ATTENTION : Ces pages "poésie" ont été entièrement refondues. Pour avoir accès au nouveau sommaire, cliquez ICI |
Le Pont J'avais devant les yeux les ténèbres. L'abîme, Qui n'a pas de rivage et qui n'a pas de cime, Etait là, morne, immense ; et rien n'y remuait. Je me sentais perdu dans l'infini muet. Au fond, à travers l'ombre, impénétrable voile, On apercevait Dieu comme une sombre étoile. Je m'écriais : - Mon âme, ô mon âme ! il faudrait, Pour traverser ce gouffre où nul bord n'apparaît, Et pour qu'en cette nuit jusqu'à ton Dieu tu marches, Bâtir un pont géant sur des milliers d'arches. Qui le pourra jamais ? Personne ! O deuil ! effroi ! Pleure ! - Un fantôme blanc se dressa devant moi Pendant que je jetai sur l'ombre un œil d'alarme, Et ce fantôme avait la forme d'une larme ; C'était un front de vierge avec des mains d'enfant ; Il ressemblait au lys que la blancheur défend ; Ses mains en se joignant faisaient de la lumière. Il me montra l'abîme où va toute poussière, Si profond que jamais un écho n'y répond, Et me dit : - Si tu veux, je bâtirai le pont. - Vers ce pâle inconnu je levai ma paupière. - Quel est ton nom ? lui dis-je. Il me dit : - La prière. Victor Hugo, Les Contemplations |
|
|
Les Couronnes L'Eternel visitait la terre : Il voulait juger les vertus Et ce que l'homme avait pu faire Depuis dix-huit cents ans, et plus. Il envoya douze phalanges De Chérubins, de Séraphins, Et de plus, douze grands Archanges Pour avertir tous les humains. On devait, autour de son trône, Se trouver tous, au même jour. Dieu promettait une couronne, Et pour chacun un mot d'amour. D'abord, vinrent les Innocences, Et Dieu, doucement, leur sourit. Puis, vinrent les Souffrances : Le Seigneur très doux les bénit. Après, on vit venir les Vierges, Les fronts voilés, les pas très lents. Elles portaient toutes des cierges Et Dieu leur donna des lys blancs. Après, vinrent les Pénitences : La foi, la douceur, le pardon, Les prières, les espérances, Chacun eut sa couronne au front. Et toutes les Vertus passèrent. Est-ce fini ? dit l'Eternel. Même les anges s'écartèrent. On allait refermer le ciel. Quand on vit, - seule, humiliée, - Une femme, Ange de beauté. Elle restait agenouillée. - Ton nom ? dit Dieu. - La Charité ! Et Dieu se leva de son trône, Et tout le ciel s'illumina, Et Dieu prit sa propre couronne Et devant tous, la lui donna. Dr Henri de Farémont |
|
|
Consécration Aux jours de ma jeunesse ardente et solitaire, Du fond de mes péchés vous m'attiriez à Vous, O Dieu, dont les desseins sont voilés de mystère. Partout vous me suiviez comme un amant jaloux ; Vous faniez pour mon cœur, d'avance, toutes joies ; Vous me faisiez pâlir des plus amers dégoûts. Chasseur, vous m'attendiez, déguisé sous mes proies Et je marchais, vaincu déjà, dans vos chemins, Quand je croyais errer encore dans mes voies. A présent me voici tout entier dans vos mains : Vous m'avez rajeuni pour votre œuvre future, En trompant les calculs et les pensers humains. J'ai traversé l'angoisse et connu la torture, Seigneur, mais votre force a chaque fois dompté Les émois qui troublaient ma fragile nature. Et maintenant, soldat de votre volonté, Ame en qui, par torrents, vos grâces sont venues, Dans le renoncement trouvant ma volupté, Plein d'espoir je m'en vais vers des croix inconnues. Louis Le Cardonnel, Poèmes |
|
|