Marie s'est tant effacée sur la route de son Fils ! On a comme l'impression que Jésus voulait cet effacement. Quand les femmes crient : « Bienheureuses les entrailles qui T'ont porté », Jésus dit : « Ma mère, c'est quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux. » Lui, le Fils, ne fait pas écho aux acclamations de la foule célébrant la béatitude de sa Mère. Mais voici l'heure de la souffrance venue. Marie est sur le chemin qui monte au Calvaire. Jésus la laisse s'approcher. Leurs regards se rencontrent. Leurs âmes s'unissent. C'est dans la souffrance que les âmes s'unissent le plus étroitement. C'est l'heure de la souffrance que les âmes qui s'aiment vraiment choisissent de préférence pour se rencontrer. La douleur de Jésus redouble la douleur de Marie. La douleur de Marie redouble la douleur de Jésus. Deux miroirs qui se renvoient, en les amplifiant, les mêmes images. Mais ni Jésus ni Marie ne s'arrêtent à leur douleur. Ils en font la même oblation pour le même objet : la Rédemption du monde, et la Rédemption de ceux-là mêmes qui causent leur peine. Cette rencontre s'achève dans une com¬mune oblation. C'est un exemple pour ceux qui veulent comprendre ce qu'est l'amour vrai de deux âmes : redoublement des peines, oblation des peines, communion dans la même volonté rédemptrice. Entre Jésus et Marie, cela s'est passé sans paroles. L'échange d'un regard a suffi. Au milieu de la vulgarité ambiante, un regard suffit pour créer une lumière de sublimité. Heureux ceux qui, parmi les foules grossières, indifférentes ou haineuses, entretiennent ces feux de la sublimité qui empêchent le regard de Dieu de ne voir que de l'horreur sur la terre ; qui consolent le regard de Dieu tourné vers sa création. Qu'importe que les hommes comprennent, si Dieu voit ! |