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Pieusement La nuit d'hiver élève au ciel son pur calice. Et je lève mon cœur aussi, mon cœur nocturne, Seigneur, mon cœur ! vers ton pâle infini vide, Et néanmoins je sais que tout est taciturne Et qu'il n'existe rien dont ce cœur meurt, avide ; Et je te sais mensonge et mes lèvres te prient Et mes genoux ; je sais et tes grandes mains closes Et tes grands yeux fermés aux désespoirs qui crient, Et que c'est moi, qui seul, me rêve dans les choses ; Sois de pitié, Seigneur, pour ma toute démence. J'ai besoin de pleurer mon mal vers ton silence !... La nuit d'hiver élève au ciel son pur calice ! Les débâcles |
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Rentrée des moines I On dirait que le site entier sous un lissoir Se lustre et dans les lacs voisins se réverbère ; C'est l'heure où la clarté du jour d'ombres s'obère, Où le soleil descend les escaliers du soir. Une étoile d'argent lointainement tremblante, Lumière d'or dont on n'aperçoit le flambeau, Se reflète, mobile et fixe, au fond de l'eau Où le courant la lave, avec une onde lente. A travers les champs verts s'en va se déroulant La route dont l'averse a creusé les ornières ; Elle longe les noirs massifs des sapinières Et monte au carrefour couper le pavé blanc. Au loin scintille encore une lucarne ronde Qui s'ouvre ainsi qu'un œil dans un pignon rongé ; Là, le dernier reflet du couchant s'est plongé Comme, en un trou profond et ténébreux, la sonde. Et rien ne s'entend plus dans ce mystique adieu, Rien - le site vêtu d'une paix métallique Semble enfermer en lui, comme une basilique, La présence muette et nocturne de Dieu. II Alors les moines blancs rentrent aux monastères Après secours portés aux malades des bourgs, Aux laboureurs ployés sous le faix des labours Aux gueux chrétiens qui vont mourir, aux grabataires, A ceux qui crèvent seuls, mornes, sales, pouilleux, Et que nul de regrets ni de pleurs n'accompagne Et qu'on enterrera dans un coin de campagne, Sans qu'on lave leur corps ni qu'on ferme leurs yeux, Aux mendiants mordus de misères avides, Qui, le ventre troué de faim, ne peuvent plus Se béquiller là-bas vers les enclos feuillus Et qui se noient, la nuit, dans les étangs livides. Et tels les moines blancs traversent les champs noirs, Faisant songer au temps des jeunesses bibliques Où l'on voyait errer des géants angéliques, En longs manteaux de lin, dans l'or pâli des soirs. III Brusque, résonne au loin un tintement de cloche, Qui casse du silence à coups de battant clair Par-dessus les hameaux, et jette à travers l'air Un long appel, qui long, parmi l'écho, ricoche. Il proclame que c'est l'instant justicier Où les moines s'en vont en chœur chanter Ténèbres Et promener sur leurs consciences funèbres La froide cruauté de leurs regards d'acier. Et les voici priant : tous ceux dont la journée S'est consumée au long hersage en pleins terreaux, Ceux dont l'esprit, sur les textes préceptoraux, S'épand, comme un reflet de lumière inclinée. Ceux dont la solitude âpre et mâle a rendu L'âme voyante et dont la peau blême et collante Jette vers Dieu la voix de sa maigreur sanglante, Ceux dont les tourments noirs ont fait le corps tordu. Et les moines qui sont rentrés aux monastères, Après visite faite aux malheureux des bourgs, Aux remueurs cassés de sols et de labours, Aux gueux chrétiens qui vont mourir, aux grabataires, A leurs frères pieux disent, à lente voix, Qu'au dehors, quelque part, dans un coin de bruyère, Il est un moribond qui s'en va sans prière Et qu'il faut supplier, au chœur, le Christ en croix, Pour qu'il soit pitoyable aux mendiants avides Qui, le ventre troué de faim, ne peuvent plus Se béquiller au loin dans les enclos feuillus Et qui se noient, la nuit, dans les étangs livides. Et tous alors, tous les moines, très lentement, Envoient vers Dieu le chant des lentes litanies ; Et les anges qui sont gardiens des agonies Ferment les yeux des morts, silencieusement. Les moines |
Soirs religieux Le déclin du soleil étend, jusqu'aux lointains, Son silence et sa paix comme un pâle cilice ; Les choses sont d'aspect méticuleux et lisse Et se détaillant clair sur des fonds byzantins. L'averse a sabré l'air de ses lames de grêle, Et voici que le ciel luit comme un parvis bleu, Et que c'est l'heure où meurt à l'occident, le feu Où l'argent de la nuit à l'or du jour se mêle. A l'horizon, plus rien ne passe, si ce n'est Une allée invaincue et géante de chênes, Se prolongeant là-bas jusqu'aux fermes prochaines, Le long des champs en friche et des coins de genêt. Ces arbres vont - ainsi des moines mortuaires Qui s'en iraient, le cœur assombri par les soirs, Comme jadis partaient les longs pénitents noirs Pèleriner au loin vers d'anciens sanctuaires. Et la route montant et tout à coup s'ouvrant Sur le couchant rougi comme un plant de pivoines, A voir ces arbres nus, à voir passer ces moines, On dirait qu'ils s'en vont, ensemble, et tous en rang, Vers leur Dieu dont l'azur d'étoiles s'ensemence ; Et les astres, brillant là-haut sur leur chemin, Semblent les feux de grands cierges tenus en main, Dont on n'aperçoit pas monter la tige immense. Les moines |