Vingt-cinquième Jour Vivre ou mourir Un missionnaire qui avait beaucoup et fructueusement prêché, fut en pleine activité, en pleine éclosion de son zèle, frappé par une maladie qui le terrassa et le réduisit soudain à l’inaction. Depuis des mois, malgré tous les soins les plus attentifs, il languissait, souffrant plus moralement que physiquement, dans son impuissance de travailler encore à l’apostolat de la parole et de la plume. Autour de lui, on prévoyait une issue fatale, mais le malade n’y pensait point. Lui, si résigné au début, avait des heures terribles de découragement. Plus la vie s’en allait, plus il s’y cramponnait, à tel point qu’un jour où il semblait plus faible et mal que jamais, un prêtre son confident lui entendit dire : « Ah ! quand je serai en face d’un bel auditoire d’hommes je leur dirai telle et telle chose… » Le confident ne répondit pas, baissa la tête et pria la Sainte Vierge. Le malade surpris le regarda, réfléchit, puis au bout d’un instant : « Allons, je prends une résolution, je comprends, c’est trop long… - et il tremblait en disant ces mots – Voulez-vous me conduire à Lourdes, nous irons demander la guérison à la Sainte Vierge. – Je veux bien, si vous y tenez, répondit le confident, nous irons demander la guérison ou… - Il allait ajouter : la résignation ; quand le malade l’interrompant soudain prononça fortement : ou la mort ! – Eh bien repartit son interlocuteur, ou la mort ! » Et ils partirent, le pauvre malade n’était qu’un cadavre. A Lourdes, il du s’aliter. On y fit une neuvaine, il ne put sortir, cloué sur son lit par d’horribles souffrances, et il persistait à attendre la guérison, au grand désespoir de son compagnon qui se demandait comment lui administrer les derniers sacrements, ce qui paraissait urgent. Enfin au bout des neufs jours, ledit compagnon ayant pris sa résolution, entrait dans la chambre du malade pour lui en parler, quand celui-ci, d’un ton ferme : « Partons ! » On ne dit rien de plus. On reprit le train, c’était encore plus qu’en venant, un cadavre, que le pauvre missionnaire, mais l’esprit avait changé. « Je viens, dit-il à ses confrères en arrivant dans sa communauté, de faire le plus beau chemin de croix de ma vie… il fera bon mourir près de vous… » Il voulait bien mourir, et il mourut bien deux jours après, un samedi, fête de Notre-Dame-de-la-Merci, au son de l’Angelus de midi. Résolution. – La mort étant l’écho de la vie, vivre d’amour de Dieu le plus possible, pour en mourir. Pratique du jour Le sacrifice de la Messe est la répétition du sacrifice de la Croix. Le grand drame qui se déroula une fois sur le Calvaire s’accomplit réellement encore tous les jours sur les milliers d’autels disséminés à travers le monde, quoiqu’il s’y renouvelle d’une manière non sanglante. Prendre part au sacrifice de la Messe, c’est donc prendre part au sacrifice de la Croix. Assistons-y dès lors avec les sentiments qu’un pareil souvenir commande. Disons-y à l’auguste Victime notre compassion, nos regrets, notre reconnaissance : notre compassion pour ses souffrances, nos regrets pour nos péchés, notre reconnaissance pour les grâces qu’il nous mérite sur son gibet. Renouvelons-lui l’assurance de notre fidélité inviolable. Et pour que prières et promesses aillent plus sûrement au Cœur du divin Maître, offrons-les-lui par les mains de la très Sainte Vierge, en empruntant à cette bonne Mère ses sentiments au Golgotha ! Prière O vous qui avez eu une si large part dans l’œuvre de notre rédemption, Mère de grâce et de miséricorde, ne permettez pas que nous restions oisifs dans le champ du Père de famille. La moisson blanchit dans la plaine, elle y est abondante, et les ouvriers sont peu nombreux. Donnez-nous les forces nécessaires pour que nous suppléions à leur petit nombre. Que rien ne nous décourage : ni l’accablante chaleur du jour, ni l’âpre fatigue de ces journées de travail se succédant les unes aux autres, ni l’insuccès apparent de nos efforts. Si le Maître veut que les gerbes les plus opulentes passent dans nos mains, qu’il soit béni ! S’il ne nous attribue que le rôle le plus humble de Ruth glanant dans les sillons, qu’il soit béni encore. Mais que toujours et partout notre activité lui soit pleinement consacrée, et que, serviteurs fidèles, nous ayons la consolation de travailler ici-bas pour Celui que nous aimons. Ainsi soit-il. |