Jésus, Fleur des champs et Lis de la vallée Véronique, dès son jeune âge, Aimait tendrement le Seigneur : Jamais trop tôt l'on ne s'engage A le chérir de tout son cœur. Elle avait fait une chapelle, En sa chambrette, au Roi des cieux ; Et pour chaque fête nouvelle, Elle ornait l'autel de son mieux. Or il advint, nous dit l'histoire, Qu'en une fête de Noël, Elle avait paré l'oratoire… Mais point de fleurs sur son autel. Ignorante de bien des choses, Le pauvre enfant ne savait pas Que c'est mai qui donne les roses Et décembre les durs frimas !… N'importe, son amour s'étonne : "Ah ! l'hiver serait trop cruel De me refuser la couronne Dont j'ai besoin pour mon autel ! Je n'ai que de la paille sèche A l'entour du berceau divin, C'est trop peu : des fleurs pour ma crèche, Toutes les fleurs de mon jardin !" Aussitôt dit, l'enfant s'élance, Court au jardin d'un pas pressé !… Justement, une neige immense Le couvrait d'un manteau glacé. L'enfant sur la neige elle-même Tombe à genoux !… et, toute en pleurs : "Jésus, dit-elle, toi que j'aime, Mon Jésus, donne-moi des fleurs." Nulle fleur ne perça la glace : Mais que Jésus est bon pour nous ! Lui-même apparut à la place Où l'enfant priait à genoux… "Que ton âme soit consolée, Dit-il, je suis la Fleur des champs, Je suis le Lis de la vallée !…" Puis il s'échappe en se cachant. La jeune enfant, d'abord troublée, A bientôt reconnu Jésus !… "Fleur des champs, lis de la vallée, Ah ! pourrais-je désirer plus ?… Ma tristesse s'est envolée, Disait-elle, avec un doux chant, Car j'ai le Lis de la vallée, Je possède la Fleur des champs…" Souvent, hélas ! j'en ai la crainte, Si nous demandons une fleur, Ce n'est pas, comme notre Sainte, Pour parer l'autel du Seigneur, Une fleur est pour nous… que sais-je ? Le plaisir ou la vanité !… Nous ne rencontrons que la neige, Et nous l'avons bien mérité ! Cherchons les fleurs chastes et pures ; Le Seigneur nous les donnera : Pendant les glaces les plus dures, Lui-même, il nous apparaîtra. Il nous dira : "Soyez sans peines ; Pour que vos cœurs soient embellis, Je vous offre à corbeilles pleines Les saintes fleurs et les vrais lis !…" Seigneur, j'entends votre parole. Ah ! pour me rendre un peu meilleur, Soyez pour moi ce doux symbole, Soyez le Lis, soyez la Fleur. Mon cœur est un sol bien aride Brûlé par un vent desséchant, Mais de produire il est avide, Soyez pour moi la Fleur des champs ; Et quand mon âme désolée Fléchit devant vous pour gémir, Soyez le Lis de la vallée, Vivifiez mon repentir ! Mgr de La Bouillerie (1810-1882) In "Le Messager du Cœur de Jésus", Juillet 1870 |