Seigneur, portez secours Seigneur, portez secours à votre créature Vous qui donnez au moindre oiseau sa nourriture. J'ai faim : rien ici-bas n'assouvit mon désir, C'est vous-même, ô mon Dieu, que je voudrais saisir. Ici je me retrouve en tous les biens que j'aime : Or ce que je voudrais, c'est sortir de moi-même. C'est m'évader de mon néant, c'est m'enrichir Et ce n'est qu'en vous seul que je puis m'affranchir. Car vous êtes ma Fin, ma Cause et mon Principe, Lumière devant qui toute ombre se dissipe ! Visitez-moi, Seigneur, mon cœur vous appartient ; Voyez : de sa misère, humble, il vous entretient. L'orgueilleux qui s'abuse attire la colère, Mais celui qui s'abaisse a toujours su vous plaire. Venez, mon Dieu, je suis si pauvre et j'ai si faim ! Je vous attends depuis longtemps, venez enfin. C'est une telle joie en Celui qui vous garde Que son œil éblouit les êtres qu'il regarde. On vit dans l'harmonie, on vit dans la clarté, On est ivre de tout, on est comme porté Et cette jouissance au lieu de nous abstraire Nous inspire un amour ardent pour notre frère. Et touchés de le voir errer, nous qui savons, Nous allons lui donner le Dieu que nous avons Et nous le guérissons de toutes ses blessures Sans l'irriter, avec des mains que Dieu rend sûres. Seigneur, Seigneur, j'irai vers vous demain matin ; Haletant, je prendrai place à votre festin. Je mangerai le pain, je mangerai la manne O vous le Dieu fécond d'où toute vie émane ! Et je boirai le vin et je boirai le sang, O vigne d'Israël, Calice tout puissant ! Seigneur, sauvez ma chair et descendez en elle Pour qu'elle coopère à la vie éternelle ! Robert Vallery-Radot (1885-1970) L'eau du Puits, Paris, éd. de la Revue des poètes, 1909 |
Membre du jury chargé de décerner les prix de poésie spiritualiste, Robert Vallery-Radot est également l'auteur d'une Anthologie de la poésie catholique, de Villon à nos jours (éd. Georges Crès, 1916). Il entra à la Trappe en 1945. |