Poésies d'inspiration chrétienne



Jésus de Galilée

Avec ses monts sans herbe et sa plaine brûlée,
Son lac morne, où le flot triste et muet s'endort,
Ses débris de cités, son paysage mort,
Sans arbres, sans oiseaux, comme elle est désolée,
Cette terre où vécut Jésus, la Galilée !
Elle a perdu son Christ ; elle le pleure encor !

Les mères, autrefois, l'arrêtaient au passage,
Et l'on voyait parmi les enfants des Hébreux
Le Sauveur souriant qui s'inclinait vers eux.
Dans leurs grands yeux naïfs fixés sur son visage,
Il regardait leur âme : « Enfant, reste bien sage,
Et garde pur ton cœur, si tu veux être heureux. »

Il passait. Un jeune homme, aux pieds du divin Maître,
Lui dit : « J'ai peur du monde et je m'adresse à toi.
Pour mon cœur de vingt ans, c'est trop peu de la Loi ;
Dis à quel sacrifice il faudra me soumettre ? »
« - Tu veux donc être saint, mon fils ?… si tu veux l'être,
Laisse là tes parents, vends tes biens et suis-moi."

A Naïm, étouffant ses sanglots, une mère
Suit un brancard fleuri, car son enfant est là,
Couché parmi les lys ; son fils… le seul qu'elle a.
On l'emporte à la tombe où dort déjà son père.
Jésus la voit, s'émeut : « Espère, femme, espère !
Ta mère pleure, enfant ; debout, console-la ! »

Après l'avoir suivi trois jours, trois nuits, sans cesse,
Le peuple défaillait, lassé, sur le chemin.
Il murmurait tout bas : « Maître, nous avons faim ! »
Le Sauveur regarda la foule avec tendresse,
Emu de tant de foi, d'amour et de détresse,
Et d'un geste, d'un mot, multiplia le pain.

A Jéricho, tout près des murs, dans la ravine,
L'aveugle délaissé tend la main au passant :
« Pitié pour mes yeux clos, » dit-il en gémissant.
Or, Jésus approchait ; l'aveugle le devine :
« Fils de David, étends sur moi ta main divine ! »
Ses yeux s'ouvrent ! il tombe aux pieds du Tout-Puissant !

Ce temps n'est plus ; Jésus a quitté la vallée ;
Les monts ne le voient pas prier seul dans la nuit ;
On n'entends rien là-bas, rien que le morne bruit
Du lac triste qui meurt sur la rive isolée,
Au pied des murs branlants !… O triste Galilée,
Que le Christ a pleuré sur ton bonheur détruit !

Maître, ne pleurez plus sur cette terre meurtrie,
Sol profané, maudit, où le Turc fait la loi,
Où le schisme orgueilleux insulte à notre foi…
Notre âme de chrétien vous est une patrie !
Que cette âme, ô Jésus, sous vos pas soit fleurie
De vertus !… Que jamais vous ne pleuriez sur moi !

Marc Dubruel, S.J.
In "Le Messager du Cœur de Jésus", Juin 1898



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