L'Evangélisation de la Provence

Saint Lazare



Poisson Copte

Saint Lazare, sainte Marie Madeleine, saint Maxime et sainte Marthe avancent à l'intérieur des terres. C'est probablement à Arles qu'ils se séparent, ville qui sera évangélisée par saint Trophime. Etait-il donc de ce voyage, ce 1° évêque d'Arles ? Nul ne peut l'affirmer. Saint Maximin poursuit sa route vers Aix, où nous le rejoindrons dans un instant. Saint Lazare et sainte Marie Madeleine descendent eux vers le sud et atteignent Marseille.

Ils commencent ensemble l'évangélisation de la ville portuaire, mais sainte Madeleine n'y restera pas longtemps, remontant bientôt sur Aix où elle retrouve saint Maximin. Saint Lazare, lui, va demeurer près de cinquante ans dans la ville phocéenne.

Au moment où il la rejoint, Marseille est province romaine depuis plus d'un siècle. Mais elle a été fondée par les Grecs 600 ans avant Jésus-Christ, et dans toute la région on parle encore le grec. Malgré les dégâts subis par l'invasion romaine en 49 avant Jésus-Christ, la ville demeure un port renommé, dont le vaste trafic au cours des siècles a engendré bien des richesses, et dont l'influence s'étend loin à l'intérieur des terres – qui sont encore à cette époque largement boisées, et bâties de nombreuses petites cités. On y adore les divinités grecques autant que romaines, ainsi que quelques divinités égyptiennes, comme Isis et Osiris. C'est donc une ville très cosmopolite que saint Lazare s'emploie à évangéliser…

La Tradition le représente priant nuit et jour, jeûnant, prêchant l'Evangile dans cette ville bigarrée aux mille visages, semeur infatigable de la Bonne Nouvelle du Christ Vivant. Ah, si la télévision avait existé à cette époque, quels beaux et captivants reportages auraient fournis cet apostolat de saint Lazare ! Il est aisé de l'imaginer, devant le temple de Diane, prêchant parmi les marchands et les pêcheurs, tout empli de l'Esprit Saint, lui que le Sauveur avait ramené à la vie… Et les âmes, tout autour de lui, touchées par la grâce, qui se convertissent peu à peu…

La réputation de sa sainteté s'étendra jusqu'en Italie, et attirera Alexandre de Brescia, encore adolescent, durant la persécution de l'empereur Claude. Raffermi dans sa foi, il rentrera en Italie, vendra tous ses biens, et affrontera courageusement le martyre, qu'il sera appelé à vivre sous le règne de Néron.

Bien sûr, les traces les plus importantes de l'apostolat de saint Lazare demeurent sans conteste dans le secret des âmes, et le secret de Dieu.

Il reste bien peu de traces visibles, concrètes, de son passage, et leur authenticité est le sujet de controverse entre spécialistes. On voit par exemple, dans les caveaux de l'église Saint-Victor, une crypte appelée "la Confession", où saint Lazare dut se cacher avec ses néophytes durant les persécutions. Cette crypte, autrefois appelée "la grotte de sainte Madeleine", a toujours été considérée comme la catacombe de Marseille, tant elle présente d'analogies avec les catacombes de Rome. Car il ne faut pas perdre de vue que les premiers chrétiens n'étaient pas les bienvenus – c'est le moins que l'on puisse dire – au cœur de la civilisation romaine ! Dans cette crypte, à gauche de l'autel, on vénère un siège de pierre taillé dans le roc ; ce monument aurait servi à saint Lazare pour la réconciliation des pénitents. Au-dessus, on a sculpté grossièrement une figure de saint Lazare qui semble remonter au VI° siècle et qui représente ce pontife avec la palme du martyre et le bâton pastoral. Mais s'agit-il bien là de saint Lazare, ami de Jésus, et évangélisateur de Marseille ? Ou bien de saint Lazare, archevêque d'Aix au début du V° siècle…? Les discussions ne sont pas closes… Ce qui est sûr, c'est que l'on vénérait dans ces cryptes dès les premiers siècles et d'une manière toute spéciale la Sainte Vierge, et que l'église souterraine de Saint Victor fut appelée très tôt Notre-Dame de Confession. C'est elle qui attire encore tous les ans, à la Chandeleur, 10 à 15.000 pèlerins, qui viennent y vénérer une Vierge noire. L'abbaye, elle, ne verra le jour qu'aux environs de 415, bâtie par saint Cassien.

A noter qu'en 1963, la ville de Marseille et le Ministère des Affaires Culturelles ont entrepris les fouilles et la restauration complète de l'église et des cryptes, et qu'un colloque s'est tenu au mois de novembre 2004 à la Bibliothèque de Marseille concernant les dernières découvertes archéologiques, documentaires, hagiographiques, etc. concernant l'abbaye Saint Victor… Les comptes-rendus devraient être bientôt visibles sur le site internet de l'abbaye.

En descendant vers le port de Marseille, dans les caves de Saint-Sauveur, on remarque également parmi les constructions gallo-romaines une petite chambre carrée que les religieuses de Saint-Cassien nommaient la "prison de saint Lazare", et où l'on dit que le saint fut enfermé après avoir été traîné partout dans la ville, peu avant son exécution. C'est à peu près tout pour ce qui est du domaine archéologique…

Les vieux livres liturgiques d'Autun et de Nantes, échappés aux ravages des Sarrasins, affirment que saint Lazare fut décapité sous le règne de Domitien, en l'an 94, dans une extrême vieillesse. C'était un 17 décembre, dans la prison même de l’abbaye ou du moins sur la place de Lenche, tout près de l’abbaye. Son corps fut inhumé à Marseille, dans l'antique église de Saint-Victor. Au 8° (ou au 10°) siècle, pour échapper aux invasions barbares, ses reliques, gardées dans une châsse, furent transférées à Autun. Marseille garda néanmoins la tête de son saint apôtre. Détail pour le moins irrévérencieux : avant la translation des restes, une autre tête fut adroitement adaptée par un prêtre marseillais au corps de Lazare. On ne découvrit la supercherie que bien des années plus tard. Marseille a toujours gardé sa précieuse relique, et encore aujourd'hui, dans une chapelle de la cathédrale, on peut voir le chef du grand saint, religieusement conservé.

A Autun, les reliques furent placées dans une première cathédrale du 5° siècle, la cathédrale Saint-Nazaire, qui sera détruite au 18°. On les vénère aujourd'hui en la cathédrale Saint-Lazare, construite à partir de 1120 et qui devint cathédrale à la fin du 12° siècle en remplacement de la cathédrale Saint-Nazaire. Les reliques y ont été transférées en 1209. Le tombeau de Saint Lazare fut malheureusement détruit en 1766. Puis pendant la Révolution Française, vers la fin de 1793, le corps de saint Lazare fut profané comme la plupart des autres corps saints. Les reliques, tirées de leur châsse, furent lancées pêle-mêle sur le pavé de l'église, et servirent même d'objets d'amusement à une troupe d'enfants qui les traînaient çà et là. Pris d'un semblant de remords, les spoliateurs transportèrent les restes dans le vestibule reliant la sacristie à l'ancienne chambre du Trésor, où ils restèrent sur le pavé pendant plusieurs jours. Quelques habitants en profitèrent d'ailleurs pour enlever successivement divers ossements du saint martyr. Le calme revenu en France, ces mêmes personnes s'empressèrent – dit-on - de remettre les précieuses reliques à Mgr de Fontagne, l'évêque d'Autun. Le prélat, après avoir constaté leur identité, ordonna le 18 août 1903 que les restes du saint soient enfermés dans une châsse. Et le 3 septembre suivant, la châsse fut transportée dans le chœur de la cathédrale et exposée à la vénération des fidèles.

Le culte rendu à Marseille à saint Lazare est affirmé par la charte de consécration de l'église de Saint Victor, en 1040, lorsque l'abbaye fut relevée de ses ruines après l'expulsion des barbares... Le siège épiscopal de Marseille devint la Primauté des Gaules et le resta jusqu'aux environs du 3° siècle, ce qui veut dire que les autres évêchés reconnaissaient Marseille comme le lieu de la "Première" Eglise des Gaules. Cette Primauté passa ensuite à Arles, puis à Lyon dont l'évêque porte encore aujourd'hui ce titre de "Primat des Gaules".

Un petit mot sur Saint Victor, dont l'abbaye porte le nom. Il s'agit d'un légionnaire de l'armée romaine, nouvellement converti au christianisme, martyrisé à la fin du 3° siècle, sous le règne de l'empereur Maximien. Traduit devant le tribunal, place de Lenche à Marseille, il méprise ouvertement les dieux païens, confesse le Christ et fait tomber du pied l'autel de Jupiter qu'on lui offre pour brûler de l'encens. Amputé du pied, passé à la meule, décapité, le saint est jeté dans le port, en pâture aux poissons. Transporté sur l'autre rive, les chrétiens l'ensevelissent dans une crypte taillée dans le rocher, l'une de ces cryptes souterraines de l'église Saint Victor.

Que sont devenus entre temps les compagnons de route de saint Lazare ?

suite...