NB : le 19 mars tombant cette année un dimanche, la fête de Saint Joseph est reportée au lendemain, lundi 20 mars. |
« Suffit-il du jeûne et des signes extérieurs de la pénitence ? Non, non, mais il faut changer de vie. En voulez-vous une preuve. Ecoutez ce que dit le Prophète. Après avoir parlé de la colère de Dieu et du jeûne des Ninivites, il nous apprend que Dieu leur pardonna, et nous en dit le motif. Dieu vit leurs oeuvres (Jon. 111, 10), dit-il. Et quelles oeuvres ? Leurs jeûnes ? Leurs habits de pénitence ? Rien de tout cela ; il n'en est pas même fait mention. Tous, dit le Prophète, abandonnèrent leurs voies perverses, et le Seigneur se repentit de les avoir menacés de si grandes calamités. Vous le voyez, ce n'est pas le jeûne qui les arrache au danger ; c'est le changement de vie qui apaise le Seigneur et le leur rend favorable. Si je vous dis ces choses, ce n'est point pour vous faire mépriser le jeûne, mais bien pour vous porter à l'estimer davantage. Ce qui relève le jeûne, ce n'est pas l'abstinence de nourriture, mais la fuite du péché. Ne voir dans le jeûne qu'une privation de nourriture, c'est lui faire outrage. Si vous jeûnez vraiment, montrez-le par vos oeuvres ! Quelles seront ces oeuvres, me demandez-vous ? Si vous voyez un pauvre, ayez pitié de lui ; si vous voyez votre ennemi, réconciliez-vous avec lui ; si votre ami accomplit une action digne d'éloge, ne lui portez point envie ; si vos yeux aperçoivent une belle femme, ne vous arrêtez point. Ce n'est pas seulement notre bouche qui doit jeûner, mais nos yeux, nos oreilles, nos pieds, nos mains, tous nos membres. Que nos mains jeûnent, c'est-à-dire qu'elles soient pures de toute rapine et de toute avarice. Que nos pieds jeûnent, c'est-à-dire qu'ils s'abstiennent de courir à des spectacles illicites. Que nos yeux jeûnent, c'est-à-dire qu'ils s'habituent à ne jamais lancer de regards immodestes, à ne jamais se fixer avec curiosité sur des objets dangereux. Les yeux vivent de spectacles ; s'ils sont illégitimes et défendus, le jeûne en souffre et le salut de l'âme est en péril : légitimes et permis, ils sont un ornement du jeûne. Ne serait-il pas absurde en effet de se priver d'une nourriture d'ailleurs permise, et de rassasier cependant ses yeux d'un aliment qui leur est interdit ? Vous ne mangez point de viande ? Eh bien ! ne vous nourrissez point d'impureté par vos yeux. Que les oreilles jeûnent aussi ; et leur jeûne consiste à n'écouter ni médisances ni calomnies. Vous ne prêterez point l'oreille aux vains discours (Exod. XXIII, 1), dit la sainte Ecriture. Que la bouche jeûne, en s'abstenant de toute parole déshonnête et injurieuse. A quoi bon nous priver de la chair des oiseaux et des poissons, si nous déchirons, si nous dévorons nos frères ? Le médisant dévore la chair de son frère, il déchire la chair du prochain. Et c'est pourquoi saint Paul dit cette parole terrible : Si vous vous déchirez et si vous vous dévorez les uns les autres, ne voyez-vous pas que vous allez vous faire mourir les uns les autres (Gal V, 15) ? Vos dents ne se sont point enfoncées dans la chair, mais votre médisance, votre soupçon, s'est enfoncé dans les âmes, vous les avez blessées ; vous les avez accablées de mille maux, la vôtre, celle qui vous écoute et beaucoup d'autres. Celui qui vous entend médire, ne l'avez-vous point rendu pire qu'il n'était ? Pécheur, il péchera plus facilement encore, depuis qu'il a rencontré son pareil ; juste, les péchés d'autrui lui donneront de l'arrogance et de l'orgueil, et il aura de lui-même une haute opinion. Bien plus, c'est l'Eglise tout entière que vous avez blessée. Ceux qui vous écoutent, ce n'est pas à un seul qu'ils imputent les fautes dont vous parlez, mais à tout le peuple chrétien. » St Jean Chrysostome, Troisième Homélie sur les statues (4-5). Oeuvres complètes Tome II, Traduites pour la première fois sous la direction de M. Jeannin, Bar-le-Duc, L. Guérin & Cie, éditeurs, 1864. (Texte intégral) |