6. L'implantation en France - De la révolution à la guerre de 70 : 1789-1870
1850 : Le 15 mars, adoption de la loi Falloux, qui supprime le monopole de l'Université pour l'enseignement secondaire. Les autorités religieuses ont désormais un droit de regard sur l'enseignement donné par l'école publique. La liberté de l'enseignement supérieure, votée en 1875, permettra la fondation de cinq universités catholiques en France : Paris, Lyon, Lille, Angers et Toulouse.
Le 2 juillet, le Père Jean-Baptiste Muard (1809-1854) fonde l'abbaye Bénédictine de La-Pierre-qui-Vire dans l'Yonne. Il choisit pour les membres de cette nouvelle famille bénédictine le nom de Bénédictins-Prêcheurs des Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie. Il y fait profession le 3 octobre, adoptant le nom de Marie-Jean-Baptiste du Cœur de Jésus. Alors qu'il était encore curé de la paroisse de Saint-Martin-d'Avallon, et qu'il se sentait appelé par Dieu à fonder une Société de missionnaires, il avait été favorisé d'une vision de Jésus (le 13 décembre 1839) qu'il relate en ces termes :
« Je me trouvais transporté en esprit au milieu de l'autel, j'étais comme à genoux et je vis, toujours en esprit, s'ouvrir le tabernacle, et Notre-Seigneur sortir à moitié et me faire une croix sur le front avec l'index de la main droite. Un moment après, il me fit avec le même doigt, une croix sur le cœur ; enfin une croix sur la bouche. La croix sur le front signifiait l'intelligence et l'intrépidité ; la croix sur le cœur, l'amour de Dieu et le zèle que les missionnaires doivent avoir pour le salut des âmes ; la croix sur la bouche, le don de la parole, c'est ce qui me fut clairement démontré. Tout à coup je dis à Notre-Seigneur : mais quelle garantie me donnez-vous, Seigneur, de l'accomplissement de ce projet ? - Mon Cœur, répondit Jésus, et il me présenta son Cœur hors du tabernacle ; bientôt je sentis ce Cœur divin toucher mon cœur, comme si mon Sauveur l'eût approché du mien et l'eût réellement touché. Je ne puis dire ce qui se passa alors dans mon âme, ce fut un moment céleste et tout divin. »
In R.P. Letierce, Le Sacré-Cœur - Ses apôtres et ses sanctuaires, Nancy, Le Chevallier Frères, 1886.
Le 5 août, les Abbés Théodore et Casimir Chalbos fondent l'abbaye Notre-Dame des Neiges dans les Cévennes, dépendante de l'Abbaye Notre-Dame d'Aiguebelle (diocèse de Valence). Le 16 janvier 1890, Dom Martin y recevra Charles de Foucauld, qui y prendra le nom de Frère Albéric.
1851 : Le 3 avril, décret de la Congrégation des Rites, sur la dévotion au Sacré-Cœur.
« La fête du Sacré-Cœur de Jésus n'a pas pour objet quelque mystère particulier : c'est plutôt un résumé des autres fêtes qui ont pour but de célébrer les divins mystères, et comme un souvenir de l'immense charité qui a porté le Verbe fait chair à l'œuvre rédemptrice de notre salut et à l'institution du Sacrement de l'autel, jusqu'à ce point qu'il a pris sur lui le poids de nos péchés, et qu'il s'est sacrifié, en mourant sur la croix comme une hostie, à la gloire de son Père céleste. »
Décret de la Congrégation des Rites, 3 avril 1851, in V. Alet, La France et le Sacré-Cœur, Paris, Lethielleux, 1889.
Le 2 décembre, Coup d'Etat, approuvé par plébiscite le 20 suivant.
1852-1870 : Second Empire.
1852 : Le 14 janvier, promulgation de la nouvelle constitution, et le 1° décembre, proclamation de l'Empire. Le 2 décembre, Louis Napoléon devient Napoléon III.
Le commandant de Cuers répand l'Adoration Nocturne du Saint-Sacrement pratiquée à Notre-Dame des Victoires dans 43 autres sanctuaires, dont 25 paroisses.
Dom Prosper Guéranger (1805-1875), restaurateur des Bénédictins en France et abbé de Solesmes, présente à Pie IX une adresse au nom des Bénédictins de France, en laquelle il le supplie d'inscrire la fête du Sacré-Cœur au calendrier de l'Eglise universelle. Répondant à ce vœu et aux instances de l'épiscopat français, Pie IX répondra favorablement par un décret en date du 23 août 1856.
Le Père de Foresta S.J. entame une campagne en vue de l'érection d'une église dédiée au Sacré-Cœur de Jésus. C'est la ville de Moulins qui sera retenue.
En novembre, les Pères Alphonse Gratry (1805-1872) et Louis-Pierre Pétetot (1801-1887) restaurent l'Oratoire de France.
1853 : Amélie Fristel, tertiaire de Saint Jean Eudes, fonde la Congrégation des Sœurs des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie de Paramé (Ile et Vilaine).
Le 3 juin, Mgr de Dreux-Brézé bénit la chapelle de la Sainte Vierge de l'église du Sacré-Cœur de Moulins, alors en voie d'achèvement, et y érige par autorité apostolique l'Archiconfrérie du Sacré-Cœur pour toute la France.
En octobre, réapparition du choléra à Paris, qui ne disparaîtra qu'à la fin de l'année 1855. On dénombrera près de 150.000 morts sur l'ensemble du territoire français.
1854 : Le 27 janvier à Besançon, une "âme privilégiée" (Sophie Prouvier) se sent vivement appelée à se rendre à l'adoration du Très Saint Sacrement. Elle relate ainsi ce qu'elle vit alors :
« Là, un profond recueillement me saisit. Je reste toujours embarrassée pour dire ce qui se passa alors, car je ne le comprends pas. Ce n'est pas que je perdis la connaissance ! Non ! J'entendais ce qui se faisait autour de moi, et malgré cela j'étais plongée dans la contemplation de Notre-Seigneur. Je le voyais au fond du Tabernacle me montrer son Cœur Eucharistique. Ce n'était pas une forme précise, et cependant, c'était Notre-Seigneur me montrant son Cœur. Mon âme garde l'impression de son air triste et doux. Il était dans le Tabernacle et le Tabernacle est petit, il est obscur, et Notre-Seigneur n'était pas réduit à ces proportions ; il était éclairé et je ne pourrais pas le peindre. Souvent, j'ai voulu faire une image du Cœur Eucharistique et je n'ai jamais rien pu trouver qui rendit la vérité. Tout peut l'exprimer, rien ne peut la montrer. »
In P. Fr. Bouchage, Rayons du Cœur Eucharistique, Paris, Beauchesne, 1923.
C'est sous cette inspiration que la prière au Cœur Eucharistique commence à se répandre en France (voir au chapitre des Prières), et le P. Hermann, M. Dupont et le Bienheureux P. Eymard en sont les premiers propagateurs. De nombreuses Confréries du Cœur Eucharistique verront le jour en cette deuxième moitié du XIX° siècle, notamment en 1879 à Toulouse et en 1880 (St-Germain des Prés) et 1882 (Saint-Eloi) à Paris. En 1898, Léon XIII fera publier une note donnant la définition exacte de la dévotion au Cœur Eucharistique :
« Le culte envers le Cœur Eucharistique de Jésus ne doit pas s'entendre comme différent en substance de celui que l'Eglise professe envers le Sacré-Cœur : seulement il choisit comme objet de spéciale vénération, d'amour, de reconnaissance et d'hommages, cet acte de dilection suprême par lequel le Cœur très aimant de Jésus a institué l'adorable Sacrement de l'Eucharistie, daignant ainsi rester parmi nous jusqu'à la fin des siècles. »
Note de Léon XIII, in P. Albert Lepidi O.P., Explication dogmatique sur le Culte du Cœur Eucharistique de Jésus, nlle éd. par le R.P. Edouard Hugon O.P., Paris, Téqui, 1926.
Mgr Melchior de Marion-Brésillac (1813-1859) fonde à Lyon la Congrégation des Missions africaines.
Le 27 mars, déclaration de guerre à la Russie.
Fondation de l'Association de la Communion réparatrice par le Père Victor Drevon S.J. (1820-1880), qui sera érigée canoniquement en 1865 à Paray-le-Monial, dans le monastère de la Visitation. L'Association est consacrée à la dévotion de l'Eucharistie et du Sacré-Cœur. A sa mort, le Père Drevon confiera son œuvre au Père Henri Ramière, directeur général de l'Apostolat de la Prière. Léon XIII ratifiera par un Bref en date du 30 mars 1886 la réunion des deux Œuvres sous un seul et même directeur général, rendant les membres de l'Apostolat participants des faveurs accordées précédemment à l'Association de la Communion réparatrice.
Léon Harmel, dit "le Bon Père" (1829-1915), devient le patron de l'usine de filature du Val des Bois, dont le modèle d'organisation chrétienne sera reconnu par Léon XIII : "Nous exhortons tous les maîtres et tous les travailleurs de grandes usines, dans l'intérêt de la religion et de la patrie, aussi bien que pour leurs avantages, à fixer les yeux sur l'ordre, la paix et l'amour mutuel qui règnent dans les ateliers du Val-des-Bois et à s'efforcer de suivre un si bel exemple".
Le 8 décembre, la Bulle Ineffabilis Deus de Pie IX proclame le dogme de l'Immaculée Conception : "Nous déclarons, prononçons et définissons que la doctrine qui tient que la bienheureuse Vierge Marie a été au premier instant de sa conception, par une grâce et une faveur toute particulière du Dieu tout puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, préservée intacte de toute souillure du péché originel, est une doctrine révélée de Dieu, et qu'ainsi elle doit être crue fermement et constamment par tous les fidèles."
Le même jour, le Père Jules Chevalier fonde à Issoudun avec le Père Emile Maugenest (1829-1918) les Missionnaires du Sacré-Cœur de Jésus (MSC), congrégation sacerdotale qui œuvre pour les jeunes Eglises, le ministère paroissial et l'enseignement, avec pour devise : "Aimé soit partout le Sacré-Cœur de Jésus". Pie IX approuvera la Société par un décret en date du 3 juin 1874. Dès l'année suivante, les premiers missionnaires rejoindront les Etats-Unis et le Canada, puis l'Italie (1879), la Papouasie Nouvelle Guinée (1880), l'Angleterre (1882), l'Equateur (1887), l'Autriche (1888), etc.. L'Institut compte aujourd'hui 2.300 membres qui travaillent dans plus de 40 pays. En 1899 en Allemagne, le Père Hubert Linckens (1861-1922) fondera les Sœurs Missionnaires du Sacré-Cœur, rattachées aux MSC de Jules Chevalier, et destinées dans un premier temps à l'évangélisation des îles de la Papouasie Nouvelle Guinée, récemment acquises par le gouvernement allemand.
« Missionnaires du Sacré-Cœur, nous vivons la foi en l'amour du Père révélé dans le Cœur du Christ. Nous voulons ressembler au Christ qui a aimé avec un cœur humain ; nous voulons aimer par lui et avec lui et proclamer son amour au monde. […]
Le Cœur transpercé du Christ est le signe de l'amour incarné de Dieu. C'est pourquoi la dévotion au Sacré-Cœur, telle que la comprend l'Eglise, est dévotion à l'amour dont Dieu nous a aimés en Jésus-Christ. Il exprime en même temps notre propre amour envers Dieu et envers notre prochain. Fidèles à l'esprit de notre Fondateur, nous aurons à cœur de donner à cette dévotion une place toute spéciale dans notre spiritualité et notre apostolat. »
Livre de vie des MSC, N°10 et 15.
« A la suite de notre Fondateur, nous serons attentifs à ceux qui souffrent et sont dans le besoin. Nous chercherons quelles sont les causes de leurs souffrances et quelles réponses nous pouvons leur apporter, à la lumière de l'Evangile, et en nous mettant à l'écoute du monde et de l'Eglise. Dans les pauvres et les petits, dans toutes les victimes de l'injustice et de la violence, nous découvrons le visage du Christ. Il nous invite à faire passer son amour dans leur vie. En réponse à son appel, nous leur manifestons notre compassion en travaillant résolument à assurer le respect de leurs droits humains et à changer le cœur de leurs oppresseurs. »
Constitutions MSC, N°21 & 22.
Ce même 8 décembre, Emilie Hooghvorst, née d'Oultremont (1818-1878) reçoit la révélation de ce qui deviendra la société de Marie Réparatrice, fondée par elle en 1859, où elle prendra l'habit sous le nom de Mère Marie de Jésus. Elle manifeste depuis son enfance une dévotion suivie envers le Sacré-Cœur de Jésus. Elle a été béatifiée par Jean-Paul II le 12 octobre 1997.
« Dès l'âge de huit ans, grâce à l'intérêt d'un bon ecclésiastique, curé de Saint-Jean l'Evangéliste à Liège, je compris la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus. Il me fit le don d'un livre qui traitait de cette dévotion où je trouvai une quantité de prières au Sacré-Cœur. Tous les jours, je récitais la consécration qui est jointe ici et la disais avec attention, appuyant sur ces paroles : Que tout en moi exprime mon amour pour votre Cœur, ô Jésus, et que tout mon cœur soit prêt pour vous à tous les sacrifices. J'acceptais par avance et bien de cœur tout ce que Notre Seigneur voulait pour son amour et pour sa gloire et j'aimais à le Lui redire. Les vendredis, je les consacrais spécialement au Sacré-Cœur et, dès que j'avais une chose à obtenir, c'est à Lui ou à Marie que je m'adressais, certaine de toujours obtenir.
L'image du Sacré-Cœur m'était chère et j'aimais à la répandre de même que la dévotion. Jésus semblait accueillir cet hommage de mon cœur (quelque misérable qu'il fût) envers son Cœur Sacré, car ma confiance ne faisait qu'augmenter. Consacrer ma vie à Jésus seul me venait souvent à la pensée. J'avais un attrait très grand pour la vie religieuse, mais je compris qu'il ne pouvait pas être question d'en parler, que jamais mes parents, moi étant seule fille et n'ayant que deux frères, ne me laisseraient les quitter. Jésus compris mon désir, mais Il en disposa autrement, le rêve de mon cœur fut confié au Sacré-Cœur et à Marie, ma bien-aimée Mère. »
Ecrits Spirituels, Pensées et souvenirs intimes, Rome, 1972, 100.
1855 : Le 9 septembre, en la fête du saint Nom de Marie, installation des MSC d'Issoudun et bénédiction de la première chapelle. Ce premier sanctuaire possédera trois autels : le premier dédié au Sacré-Cœur, le second à Notre-Dame du Sacré-Cœur, et le troisième à saint Joseph, auquel Jules Chevalier donnera le titre d'Ami du Sacré Cœur. Cette invocation sera dans un premier temps reconnue par Rome, notamment à l'occasion du discours prononcé en son honneur et au nom de Léon XIII par Mgr Anivitti, évêque de Caristo, en l'église de Notre-Dame du Sacré-Cœur de Rome, le 19 mars 1881.
« C'est au nom de S.S. Léon XIII que je viens féliciter les Missionnaires du Sacré-Cœur de la grande dévotion que, dans cette église renaissante, ils excitent envers saint Joseph, sous le titre d'Ami du Sacré Cœur. […]
Oui, saint Joseph doit être honoré ici, dans cette église de Notre-Dame du Sacré-Cœur, avec une ferveur toujours plus grande. Ce glorieux patriarche n'a-t-il pas exercé le droit de l'amour le plus fort et le plus tendre sur le Cœur divin de Jésus, et sur le Cœur immaculé de Marie ? A titre de père nourricier de Jésus, ne mérite-t-il pas les hommages et la reconnaissance de tous les chrétiens ? Son nom doit-il rester caché entre les murs de la petite maison de Nazareth ? Restera-t-il toujours dans son humble obscurité, ce descendant de la famille royale de David ? Ah ! toute la terre devrait être à ses pieds !… »
Extraits du Discours de Mgr Anivitti, 19 mars 1881, in R.P. Chevalier, Le Sacré Cœur de Jésus, Issoudun, 1900 (4° éd.).
Un décret de la Sacré Congrégation de l'Inquisition remplacera ensuite ce titre d'Ami du Sacré Cœur par celui de Modèle et Patron des amis du Sacré Cœur.
« Déclarer que saint Joseph est l'exemplaire de tous ceux qui aiment le Sacré-Cœur, c'est-à-dire qu'il est arrivé dans cet amour du Cœur de Jésus à un degré tel qu'il nous est impossible de le dépasser et même de l'atteindre. Tout ce que nous pouvons faire, c'est essayer de l'imiter en implorant son secours et sa protection. Voilà pourquoi l'Eglise le proclame non seulement le Modèle mais encore le Patron de tous ceux qui aiment le Sacré-Cœur et veulent progresser dans son amour… Nous aimerons donc à mettre souvent sur nos lèvres cette sublime invocation : Saint Joseph Modèle et Patron des amis du Sacré-Cœur, priez pour nous. »
Jules Chevalier, cité in R.P. Charles Piperon, Le T.R.P. Jules Chevalier, Lille - Bruges, Société Saint-Augustin, Desclée, De Brouwer, 1924.
1856 : Du 25 février au 30 mars, réunion du Congrès et signature du Traité de Paris.
En juin, à l'occasion du baptême du fils de Napoléon III où tout l'épiscopat français est réuni à Paris, sur les instances de l'archevêque d'Autun Mgr de Margerie, les évêques prient l'archevêque de Lyon d'intervenir auprès du cardinal Patrizzi, légat a latere qui s'est rendu à la cérémonie, pour qu'il obtienne de Pie IX l'extension de la fête du Sacré-Cœur à toute l'Eglise. De retour à Rome, celui-ci en informe immédiatement le Souverain Pontife.
Par décret du 25 août, Pie IX inscrit au calendrier de l’Eglise catholique la fête et l’Office du Sacré-Cœur, le 3° vendredi après la Pentecôte, sous le rite double majeur, l'étendant ainsi à l'Eglise universelle.
« Depuis que le pape Clément XIII a permis à quelques églises de célébrer, avec office et messe, en l'honneur du très saint Cœur de Jésus, les peuples fidèles se sont sentis, en tous lieux, excités avec tant d'ardeur à honorer la charité immense de ce Cœur divin, qu'il n'y a presque pas de diocèse qui ne se réjouisse d'avoir obtenu du Siège apostolique le privilège de célébrer cette fête.
C'est pourquoi, désirant que cette fête si douce au cœur des fidèles, et suivie avec une piété si unanime dans l'univers catholique presque tout entier, fût désormais célébrée par l'Eglise universelle, lorsque dernièrement le Cardinal soussigné remplissait en France les fonctions de Légat à latere, les révérendissimes Evêques de ce pays ont pris soin que leurs très humbles vœux à ce sujet fussent par lui soumis à notre Saint-Père le pape Pie IX. Saisissant avec bonheur l'occasion qui lui était offerte, de donner un témoignage public et solennel de leur vénération pour le Saint-Siège apostolique dans la personne du Cardinal légat, ils se rendirent auprès de lui à Paris, en très grand nombre, et, après avoir exprimé leur intime et pleine adhésion au Pontife romain comme centre de l'unité catholique et Vicaire de Jésus-Christ sur la terre, ils demandèrent par d'instantes prières qu'il daignât étendre à l'Eglise universelle la fête du très sacré Cœur de Jésus.
De retour à Rome, le Cardinal soussigné rapporta à notre Saint-Père ces prières du très florissant Episcopat de France, si dévoué au Siège apostolique : il a plus à Sa Sainteté de les accueillir, et dans le désir de donner aux fidèles de nouveaux motifs d'aimer par un retour d'amour et d'embrasser le Cœur blessé de celui qui nous a lavés de nos péchés dans son sang, le Saint-Père a ordonné que l'office du très saint Cœur de Jésus, pour le royaume de Pologne et le clergé de Rome, approuvé par la sacrée Congrégation des Rites, le 11 mai 1765, avec la messe correspondante miserebitur, sera désormais célébré chaque année, dans toute l'Eglise, sous le rite double-majeur, le vendredi après l'octave de la Fête-Dieu, en observant d'ailleurs les rubriques, et sans porter atteinte aux indults particuliers accordés jusqu'à ce jour par le Saint-Siège apostolique pour les églises qui ont le privilège de célébrer cette fête, ou sous un rite plus élevé, ou un autre jour, ou avec un office différent.
Et ce, nonobstant tout ce qui pourrait être contraire.
Ce 23 août 1856,
C. Evêque d'Albano,
Cardinal Patrizzi, préfet de la sacrée Congrégation des Rites,
H. Capalti, secrétaire. »
1857 : Le 3 janvier, assassinat à Saint-Etienne-du-Mont de l'archevêque de Paris Mgr Sibour (1792-1857), par l'Abbé Jean Verger, dément opposé au dogme de l'Immaculée Conception.
Pierre-Julien Eymard (1811-1868, canonisé en 1963), encouragé par Pie IX et le curé d'Ars, fonde la Congrégation des Prêtres du Saint-Sacrement, voués à l'apostolat de la dévotion pour l'Eucharistie. L'année précédente, il a posé les bases de l'Adoration perpétuelle du Saint-Sacrement pour les communautés religieuses, sur le modèle des Quarante Heures. En 1858, il fondera également la Congrégation des Servantes du Saint-Sacrement.
Achèvement et inauguration solennelle de l'église du Sacré-Cœur de Moulins, première église à être placée sous ce patronage en France. Le P. Lacordaire, prêchant à l'église Saint-Roch à Paris en faveur de cette église de Moulins, avait lancé cet appel :
« Que tous les Français se réunissent pour la construire, afin qu'elle devienne un monument de notre dévotion au Cœur de notre Rédempteur. C'est à ce divin Cœur que Louis XVI, le roi martyr, consacra la France. Les vœux du saint roi ont été exaucés, et nous pouvons affirmer que c'est à la protection de ce Cœur bon et puissant que le royaume très chrétien doit d'avoir été préservé des suites funestes du schisme et de l'hérésie. »
P. Lacordaire, in P. Henri de Rochemure, Le Sacré Cœur et la Compagnie de Jésus, Lyon - Paris, Delhomme et Briguet, 1890.
Le 19 mars, Mgr de Ségur (1820-1881) fonde à Paris l'Œuvre de Saint-François de Sales pour la Défense et la Conservation de la Foi en France. L'Œuvre s'emploie à la fondation et au soutien des écoles catholiques et des patronages, des bibliothèques paroissiales, et apporte son aide aux prédicateurs et aux ecclésiastiques.
« "La souffrance est comme un feu qui dessèche et brûle la terre : la prière est la rosée céleste qui rafraîchit. La prière, disait encore le saint curé d'Ars, est un miel qui descend dans l'âme et adoucit tout. Les peines se fondent devant une prière bien faite comme la neige devant le soleil. Il fait bon de prier et de souffrir, quand on repose sur le Cœur de Jésus". Songeons donc à tout cela en accompagnant les apôtres dans leur prière, de l'Ascension à la Pentecôte. »
Mgr de Ségur, Œuvres, Tome IV, p.520.
Le 3 avril, Caroline Lioger (1825-1883), gravement malade depuis le mois de juillet 1850, guérit miraculeusement après une Neuvaine à Notre-Dame de la Salette. Elle qui a fondé en 1852 l'Œuvre des Victimes unies au Sacré-Cœur de Jésus, fonde alors aux Avenières (Isère) l'Institut des Victimes du Sacré-Cœur qui reçoit l'approbation de Mgr Ginouilhac le Vendredi Saint 10 avril 1857. Trois mois plus tard, Caroline Lioger prend le nom de Marie-Véronique du Cœur de Jésus. L'Institut recevra l'approbation officielle de Rome en 1870. Les Sœurs portent aujourd'hui le nom de Religieuses du Cœur de Jésus.
Mgr Pie, dans une lettre synodale datée du mois de décembre, identifie le culte du Sacré-Cœur au christianisme même.
« Le culte du Sacré-Cœur, vous le savez, Messieurs, c'est la quintessence même du christianisme, c'est l'abrégé et le sommaire substantiel de toute la religion. Le christianisme, œuvre d'amour dans son début, dans son progrès et dans sa consommation ; le christianisme dont l'histoire est tout entière dans ce mot sublime : "Dieu a tant aimé le monde" (Jean III,16) ; le christianisme dont tout le symbole se réduit à ces trois paroles du disciple bien-aimé : "Nous croyons à l'amour de Dieu pour nous" (1 Jean IV,16), c'est-à-dire, nous croyons que dans l'œuvre divine le Cœur a tout fait ; enfin, le christianisme dont toute la morale est enfermée dans ce seul mot : "Diliges : Tu aimeras" (Deut. VI,5), c'est-à-dire tu me rendras amour pour amour, tu me donneras ton cœur en échange de tout ce que le mien a fait pour toi ; le christianisme, disons-nous, ne saurait être identifié aussi absolument avec une autre dévotion comme avec celle du Sacré-Cœur. »
Lettre synodale, décembre 1857, Œuvres, t.III, p.48.
1858 : Le 14 janvier, attentat d'Orsini contre l'Empereur Napoléon III. Orsini sera exécuté le 13 mars.
Le 11 février, première apparition de la Vierge à Bernadette Soubirous (1844-1879, canonisée le 8 décembre 1933), à Lourdes.
Le Père Isaac-Thomas Hecker (1819-1888), Rédemptoriste, fonde aux Etats-Unis la Congrégation des Prêtres missionnaires de Saint Paul (les Paulistes), qui s'impliquent dans la presse et l'édition.
Le 5 décembre, fondation à Lisbonne (Portugal) de l'Union de prières aux Cœurs agonisants de Jésus et de Marie. Six ans plus tard, en 1864, l'Œuvre de l'Apostolat de la Prière sera implantée à son tour dans ce pays, soutenue notamment par le monastère de la Visitation de Lisbonne.
1859 : Le 3 mai, la France déclare la guerre à l'Autriche.
Le 19 octobre, l'évêque de Mende érige canoniquement la Congrégation du Cœur Agonisant de Jésus fondée par le P. Lyonnard (†1886) et Zoé Trapadoux (née Rondot, 1803-1883, veuve depuis 1845), qui en devient la première Supérieure. Celle-ci reçoit l'habit le 30 mars 1860, et devient Mère Marie-Madeleine du Cœur Agonisant de Jésus.
« Le siècle où nous vivons a beaucoup péché. Il entre dans les desseins de la Providence que ce siècle lui-même fournisse les éléments de sa réparation. Ces éléments, ce sont les âmes dévouées, les victimes volontaires qui, unissant leur sacrifice à celui du Réparateur unique qui est Jésus-Christ, demandent et, il faut l'espérer, obtiendront grâce pour cette malheureuse génération. Evidemment pour que leur sacrifice s'opère dans les conditions voulues pour être un sacrifice parfait, capable par son union avec celui du Cœur Agonisant de Jésus d'expier et de vivifier, il faut qu'il s'établisse, entre le cœur de ces victimes volontaires et le Cœur immolé de notre Sauveur, une intime, très intime relation, une parfaite ressemblance. »
P. Lyonnard, in Raoul Plus, Agonie et Rédemption - Mère Marie-Madeleine, Fondatrice de l'Institut des Religieuses du Cœur Agonisant de Jésus, Toulouse, Ed. de l'Apostolat de la Prière, 1937.
Le 11 novembre, signature du Traité de Zurich, sur les bases des préliminaires signés à l'armistice de Villafranca (7 juillet).
Le 8 décembre, avec l'approbation de l'évêque Mgr Eugène de Mazenod (1782-1861, canonisé le 3 décembre 1995), les 7 premiers membres de la Congrégation du Sacré-Cœur de Jésus fondée par le Père Timon-David (1823-1891) font leurs premiers vœux. La jeune communauté connaîtra durant plus de 10 ans des épreuves purificatrices dont le nouvel évêque de Marseille sera la principale cause. La reconnaissance de la Congrégation comme Congrégation cléricale de droit pontifical le 8 juillet 1876, mettra un terme à ces épreuves.
1860 : Le 24 mars, traité de Turin : le Piémont cède à la France la Savoie et le comté de Nice.
Organisation par Pie IX d'une armée de volontaires étrangers, les zouaves pontificaux, qui sont placés sous le commandement du général Louis de Lamoricière (1806-1865).
Antoine Chevrier (1826-1879) fonde à Lyon l'Institut du Prado, qui se consacre à l'évangélisation des pauvres. Il a été béatifié par Jean-Paul II le 4 octobre 1986. L'Œuvre s'étend aujourd'hui sur 42 pays, et compte environ 1250 prêtres dont 650 en France, 250 sœurs, ainsi qu'une centaine de frères et femmes laïques consacrées.
A Amiens, devant les menaces du choléra, des sauvegardes frappées du Sacré-Cœur se dressent de tout côtés, portant la mention "Arrête, le Cœur de Jésus est là". Elles réapparaîtront en 1870-71, ainsi que durant la Grande Guerre de 1914-18.
En septembre, Jules Chevalier rencontre Pie IX à Rome, qui l'encourage dans la poursuite de la fondation des Missionnaires du Sacré-Cœur de Jésus.
« Cette œuvre paraît répondre aux besoins de notre époque ; aussi je fais des vœux pour sa prospérité. Je la bénis de tout mon cœur. Je voudrais que tous les prêtres en fissent partie. Croissez et multipliez-vous : Crescite et multiplicamini (Gen. I,22). L'Eglise et la société n'ont d'espérance que dans le Cœur de Jésus, c'est lui qui guérira tous nos maux. Prêchez partout la dévotion au Sacré-Cœur ; elle doit être le salut du monde. Hâtez-vous de vous constituer. Je serai heureux de vous approuver et de vous donner l'existence canonique qui vous manque. »
Pie IX, Septembre 1860, in R.P. Jules Chevalier, Le Sacré Cœur de Jésus, Issoudun, 1900 (4° éd.).
Fondation de l'Agrégation des Prêtres séculiers du Sacré-Cœur, rattachée aux MSC du Père Chevalier, qui répond aux vœux du pape mentionnés ci-dessus. Un Manuel des prêtres séculiers est rédigé à leur intention.
« Pour les prêtres séculiers, ils ne peuvent trouver de meilleurs moyens pour atteindre à la perfection de leur état sublime et pour en accomplir les fonctions, que de s'unir, dans un commun effort, pour honorer et imiter le Cœur du Souverain Prêtre, Jésus-Christ. »
Constitutions des MSC, chap.II, 9.
Conformément aux Constitutions des MSC, le Père Chevalier fondera aussi un Tiers Ordre destiné aux laïcs, la Société des Ames vouées au culte du Sacré-Cœur, qui sera approuvée par Mgr de la Tour d'Auvergne (†1878), archevêque de Bourges, puis par Pie IX le 29 janvier 1878.
« Le but de ce Tiers Ordre est de former, d'entretenir et d'unir de vrais adorateurs du Cœur de Jésus, des adorateurs en esprit et en vérité, qui lui rendent le culte éclairé d'amour, de reconnaissance, de réparation, d'imitation qu'il a demandé à la bienheureuse Marguerite-Marie Alacoque, et d'attirer par là sur les âmes les trésors infinis de grâce et de sanctification qu'il a promis en retour des hommages qui lui seraient rendus. »
Jules Chevalier, le Sacré-Cœur de Jésus, Issoudun - Paris, De Vic et Amat, 1900.
1861 : Le Père Henri Ramière S.J. ouvre l'Apostolat de la Prière (créé en 1844 par le Père Gautrelet) aux simples fidèles, et en devient le premier directeur général. Les premiers statuts seront approuvés par Rome en 1866. Sur les bases de l'opuscule publié en 1846 par le fondateur, il rédige L'Apostolat de la Prière, Sainte Ligue des cœurs chrétiens unis au Cœur de Jésus pour obtenir le triomphe de l'Eglise et le salut des âmes, qui obtient un succès considérable.
« Le nom même de cette œuvre nous indique assez que son ressort principal, son grand moyen d'action, le glaive dont elle arme tous ceux qu'elle enrôle dans la sainte croisade destinée à faire triompher la cause de Dieu dans le monde, c'est la prière.
Mais la prière acquiert ici une efficacité que la ferveur isolée de chaque chrétien ne saurait lui donner : celle qui doit venir de l'association.
A cette occasion il faut un mobile. A cette ligue de prière il faut un chef. Quel peut être le chef d'une expédition entreprise pour le salut du monde ? Quel peut être le mobile des cœurs unis ensemble pour attirer la grâce par leurs prières, sinon le Cœur de Jésus, qui prie sans cesse au saint Tabernacle pour faire descendre du ciel cette divine grâce ?
Ainsi, la prière, comme moyen universel d'action ; l'association, comme condition souveraine d'efficacité pour la prière ; l'union au Cœur de Jésus, comme source de vie pour l'association : tels sont les éléments auxquels cet Apostolat doit sa puissance. […]
Que demande saint Paul avec tant d'insistance aux premiers fidèles, et en leur personne aux chrétiens des âges à venir ? Des prières pour le salut de tous les hommes. Et ces prières est-ce isolément qu'il désire qu'elles soient offertes à Dieu ? Non : ce sont des prières communes, des prières partant de tous les cœurs, s'exprimant par toutes les bouches, et montant au ciel comme ces vapeurs qui partent à la fois de tous les points de l'Océan, pour faire descendre la fécondité dans les campagnes arides. Mais encore, cette prière commune sera-t-elle une prière purement humaine ? Non : ce sera une prière offerte par l'entremise du seul Médiateur entre les hommes et Dieu, et divinisée en passant par son Cœur. Voilà les vœux de l'Apôtre. L'Apostolat de la prière n'est que la réalisation de ces vœux. »
Henri Ramière, L'Apostolat de la Prière, Le Puy, Jacques Lecoffre, 1865 (5° éd.).
Il crée également la revue associée : le "Messager du Cœur de Jésus", dont le premier numéro paraît au mois de janvier. Cette revue est consacrée à la propagation du "Règne social du Christ", de la dévotion au Sacré-Cœur, du culte eucharistique, de la piété mariale, ainsi qu'aux divers œuvres charitables et apostoliques dont s'occupe l'Apostolat. L'œuvre compte aujourd'hui plus de 130.000 centres à travers le monde, et près de 40 millions d'inscrits, et la revue est imprimée en plus de 40 langues. L'Apostolat de la Prière diffuse également dans plus de 70 pays ses intentions mensuelles de prière, l'une générale et l'autre missionnaire, dont le choix - pour être plus universel - a été confié au Pape. Il repose sur les quatre piliers que sont la prière, l'offrande de la journée, le Cœur de Jésus et l'Eucharistie.
« Le Messager du Cœur de Jésus est destiné à servir d'organe périodique à cette nouvelle sainte Ligue. Mais, à ce bulletin de l'Apostolat de la prière, pourquoi donner le nom de Messager du Cœur de Jésus ?
Parce que ce nom est le seul qui lui convienne. L'Apostolat de la prière n'est, en effet, que la fusion de nos intérêts avec les intérêts du Cœur de Jésus, de nos intentions avec ses intentions ; c'est la dévotion à ce divin Cœur complètement réalisée, ne se bornant pas à la récitation de quelques formules, à la production de quelques actes isolés, mais atteignant l'intime de l'âme et ne lui permettant plus d'avoir d'autres sentiments que ceux de Jésus-Christ.
Son divin Cœur sera donc comme le grand moteur de l'Apostolat de la prière, et dès lors son modèle le plus parfait, son stimulant le plus énergique, son lien vivant et vraiment divin, qu'aucun pouvoir créé ne saurait ni rompre ni affaiblir. »
Père Henri Ramière, in V. Alet, La France et le Sacré-Cœur, Paris, Lethielleux, 1889.
Rome approuve l'Office du Sacré-Cœur de Jésus.
Le 18 juin, un décret de la Sacré Congrégation des Rites accepte la requête des religieuses de Notre-Dame de Charité de Caen qui demandaient, appuyées par Mgr de Bayeux, l'autorisation d'utiliser la messe et l'office de St Jean Eudes.
Le 9 août, dans une Lettre apostolique, Pie IX invite les catholiques à la Communion réparatrice.
Le 5 septembre, Mgr Poirier, évêque de Roseau, obtient de Pie IX que la faveur faite aux religieuses de Caen le 18 juin précédent soit étendue à l'ensemble de l'Ordre de Notre-Dame de Charité.
Le 6 octobre, ce même privilège est accordé aux clercs de la Congrégation de Jésus et Marie (les Eudistes).
Le 30 octobre, la France, l'Angleterre et l'Espagne s'accordent pour une action limitée au Mexique. Le corps expéditionnaire français arrive à Veracruz le 2 février 1862, suivi de 23.000 hommes au cours de l'été. Les troupes quitteront le pays entre l'automne 1866 et février 1867.
1862 : Le 19 juin, Griselaine, humble ouvrière parisienne, conçoit le dessein de la Messe réparatrice. Elle deviendra religieuse de la communauté de Nobertines, sous le nom de Sœur Rose. Le 24 août 1886, un Bref de Léon XIII conférera à la Messe réparatrice le titre d'Archiconfrérie pour la France. De nombreuses Archiconfréries du même nom ont depuis été approuvées dans un grand nombre de pays.
1863 : Le 13 mars, en la fête des Cinq Plaies, fondation à la Visitation de Bourg-en-Bresse de la Garde d'Honneur du Sacré-Cœur de Jésus, sous l'impulsion de Constance Bernaud, en religion Sœur Marie-du-Sacré-Cœur (1825-1903). Erigée en Confrérie dès le 9 mars 1864 par Mgr Pierre Henri Gérault de Langalerie, évêque de Belley, la Garde d'honneur est érigée en Archiconfrérie par Léon XIII le 26 novembre 1878. Le but poursuivi par la Confrérie est de "rendre un culte perpétuel et ininterrompu de Gloire, d'Amour et de Réparation au Très-Sacré Cœur de Jésus, qui, blessé visiblement une fois par la lance sur l'Arbre de la Croix, est blessé invisiblement, chaque jour, par l'oubli, l'ingratitude, et les péchés des hommes". S'appuyant sur la Lettre LXXXVII de Marguerite-Marie, Sœur Marie fait inscrire sur un cadran partagé en douze heures les noms des associés, qui s'engagent à se rendre en pensée à l'heure fixée devant le Tabernacle. Marie Deluil-Martiny (qui fondera en 1873 la Société des Filles du Cœur de Jésus) en est la première et la plus fervente zélatrice. C'est à elle que l'on doit le refrain de cette Confrérie (cf. au chapitre des Cantiques).
« O très aimant et très immolé Jésus, mon bien-aimé Sauveur, permettez-moi de m'agenouiller à vos côtés, au Jardin des Oliviers, et de passer dans une union très intime avec votre Cœur agonisant, l'Heure sainte que vous avez demandée à votre fidèle amante et victime, la B. Marguerite-Marie.
Accordez-moi, ô Sauveur adoré, une étroite participation à vos incompréhensibles douleurs et aux sentiments de compassion qui remplirent l'âme de votre Sainte Mère en cette nuit de mortelles angoisses. Je vous offre, pour suppléer à mon insuffisance, les affections de cette Mère très sainte, de la B. Marguerite-Marie, et des âmes qui vous ont le plus consolé et vous consolent encore dans ce Mystère de douleur et d'amour ; celles enfin de vos fidèles Gardes d'honneur qui, à cette heure même, s'associent à la très amère déréliction de votre sainte Ame au Jardin de Gethsémani.
O Jésus, ma miséricorde et ma douceur, ô très suave et très affligé Maître, souffrez-moi en votre présence… exaucez-moi… bénissez-moi… et ensevelissez-moi dans l'océan d'amertume qui va envahir et submerger votre très doux Cœur. Ainsi soit-il. »
Sœur Marie-du-Sacré-Cœur, Exercice pour l'Heure sainte, Préparation, in Manuel de l'Archiconfrérie de la Garde d'Honneur du Sacré-Cœur de Jésus, Monastère de la Visitation de Bourg-en-Bresse, 1880 (5° éd.).
Publication à Einsiedein en Suisse de De imitatione sacratissimi Cordis Jesu du Père Pierre-Jacques Aernoudt S.J. (1811-1865) - dix-sept ans après sa rédaction, ouvrage aussitôt traduit en diverses langues dont le français (en 1864) sous le titre Imitation du Sacré-Cœur de Jésus. Marguerite-Marie écrivait déjà en septembre 1687 à la Sœur Thélis : "Lorsque je vous ai parlé de la dévotion au sacré Cœur de Jésus, j'entendais plutôt une dévotion d'une parfaite conformité à ses saintes vertus que non pas de prières seulement" :
« Aimable Jésus, source de vie et de grâce ! Animez-moi, aidez-moi à connaître et à imiter votre Cœur, ce type de vertu, ce modèle de sainteté.
Délivrez mon cœur de toute illusion et de tout empêchement ; faites que je me porte vers vous par un mouvement simple et pur, que j'emprunte vos sentiments et vos dispositions, que je devienne complètement semblable à vous !
Hélas ! Seigneur, combien peu je ressemble à votre Cœur ! Combien peu j'ai travaillé jusqu'ici à exprimer dans ma vie la vie de votre Cœur !
Encore si je n'avais pas travaillé à pervertir mon cœur et à l'éloigner de vous ! O aveuglement, ô folie de mon âme !
Ayez pitié de moi, Seigneur Jésus, ayez pitié de moi, selon la grande miséricorde de votre Cœur.
Que de fidèles qui n'ont pas vécu aussi longtemps que moi, qui n'ont pas eu les mêmes moyens de salut et qui cependant se sont sanctifiés en devenant les fervents disciples de votre Cœur sacré ! Et moi je n'ai pas encore une ombre de sainteté, je suis encore plongé dans le péché.
Il est temps, Seigneur, il est temps que je me mette enfin à l'œuvre de ma sanctification que j'ai trop négligée.
Une pensée m'excite et m'encourage, c'est que je puis encore me sanctifier, devenir le disciple de votre Cœur et recevoir ce gage éclatant de prédestination.
Soulevez-moi de terre, ô mon bon Jésus ! Secourez-moi, rendez-moi le courage : enfin je commence. »
P. Pierre-Jacques Aernoudt, Imitation du Sacré-Cœur de Jésus, Livre I, Chap. V, Paris - Tournai, Casterman, nlle éd. 1879.
Le 23 juillet, publication de la Vie de Jésus d'Ernest Renan (1828-1892), premier volume de l'Histoire des origines du christianisme (1863-1881). L'ouvrage, tiré à 140.000 exemplaires, fait scandale. Ernest Renan expliquera dans Prière sur l'Acropole, extraite des Souvenirs d'enfance et de jeunesse (1883), ce qui l'a amené à perdre la foi.
1864 : Le 29 janvier, Mgr de la Tour d'Auvergne, archevêque de Bourges, érige canoniquement à Issoudun l'Archiconfrérie de Notre-Dame du Sacré-Cœur de Jésus, fondée par le Père Jules Chevalier pour "glorifier, sous le titre spécial de Notre-Dame du Sacré-Cœur, la très Sainte Vierge Marie, dans les rapports d'ineffable amour qui existent entre elle et le Sacré-Cœur de Jésus". Dès la première année de création, la Confrérie enregistre plus de cent mille signatures. Le premier numéro de la revue associée, Les Annales de Notre-Dame du Sacré-Cœur (aujourd'hui Annales d'Issoudun) verra le jour en janvier 1866.
« Nous reconnaîtrons, par ce titre spécial qui résume, en quelque sorte, tous les autres titres, l'ineffable pouvoir que le doux Sauveur Lui a donné sur son Cœur adorable. Nous supplierons cette Vierge puissante de nous conduire Elle-même au Cœur de Jésus ; de nous révéler les mystères de miséricorde et d'amour qu'il renferme ; de nous ouvrir les trésors de grâce dont il est la source, de les répandre, Elle-même, de ses mains maternelles, sur tous ceux qui l'invoqueront, ou que l'on recommandera à son intercession. De plus, nous nous unirons à notre Mère pour glorifier le Cœur de Jésus et réparer avec Elle les outrages dont ce divin Cœur est l'objet de la part des pécheurs. »
Jules Chevalier, Le pouvoir de Notre-Dame du Sacré-Cœur, p.15.
Le 3 juin à Tananarive, en la fête du Sacré-Cœur et devant plus de 2000 personnes, consécration publique et solennelle de toute la Mission de Madagascar au Sacré-Cœur de Jésus.
Le 2 juillet, consécration de l'église Notre-Dame du Sacré-Cœur d'Issoudun. Elle sera élevée au rang de basilique par Pie IX le 17 juillet 1874.
Le 19 août, Pie IX béatifie Marguerite-Marie Alacoque.
« Notre Seigneur Jésus-Christ a révélé à la bienheureuse Marguerite-Marie qu'il lui serait très agréable de voir institué le culte de son très-saint Cœur, brûlant du feu de la charité pour le genre humain… Jésus, l'auteur et le consommateur de notre foi, ne désire rien tant que d'allumer de toutes manières, dans le cœur des hommes, la flamme d'amour dont il a été embrasé. Or, afin de la répandre davantage, il a voulu établir et propager dans l'Eglise la vénération et le culte de son Cœur sacré... Quel est l'homme assez dur, assez insensible, pour ne pas se sentir entraîné à aimer un Cœur si rempli de suavités, ce Cœur blessé et transpercé d'un coup de lance ?… Quel est celui qui refuserait de rendre tout ce qui est dû à ce Cœur sacré, de la blessure duquel le sang et l'eau ont coulé comme d'une fontaine de vie et de salut pour nous ? »
Pie IX, extraits du Bref de béatification Auctor nostrae fidei du 19 août 1864, in A. Riche, Le cœur de l'homme et le Sacré-Cœur de Jésus, Paris, Poussielgue, 1878.
Joseph Marie Timon-David (1823-1891) ouvre à Marseille, annexée à l'Œuvre du Sacré-Cœur fondée en 1847, une Ecole du Sacré-Cœur - école sacerdotale pour les enfants d'ouvriers - destinée à élargir l'influence éducatrice de cette Œuvre qui désormais grandit et rayonne dans le sud de la France.
Jean Bosco fonde à Turin la Société Salésienne, vouée à l'enseignement et aux missions.
Le 15 septembre, signature d'une Convention franco-italienne relative à l'évacuation de Rome par les Français : ceux-ci s'engagent à partir dans les deux ans, et l'Italie à ne pas occuper Rome.
Le 8 décembre, publication de l'Encyclique Quanta cura de Pie IX, accompagnée du Syllabus ou Catalogue des principales erreurs de notre temps, qui condamne toute forme de libéralisme, politique, économique, philosophique ou religieux.
« Nous traversons des temps malheureux. Tout est mis en péril, dans l'ordre spirituel comme dans l'ordre temporel. Au milieu des calamités si grandes qui pèsent sur le monde et dont nous sommes victimes, il est absolument nécessaire que nous ranimions immédiatement notre piété et que tous ensemble nous allions avec confiance, vers le trône de la grâce, supplier Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui nous a racheté de son sang divin, d'avoir pitié de nous. Conjurons son divin Cœur, tout brûlant d'amour, de nous protéger, de nous attirer à lui par les liens de la plus ardente charité, d'embraser tous les hommes du feu sacré qui le consume, de leur inspirer les sentiments qui l'animent, et enfin de les rendre agréables à Dieu par une vie pleine de bonnes œuvres et de mérites. 17) »
Pie IX, extrait de l'Encyclique Quanta cura, 8 décembre 1864.
1865 : Par le bref Sadalitia fidelium en date du 13 janvier, Pie IX élève au rang d'Archiconfrérie la Confrérie du Sacré-Cœur érigée en 1693 dans la chapelle de la Visitation de Paray-le-Monial, avec le pouvoir de s'agréger les Confréries du même nom érigées ou à ériger dans le diocèse d'Autun. Le bref Expositum nobis de Léon XIII le 29 mars 1876 étendra ce pouvoir à l'ensemble de la France, et un nouveau bref le 7 juillet 1879 l'étendra également à la Belgique.
Le 17 juillet, le Père Claude-Etienne Pernet (1824-1899) fonde avec Mère Marie de Jésus (née Antoinette Fage, 1824-1883) les Petites Sœurs de l'Assomption, gardes-malades des pauvres à domicile.
1866 : En janvier, avec la collaboration du Père Victor Jouët (1839-1912) qui a rejoint les MSC l'année précédente, le Père Jules Chevalier crée la revue des Annales de Notre-Dame du Sacré-Cœur, qui sert de lien pour toutes les personnes qui ont choisi de se laisser conduire au Cœur de Jésus par Marie.
Pie IX approuve l'Apostolat de la Prière.
Alors que le choléra fait des ravages dans le nord de la France, les religieuses de la Visitation de Marseille adressent à leurs sœurs d'Amiens de petites images du Sacré-Cœur sur lesquelles sont gravés ces mots : "Arrête ! Le Cœur de Jésus est là". Ces dernières s'en font les zélées dispensatrices. A Roubaix et Amiens, deux Frères de la Doctrine Chrétienne, Fr. Ildefonse et Fr. Séraphin, rapportent plusieurs faits merveilleux relatifs au port du scapulaire du Sacré-Cœur (in le journal "Le Monde" du 20 déc. 1869).
Le 19 mars, l'Abbé Louis Roussel (1825-1897) fonde l'Œuvre de la Première Communion, en s'installant avec les premiers orphelins accueillis à l'Œuvre rue La Fontaine, à Auteuil. Elle deviendra l'Association des Orphelins Apprentis d'Auteuil, développée à partir de 1923 par le Père Daniel Brottier (1876-1936, béatifié le 25 novembre 1984) qui la placera sous la protection de sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus.
Le jour de l'Annonciation, les Pères Chevalier et Vandel (†1877) fondent au sein des Missionnaires du Sacré-Cœur de Jésus d'Issoudun la Petite Œuvre du Sacré-Cœur, école gratuite accueillant des enfants appelés à la vocation de prêtre ou de missionnaire, fonctionnant grâce aux dons d'un sou par an des fidèles affiliés.
1867 : Publication de l'ouvrage De rationibus festorum Sacratissimi Cordis Jesu et Purissimi Cordis Mariae de Nicolas Nilles S.J. (1823-1907), travail scientifique de recherche sur le Sacré-Cœur de très grande valeur.
Les zouaves pontificaux, en signe extérieur de leur dévotion au Sacré-Cœur, arborent sur leur tunique un scapulaire que Pie IX bénira avant qu'ils ne rejoignent la France en septembre 1870.
Le 21 novembre, la petite communauté rassemblée à Strasbourg par Olivia Uhlrich (1837-1917) reçoit l'institution canonique de communauté religieuse : la Congrégation des Servantes du Cœur de Jésus est fondée. Sa sœur cadette la rejoindra dans la communauté en 1877. Le 2 janvier 1931, un décret signé du cardinal Lépicier, Préfet de la Sacrée Congrégation, annoncera l'approbation définitive et la confirmation des Constitutions de l'Institut par Pie XI.
« Oh ! Seigneur Jésus, si vous me laissiez toujours sur la terre, toujours souffrante, toujours geignant, toujours soupirant après vous, je ne vous en aimerais pas moins. Non ! ce n'est pas la crainte d'une punition éternelle ni la promesse d'un ciel, qui a fait naître en moi l'amour pour vous ; c'est le seul amour de votre Cœur adorable, brûlant de charité pour nous, pauvres mortels. Vous nous avez aimés le premier. Oh ! Seigneur ! Votre Cœur sacré s'est ouvert pour recevoir les nôtres. Puissiez-vous y posséder le mien pour toujours ! Je vous aime, oui, je vous aime. Laissez-moi vous le répéter des milliers et des milliers de fois. Je vous aime, je ne me lasserai jamais de vous aimer. Mais, je le sens, je ne vous aimerai jamais assez. Mon âme soupire après un amour parfait qui l'unisse entièrement à vous, et ses souffrances n'auront de fin que lorsque cet amour lui sera donné. Oh ! mon Jésus ! quand sera-ce donc que je vous aimerai comme vous le désirez ? Voyez mes soupirs et mes larmes ; ayez pitié des désirs de mon cœur et rendez-les conformes aux désirs de votre Cœur sacré, afin que jamais je ne fasse rien qui puisse vous déplaire et que mon amour m'unisse à vous pour le temps et pour l'éternité. Que je ne cesse de vous répéter et le jour et la nuit : Seigneur Jésus, Sauveur bien-aimé de mon âme, je vous aime uniquement et pour toujours ! La seule souffrance de mon cœur est de ne pouvoir vous aimer assez et de ne vous être pas encore unie comme le sont vos Saints et vos élus. »
Lettre manuscrite de Mère Marie du Cœur de Jésus, in G. Kanters, la Mère Fondatrice des Servantes du Cœur de Jésus, Olivia Uhlrich, Lille-Paris-Bruges, Desclée, De Brouwer, 1940.
1868 : Le Père Henri Ramière est nommé professeur à Toulouse. Dès l'année suivante, il y transporte la direction de l'Apostolat de la Prière et le siège du journal Le Messager du Cœur de Jésus.
Première assemblée constituante de l'Union Apostolique fondée le 26 août 1862 par Mgr Victor Lebeurier (1832-1918), qui souhaite établir la vie commune dans le clergé séculier, et donne à ses membres pour règle les Constitutions de Barthélemy Holzhauser (1613-1658, fondateur d'une communauté semblable à Salzbourg en 1640). Lors de la seconde assemblée à Paray-le-Monial en 1879, il adoptera l'idée centrale défendue dans un opuscule du Père Ramière ayant pour titre Union apostolique des prêtres du Cœur de Jésus, qui deviendra le nouveau nom de la communauté. L'Association sera approuvée par un Bref de Léon XIII le 31 mai 1880, et Pie X lui apportera sa protection particulière par un Bref en date du 20 décembre 1903. Cette Union apostolique de prêtres séculiers deviendra plus tard l’UAC (Union Apostolique du Clergé). Dans le Directoire spirituel dont vivent les membres de l'Union Apostolique, le Père Ramière demande aux prêtres d'étudier le Cœur de Jésus et de prêcher selon son esprit :
« Connaissance du Cœur de Jésus. - Le Cœur de Jésus est d'abord pour ses prêtres la vérité et le foyer de toute lumière. Comme saint Paul, ils se glorifieront de n'avoir d'autre science que celle de ce divin Sauveur, assurés qu'en le connaissant bien ils connaîtront tout.
1° Ils l'étudieront d'abord dans l'Évangile, qui n'est autre chose qu'un portrait de ce divin Cœur tracé par le Saint-Esprit. Ils se rendront familières toutes les circonstances de la vie du Sauveur, et s'aideront des meilleurs commentaires pour bien saisir le sens souvent multiple de ses paroles, aussi bien que les profonds enseignements cachés sous l'écorce de ses actions les plus simples.
2° Ils se mettront à l'école de saint Paul, le grand théologien du Cœur de Jésus, et ils s'efforceront de se bien pénétrer de la grande doctrine qui fait le fond de toutes les épîtres de ce grand apôtre, la doctrine de l'incorporation des hommes à l'Homme-Dieu.
3° Ils étudieront cette même doctrine dans les auteurs qui l'ont approfondie davantage et qui se sont attachés à faire mieux connaître Jésus-Christ, etc.
4° Les Prêtres du Cœur de Jésus ne se contenteront pas de considérer ce divin Sauveur en lui-même ; ils l'envisageront encore comme le centre de la création, le principe et la fin de toutes choses. Toutes leurs études se coordonneront donc à ce centre divin, et leur intelligence tendra sans cesse à ramener à cette unité souveraine la variété des choses qu'ils verront et qu'ils apprendront.
5° Ils verront Jésus-Christ dans l'Écriture Sainte, qui est pleine de lui et qui n'est intelligible que par lui. Les livres historiques leur présenteront les types du divin Sauveur et de son Église ; les psaumes et les livres sapientiaux leur fourniront la touchante expression des sentiments de son Cœur ; les livres prophétiques leur offriront un tableau anticipé de sa vie, de ses épreuves et de ses triomphes.
6° Ils le verront encore dans la théologie dogmatique, qu'il remplit tout entière par sa double nature et par le lien que son incarnation est venue établir entre la création et le Créateur.
7° Ils le chercheront dans la théologie morale et ascétique, qui n'a pour but que de rendre tous les hommes semblables à l'Homme-Dieu.
8° Ils sauront le trouver dans l'histoire, même profane, dont toutes les révolutions sont dirigées par la Providence vers la glorification de ce divin Sauveur et l'établissement de son règne ; bien mieux encore dans l'histoire de l'Église, qui n'est autre chose que la continuation de la vie mortelle de Jésus-Christ, dont elle reproduit toutes les phases soit douloureuses, soit glorieuses.
9° Enfin leur foi le leur montrera dans la création tout entière dont il est le roi, et qui a reçu pour mission de symboliser sa lumière, son amour et sa puissance.
10° Mais de même qu'ils ramèneront toutes choses à Jésus-Christ comme à leur principe et à leur centre, ainsi en Jésus-Christ ils ramèneront tout à son divin Cœur, dont l'ineffable amour peut seul expliquer son existence tout entière, ses paroles et ses actes, ses abaissements est ses miracles, ses souffrances et ses triomphes.
Ministère des Prêtres du Cœur de Jésus. - Les Prêtres du Cœur de Jésus exerceront les mêmes fonctions que les autres prêtres ; mais ils s'efforceront de leur donner des garanties spéciales de succès par le secours mutuel qu'ils se prêteront dans l'accomplissement de ces fonctions et par le soin qu'ils prendront de les animer de l'esprit du Cœur de Jésus.
I° Ils animeront de cet esprit leur prédication, en ramenant tous leurs enseignements au Verbe incarné, en s'attachant par dessus tout à faire connaître ses amabilités infinies, en rappelant avec amour ses paroles et ses exemples. Par là, ils éviteront de faire de la parole chrétienne une abstraction froide et sèche, aussi incapable de fortifier la volonté que d'émouvoir profondément le cœur. La religion qu'ils prêcheront sera au contraire une religion vivante, aimante et aimable tout ensemble, aussi condescendante que parfaite ; ce sera, en un mot, la religion du Cœur de Jésus.
2° Leur prédication ne sera pourtant pas purement affective ; ils s'attacheront au contraire avant tout à bien instruire leurs auditeurs. Ils n'oublieront pas que le Cœur de Jésus est le Cœur du Verbe ; que l'amour infiniment tendre qu'il nous porte ne l'empêche d'être avant tout le sanctuaire de Dieu, et que l'amour qu'il attend de nous doit être appuyé sur la foi comme sur son fondement. Les Prêtres du Cœur de Jésus ne sépareront donc point la morale du dogme et les ardeurs de la piété d'un enseignement solide et exact. Mais dans leur bouche, le dogme n'aura rien de l'aridité de l'Ecole : ce sera le vrai Verbe de vie, lumière et chaleur tout ensemble ; ils prendront pour modèle saint Paul, le plus dogmatique et pourtant le plus chaleureux des orateurs chrétiens. »
Mgr Charles Lavigerie (1825-1892), archevêque d'Alger, fonde la Congrégation des Pères Blancs. Ils évangéliseront essentiellement l'Afrique. L'année suivante, il fondera les Sœurs de Notre-Dame d'Afrique, plus connues sous le nom de Sœurs Blanches.
Alors que le choléra sévit en France, Sœur Marie-Marthe Chambon (1841-1907), religieuse de la Visitation Sainte-Marie de Chambéry, reçoit du Seigneur une demande particulière à l'adresse de l'ensemble de sa Communauté : que tous les vendredis, l'Heure Sainte soit faite par cinq Sœurs, chacune se chargeant d'honorer une de ses Plaies. La Sainte Vierge explique ainsi à la religieuse l'objet de cette dévotion :
« Ma fille, la première fois que j'ai contemplé les Plaies de mon cher Fils, c'est lorsque son très Saint Corps fut déposé entre mes bras. J'ai médité ses douleurs et j'ai tâché de les faire passer dans mon cœur… J'ai regardé ses Pieds divins l'un après l'autre… De là, je suis allée à son Cœur, où j'ai vu cette grande ouverture, la plus profonde pour mon cœur de Mère… J'ai contemplé la Main gauche, puis la droite et ensuite la Couronne d'épines. Toutes ces Plaies me perçaient le cœur. Voilà ma Passion à moi. Sept glaives sont en mon cœur, et c'est par mon cœur qu'il faut honorer les Plaies sacrées de mon Divin Fils. »
In Sœur Marie-Marthe Chambon, religieuse de la Visitation Sainte-Marie de Chambéry, Chambéry, Monastère de la Visitation, 1928.
L'année suivante, en 1868, les Supérieures de la Communauté de Chambéry établissent la récitation quotidienne du "Rosaire des Saintes Plaies". En voici le texte, tel qu'il fut imprimé dès 1880 par les soins d'un Capucin, le R.P. Ambroise :
« Au commencement, la belle prière inspirée à un Prêtre de Rome :
O Jésus, divin Rédempteur, soyez miséricordieux pour nous et pour le monde entier. - R. Amen.
Dieu fort, Dieu saint, Dieu immortel, ayez pitié de nous et de tout le monde. - R. Amen.
Grâce, miséricorde, mon Jésus, pendant les dangers présents : Couvrez-nous de votre Sang précieux. - R. Amen.
Père éternel, faites-nous miséricorde par le Sang de Jésus-Christ votre Fils ; faites-nous miséricorde, nous vous en conjurons. - R. Amen, Amen, Amen.
Sur les petits grains :
Mon Jésus, pardon et miséricorde. - R. Par les mérites de vos Saintes Plaies.
Sur les gros grains :
Père éternel, je vous offre les Plaies de Notre-Seigneur Jésus-Christ. - R. Pour guérir celles de nos âmes.
Ces deux dernières invocations sont celles qu'avaient indiquées Notre-Seigneur Lui-même et auxquelles il fait de si belles promesses. Indulgenciées d'abord pour le seul Institut de la Visitation, elles le sont désormais pour tous les fidèles et à perpétuité, en vertu d'un indult de la Sacré Pénitencerie (16 janvier 1924). »
In Sœur Marie-Marthe Chambon, op. cit.
Sœur Marie-Marthe Chambon sera jusqu'à sa mort l'apôtre de cette dévotion, mission reçue du Seigneur Lui-même qui souhaitait la voir raviver dans le monde entier. La religieuse fut gratifiée tout au long de sa vie de nombreuses grâces divines, telle la marque des stigmates reçue en 1874. "Ton chemin - lui avait dit le Seigneur au début de sa vie religieuse - c'est de Me faire connaître et aimer, surtout dans l'avenir… Un jour, Je découvrirai toutes ces choses, et l'on verra clairement les grâces que Je te fais, à toi, si misérable… Il faudra longtemps pour établir cette dévotion - ajoutait-Il. Il faudra y travailler avec courage." Dès la fin du XIX° siècle, des feuillets imprimés du "Rosaire des Saintes Plaies" et de petites notices sur la vie de la religieuse seront répandues dans le monde entier. Mais il faudra attendre la diffusion des messages reçus par sainte Faustine Kowalska (notamment en 1931) pour que cette prière appelant à la Miséricorde de Dieu trouve véritablement un écho au sein de l'ensemble de l'Eglise.
Le 14 novembre, un mandement collectif des évêques belges organise la Consécration de la Belgique catholique au Sacré-Cœur, qui est célébrée solennellement le 8 décembre suivant. L'Acte est mis sous le patronage de Marie Immaculée.
« Sainte Mère de Dieu, Vierge toujours sans tache, nous désirons réparer, autant qu'il est en nous, les outrages faits à votre divin Fils par tant d'aveugles qui méconnaissent sa puissance, et par tant d'ingrats qui méconnaissent ses bienfaits. Nous voulons donc nous réunir au pied des saints tabernacles, dans un même sentiment d'adoration et d'amour, le jour de la fête de votre Immaculée Conception, afin que nos cœurs unis au vôtre, s'offrent à Notre-Seigneur Jésus-Christ d'une manière plus digne de Lui. Nous vous prions, très miséricordieuse Mère, par tout l'amour que vous portez au Verbe incarné dans votre chaste sein, de nous obtenir la pureté de conscience et les autres dispositions qui doivent rendre méritoire et puissante la Consécration que nous allons faire de nous-mêmes et de toute la Belgique catholique au Cœur sacré de Jésus, toujours brûlant de l'amour des âmes dans l'auguste sacrement de l'Eucharistie.
Acte de Consécration de la Belgique catholique au Sacré Cœur de Jésus dans le Très Saint Sacrement :
Dieu de puissance et de bonté, de majesté et d'amour, nous voici à vos pieds pour Vous prier de ne pas nous traiter selon votre justice. Il est vrai que de cette terre, fidèle à la foi depuis tant de siècles, s'élèvent aujourd'hui contre Vous des blasphèmes sans nombre ; mais si les cœurs qui Vous outragent y sont nombreux, la Belgique compte aussi par milliers des cœurs qui Vous aiment, et qui veulent Vous aimer pour tous ceux qui ne Vous aiment pas. Rien ne Vous est caché, Seigneur ; voyez donc aujourd'hui la Belgique catholique en prière. A cette heure, dans toutes nos églises, les cœurs de vos enfants réunis Vous offrent la même foi, la même espérance et le même amour.
Oui, Seigneur, nous croyons que Vous êtes le Fils unique de Dieu, le Verbe éternel par qui tout a été fait ; nous croyons qu'après nous avoir créés à votre ressemblance, Vous nous avez aimés jusqu'à prendre la nôtre, et que Vous Vous êtes fait homme pour nous aimer jusqu'à la mort de la croix.
O Créateur devenu Sauveur, ô notre Père devenu notre frère, n'était-ce pas assez d'amour ? Non, après Vous être donné au genre humain tout entier par l'incarnation, Vous avez voulu Vous donner à chacun de nous en particulier par la sainte Eucharistie, et Vous nous avez fait ce don d'une manière ravissante et vraiment digne de Vous. Pour nous empêcher d'oublier que votre mort nous a rendu la vie, Vous avez voulu être offert à perpétuité, dans le sacrifice de l'autel, sous les apparences de la mort, sous les espèces séparées qui rappellent l'effusion de votre sang ; mais pour nous faire voir que Vous êtes Vous-même notre vie, Vous Vous êtes donné à nous sous le voile de la nourriture terrestre, afin de redire tout à la fois à nos yeux et à notre cœur : Je suis le pain vivant, descendu des cieux.
Oui, Vous l'êtes, Seigneur, et Vous le faites bien sentir à quiconque Vous reçoit comme il faut ; oui, et après l'avoir cru sur votre parole, nous le savons par une expérience ineffable.
O Cœur Sacré de Jésus, nous voulons Vous rendre amour pour amour. Jusqu'ici, nous Vous avons trop peu aimé, et nous Vous avons trop offensé. Désormais, nous nous consacrons entièrement à Vous ; nous voulons être à Vous sans réserve ; nous voulons ne rien refuser à votre amour ; nous voulons faire et souffrir ce que, pour notre bien, Vous voulez que nous fassions et que nous souffrions ; nous voulons vivre et mourir pour Vous.
Mais dans l'impuissance où nous sommes de Vous adorer, de Vous remercier, de Vous aimer, de Vous prier comme Vous méritez d'être adoré, remercié, aimé et prié, nous Vous offrons l'adoration, la reconnaissance, l'amour et la prière du Cœur Immaculé de Marie, votre Mère et la nôtre. Accordez-nous ce qu'elle Vous demande pour nous, et accordez à la Belgique ce qu'elle Vous demande pour elle.
Soyez miséricordieux pour notre patrie, Seigneur, et que cet acte de réparation publique ne la préserve pas seulement de votre justice, mais obtienne à ceux qui semblent vouloir l'attirer sur nous la grâce d'ouvrir les yeux à votre lumière, et de se frapper la poitrine en présence des miracles de votre amour. Qu'il en soit ainsi ! »
Regnabit 7° année, n°7, décembre 1927.
1869 : Publication du Programme de Belleville de Léon Gambetta (1838-1882), qui réclame la séparation de l'Eglise et de l'Etat.
Le 8 décembre, ouverture du 1° Concile du Vatican.
Le Sacré-Coeur de Jésus Deux mille ans de Miséricorde Le recueil qui est reproduit dans les pages de ce dossier avait trouvé un éditeur, Téqui, en juin 2008. Une version considérablement enrichie, et actualisée jusqu'en juin 2019, est disponible à la vente chez le même éditeur depuis le 4 décembre 2019, en ligne sur son site internet ICI. Merci de faire connaître autour de vous la nouvelle version de ce travail, augmentée de plus de 200 pages par rapport à la première édition. « Les personnes qui propageront cette dévotion, auront leur nom inscrit dans mon Cœur, et il ne sera jamais effacé. » (11ème promesse du Sacré-Coeur à sainte Marguerite-Marie) |