Noël Petit Jésus qu'il nous faut être, Si nous voulons voir Dieu le Père, Accordez-nous d'alors renaître En purs bébés, nus, sans repaire Qu'une étable, et sans compagnie Qu'un âne et qu'un bœuf, humble paire ; D'avoir l'ignorance infinie Et l'immense toute-faiblesse Par quoi l'humble enfance est bénie ; De n'agir sans qu'un rien ne blesse Notre chair pourtant innocente Encor même d'une caresse, Sans que notre œil chétif ne sente Douloureusement l'éclat même De l'aube à peine pâlissante, Du soir venant, lueur suprême, Sans éprouver aucune envie Que d'un long sommeil tiède et blême… En purs bébés que l'âpre vie Destine - pour quel but sévère Ou bienheureux ? - foule asservie Ou troupe libre, à quel calvaire ? Paul Verlaine (1844-1896) |