A Prime […] Fiat... Père, porte mon âme en son insouciance Jusqu'où tu veux et qu'elle dorme dans ta main Sans demander le sens et le but du chemin. Qu'elle soit, n'ayant plus ni dessein, ni science, Légère, détachée et joyeuse au réveil Comme les moucherons qui dansent au soleil. Détourne d'elle une inquiète défiance Qui mesure avant toi le fil de l'avenir Et qui pèse l'espoir avec le souvenir; Et l'analyse accroupie en la conscience, Dont l'ongle sans repos fouille de son labour L'ombre, l'ombre de l'ombre et n'y fait pas de jour. Je m'abandonne à Toi, divine Sapience; Ma force sera prête à l'heure du besoin Comme un manteau d'enfant dont la mère a pris soin. Je ferai ce que tu voudras, de confiance, J'espère tout, mon Dieu : Tu règnes sur le Bien. Tu règnes sur le Mal et je n'ai peur de rien. Ce que j'attends, je l'attends sans impatience, O mon Père, ô ma Mère, ô mon unique foi ! Au destin qu'il me faut, loin ou près, porte-moi. Tu vois le Temps et tout s'offre à ta prescience : Les fruits en moi comme le germe dans le grain. Tu connais ma fatigue, et ma soif, et ma faim... Et ton enfant n'a pas besoin d'expérience. Marie Noël (1883-1967) Les Chansons et les Heures, 1935 |