Recueillement J'ai tout abandonné pour vous, heure céleste ! Mes mains jointes n'ont rien de plus à vous offrir Que la simplicité candide de leur geste Vers les mains qui viendront doucement m'accueillir. Tous mes livres ont clos leurs pages désolées. Vainement j'ai voulu, pour vivre et me calmer, Attiédir dans mon coeur leurs paroles gelées : Aucun n'a le secret que je voudrais aimer. Loin de l'obsession de l'espace et du nombre, Je cherche à m'oublier moi-même. Sous mon front, Mes pensers sont pareils à des miroirs dans l'ombre Où des reflets avec des ailes passeront. Je suis peut-être encore ébloui de mon rêve... Non, j'ai dit sans faiblir l'adieu qu'il a fallu. Océan de la paix, me voici sur ta grève ; Un autre coeur a pris mon coeur irrésolu. Je suis la coupe vide où tu vas, goutte à goutte, O Prière ! tomber comme un baume puissant. Vous pouvez me parler, Seigneur ! mon âme écoute Par delà tous les mots, hors du frisson des sens. Je consens au départ de tout ce qui m'enivre. Rien ne demeure en moi, vaine image ou vain bruit. Mes yeux se sont fermés au mirage de vivre ; Ouvrez-moi votre coeur, ô lumineuse nuit ! Le mien s'est embaumé de roses de souffrance ; Ce n'est plus lui qui pleure et qui palpite en moi. Emportez-le, Seigneur ! tout mon être s'élance Vers l'abîme du Ciel que m'entrouvre la Foi... Des ailes, donnez-moi des ailes, 0 Silence ! Charles Grolleau (1867-1940) Sur la Route claire Bibliothèque du Temps présent, 1913. Ouvrage honoré du Prix de littérature spiritualiste en 1913. |