Conseil (I) Si ton cœur souffre trop de sa vieille blessure Et si le cher regret des gais hiers t'oppresse, Oublie un peu ta peine et songe à la détresse Des errants, égarés sur les routes mal sûres. Penche-toi sur les inconnus qui vont, sans guide, Glissant et trébuchant par les routes obscures, D'un à l'autre fossé, d'une à l'autre torture, Fouillant d'un regard fixe et fiévreux le ciel vide. Contemple la souffrance anonyme des foules, Abandonne ton " moi ", songe aux " ils " innombrables, A l'énorme troupeau des hommes misérables Que le Destin, pour ses vendanges, presse et foule. Echo multiplié des plaintes de ton cœur, Entend les longs sanglots éperdus, qui s'élèvent Du peuple piétiné, dont la vieille rancœur Un jour explosera, comme un volcan qui crève. Quel que soit son passé, quel que soit son Credo, Tend ta main fraternelle au vaincu qui défaille : Console sa douleur, allège son fardeau, Puis poursuis ton chemin sans bruit, vaille que vaille ! André Savoret (1898-1977), Le Bûcher du Phénix |