A Saint Joseph Quand le pesant fardeau de l'épreuve m'accable, Je songe à tes labeurs, ô royal charpentier : Je te vois poursuivant la tâche inexorable Et te livrant sans plainte à ton obscur métier. Lorsque la vie est sombre et le ciel sans lumière, Quand des plus purs bonheurs l'accès semble fermé, Je pense que là-bas, dans ton humble chaumière, Tu vis souvent des pleurs sur un visage aimé. L'ami le plus fidèle un jour nous abandonne ; Le toit qui nous est cher bientôt nous dit adieu ; Mais n'as-tu pas connu l'âpre exil où personne N'accueille les bannis errants sans feu ni lieu ? N'as-tu pas entrevu le sombre éclat du glaive Menaçant le front pur que couvraient tes baisers ? N'as-tu pas frissonné sous cet horrible rêve Qui te montrait Jésus en proie aux meurtriers ? Que la vie ait pour moi ses douleurs, ses alarmes, Elle a pesé sur toi plus lourdement encor ; Et j'aurai beau compter mes sueurs et mes larmes, Je n'égalerai pas ton douloureux trésor. Accorde-moi, Joseph, ta longue patience ; Donne-moi ton amour, ta vaillance et ta foi ; Verse en mon cœur troublé la suprême science, Celle qui fait aimer et souffrir comme toi. O chaste compagnon de la Vierge Marie, O Père nourricier du Sauveur fait enfant, Obtiens que comme toi je travaille et je prie, Obtiens que comme toi je meure en souriant. Donne-moi cette paix qui, même dans l'épreuve, Fut ton heureux partage, ô vaillant ouvrier ! Fais que rien ne me trouble et que rien ne m'émeuve, Puisqu'un Dieu me protège et que je sais prier. Tiens-toi près de ma couche à l'heure où de la terre Je verrai s'obscurcir les contours incertains ; Quand s'ouvrira pour moi l'insondable mystère Que je m'endorme en paix soutenu par tes mains. |