La dévotion au Sacré-Coeur de Jésus

Chronologie détaillée et textes essentiels




6. L'implantation en France - De la révolution à la guerre de 70 : 1789-1870

1789-1819       1820-1849       1850-1870

1820 : En mai, Mme Choussy de Grandpré (1783-1827) de concert avec son Directeur le Père Léonard Furnion (1781-1846), missionnaire diocésain, jette à Lyon les fondements de l'Institut de l'Adoration perpétuelle du Sacré Cœur de Jésus. L'autorisation de garder la Sainte-Réserve est accordée en 1822, et l'Institut officiellement approuvé le 24 janvier 1824. Mme Choussy, devenue en religion Mère Jeanne-Françoise de Jésus, rappellera sans relâche aux religieuses de sa Congrégation l'importance de la vertu d'humilité.

« Mes enfants, il n'est pas possible de faire des progrès dans la perfection sans l'humilité, parce que cette vertu est la pierre de touche de la vraie sainteté. Le bon Dieu aime à travailler sur le néant. Dès que l'on s'estime soi-même, que l'on se croit quelque chose, le secours divin s'éloigne et nous laisse à notre misère. O mes enfants, demandons bien souvent au Cœur de Jésus la connaissance et le mépris de nous-même. Disons fréquemment dans la journée : Cœur de Jésus, souverainement humble, anéantissez mon orgueil ! Mon Dieu, faites que je me connaisse, pour me mépriser et que je vous connaisse pour vous aimer ! Jésus, doux et humble de cœur, ayez pitié de moi ! […]
Avant tout, mes enfants, il faut que vous soyez fondées en humilité. C'est la vertu par excellence du Sacré-Cœur de Jésus. Sans elle, nous ne pouvons nous approcher de lui avec confiance, ni avoir part aux faveurs de son amour. Combien ne doit-elle pas nous être chère, puisque, par la divine miséricorde, nous sommes ses Adoratrices, appelées à le contempler nuit et jour et surtout à l'imiter ! »
Mère Jeanne-Françoise de Jésus, in Chanoine L. Cristiani, Une Lampe devant l'Hostie ! Lyon, chez les Religieuses de l'Adoration Perpétuelle du Sacré-Cœur, 1932.

* Sœur Marie Joséphine de Jésus, née Luisa Cepollini d'Alto e Caprauna (1880-1917), religieuse de cette Congrégation, sera favorisée dès son enfance d'entretiens surnaturels avec le Sauveur, auquel elle fera don de sa vie. Nommée directrice des Novices en 1909, elle écrit au sujet du I° chapitre de la Règle de la communauté :

« L'Institut de l'Adoration perpétuelle du Sacré-Cœur est tout entier voué au Cœur de Jésus. Chaque membre est aussi consacré c'est-à-dire sacré avec Lui, par Lui et pour Lui. Voilà notre grande destination qui nous sépare de tout ce qui est profane.
Chaque membre est voué à ce Cœur ; il faut donc en épouser tous les intérêts, travailler pour Lui, l'aimer uniquement. Nous n'y parviendrons que dans la mesure du don de nous-même et de notre ressemblance avec ce divin Cœur, dans la mesure de notre union avec Lui : voilà le programme magnifique de notre vie et de notre éternité.
Dans la mesure de notre union à Jésus : nous prierons avec Lui de cette prière que Dieu exauce toujours, à cause de Lui, à cause de son nom.
Dans la mesure de notre union à Jésus : nous ressentirons le
Sitio de la Croix et nous étendrons notre puissance d'intercession à autant d'âmes que notre zèle pourra en embrasser et que notre prière pourra en atteindre. »
Entretiens et Conseils de Sœur Marie Joséphine à ses Novices, Cinquième manuscrit, in Sœur Marie Joséphine de Jésus, Une adoratrice du Sacré Cœur, Chez les Religieuses de l'adoration perpétuelle du Sacré Cœur, Lyon
Turin, 1921.

L'Abbé Pierre-Bienvenu Noailles (1793-1861) fonde la Congrégation de la Sainte-Famille, qui regroupera les Sœurs de la Sainte-Famille, les Sœurs de Saint-Joseph, les Sœurs de l'Immaculée-Conception, les Sœurs de l'Espérance, les Sœurs Solitaires et les Sœurs de Sainte-Marthe.

1821 : Le 30 septembre, André Coindre (1787-1826), prêtre de la Société des Chartreux de Lyon, fonde en cette ville l'Institut des Frères des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie, congrégation religieuse qui se propose, pour fin première, la gloire de Dieu et la sanctification de ses membres, et pour fin secondaire, le salut des âmes par l'instruction et l'éducation chrétiennes de l'enfance. En 1856, l'Institut ne sera plus appelé en interne que Frères des Sacrés-Cœurs, puis Frères du Sacré-Cœur en 1874. Le blason de l'Institut évoluera de même, et porte aujourd'hui un cœur couronné d'épines avec la simple devise "Ametur Cor Jesu". La congrégation sera reconnue en France en 1851 et à Rome en 1894. Jusqu'en 1903, ses membres dirigeront des écoles, des orphelinats, et des instituts pour sourds-muets, en France puis à l'étranger, comme aux Etats-Unis (1847) ou au Canada (1872). Depuis 1927, la Congrégation gère des écoles et des missions dans 32 pays.

« Tous les membres de l'Institut doivent s'efforcer de remplir cette double fin de leur vocation, et tous le peuvent par quelqu'un des moyens suivants : 1° par une vie sainte et édifiante ; 2° par des prières ferventes et journalières ; 3° par un grand dévouement à l'éducation des enfants ou à tout autre emploi prescrit par l'Obéissance. […]
Placés sous la protection spéciale du Sacré-Cœur, les Frères doivent être aussi animés d'un véritable esprit de douceur, d'humilité, de modestie et de simplicité, ne perdant jamais de vue ces paroles : "Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes". […]
Comme la sanctification d'un religieux dépend de la pratique des œuvres communes et journalières, ils s'appliqueront à deux points essentiels : 1° à bien faire leurs actions ordinaires et à être fidèles aux plus petites choses, faisant chaque exercice dans le temps, dans le lieu et de la manière qui leur est marquée ; 2° à agir avec une grande pureté d'intention, par amour de Dieu, en vue de faire sa sainte volonté, de lui être agréables et de mériter la protection du Sacré-Cœur. »
Extraits des Règles Communes de l'Institut des Frères du Sacré-Cœur, Paradis, près Le Puy (Haute-Loire), s.d..

1822 : Le 3 mai, Marie-Pauline Jaricot (1799-1861) fonde à Lyon l'œuvre de la Propagation de la Foi, pour venir en aide à toutes les missions de l'Eglise.
Le 2 juillet, l'archevêque de Paris Mgr Hyacinthe-Louis de Quélen (1778-1839) consacre sa personne et son diocèse au Sacré-Cœur de Jésus, et rend la fête du Sacré-Cœur obligatoire pour l'ensemble du diocèse, et en fixe la célébration au deuxième dimanche de juillet. Il joint à son mandement un nouvel Office destiné à cette célébration.

« Nous vouons et nous consacrons au Cœur de Jésus notre diocèse et notre personne ; nous lui offrons avec la plus douce confiance le troupeau confié à nos soins ; les justes pour qu'il les perfectionne, les pécheurs pour qu'il les convertisse ; les prêtres et les pasteurs pour qu'il les remplisse de zèle ; les fidèles pour qu'il les sanctifie. Nous le prions de nous appliquer à tous et de nous faire ressentir de plus en plus les effets de son amour. »
Mgr de Quélen, in P. Henri de Rochemure, Le Sacré Cœur et la Compagnie de Jésus, Lyon - Paris, Delhomme et Briguet, 1890.

Publication de Des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie du janséniste Mathieu-Mathurin Tabaraud, en réaction au mandement de Mgr de Quélen.

1823 : Le 27 mars, Dom Prosper Guéranger (1805-1875), restaurateur des Bénédictins en France et futur abbé de Solesmes (1837), se consacre au Sacré-Cœur dans la chapelle de la Visitation du Mans. Le 9 juillet 1838, il consacrera dans son abbaye un premier autel au Sacré-Cœur, puis, à l'occasion des travaux d'agrandissement nécessaires pour une communauté devenue nombreuse, il élèvera une chapelle particulière, et y consacrera un nouvel autel le 7 juin 1867.

« C'est dans le Cœur de Jésus, d'où découle la vraie amitié, qu'il faut quelquefois se réunir ; c'est là que les amitiés mortelles prennent quelque chose de cet amour immense qui consume le Cœur du Sauveur. Voilà, vas-tu dire, notre Moine qui devient mystique. Non, je n'aime pas la mysticité, d'ailleurs ce n'est pas là le vice dominant du séminaire du Mans. Mais seulement autrefois je mettais la dévotion au Sacré-Cœur au rang de toutes ces dévotions raffinées qu'il faut renvoyer aux nonnes ; je me trompais bien : je la trouve, maintenant que je la connais, charmante et même sublime. Quoi en effet de plus signe de notre vénération que ce Cœur divin, dont l'amour a produit la rédemption des hommes et l'Eucharistie ? »
Lettre de Dom Guéranger à Charles Louvet, ancien condisciple du lycée royal d'Angers, 3 août 1823.

Le 16 juin, Mgr de Vichy, évêque d'Autun, bénit à Paray-le-Monial le monastère de la Visitation rendu, après trente années, aux religieuses de St François de Sales qui en avaient été chassées par la Révolution le 22 septembre 1792. La chasse des reliques de Marguerite-Marie est placée dans un oratoire donnant sur la chapelle. Paray, redevenue ville du Sacré-Cœur, retrouve sa place dans cet apostolat.
* Le 21 juin, la Sœur Marie de Jésus, religieuse de la Congrégation Notre-Dame (chanoinesses de Saint-Augustin) au Couvent des Oiseaux à Paris - qui dit recevoir des communications de Jésus au sujet de la consécration de la France au Sacré Cœur - est favorisée d'une nouvelle vision, où une demande lui est faite en termes formels.

« La France est toujours bien chère à mon divin Cœur, et elle lui sera consacrée. Mais il faut que ce soit le Roi lui-même qui consacre sa personne, sa famille et tout son royaume à mon divin Cœur ; et qu'il lui fasse, comme je t'ai déjà dit, élever un autel comme on en a élevé un en l'honneur de la Sainte Vierge. Je prépare à la France un déluge de grâces lorsqu'elle sera consacrée à mon divin Cœur. - Eh ! quoi, les outrages faits à la majesté royale ont été réparés publiquement : et les outrages sans nombre que j'ai reçus dans le Sacrement de mon amour n'ont pas encore été réparés ! On craint de parler au Roi, on craint qu'il ne soit pas disposé à entendre parler de ce double bonheur pour lui aussi bien que pour sa famille et pour son royaume ! Ah ! je tiens tous les cœurs dans ma main, et celui du Roi est disposé à faire tout ce qu'on lui demandera pour ma gloire. Tous les jours il en donne des preuves. La demande qu'on lui a faite de travailler à la béatification de la Mère Marguerite-Marie Alacoque n'a-t-elle pas été parfaitement accueillie ? Que N*** parle et il verra. Je prépare toutes choses : la France sera consacrée à mon divin Cœur ; et toute la terre ressentira des bénédictions que je répandrai sur elle. La foi et la religion refleuriront en France par le dévotion à mon divin Cœur. »
Marie de Jésus, vision du 21 juin 1823, in R.P. X. de Franciosi, La Dévotion au Sacré-Cœur de Jésus et au Saint-Cœur de Marie, Nancy, Le Chevallier Frères, 1885.


Le 23 juillet à Auray en Bretagne, une procession est organisée par la Compagnie de Jésus, qui défile portant un Sacré-Cœur et l'inscription "Unique Salut de la France".
Une chapelle dédiée au Sacré-Cœur se construit chez les religieuses de la rue de Varenne à Paris. Louis XVIII donne l'autel, et Monsieur, frère du roi, fait présent de la gloire qui surmonte le sanctuaire.
Le 18 décembre, l'abbé Jean-Maurice Catroux (1794-1863) fonde à La Salle-de-Vihiers près d'Angers, avec Rose Giet (1784-1848) qui devient Sœur Marie, la Congrégation des
Filles de la Charité du Sacré-Cœur de Jésus.

« Lorsque vous paraîtrez devant Dieu, il vous demandera : "Ma Fille, as-tu regardé mon Cœur pendant que tu étais sur la terre ? Y as-tu conformé le tien ? Si tu avais fait attention à la douceur avec laquelle j'instruisais mes apôtres, tu aurais été plus patiente et tu aurais attiré plus d'âmes à mon amour. Si tu avais considéré mon humilité, tes œuvres n'auraient pas été entachées d'une vanité qui en a ôté tout le prix." Efforcez-vous, mes chères Filles, de ne pas vous attirer ces reproches ; conformez votre cœur à celui de Jésus. Voyez aussi celui de Marie, votre Mère : comme il est en tout conforme à celui de son Fils ! Imitez bien ces deux Cœurs. »
Jean-Maurice Catroux, Instructions, in La Congrégation des Filles de la Charité du Sacré-Cœur de Jésus, Paris, Letouzey et Ané, 1923.

1824 : Le 30 mars, Léon XII signe la commission pour l'introduction de la cause de la canonisation de Marguerite-Marie, qui reçoit le titre de Vénérable.
Michel Garicoïts fonde à Cambo (au Pays Basque) où il est vicaire, une Congrégation du Sacré-Cœur de Jésus et de Marie, consacre la paroisse au Sacré-Cœur, et publie un manuel de dévotion, L'appel d'Amour.

« Me voici ! Voilà le Cœur de Jésus, voilà le résumé du christianisme… Je crois à l'Amour, c'est tout dire. Il s'est fait homme, je le crois ! Il aime, et qui aime, fait tout… Ayons donc un cœur de Jésus-Christ, un cœur étendu, qui n'exclue personne de son amour. »
Michel Garicoïts, Manuscrit n°66.


Le 16 septembre, mort de Louis XVIII. Avènement de Charles X (1757-1836), 3° fils du Dauphin Louis et de Marie-Josèphe de Saxe, qui est sacré à Reims le 29 mai 1825. Dès son avènement, il prend un certain nombre de mesures symboliques favorables à l'Eglise.

1825 : Publication du Nouveau Christianisme de Claude Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon (1760-1825). Son Catéchisme des industriels publié l'année précédente influencera plusieurs industriels du second Empire (tel Ferdinand de Lesseps) ainsi que les banquiers Jacob Emile et Isaac Pereire, fondateurs du Crédit mobilier en 1852.

1829 : Le 31 juillet, pose de la clôture et bénédiction du nouveau monastère de Notre-Dame de Charité d'Angers, sous l'impulsion conjointe de M. Breton, curé de Saint-Maurice, et de la Mère Marie de Sainte-Euphrasie (Rose-Virginie Pelletier, 1796-1868, canonisée le 2 mai 1940), alors Supérieure du monastère de Notre-Dame de Charité de Tours. Elle en devient Supérieure le 21 mai 1831, et lui donne le nom de Notre-Dame de Charité du Bon Pasteur. Suivent rapidement de nouvelles fondations, au Mans, à Poitiers, à Grenoble, toutes dépendantes de la maison-mère d'Angers, marquant ainsi peu à peu la séparation des couvents du Bon Pasteur d'avec les Refuges Eudistes. Cette séparation sera entérinée en 1834 par le Saint-Siège. Mère Marie de Sainte-Euphrasie choisira comme principe fondamental de l'Œuvre du Bon Pasteur la bonté et la douceur de préférence à la sévérité et à la répression, puisant les trésors d'une inlassable charité auprès du Cœur du Sauveur.

« Un jour, a-t-elle raconté, je m'aperçus qu'il y avait un certain nombre de nos pénitentes qui étaient de très mauvaise humeur. Elles parlaient continuellement tout bas, murmuraient et cherchaient à faire des complots. Dès que je fus un peu en liberté, j'allais me prosterner devant le Saint-Sacrement et priai avec ferveur le Sacré-Cœur de Jésus. Après une heure d'adoration, je revins à la classe pour remplacer la seconde maîtresse. Quel fut mon étonnement, lorsque je les vis toutes fondre en larmes, se précipiter au-devant de moi et me promettre que leur conduite à l'avenir serait ma consolation. »
Gaëtan Bernoville, Sainte Marie-Euphrasie Pelletier, Paris, Alsatia, 1945.

Auguste Hilarion de Kératry (1769-1859), membre de l'opposition libérale réélu député en 1827, responsable d'attaques des "cléricaux" dans le Courrier français, déclare à la tribune de la Chambre :

« Regardez autour de vous : la France est sillonnée en tous sens par des missions ultramontaines. A quoi aboutissent ces missions ? Vous le savez mieux que moi : à propager l'idolâtrie du cordicolisme, à charger d'honnêtes gens de scapulaires, de rosaires et d'amulettes reçues en première main des Jésuites… Essayent-ils de soustraire l'esprit de ceux qui les écoutent aux superstitions d'un autre âge ? Indiquent-ils aux pauvres laborieux les moyens de gagner en moralité ce qu'ils perdraient en misère ? Je le dis sans passion : on serait tenté de voir ici un projet prémédité de rappeler dans les classes inférieures la superstition par l'ignorance et la servilité par l'abrutissement. »
Extrait de l'allocution de M. de Kératry, in Gustave Téry, Les cordicoles, Paris, Edouard Cornely, 1902.

Le 22 décembre, Pie VIII approuve la Confrérie de l'Heure Sainte fondée au cours de la même année par le Père Debrosse S.J. en l'église des Pères Jésuites de Paray-le-Monial, avec l'approbation de Mgr d'Héricourt, évêque d'Autun. Oraison mentale ou vocale, qui a pour objet l'agonie de Notre-Seigneur au Jardin des Oliviers, l'Heure Sainte s'accomplit dans le but d'apaiser la colère de Dieu, de demander grâce pour les pécheurs et de consoler le Cœur de Jésus durant une heure. A sa création, l'adoration a lieu dans la chapelle des Pères Jésuites de Paray, entre onze heures et minuit, et ne regroupe que des hommes. L'Association sera élevée à la dignité d'Archiconfrérie par Léon XIII le 6 avril 1886, avec pouvoir de s'affilier les Confréries analogues de France et de Belgique, et bientôt - sur décision de Pie X du 27 mars 1911 - du monde entier. Le Père Mateo prêchera à son tour l'Heure Sainte aux familles en 1908.

« Ce fut à Paray que je pris la résolution de la faire [l'Heure Sainte] au moins une fois par mois. Dès la deuxième fois, c'est-à-dire au premier vendredi de mai (1829), sans avoir reçu aucune grâce bien sensible d'ailleurs, je sentis un grand désir de faire connaître aux fidèles cette dévotion : je priais Notre-Seigneur de m'en procurer les moyens, et l'idée d'une Confrérie me vint alors. J'exposai mon projet et le soumis à mon supérieur ; il le goûta et m'encouragea. Je m'adressai après cela à Monseigneur l'Evêque d'Autun qui eut aussi la bonté de l'approuver.  »
Lettre du Père Debrosse à la Visitation de Paray, le 24 octobre 1837, in Manuel de l'Archiconfrérie de l'Heure Sainte, 1923.


1830 : Le 18 juillet, apparition de la Vierge à Catherine Labouré (1806-1875), Fille de la Charité, rue du Bac, à Paris. Catherine Labouré a été canonisée en 1947 par Pie XII.
A partir du 27 juillet, suite aux ordonnances signées le 25, vaste mouvement insurrectionnel dans Paris. Les 27, 28 et 29 juillet restent connus sous le nom des "Trois Glorieuses". Les insurgés installent un gouvernement provisoire à l'Hôtel de Ville. L'archevêché de Paris est mis à sac, et de nombreux membres du clergé sont agressés.
La Révolution de juillet 1830 déclenche une nouvelle vague d'anticléricalisme, Edgar Quinet et Jules Michelet - tous deux professeurs au Collège de France - s'attaquant plus particulièrement à l'image du prêtre. Ils publieront en 1843 une violente attaque contre la Compagnie de Jésus,
Des Jésuites. Les chansons anticléricales de Béranger remportent un grand succès.
Le 2 août, abdication de Charles X en faveur du duc de Bordeaux.

1830-1848 : Monarchie de Juillet.
Le 9 août 1830, le duc d'Orléans (1773-1850), fils de Louis-Philippe d'Orléans (dit Philippe Egalité 1747-1793) et de Louise-Marie de Bourbon-Penthièvre, devient "roi des Français" sous le nom de Louis-Philippe 1°, qui décide d'appliquer à la lettre le Concordat de 1801.
Le 16 octobre, Félicité Robert de Lamennais (1782-1854) fonde avec Charles de Coux (1787-1864) le journal
L'Avenir, et en décembre l'Agence générale pour la défense de la liberté religieuse, auxquels collaborent Montalembert (1810-1870), Lacordaire (1802-1861) et Gerbet (1798-1864). Le prospectus de L'Avenir du 20 août déclare : "Il y a deux libéralismes, l'ancien et le nouveau : l'ancien, héritier des doctrines de la philosophie du XVIII° siècle, ne respire qu'intolérance et oppression religieuse. Mais le jeune libéralisme, qui finira par étouffer l'autre, se borne, en ce qui concerne la religion, à réclamer la séparation de l'Eglise et de l'Etat, séparation nécessaire pour la liberté de l'Eglise". Grégoire XVI condamnera ses idées par l'Encyclique Mirari Vos le 15 août 1832.
La France compte ses trente premiers kilomètres de chemin de fer.

1831 : Louis Querbes (1793-1859) fonde à Vourles, dans le Rhône, les Clercs de Saint-Viateur, Congrégation de laïcs voués à l'éducation et aux activités pastorales auprès des jeunes.

1832 : En mars, début de l'épidémie de choléra à Paris. Elle fera près de 20.000 morts jusqu'en octobre. Dans les villes et les campagnes ravagées par le fléau, on en appelle à l'intercession du Sacré-Cœur.
Le 15 août, l'Encyclique Mirari vos condamne les idées de Félicité de Lamennais (1782-1854).

1833 : Le 23 avril, Frédéric Ozanam (1813-1853, béatifié le 22 août 1997) fonde à l'âge de 20 ans la Société Saint-Vincent de Paul, vouée au service des pauvres, des enfants et des malades. Les membres de la Société bénéficient du concours précieux de Sœur Rosalie (née Jeanne-Marie Rendu, 1786-1856), Fille de la Charité de Saint-Vincent-de-Paul, qui les guide dans leur nouvel apostolat. L'Œuvre regroupe aujourd'hui 875.000 membres répartis en 47.000 "Conférences" (équipes) dans le monde entier.
Le 11 juin, sur l'initiative d'Angèle de Sainte-Croix (comtesse de Pronleroy), élève du couvent des Oiseaux à Paris, instauration d'un mois du Sacré-Cœur au monastère. L'archevêque de Paris Mgr de Quélen (1778-1839) en approuve le projet le 29 mai et en fixe les exercices.

« Nous célébrerons le mois de juin pour la conversion des pécheurs et pour le salut de notre patrie ; et nous suivrons la coutume d'honorer pendant trente-trois jours de prière les trente-trois années de la vie de Notre-Seigneur. Un numéro, tiré au sort, assignera à chacune le jour spécial, pour être sanctifié par toutes sortes de bonnes œuvres. »
Mgr de Quélen, in A. Yenveux., Le Règne du Cœur de Jésus, Paris - Montmartre, Au sanctuaire du Sacré-Cœur, 1899

Plus de huit cents personnes se joignent aux religieuses et aux élèves pour honorer le Sacré-Cœur. Un cantique en son honneur, chanté au commencement de la messe, rappelle les hommages qu'on se propose de lui rendre. Pour clore la célébration, après la consécration et quelques nouvelles lectures, Cor Jesu est repris par l'assemblée.
Pour mieux faire connaître cette pratique, la Mère Saint-Jérôme, Supérieure du monastère, fait imprimer à Angers une première copie manuscrite des différentes lectures. Cette première édition paraît en 1835, sans mention d'auteur, sous le titre
Mois Consacré au Saint Cœur de Jésus. Complété et recomposé, le recueil est réédité à Paris en 1836 avec l'approbation de l'archevêque, portant le titre de Mois du Sacré-Cœur de Jésus. Il rencontre un vif succès, et en 1862 on comptera déjà 21 éditions.

1834 : Le 16 janvier, Grégoire XVI approuve le décret du généralat, qui autorise la Mère Marie de Sainte-Euphrasie (1796-1868, canonisée le 2 mai 1940), Supérieure du monastère d'Angers, à fonder de nouvelles Maisons dans le monde entier. La Congrégation de Notre-Dame de Charité du Bon Pasteur d'Angers est née. Dans les cinq années qui suivent, de nouveaux monastères sont créés : Saint-Florent de Saumur, Nancy (1835), Amiens, Lille (1836), Le Puy, Strasbourg, Sens, Reims, Arles (1837), Bourg et Rome (1838), Chambéry, Perpignan, Nice, Avignon, Mâcon (1839)… La Congrégation ne cessera de se répandre en France et dans le monde, et c'est dans l'un d'eux, à Münster, que fera profession Sœur Marie du Divin Cœur en 1888.
Henri Lacordaire (1802-1861) inaugure les Conférences de Notre-Dame de Paris créées par Mgr de Quélen (1778-1839), archevêque de la capitale. Devenu Dominicain en 1839, Lacordaire s'attachera à rétablir l'Ordre en France.
Publication de
Paroles d'un croyant de Lamennais. L'auteur est à nouveau condamné par Grégoire XVI dans l'Encyclique Singulari nos, et rompt avec l'Eglise.
Le 2 juillet, le Chanoine J.-B. Pasquier fonde l'Institut des Religieuses de la Purification de Notre-Dame, victimes du Sacré-Cœur de Jésus. Le projet de Constitutions est approuvé deux ans plus tard par Mgr de Montblanc, archevêque de Tours, et les Constitutions définitives par Mgr Morlot le 2 février 1850. Les religieuses s'adonnent à une vie de réparation et d'expiation pour le salut des âmes, et récitent chaque jour en communauté l'amende honorable suivante :

« Sacré Cœur de Jésus, victime d'amour immolée depuis le commencement du monde pour la gloire de Dieu et le salut des hommes, nous vous bénissons pour vos miséricordes infinies envers nous, et nous nous consacrons sans réserve à votre service. O Cœur du Sauveur, Cœur si bon et pourtant si méconnu, Cœur si aimable et pourtant si peu aimé, Cœur d'où ne s'écoulent sur la terre que bienfaits, amour, miséricorde, et vers qui ne revient qu'ingratitude, mépris, tiédeur, oubli : recevez du moins, comme compensation à tant d'outrages, l'offrande complète de tout nous-mêmes, que nous vous faisons du fond de notre cœur avec toutes ses affections et tous ses désirs, notre corps avec toutes ses forces ; recevez tout ce que nous avons et tout ce que nous sommes.
Mais, comme de nous-mêmes nous ne sommes que pauvreté, misère et péché, unissez notre faible offrande à vos mérites infinis, pour qu'elle puisse vous plaire et vous consoler des amertumes dont vous êtes abreuvé. Que ne nous est-il donné, ô Seigneur Jésus, de nous associer véritablement par Vos souffrances au martyre de votre divin Cœur, et d'anéantir, au prix même de tout notre sang, ces mille et mille péchés qui s'élèvent de la surface de la terre, et rouvrent continuellement vos plaies ! Faites du moins que nous ne vous contristions jamais en rien, mais qu'au contraire, toutes les affections, tous les désirs, toutes les actions de notre vie, ne respirent que votre amour, ne tendent qu'à vous imiter ; que nos voix s'unissent sans cesse à la voix de votre divin Cœur, pour crier pardon et miséricorde ; que nos souffrances et nos travaux se mêlent à votre sang et aux sueurs de votre vie, pour apaiser la justice de votre Père, suspendue sur la tête des pécheurs. Nous vous en supplions, ô Seigneur, par les mérites infinis de votre Cœur, par ces angoisses au jardin des Oliviers, par le sang qui en sortit sous le coup de la lance des Juifs, par votre agonie mortelle : Pitié pour ces cœurs qui s'égarent : éclairez ces âmes assises dans les ombres de la Mort, faites-leur sentir combien il est dur et amer de s'éloigner de leur Dieu ; faites-leur goûter la douceur de votre amour, et sentir le bienfait de votre lumière. O Dieu saint, Père des miséricordes, entendez la prière et les supplications que vous adresse sans cesse la divine Victime, votre Fils unique, l'objet de vos complaisances, voyez son sang et ses plaies, entendez la voix de votre fille bien-aimée la Reine des martyrs, la glorieuse vierge Marie, dont le cœur fut percé de douleur pour notre salut, écoutez les prières de l'Eglise du ciel et de l'Eglise de la terre, auxquelles se mêlent nos voix faibles et indignes : calmez votre juste colère, désarmez votre vengeance pour faire place à votre miséricorde, et que le règne de votre amour s'étende désormais dans tous les cœurs.
Ainsi soit-il. »
Amende honorable au Sacré Cœur de Jésus, in Regnabit 8° année n°2-3, juillet-août 1928.

1835 : Vincent Pallotti (1795-1850, canonisé le 20 janvier 1963) fonde à Rome la Société de l'Apostolat Catholique (les Pallottins), œuvre missionnaire présente sur les cinq continents.
En octobre, encouragé par la Mère Elisabeth Bichier des Anges (1773-1838, béatifiée en 1947), fondatrice des Filles de la Croix en 1807, Michel Garicoïts fonde à Bétharram les Prêtres du Sacré-Cœur-de-Jésus : activités pastorales, enseignement et missions. Mgr Lacroix, évêque de Bayonne, rédigera les Constitutions en 1841. La famille religieuse compte aujourd'hui 400 membres dont 70 jeunes en formation, présents dans 14 pays.

« Les larmes de l'Eglise tombant sur son noble cœur, a écrit le P. Etchecopar (1), en avaient fait jaillir une résolution généreuse : "Oh ! se disait-il à lui-même ; si l'on pouvait réunir une société de prêtres ayant pour programme le programme même du Cœur de Jésus, le Prêtre Eternel, le serviteur du Père Céleste : dévouement et obéissance absolue, simplicité parfaite, douceur inaltérable ! Ces prêtres seraient un véritable camp volant de soldats d'élite, prêts à courir au premier signal des chefs, partout où ils seraient appelés, même et surtout dans les ministères les plus difficiles et dont les autres ne voudraient pas !" »
(1) : P. Auguste Etchecopar (†1897), troisième supérieur de l'Institut.
François Veuillot, Michel Garicoïts et la Congrégation des Prêtres du Sacré-Cœur de Bétharram, Paris, Alsatia, 1942.

1836 : L'Abbé Dufriche-Desgenettes, curé de Notre-Dame des Victoires, fonde la Confrérie du Très Saint et Immaculé Cœur de Marie pour la conversion des pécheurs, et prend comme symbole la médaille gravée sur le modèle indiqué par Catherine Labouré en 1830 : "O Marie conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous". L'association est érigée en Archiconfrérie par Grégoire XVI le 24 avril 1838. L'église parisienne devient un lieu de pèlerinage et les demandes d'affiliation parviennent de toute la France.

1837 : Le 20 mai, alors que l'on travaille aux fondations de la future église du Sacré-Cœur à bâtir dans les jardins du couvent des Oiseaux rue de Sèvres à Paris, un ouvrier découvre dans le sol une médaille de cuivre en forme de cœur, portant d'un côté l'effigie du Sacré Cœur de Jésus avec l'inscription "DIEU EN MOY", et de l'autre celle du Saint Cœur de Marie avec l'inscription "MOY EN DIEU". La médaille date des années 1650-1660.
Le 14 juillet, érection du prieuré de Solesmes en abbaye, dont Dom Prosper Guéranger (1805-1875) est nommé premier abbé : l'Ordre des Bénédictins retrouve ainsi une existence canonique. Dom Guéranger, qui s'est consacré au Sacré-Cœur dès 1823, engage les moines de son Ordre en cette voie.

« Fidèles à suivre l'impulsion de l'Esprit-Saint, nous nous attacherons de plus en plus, mes frères, à la dévotion au Cœur de Jésus. Ce monastère a été fondé à la suite d'un vœu au Sacré-Cœur. Dans notre reconnaissance, nous lui avons érigé un autel et une chapelle et nous l'honorons par le salut du Très Saint Sacrement à chaque premier vendredi du mois. C'est une tradition que nous suivons avec une nouvelle ferveur en comprenant que c'est dans cette dévotion que nous avons trouvé cette force invincible qui a maintenu notre famille religieuse au milieu de tant d'orages, et qui la maintiendra encore contre tous ceux de l'avenir.
Que notre appui soit dans le divin Cœur de Jésus. Si nous sommes remplis envers lui de la vénération que nous lui devons, nous parviendrons à la perfection de notre état : Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur, voilà le dernier mot de Notre-Seigneur Jésus-Christ sur son propre Cœur. N'est-ce pas ce que vous recommande, de son côté, le saint Patriarche ? Saint Benoît veut, en effet, que le moine soit l'homme de la paix et partant l'homme de la douceur et de l'humilité… Soyons des adorateurs fervents du Sacré-Cœur durant notre vie ; et quand nous quitterons ce monde nous serons assurés d'être bien accueillis par le Sauveur, que nous aurons pris ici-bas, pour ainsi dire, par le côté sensible. Il nous donnera la gloire et sa miséricorde se manifestera sur nous en proportion de l'espérance que nous aurons mise dans son divin Cœur. »
Dom Prosper Guéranger, Conférences spirituelles, in Abbé Levesque, L'Origine du Culte du Sacré-Cœur de Jésus, Avignon, Maison Aubanel, 1930.


1838 : Le 17 juin, Julie-Adèle de Gérin-Ricard (1793-1865) fonde à Marseille, sous la direction du P. Beaussier son Directeur, l'Institut des Sœurs Victimes du Sacré-Cœur de Jésus, où elle devient le 8 septembre 1841 Mère Marie-Victime de Jésus-Crucifié.

« Considérant le titre de Victimes que nous désirons réaliser, je vis une Société de Vierges qui, voulant alléger Jésus du poids de sa croix, se dévouaient à marcher à côté de lui, pour les mêmes motifs et les mêmes intentions ; à l'imiter autant qu'elles en auraient le pouvoir, afin d'adoucir ses angoisses en lui tenant compagnie dans sa marche douloureuse ; à lui présenter leur amour, avec la Véronique, et le consoler dans la grande affliction de son Cœur Sacré ; le louant lorsqu'on l'injurie, l'honorant lorsqu'on le méprise, le bénissant lorsqu'on le maudit, le regardant lorsqu'on le délaisse, souffrant de ses souffrances, ressentant ses opprobres, prenant le péché sur elles, l'expiant avec lui, montant sur la croix, y mourant comme lui pour la destruction du péché et coopérant ainsi avec lui à la conversion des âmes. […]
Je vous rends mille grâces, ô mon bon Jésus, de ce que vous m'avez dépouillée de tout attrait sensible à votre service : c'est ce que vous m'avez fait vous promettre, en 1838, dès le début de l'œuvre, et vous m'avez annoncé alors cet heureux dépouillement. Frappez donc, détruisez, coupez, démolissez comme il vous plaira, je me trouve heureuse d'être entre vos mains, et je m'y abandonne sans plus de crainte. »
Julie-Adèle de Gérin-Ricard, in Payan d'Augery, Une Victime d'Amour, Marseille, Monastère des Victimes, 1936.

1839 : Publication du Mémoire sur le rétablissement des Frères Prêcheurs en France d'Henri Lacordaire (1802-1861), qui prend l'habit Dominicain avant de restaurer l'Ordre en 1843. L'année suivante, il publie une Vie de saint Dominique.
Le 30 avril, Anne-Eugénie Milleret de Brou devient Mère Marie-Eugénie de Jésus (1817-1898, béatifiée le 9 février 1975) et inaugure avec ses compagnes la fondation des Religieuses de l'Assomption, institut d'éducation chrétienne pour les jeunes filles placé sous le patronage de l'Assomption, et approuvé comme la Congrégation en 1888. L'Institut est aujourd'hui présent dans 34 pays sur 4 continents.
* Marie Lataste (1822-1847), qui a fait de la Sainte Eucharistie le centre de sa vie, est favorisée au cours d'une célébration en cette fin d'année d'une apparition du Seigneur sur l'autel. Ces faveurs se répéteront durant trois ans, à chaque Messe, et sur ordre de son confesseur elle notera les instructions qu'elle a reçues concernant les principales vérités de la foi. Elle rejoindra la Société du Sacré-Cœur à Dax le 15 mai 1844, et profondément malade ne prononcera ses vœux que la veille de sa mort, le 10 mai 1847. Le texte original de ses écrits a été profondément remanié dans l'édition des Œuvres de Marie Lataste, qui de ce fait ne peuvent être considérées dans cette version comme authentiques. Les lignes suivantes, concernant le divin Cœur, sont extraites de sa correspondance.

« Unissons-nous, ma chère sœur, pour bénir et aimer de plus en plus le Cœur adorable de Jésus si peu connu et si peu aimé, toi dans le monde et moi dans la Société qui lui est spécialement consacrée. Quel bonheur d'être uni à ce Cœur, sanctuaire de toutes les vertus, à ce Cœur qui fait le bonheur des saints dans le ciel, et qui est la ressource, le soutien, la force, la consolation des âmes sur la terre ! »
Lettre LVII à sa sœur, in La Vie et les Œuvres de Marie Lataste, publiées par M. l'Abbé Pascal Darbins, Paris, Ambroise Bray, 1866 (2° éd.), t.I.

1840 : Jeanne Jugan (1792-1879, béatifiée en 1982) fonde les Petites Sœurs des Pauvres.

1841 : Le 26 mai, consécration de l'église du couvent des Oiseaux, par Mgr Auguste-Denis Affre (1793-1848), successeur de Mgr de Quélen (1778-1839) à l'archevêché de Paris. Il s'agit de la première église dédiée au Sacré-Cœur de Jésus.
Le 21 septembre, trois jours après son ordination, François Libermann (1803-1852) fonde à Amiens la Communauté des Prêtres du Saint-Cœur de Marie, qui fusionne à la demande de Rome en septembre 1848 avec la Congrégation du Saint-Esprit fondée en 1703 par Claude-François Poullart des Places (1679-1709). Libermann sera le premier Supérieur de la nouvelle entité, connue depuis sous le nom de Spiritains. Ils sont aujourd'hui plus de 3000 répartis dans 58 pays, où ils s'efforcent d'être les "avocats, soutiens et défenseurs des faibles et des petits" (Règles de vie n°14).

1842 : Découverte et publication du Traité de la vraie dévotion de la Sainte Vierge de Louis-Marie Grignion de Montfort (1673-1716), qui participe au développement de la piété mariale.

1843 : Mgr Charles-Auguste de Forbin-Janson (1785-1844), évêque de Nancy, fonde l'Œuvre de la Sainte-Enfance "pour le rachat et le baptême des petits enfants chinois abandonnés", qui deviendra l'Enfance missionnaire, vouée à "l'apostolat des enfants chrétiens auprès des enfants des pays infidèles".
Henri Lacordaire (1802-1861) restaure l'Ordre Dominicain en France. Le Père Jandel (†1874) en devient le premier Général.
Le 8 août, érection par Grégoire XVI d'une Confrérie pour la réparation du blasphème au Nom de Dieu, sous le patronage de saint Louis.
* Le 26 août, Sœur Marie de Saint-Pierre (Perrine Eluère, 1816-1848), religieuse du Carmel de Tours, est favorisée d'une première communication divine, en laquelle le Seigneur lui enseigne la façon de réparer les blasphèmes et les profanations du dimanche qui ne cessent de blesser son Cœur. Mgr Morlot, archevêque de Tours, autorise la publication des prières de réparation composées par la Sœur, à condition qu'elles soient remaniées et insérées dans un opuscule rédigé par l'Abbé Salmon, aumônier du Carmel. Léon Papin-Dupont (le "saint homme de Tours", 1797-1876) y ajoute un Office en l'honneur du Saint Nom de Dieu, et la brochure est tirée à 25.000 exemplaires.

« J'ai compris que comme le Sacré Cœur de Jésus est l'objet sensible offert à nos adorations pour représenter son amour au très saint Sacrement de l'autel, de même la Face adorable de Jésus-Christ est l'objet sensible offert à nos adorations pour réparer les outrages commis par les blasphémateurs envers la Majesté et la Souveraineté de Dieu, dont cette sainte Face est la figure, le miroir et l'expression. Les blasphèmes lancés par les impies contre la Divinité, qu'ils ne peuvent atteindre, retombent comme les crachats des Juifs sur la sainte Face de Notre-Seigneur qui s'est fait victime des pécheurs. »
Extrait du Manuel de la Confrérie de la Sainte Face, à Tours.

« Qu'à jamais soit loué, béni, aimé, adoré, glorifié, le très saint, très sacré, très suradorable, très inconnu, très inexprimable Nom de Dieu, au ciel et sur la terre, par toutes les créatures sorties des mains de Dieu et par le Sacré Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ au très saint Sacrement de l'autel. Ainsi soit-il. »
Acte de louange et de réparation dicté par Notre-Seigneur à Sœur Marie de Saint-Pierre, extrait du Manuel de la Confrérie de la Sainte Face, à Tours.

1844 : Le 9 mai, fondation de la Communauté de la Miséricorde de Caen, où sera établie en 1899 l'Œuvre du Cœur Agonisant de Jésus, pour le soin gratuit des malades pauvres.
L'Abbé Jacques Paul Migne (1800-1875) commence la publication de la Bibliothèque universelle du clergé, qui comprendra les 221 volumes de la Patrologie latine (1844-1855), et les 166 volumes de la Patrologie grecque (1857-1866). Il est également le fondateur en 1833 du journal L'Univers, dirigé par Emmanuel Bailly (1794-1860) jusqu'à l'arrivée en 1843 de Louis Veuillot (1813-1883).
Publication de
De l'existence et de l'institut des Jésuites du Père Xavier de Ravignan (1795-1858), réponse au Des Jésuites de Jules Michelet et Edgar Quinet, violente attaque de la Compagnie et des Exercices d'Ignace de Loyola.
Le 10 juillet, Armand de Melun (1807-1877) lance les
Annales de la Charité, mensuel dont le but est d'étudier "les immenses questions que soulève l'exercice de la charité".
Le 3 décembre, à Vals, près Le Puy, au scolasticat de la Compagnie de Jésus, le Père François-Xavier Gautrelet (1807-1886) fonde l'Apostolat de la Prière, qui propose aux jeunes religieux de devenir des apôtres en offrant tous ensemble leurs prières, œuvres et souffrances de chaque jour en union avec le Cœur de Jésus. En 1846, il écrit le premier opuscule sur l'Apostolat de la Prière, exposé théologique approuvé par le Père Jean Roothan (1785-1853), général de la Compagnie. L'Œuvre du Père Gautrelet sera reprise en 1861 par le Père Henri Ramière.

« Quel est le moyen le plus conforme à la nature de l'Eglise de propager la foi et d'étendre le royaume de Jésus-Christ ? C'est la prière. Quel est le moyen le plus facile et le plus à la portée du simple fidèle de contribuer au salut des âmes ? C'est la prière. Quelle est la pratique de zèle dont les fruits sont les plus étendus ? C'est la prière. Donc une association qui aurait pour fin de sauver les âmes par la prière, comme l'Œuvre de la Propagation de la Foi a pour but de sauver les âmes par l'aumône, serait parfaitement en rapport avec l'esprit du catholicisme et ses résultats seraient incalculables. […]
O Jésus, vous l'avez dit aux jours de votre vie mortelle : "là où plusieurs seront réunis en mon nom, je serai au milieu d'eux" ; soyez au milieu de nous par votre infinie tendresse, comme nous sommes confondus, unis par la même prière. Nous vous solliciterons, nous vous fatiguerons de nos vœux. D'un bout du monde à l'autre, un concert unanime de gémissements et de désirs montera jusqu'à votre Cœur… »
Père François-Xavier Gautrelet, Apostolat de la Prière, le Puy, 1846.

Les premiers statuts de l'Œuvre seront approuvés par Rome en 1866. Revus en 1879, puis en 1896, ils seront approuvés par la Sacré Congrégation des Evêques et Réguliers et promulgués par elle le 11 juillet de cette même année.

« L'Apostolat de la Prière est une pieuse Association qui, destinée à promouvoir la gloire de Dieu et le salut des âmes, remplit sa fonction apostolique par la prière ou mentale ou vocale, et même par les autres œuvres pies, en tant qu'elles sont impétratoires et peuvent nous concilier le très saint Cœur de Jésus pour atteindre le but ci-dessus énoncé. C'est pourquoi, bien que l'Apostolat de la Prière paraisse avoir certains points communs avec d'autres Associations de piété, telles, par exemple, que la Confrérie du Sacré-Cœur de Jésus et le Rosaire vivant, néanmoins il se distingue entièrement de toutes ces Sociétés, soit par son but, qui est tout à fait universel, soit par les moyens spéciaux qu'il emploie. »
Extrait des Statuts de l'Apostolat de la Prière, in Ch. Parra S.J., Manuel de l'Apostolat de la Prière, Toulouse, 1933, 28° édition.

Notons à propos du Rosaire vivant que le P. Henri Ramière, déférant à la volonté de la fondatrice de cette Œuvre, Mlle Pauline Jaricot (1799-1862), en fera le Second Degré de l'Apostolat en janvier 1862.

1845 : Viollet-le-Duc commence une importante campagne de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, et fera rétablir la flèche centrale de 90 mètres.
Jean-Léon Le Prevost (1803-1874) fonde avec M. Myionnet la Congrégation des Religieux de Saint-Vincent de Paul, pour l'évangélisation de la classe ouvrière.
Le 25 décembre, le Père Emmanuel Daudé d'Alzon (1810-1880), vicaire général du diocèse de Nîmes, jette les bases de la Congrégation des
Augustins de l'Assomption (Assomptionnistes), dont il rédigera la Règle en 1855. La Congrégation compte aujourd'hui plus de 900 religieux, présents dans 25 pays. Il fondera également en 1865 avec la Mère Emmanuel-Marie de la Compassion (née Marie Correnson, 1800-1900) les Oblates de l'Assomption, destinées aux Missions étrangères.

1846 : Le 16 avril, premier attentat contre Louis-Philippe. Nouvel attentat le 29 juillet.
Le 23 août, Pie IX proclame l'héroïcité des vertus de Marguerite-Marie.
Le 19 septembre, apparition de la Vierge à Maximin Giraud et Mélanie Mathieu-Calvat, enfants de La Salette, en Isère.
* Publication de l'Abrégé des faits concernant l'établissement de l'Œuvre pour la réparation, avec l'autorisation de Mgr Morlot, évêque de Tours, écrit à la suite des révélations reçues par Sœur Marie de Saint-Pierre (1816-1848). Le Seigneur lui a suggéré de travailler à la fondation d'une œuvre qui regrouperait les adorateurs du Très Saint Nom de Dieu : "Ce divin Sauveur m'a fait entendre qu'il avait résolu de faire connaître la vertu de sa Face adorable pour réimprimer dans les âmes l'image de Dieu, qui était effacée dans un grand nombre par le péché. Ensuite, il m'a montré dans l'apôtre saint Pierre un exemple de la vertu de sa Sainte Face. Il la tourna vers cet apôtre infidèle et il devint pénitent. Jésus regarde Pierre, et Pierre pleure amèrement. Dans la lumière de Dieu, je vois que cette Face adorable est comme le cachet de la divinité, qui a la vertu de réimprimer dans les âmes qui s'appliquent à elle l'image de Dieu. C'est cette vue qui me porta à saluer cette très Sainte Face par ces paroles : "Je vous salue, je vous adore et je vous aime, ô Face adorable de Jésus, mon Bien-Aimé ! Noble cachet de la divinité, je m'applique à vous de toutes les forces et puissances de mon âme et vous prie très humblement de réimprimer en nous l'image de Dieu." (Sœur Marie de Saint-Pierre, Lettre du 3 novembre 1845, extrait.)

1847 : En janvier, l'Abbé Marche, curé de Saint-Martin de Lanoue à Saint-Dizier, regroupe deux cents fidèles dans une Association réparatrice. Le 28 juin, Mgr Parisis, évêque de Langres, la transforme en Confrérie réparatrice du blasphème et de la profanation du dimanche. Le 30 juillet, elle obtient de Pie IX le titre d'Archiconfrérie, et sera érigée canoniquement par Mgr Collet, archevêque de Tours, le 29 juin 1876.
Le 10 février, le Père Henri Lacordaire (1802-1861) prononce un sermon en l'église Saint-Roch à Paris, en vue de l'érection à Moulins de la première église du Sacré-Cœur en France. La première pierre en a été bénie le lundi de Pâques 1844 par Mgr Pons ; elle sera achevée dix ans plus tard, en 1857.
Joseph Marie Timon-David (1823-1891) ouvre, avec la collaboration des Messieurs Allemand, l'Œuvre de la jeunesse ouvrière sous le titre de Œuvre du Sacré-Cœur. En 1850, le Père Jean du Sacré-Cœur deviendra son conseiller spirituel, et il le restera pendant plus de 30 ans. Dès lors, sous ses conseils avisés, la dévotion au Sacré-Cœur prendra dans sa vie la première place. C'est Mgr Eugène de Mazenod qui pousse le Père Timon-David à fonder une Congrégation religieuse au service de l'Œuvre. Il la reconnaîtra officiellement, alors qu'elle n'existe pas encore, le 20 novembre 1852, en lui donnant comme patron, ainsi qu'à l'Œuvre, le Sacré-Cœur de Jésus. Après quelques essais difficiles, la Congrégation du Sacré-Cœur de Jésus commencera réellement à exister en 1859.

1848 : En février, soulèvement de la population parisienne. Le 24, Louis-Philippe abdique en faveur du comte de Paris. Un gouvernement provisoire est formé, et la république proclamée.

1848-1851 : Deuxième République.

1848 : Fin février, à Londres, publication du Manifeste du parti communiste de Marx et Engels.
Le Père Lyonnard S.J. (†1886) établit à Vals une Ligue de prières en l'honneur du Cœur Agonisant de Jésus pour le salut des mourants, attachée à l'Association du Cœur Agonisant de Jésus et du Cœur Compatissant de Marie qu'il vient de fonder. Elle est bénie par Pie IX en 1850, et érigée en Confrérie sous le titre de Cœur agonisant de Jésus. Elle veut "honorer d'un culte spécial le Cœur souffrant et agonisant de Jésus, surtout au Jardin des Olives, et le Cœur très affligé de Marie durant la passion de son divin Fils, obtenir par ce double culte la grâce d'une bonne mort aux innombrables personnes qui, chaque jour, expirent dans le monde entier, et la consolation chrétienne à tous les affligés". Plusieurs évêques de France et de Belgique la constitue en Confrérie canonique dans leurs diocèses. Le 14 août 1864, le patriarche de Jérusalem suit leur exemple, et le 23 août 1867, Pie IX l'élève au rang d'Archiconfrérie, avec pouvoir de s'affilier des Confréries de même nom et de même but dans le monde entier. Le P. Lyonnard est l'auteur d'un opuscule intitulé Les souffrances continuelles du Cœur Agonisant de Jésus. Il accompagnera également Mme Trapadoux vers la fondation de la Congrégation du Cœur Agonisant de Jésus en 1859.

« O très miséricordieux Jésus, qui aimez tant les âmes, je vous en conjure par l'agonie de votre très saint Cœur et par les douleurs de votre Mère Immaculée, purifiez dans votre sang tous les pécheurs de la terre qui sont maintenant à l'agonie et qui, aujourd'hui même, doivent mourir. »
Prière quotidienne des membres de la Confrérie du Cœur agonisant de Jésus.

Du 23 au 26 juin, insurrection de juin à Paris. L'archevêque de Paris Mgr Affre (1793-1848), venu porter des paroles de paix aux combattants, est tué d'une balle perdue sur les barricades du faubourg Saint-Antoine.
Le 6 août, Théodelinde Dubouché fonde à Paris l'Institut de l'Adoration réparatrice, approuvé par Mgr Sibour (1792-1857), nouvel archevêque de la capitale, en février 1849. L'adoration se fait d'abord devant un tableau de la Sainte Face, puis devant le Saint Sacrement. Cette fondation suit la révélation qui lui a été faite au cours de la nuit du 29 juin précédent, veille de la fête du Sacré-Cœur.

« Mon temps d'adoration était de une à trois heures. Touchée sensiblement de l'amour divin, je ne fus pas surprise, puisque cela m'arrivait depuis longtemps, de sentir un rayon aigu sortir de l'hostie et aboutir à mon cœur. Cette fois, l'impression fut si vive qu'un ravissement violent m'ôta mes facultés de raisonnement et de volonté propre. Les voiles eucharistiques disparurent. Je vis Notre Seigneur sur l'autel. Il mit un canal d'or sur son Cœur en posant l'autre extrémité sur le mien. Puis Il fit couler dans mon être une vie qui m'aurait fait mourir sans un miracle. Après cette opération ineffable, qui avait comme entièrement absorbé ma vie propre, je revins un peu à moi, et j'entendis, sans parole, le sens de ce que je vais dire : "Je veux des adorations et des réparations pour apaiser la Justice de mon Père ; mais toutes ces associations sont insuffisantes, il faut une consécration religieuse. Il faut toujours des âmes devant moi pour recevoir ma vie. Je poserai sur leur cœur un canal d'or comme je viens de le faire pour toi. Mais cette vie que je leur communiquerai, il faut qu'elles la communiquent aux âmes qui sont à moi dans le monde, et Je leur donnerai aussi un canal pour qu'elles communiquent la vie que Je leur aurai donnée." Je vis clairement, fortement, l'organisation de l'Œuvre : une société de personnes, pratiquant dans leur pureté les conseils évangéliques, plutôt qu'une communauté avec les formes diverses des monastères. »
Théodelinde Dubouché, Autobiographie.


« Quel amour surprenant de notre Maître de nous avoir faites les filles de son Sacré Cœur ! Vous êtes nées du Cœur de Jésus. C'est dans ce mystère et par ce mystère qu'il vous a dit de tout quitter pour vous consacrer aux besoins de son Cœur. C'est pourquoi cette fête est fondamentale pour nous. Nous ne pouvons rien faire de bien si nous n'entrons dans le Cœur de Notre Seigneur. […]
Il faut tout faire par amour ! Amour et Sacrifice ! Voilà la marque à laquelle vous vous reconnaîtrez dans ce divin Cœur. Voilà le cachet distinctif et comme le fondement de tous nos actes, de toutes nos pensées, de tous nos sentiments. C'est la disposition du Cœur de Notre Seigneur dans le nôtre, c'est l'union de notre âme à la sienne. »
Théodelinde Dubouché, 1860, in Le Cœur du Christ pour un monde nouveau, Actes du Congrès de Paray-le-Monial - 13 au 15 octobre 1995, Paris, Ed. de l'Emmanuel, 1998.


Le 6 décembre, l'israélite converti Hermann Cohen (1821-1871) inaugure à Paris en l'église Notre-Dame des Victoires l'Adoration Nocturne du Saint Sacrement, lancée à Rome en 1810 par le chanoine Sinibaldi (évêque titulaire de Tibériade). Conjointement à cette première adoration, une Association de l'Adoration nocturne est fondée avec le concours de l'Abbé François de la Bouillerie (1810-1882) - qui en avait apporté l'idée en France dès 1844 - et Cyrille de Mont de Benque (1821-1899), qui en devient le premier président. Hermann Cohen, entré chez les Carmes en 1849, y prendra le nom de Frère Augustin-Marie du Très Saint Sacrement. En 1876, l'Association lancera un pèlerinage au Sacré-Cœur de Montmartre, renouvelé annuellement dès l'année suivante.
Le 10 décembre, Louis-Napoléon Bonaparte (1808-1873) est élu à la présidence de la République.
Ce même mois de décembre, l'évêque de Metz appelle les fidèles de son diocèse à une Quarantaine en l'honneur du Sacré-Cœur de Jésus et du Cœur Immaculé de Marie, "pour attirer sur toute l'Eglise, et en particulier sur l'Eglise de France, des grâces d'assistance et de protection spéciale". Elle doit débuter le 25 décembre, jour de Noël, et se terminer le jour de la Purification, le 2 février 1849.

« Venez à moi, nous dit notre aimable Sauveur. Demandez, et vous recevrez, car mon Père vous aime." O Jésus, si la vue de notre indignité et de nos péchés nous fait craindre vos redoutables châtiments, votre parole pleine de bonté nous rassure et excite notre confiance. Nous nous adressons à votre Cœur adorable et infiniment bon ; si vous nous avez montré le fond de l'abîme qui menace de nous engloutir, votre amour saura nous empêcher d'y tomber. Jetez pour cela un regard de salut sur votre peuple : sauvez-le, et que pas un de ceux qui vous invoquent, ne soit séparé de vous. Pour nous rendre dignes de vos éternelles miséricordes, éclairez-nous, touchez-nous, sanctifiez-nous, par le Sang que vous avez versé sur le Calvaire, et qui coule encore tous les jours pour nous sur l'Autel.
O Marie, notre mère, refuge des pécheurs, vous dont le Cœur s'est montré toujours si compatissant pour vos enfants : par votre Conception immaculée, intercédez encore en notre faveur, priez votre divin Fils : votre prière le touchera, le désarmera ; il nous rendra sa tendresse : par vous, nous le bénirons en l'aimant dans le temps et pendant l'éternité. Ainsi soit-il.
O Jésus, sauvez votre peuple, que vous avez racheté de votre Sang précieux.
Divin Cœur de Jésus, ayez pitié de nous.
Cœur immaculé de Marie, priez pour nous.
Saint Joseph, priez pour nous.
Saint Michel, priez pour nous.
Saint Louis, priez pour nous.
Saints et Saintes, priez pour nous. »

1849 : En janvier, au troisième jour d'une ostension publique du Voile de Véronique conservé à Saint-Pierre de Rome, le voile devient lumineux, se colore et laisse apparaître le visage du Sauveur. Le prodige dure trois heures, devant la foule émerveillée. De nombreux religieux tentent de reproduire l'image miraculeuse, et Léon Papin-Dupont (1797-1876) s'en fera le plus fervent propagateur. Le mercredi saint 16 avril 1851, il installe dans son salon une reproduction de la Sainte Face, et allume une lampe à huile devant la sainte Image. Durant 25 ans, les "pèlerins" se succéderont chez le "saint homme de Tours", conversions et guérisons se multipliant en ce lieu. Dès le 10 février 1849, Mgr Morlot l'avait également autorisé à fonder une association semblable à celle qui venait de voir le jour à Paris, pour l'Adoration Nocturne du Saint Sacrement.

« O Sauveur Jésus ! à la vue de votre très Sainte Face défigurée par la douleur, à la vue de votre Sacré-Cœur si plein d'amour, je m'écrie avec saint Augustin : "Seigneur Jésus, imprimez dans mon cœur vos Plaies sacrées, pour que j'y lise en même temps votre douleur et votre amour ; votre douleur, afin de souffrir pour vous toute douleur ; votre amour, afin de mépriser pour vous tout autre amour !
O Face adorable de mon Jésus, inclinée si miséricordieusement sur l'Arbre de la Croix, au jour de la Passion, pour le salut du Monde, aujourd'hui encore, par pitié, inclinez-vous vers nous, pauvres pécheurs ; laissez tomber sur nous un regard de compassion et recevez-nous au baiser de paix. Ainsi soit-il. »
Prière de M. Dupont, in Manuel de la Confrérie de la Sainte Face, à Tours.


Le 24 février, Apollonie Cure (née Pellissier, 1809-1869) fonde à Béziers avec le Père Jean Gailhac la Congrégation du Sacré-Cœur de Marie, dont elle deviendra la première supérieure le 4 mai 1851 sous le nom de Mère Saint-Jean. La devise de la Congrégation est "Tout pour Jésus par Marie".
Antoine-Marie Claret (1807-1870, canonisé en 1950) fonde à Vic, en Espagne, la Congrégation missionnaire des Fils du Cœur Immaculé de Marie (les Clarétins), pour l'évangélisation universelle.
La France accepte d'apporter son aide militaire pour le rétablissement du pouvoir pontifical à Rome. La victoire du général Oudinot en avril 1850 permettra à Pie IX de rentrer à Rome.
Le concile provincial d'Avignon recommande le culte du Sacré-Cœur de Jésus. L'année suivante, les conciles d'Aix, d'Albi, de Bordeaux, de Bourges, de Lyon, de Sens, et de Toulouse feront de même, ainsi que le concile de Reims en 1853.
Rome encourage l'Apostolat de la Prière.
Mgr Louis-François-Désiré-Edouard Pie est nommé évêque de Poitiers.

« Quand j'adore le Cœur de Jésus, j'adore ce transport de charité éternelle qui a porté le Verbe de Dieu à s'offrir comme victime pour notre rachat ; j'adore cet amour qui a retenu un Dieu pendant neuf mois dans le sein de sa Mère, qui l'a fait naître enfant à Bethléem, qui l'a attaché à la croix ; cet amour qui le retient nuit et jour sur les autels ; cet amour qui s'épanche à torrents du ciel ou du tabernacle, et qui se répand dans les cœurs. Madeleine couvrait de ses baisers et de parfums les pieds de Jésus ; mais ces pieds, c'était son Cœur qui les faisait courir à la recherche de la brebis égarée, à la poursuite de la pauvre pécheresse. Les malades et tous ceux qui souffraient invoquaient le bras tout-puissant de Jésus ; mais ce bras n'agissait que sous la conduite et par le mouvement de son Cœur. Les enfants de la Judée aimaient à être touchés par les mains divines de Jésus, mais ces mains caressantes n'étaient que les instruments de son Cœur. Un d'entre eux, déjà jeune homme, fut l'objet d'un regard indicible de Jésus ; mais ce regard doux et pénétrant, ce regard capable d'exciter la jalousie des anges, c'était un éclair qui jaillissait du foyer d'amour de son Cœur ! »
Mgr Pie, Œuvres pastorales, t. IX, in V. Alet, La France et le Sacré-Cœur, Paris, Lethielleux, 1889.


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Le Sacré-Coeur de Jésus - Deux mille ans de Miséricorde
Le Sacré-Coeur de Jésus
Deux mille ans de Miséricorde


Le recueil qui est reproduit dans les pages de ce dossier avait trouvé un éditeur, Téqui, en juin 2008.

Une version considérablement enrichie, et actualisée jusqu'en juin 2019, est disponible à la vente chez le même éditeur depuis le 4 décembre 2019, en ligne sur son site internet ICI.

Merci de faire connaître autour de vous la nouvelle version de ce travail, augmentée de plus de 200 pages par rapport à la première édition.

« Les personnes qui propageront cette dévotion, auront leur nom inscrit dans mon Cœur, et il ne sera jamais effacé. »
(11ème promesse du Sacré-Coeur à sainte Marguerite-Marie)