Mois de Marie

d'après Bossuet



Quatrième Jour

La vocation tardive

C’est un vénérable et pieux prêtre, ancien curé, naguère très actif, qui parle.
J’ai toujours désiré me faire prêtre. Pour des raisons que je ne puis dire, mes parents s’y opposaient formellement et me firent apprendre l’état de tailleur de pierres. Je fus bien obligé de me soumettre car on était très pauvre à la maison et j’avais fort envie de faire ma part. Malgré tout, je ne perdais pas tout espoir pour ma vocation et je ne manquais jamais un jour, de recommander cette affaire à la sainte Vierge par une dizaine de mon chapelet qui ne me quittait pas. J’avais dix-huit ans, j’étais bon ouvrier, les affaires de famille s’arrangeaient, je pensais au grand séminaire. J’en parle au vicaire de ma paroisse qui m’offre quelques leçons de latin en secret.
Ah ! que de peines j’ai eues ! Buriner des blocs, calculer des angles, n’ouvre guère l’intelligence et ne cultive guère la mémoire. Je crus souvent que je n’arriverais à rien. Mais, jamais je ne me suis découragé. Quand je n’en pouvais plus d’un effort stérile, je me jetais à genoux, je disais un Ave et sitôt la lumière venait.
Sur ces entrefaites, mon père vint à mourir dans de très bons sentiments. A son lit de mort, il me permit d’entrer au séminaire. Ce fut vite fait. Mais là encore, au début, que j’y ai souffert ! Ce vieux tailleur de pierres, au milieu de ces jeunes étudiants, était perdu, malheureux, comme en un pays étranger dont il ne comprenait pas la langue. J’avais alors recours à mon moyen souverain. Quand mon courage semblait fléchir, vite un Ave. C’est sur des millions d’Ave qu’est bâtie ma vocation. Je ne connais pas de pierre de taille plus solide.

Résolution. – Invoquons souvent le Saint-Esprit.


Pratique du jour

Fille du Père, Mère du Fils, Marie fut la chaste épouse du Saint-Esprit. Il la couvrit de son ombre, et, en lui conférant le glorieux privilège de la maternité divine, il lui permit de porter pour le bonheur du ciel et le salut de la terre un fruit éternel.
L’Esprit-Saint est aussi l’Epoux de nos âmes régénérées dans les eaux du baptême. Il les couvre des ombres vivifiantes de la grâce, et, quand elles lui restent fidèles, il lui permet de porter, elles aussi, des fruits pour l’éternité.
Mais combien ces âmes ne sont-elles pas oublieuses de ces bienfaits ! que de fois n’y demeurent-elles pas indifférentes ! Combien souvent ne les payent-elles pas d’infidélité ?
En souvenir de la très sainte Vierge, épouse fidèle entre toutes, pensons quelquefois aujourd’hui aux bienfaits du Saint-Esprit. Rappelons-nous les dons que nous tenons de sa prodigue miséricorde. Exprimons-lui-en notre reconnaissance et, en laissant nos cœurs monter joyeusement vers Lui pour lui redire merci, attirons sur eux, avec des grâces nouvelles, un surcroît d’amour.


Prière

Aimable Souveraine des anges et des hommes, n’oubliez pas au sein des splendeurs célestes ceux de vos enfants qui luttent encore parmi les tristesses de l’exil. Etendez votre sceptre virginal sur l’Eglise pour la garder. Défendez-la contre ses ennemis. Protégez-la contre les coups que leur haine, si infernalement vivace, médite chaque jour de lui porter. Ils veulent l’affaiblir, fortifiez-la. Ils veulent l’humilier, exaltez-la. Ils veulent surtout lui arracher des âmes : les âmes, le seul bien que Dieu désire en ce monde ! Ah ! Vierge de douleurs, souvenez-vous du Calvaire ! Rappelez-vous les souffrances que ces âmes ont coûtées à votre Fils ! c’est pour elles qu’il a voulu être souffleté, couvert de crachats, flagellé, couronné d’épines, crucifié ! C’est pour elles qu’il a subi les tortures de la soif sur son gibet ! C’est pour elles qu’il a laissé la désolation submerger son âme sainte, comme une vague amère submerge le roc sur lequel elle passe ! Voyez donc ces âmes toutes empourprées de sang rédempteur. Ne permettez pas que cette rançon ait été payée en vain. Ecartez les mains homicides qui veulent les tuer en les ravissant à leur Maître. Et gardez ces âmes à Celui qui, après les avoir créées, les a rachetées, pour leur conférer la vraie vie dans la gloire ! Ainsi soit-il.


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