Le 2 Novembre L'Eglise au champ des morts appelle la prière Pour ceux de ses enfants qui dorment sous la pierre Jusqu'à l'heure bénie où, leur ouvrant son sein, Le Seigneur brisera leurs chaînes de ténèbres Et les fera jaillir de leurs caveaux funèbres, Comme sort de la ruche un vigoureux essaim. L'Eglise aujourd'hui veut que nous fassions descendre Le pardon du Seigneur sur ces débris en cendre, Afin qu'en un berceau Dieu change leur cercueil. Elle veut qu'à l'aspect de ces voûtes funestes Où la main de la Mort engloutira nos restes, L'homme avec son néant mesure son orgueil. Elle veut que notre œil sonde les grands mystères Qui planent sur ces champs qu'on nomme solitaires, Mais où, sous chaque croix, sommeille une cité. Sachez-le, vous qu'ici la piété rassemble, La vie, en s'éteignant, nous offre tout ensemble Un double don : la Mort et l'Immortalité. La Mort n'empêche pas notre espoir d'être ferme, Car elle est un passage, elle n'est point un terme. Par elle, Dieu, brisant tout calice de fiel, Nous comble pour toujours des biens qu'il nous prépare. Seule elle réunit les cœurs qu'elle sépare : La dalle de la tombe est la porte du ciel. A genoux, l'homme est grand ; debout, c'est un pygmée. Mais lorsque, par les vers ardemment réclamée, Sa dépouille est couchée en un fossé fangeux ; Si cet homme a toujours gardé son âme pure, Croyez qu'il a fait plus que tripler sa stature, Car la tombe est pour lui le marchepied des cieux. Puisqu'il en est ainsi, vienne ma dernière heure ! Quand j'irai chez les morts, qu'un seul vivant me pleure, Celui qui ne sait pas combien le ciel est doux. Pour moi, quand le trépas me ravit ceux que j'aime, Je ne puis supposer qu'ils soient loin de moi-même, Seigneur, puisque la Mort les place auprès de vous. L. Morand, S.J. In "Le Messager du Cœur de Jésus", Novembre 1887 |