La chapelle Entre deux piliers noirs sculptés dans le mystère, Qui portent noblement la charge des arceaux, La chapelle d'un saint se creuse, solitaire, Comme un golfe antique où dorment les vaisseaux. Et tant d'âmes déjà, mouettes immortelles Que chassait sur les flots le vent de haute mer, A l'abri de ces murs vinrent plier leurs ailes, Qu'un peu de duvet blanc s'éternise dans l'air. Si de l'ombre s'étale en nappes sur les pierres, C'est qu'elles ont reçu depuis quatre cent ans La fumée odorante et fine des prières, Et les larmes de l'homme et les larmes du temps. Un antique vitrail rêve près de la voûte D'où ruisselle, roulant des constellations, Claire comme la foi que ne trouble aucun doute, Une rivière lente et calme de rayons. Le vitrail généreux fait à toutes les choses Qu'il soulève et qu'il tire à lui comme un aimant, L'aumône de ses ors, de ses bleus, de ses roses, Et jette à leur détresse un bout de firmament. Et quand je passe là, plein d'angoisse, il me semble Que, si le beau vitrail voulait s'ouvrir un peu, Je verrais, à travers un arc-en-ciel qui tremble, Tout proche, devant moi, frôlant mon âme, Dieu. Jules Romains (1885-1972) |