Thérèse de Jésus Tout dort en paix au monastère… Le long du corridor austère, Les deux pieds nus sur le pavé, Thérèse court vers la chapelle Où Jésus vit, l'attend, l'appelle… Elle va, murmurant Ave ! Jésus, pour Thérèse ravie C'est tout : c'est le ciel, c'est la vie ; L'amour vers lui la fait courir. Parmi les Ave qu'elle sème, Elle dit : Jésus ! je vous aime ! Vous aimer, souffrir ou mourir ! Thérèse court ; l'amour la porte ; Elle arrive ; elle ouvre la porte Au fond du sombre corridor. Mais voici, sur le seuil qu'il garde, Qu'un enfant veille et la regarde, Un bel enfant aux cheveux d'or. Sa robe est d'un rose écarlate Et sur sa lèvre rose écarlate Un sourire, un rayon des cieux. Ses deux pieds sont nus sur la pierre, Et je ne sais quelle lumière Flotte à son front, brille en ses yeux. Thérèse attend ; l'enfant s'approche, Puis, d'un air d'aimable reproche, Il l'encourage à faire un pas. Il en fait deux ; Thérèse hésite : Quel est l'enfant qui la visite ?… Son cœur veut croire et n'ose pas. L'enfant parle enfin et l'invite : « Ton nom, ton nom ! dis-le moi vite, Murmure-t-il ; dis-moi, hâte-toi ! Toi, qui cours à cette chapelle, Réponds, dis-moi comme on t'appelle. Ton nom, ton nom ! oh ! dis-le moi. » Thérèse à l'enfant qui la presse Répond avec une caresse : « Je suis Thérèse de Jésus. » L'enfant tout joyeux et tout aise : « Moi, je suis Jésus de Thérèse… » Le ciel alors s'ouvre au-dessus. Thérèse en extase ravie Vers l'Enfant-Dieu, son roi, sa vie, Voyant les anges accourir, Tombe à genoux ; et sur la pierre, Pleure et redit la nuit entière : « Vous aimer, souffrir et mourir ! » Victor Delaporte, S.J. In "Le Messager du Cœur de Jésus", Octobre 1900 |