michel Picot, journal auquel vont collaborer l'évêque de Troyes Mgr de Boulogne (†1825), les Abbés Frayssinous (1765-1841), Lécuy, et de Lamennais (1782-1854), etc.. Il deviendra après la Révolution de juillet l'Ami de la religion, avec la collaboration de l'Abbé Dupanloup (1802-1878), et cessera de paraître en 1862. Il reste une source documentaire précieuse sur l'histoire religieuse de la première moitié du XIX° siècle.
Le 7 août, par la Bulle Sollicitudo omnium Ecclesiarum, Pie VII rétablit l'Ordre des Jésuites.
1815 : Le 21 janvier, cérémonie expiatoire organisée à Paris pour Louis XVI et Marie-Antoinette. Début des travaux d'érection de la Chapelle expiatoire à la mémoire des deux souverains et des 500 morts de la Garde suisse. La Chapelle, bâtie selon les plans de Pierre Fontaine (1762-1853), sera achevée en 1826.
Les magistrats de la ville de Poitiers sollicitent auprès du diocèse l'érection dans la cathédrale d'une chapelle dédiée au Sacré-Cœur.
Adélaïde de Cicé, qui a fondé avec Pierre-Joseph de Clorivière la Société du Cœur de Marie en 1791, fait installer à Paris, à l'angle de la rue de Babylone et des Missions étrangères de la rue du Bac, une statuette de Notre-Dame de la Paix, surmontée de la croix et des deux Cœurs. Elle place en-dessous un poème et une prière de sa composition. On peut encore la voir aujourd'hui.
« Je vous salue Reine de la Paix
par le divin Cœur de Jésus, prince et auteur de la Paix.
Faites qu'il règne sur nous en paix et miséricorde.
Montrez que vous êtes notre Mère.
Divin Cœur de Jésus, ayez pitié de nous.
Cœur immaculé de Marie, refuge des pécheurs, priez pour nous.
Ave Maria, 1815. »
Le 1° mars, retour de Napoléon en France.
Les Cent Jours, qui mènent au désastre de Waterloo le 18 juin. Napoléon abdique le 22 juin.
1815-1830 : Seconde Restauration.
1815 : Le 8 juillet, retour de Louis XVIII à Paris.
Le 16 octobre, Napoléon arrive à Sainte-Hélène, où il meurt le 5 mai 1821.
Les Abbés Jean-Baptiste Rauzan (1757-1847), René-Michel Legris-Duval (1765-1819) et Charles de Forbin-Janson (1785-1844) fondent la maison des Missionnaires de France, destinée à la formation de missionnaires pour l'intérieur du pays.
1816 : Le 18 février, l'Abbé Charles Eugène de Mazenod (1782-1861), futur évêque de Marseille (1837), fonde à Aix-en-Provence la Congrégation des Missionnaires Oblats de Marie Immaculée. Les Règles de l'Institut seront approuvées par Léon XII en 1828. Après une période d'évangélisation des campagnes, les prêtres partent pour l'Afrique, l'Océanie, le Pôle Nord, l'Australie, etc. L'Abbé Mazenod a été béatifié en 1975 par Paul VI, et canonisé en 1995 par Jean-Paul II.
Le 23 juillet, douze jeunes du Grand Séminaire de Lyon, dont l'Abbé Jean-Claude Colin (1790-1875), fondent à Lyon la Société de la Vierge Marie (les Pères Maristes) : "Nous promettons solennellement de consacrer toute notre vie et toutes nos énergies à l'établissement d'une Société de la Vierge Marie. Elle aura pour but d'annoncer à tous les êtres humains le Salut apporté par Jésus-Christ sous la protection et le regard de sa Mère". La Société ne s'organisera véritablement qu'à partir de 1823, et les premiers missionnaires partiront pour l'Océanie en 1836, année de la reconnaissance et de l'approbation des Pères Maristes par le Saint-Siège. Ils sont établis aujourd'hui dans une trentaine de pays, et comptent près de 1.600 religieux.
Le 31 juillet, le Père André Coindre (1787-1826) et Claudine Thévenet (1774-1837) fondent la Pieuse Union du Sacré-Cœur de Jésus, qui se dévoue auprès des jeunes filles autour de quatre pôles : l'instruction, l'édification, la consolation et l'aumône. Claudine Thévenet est membre de la Confraternité du Sacré-Cœur à Saint-Bruno depuis le 22 janvier 1809 (cf. au 5 octobre 1818).
Retour des Chartreux en leur monastère de la Grande Chartreuse, en Isère.
1817 : L'Abbé Guillaume-Joseph Chaminade (1761-1850) fonde à Bordeaux les Frères de la Société de Marie (les Marianistes) : "Toutes les hérésies ont incliné le front devant la Sainte Vierge. Aujourd'hui, la grande hérésie régnante est l'indifférence religieuse... Nous les derniers de tous qui nous croyons appelés par Marie elle-même pour la seconder de tout notre pouvoir dans sa lutte contre la grande hérésie de notre époque nous avons pris pour devise ces mots de la très Sainte Vierge à Cana "Faites tout ce qu'il vous dira"." 700 Congrégations à caractère marial se forment ainsi au XIX° siècle. Les Marianistes ouvriront de nombreux collèges en France, puis au Japon. L'ensemble des Communautés Marianistes compte aujourd'hui plus de 1.600 religieux répartis dans le monde (Etats-Unis, Espagne, France, …) dont un tiers de prêtres. L'Abbé Chaminade a été béatifié par Jean-Paul II le 3 septembre 2000, le même jour que les papes Pie IX et Jean XXIII.
Emue des sacrilèges et des blasphèmes qu'elle constate chaque jour dans sa ville natale, Marie Pauline Jaricot (1799-1861) fonde à Lyon les Réparatrices du Cœur de Jésus.
« Votre amour me faisait de plus en plus boire dans le torrent de douleur en voyant la désolation de votre peuple. C'est alors que j'éprouvais le besoin de réparer, autant qu'il pouvait appartenir à une pauvre fille comme moi, tant d'abandons et d'outrages que je commençais à partager avec le divin Cœur de Jésus. Un moyen parut s'offrir à mon empressement, ce fut d'engager toutes les personnes que j'avais souvent entretenues de l'Amour de Jésus, à entrer dans son divin Cœur, à nous associer, à nous inscrire, par le ministère de nos anges gardiens, dans ce Cœur sacré, à y demeurer toujours ensemble pour être les réparatrices du divin Amour méprisé. »
In P. Georges Naidenoff, Pauline Jaricot, Paris, Médiaspaul, 1985.
C'est l'année suivante qu'elle lancera sa première quête en faveur des missions étrangères, qui aboutira en 1822 à la création de l'œuvre de la Propagation de la Foi.
Marcelin Champagnat (1789-1840) fonde à Lyon la Congrégation des Petits Frères de Marie, ou Frères Maristes des Ecoles, religieux non prêtres voués à l'évangélisation des jeunes par l'éducation. Les communautés de Maristes (appelés aussi Frères Bleus) comptent aujourd'hui 5000 membres dans 75 pays, répartis sur les cinq continents. Marcelin Champagnat a été canonisé le 18 avril 1999 par Jean-Paul II.
1818 : Jean-Marie Baptiste Vianney (1786-1859) est nommé curé à Ars-sur-Formans, dans l'Ain. Le curé d'Ars a été canonisé en 1925 par Pie XI, et institué saint patron des curés des paroisses de France.
« Si nous n'aimions pas le Cœur de Jésus, qui aimerions-nous donc ? »
Nodet, Le curé d'Ars, sa pensée, son cœur, Paris, Mappus, 1966.
Le 19 mars, le P. Pierre Monnereau (1787-1856), curé de la paroisse de Notre-Dame des Brouzils, fonde la Congrégation des Sœurs des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie dite de "Mormaison", avec trois premières religieuses : Angélique-Urbaine Jourdain (Sœur Marie de l'Ascension, †1824), Marie-Anne-Charlotte Payraudeau (Sœur Marie de Jésus) et Esther-Stéphanie Blé (Sœur Marie de l'Incarnation). Les statuts et Règlements de la Congrégation sont approuvés en 1822 par Mgr Soyer, évêque de Luçon, qui bénit l'œuvre nouvelle le 5 mai 1824.
« Je ne crains point d'avoir usé de trop d'indulgence envers les pauvres pécheurs. Je craindrais plutôt d'avoir été trop sévère parfois, car la bonté du Seigneur est infinie : il ne désire qu'une chose, pardonner et pardonner toujours. Confiance donc pleine et entière dans ce Dieu si bon. Ne craignons rien : si nous avons la bonne volonté, Dieu nous viendra en aide et le Ciel sera notre partage. […] O Ciel ! qui pourrait dire la bonté, la tendresse, la clémence, la bénignité, l'humanité, la miséricorde, l'affection, la charité, l'amour que le divin Cœur nous a portés dans sa vie mortelle et qu'il nous porte encore dans le Sacrement de son amour, sur l'autel, et dans le Ciel. - O Ciel ! quelle fournaise ardente, quel brasier de charité et d'amour que celui du divin Cœur de Jésus ! »
P. Pierre Monnereau, in Chanoine A. Guilbaud, Un Prêtre de Vendée - M. Pierre Monnereau (1787-1856), La Roche-sur-Yon, Imprimerie Grillard, 1935.
Le 8 juin, Mgr d'Aviau, archevêque de Bordeaux, consacre son diocèse au Sacré-Cœur. "L'Eglise de France n'oubliera jamais dit-il alors que c'est de son sein que ce culte précieux s'est répandu et a été porté jusqu'aux contrées les plus inconnues…".
Le 24 septembre, Clément Brentano (1768-1840) rencontre pour la première fois à Dulmen Anne-Catherine Emmerich (1774-1824), mystique Augustine stigmatisée, dont il recueillera les visions sur La Vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Le 5 octobre, le Père André Coindre (1787-1826) et Claudine Thévenet (1774-1837) fondent à Lyon la Congrégation des Saints-Cœurs de Jésus et de Marie, qui deviendra en 1841 la Congrégation des Religieuses de Jésus-Marie (RJM), vouée aux soins et à l'éducation des enfants pauvres et des orphelins. Le 25 février 1823, Claudine Thévenet prononcera ses vœux et prendra le nom de Marie Saint-Ignace, élue dès le lendemain à la tête de sa Congrégation. Dès 1842, les premières missionnaires partiront pour l'Inde afin d'y ouvrir un pensionnat pour jeunes filles et un orphelinat pour les enfants pauvres. La Congrégation est aujourd'hui présente dans 26 pays. Deux miracles dûs à l'intercession de Claudine Thévenet ont été reconnus par la Congrégation pour les Causes des Saints.
Publication de l'Essai sur l'indifférence en matière de religion, de Félicité Robert de Lamennais (1782-1854).
Le Sacré-Coeur de Jésus Deux mille ans de Miséricorde Le recueil qui est reproduit dans les pages de ce dossier avait trouvé un éditeur, Téqui, en juin 2008. Une version considérablement enrichie, et actualisée jusqu'en juin 2019, est disponible à la vente chez le même éditeur depuis le 4 décembre 2019, en ligne sur son site internet ICI. Merci de faire connaître autour de vous la nouvelle version de ce travail, augmentée de plus de 200 pages par rapport à la première édition. « Les personnes qui propageront cette dévotion, auront leur nom inscrit dans mon Cœur, et il ne sera jamais effacé. » (11ème promesse du Sacré-Coeur à sainte Marguerite-Marie) |