In memoriam Je veux louer, Seigneur, votre droite puissante Avec le vif regret d'avoir tant méconnu Votre service aimable et le seul qui soit dû, Et longtemps oublié dans le songe qui hante Un cœur touché d'amour, votre amour éperdu. Je veux dire ma honte et cette repentance Dont votre grâce enfin me pénètre, et ma foi, Et répéter : mes yeux son dessillés, je vois Et j'appelle, ô mon Dieu, votre toute clémence ! Je l'appelle en tremblant car hélas ! il fallut Que l'éclair rudement traversât mes ténèbres, Et ce n'est que penché près d'un cierge funèbre Que parmi votre livre, ô Sagesse, je lus ! Il fallut que la lueur fauve dans mon âme, - Les fantômes aimés devant elle enfuis, Montrât le vide immense et cette immense nuit Où nul astre ne met sa consolante flamme. Il fallut que l'effroi me jetât contre vous Qui, le premier, jadis, vîntes vers nos misères, Pour qu'enfant menacé, je vous nomme, ô mon Père, Et que dans ma terreur j'enlace vos genoux… Cependant votre esprit nous guide, il a ses vues Et je m'y veux soumettre ici-même humblement ; Mais songez au Prodigue, à la Brebis perdue Et que ce n'est qu'en vous que j'espère à présent ! André Lafon (1883-1915) La Maison Pauvre, Bibliothèque du Temps présent, 1911 |