Christ en croix Je remarquais toujours ce grand Jésus de plâtre Dressé comme un pardon au seuil du vieux couvent, Echafaud solennel à geste noir, devant Lequel je me courbais, saintement idolâtre. Or, l'autre soir, à l'heure où le cri-cri folâtre, Par les prés assombris, le regard bleu rêvant, Récitant Eloa, les cheveux dans le vent, Comme il sied à l'Ephèbe esthétique et bellâtre, J'aperçus, adjoignant des débris de parois, Un gigantesque amas de lourde vieille croix Et de plâtre écroulé parmi les primevères ; Et je restai là, morne, avec les yeux pensifs, Et j'entendais en moi des marteaux convulsifs Renfoncer les clous noirs des intimes Calvaires ! Emile Nelligan (1879-1941) Motifs poétiques |