Poésies d'inspiration chrétienne



Sur le Christ de Léonard de Vinci

Ses cheveux d'or léger, pathétiques, déroulent
Leurs volutes, des deux côtés du front si beau,
Et l'on dirait des pleurs de lumière qui coulent,
Effusion pieuse et tendre du pinceau.

Sa tête est comme un lys qu'un vent du soir incline,
Car il entend déjà le sarcasme et les cris ;
Il sait les stations de l'infâme colline,
La couronne, et la croix, et ses genoux meurtris.

Il sait qu'il va bientôt mourir, Roi dérisoire.
Il se sent, sous les clous invisibles, sanglant ;
A sa soif insultée on tend du fiel à boire ;
Et le trou de la lance est déjà dans son flanc.

Et pourtant Il est là ! Pourtant là sont les Douze !
Ils le regardent tous avec des yeux d'amour,
Sauf un. Ne se peut-il que la honte la couse,
La bouche qui va feindre en parlant à son tour !

Jésus tient sur ses yeux ses paupières baissées,
Et seul ainsi, dans son amère humanité,
il ne regarde plus qu'en ses tristes pensées,
Pesant le sacrifice et sa nécessité.

Mais en vain dans son coeur sa peine est infinie,
La douleur n'a point fait que l'humaine laideur
Offense en l'Homme-Dieu l'ineffable harmonie
De ses traits revêtus d'une auguste pudeur.

Eugène Hollande (1866-1931)
La Route chante, 1922


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