Quel Père ai-je, ô mon Père ? Toi ! Père, c'est vrai. Souvent la nuit, Quand je ne sais plus où je suis, Plus où tu es, à la male heure De l'abîme, je vague, pleure Et nul jamais ne m'entendra, Mais le jour à peine m'effleure Que je m'éveille entre tes bras. O mon Père, j'ai peur du jour, J'ai peur de l'homme tout autour Et même de la femme. O Père, Je n'ose en route ni espère Rien que fuir et sauver mon coeur Du monde où siffle une vipère, Mais de toi seul, je n'ai pas peur. De toi, dans ton noir Infini, Je n'ai pas peur. J'ai fait mon nid Dans le creux de ta main obscure. Et tu te couvres la figure D'une ombre par pitié de moi Pour m'abriter, tant elle est dure, De la grand' lumière de toi. Je n'ai pas peur. Ce que tu veux, Du mal même, - si le mal peut - Fais-le moi qui me repose Confiante dans ta main close, Fais de moi le pauvre ou le mort Que tu crois ta meilleure chose : Dans ta main divine, je dors. O Père, je suis ton petit. De toi pour naître je sortis Et j'y reviens pour fuir ensemble Toutes les fois qu'ailleurs je tremble, Et même au temps du pire effroi, Quand aux ténèbres tu ressembles, Quel père ai-je, ô mon Père ? Toi ! Marie Noël (1883-1967) Chants et psaumes d'automne, Stock |