Un chagrin d'enfant Près de l'humble village aux humbles maisons blanches, Qu'on prendrait pour des nids cachés entre les branches, J'allais, un soir d'octobre, au bord des verts sentiers, Où, chargés de fruits mûrs, pendent des églantiers. Je méditais, foulant les bruyères fleuries, Sous les hauts coudriers qui closent les prairies ; Quand, au détour, penché sur un tronc d'arbre mort, J'aperçus un enfant qui sanglotait bien fort. C'était un écolier de dix as ou de douze : Il portait sa cassette en sautoir sur sa blouse ; Sa toilette, bien simple, avait un air propret : Et là, tout seul, la tête en ses mains, il pleurait. « - Quel chagrin, pauvre enfant, t'afflige et te désole ? Lui dis-je. – Oh ! rien, Monsieur… c'est le maître d'école… - Il t'a puni peut-être ? – Oh ! s'il m'avait puni, J'aurais pleuré là-bas, mais ce serait fini. - Quoi donc ?… - Ce soir, en classe, il nous a dit des choses… » Et pour de longs sanglots l'enfant faisait des pauses ; Les larmes dans ses yeux montaient comme un reflux. « Il a dit : Le bon Dieu, chez moi, je n'en veux plus !… Il l'a redit encore en lisant dans un livre… Mais le bon Dieu du ciel, c'est lui qui nous fait vivre !… Puis il a décloué le crucifix béni : Oh ! oui, j'aimerais mieux, bien mieux, qu'il m'eût puni ! » Le vent soufflait alors ; des bouleaux et des aunes Tombaient, en frissonnant, des flots de feuilles jaunes ; Et sortant des brouillards comme d'une prison, Le soleil s'éveilla au fond de l'horizon ; Par de là les bouleaux, les aunes et les frênes, Debout, et s'éclairant de ces splendeurs sereines, La croix du vieux clocher rayonnait dans les cieux : Je dis à l'écolier : « Enfant, lève les yeux ! Vois le signe du Dieu qui nous sauve et nous aime ; Ce signe éblouira les hommes du blasphème : Au souffle, au moindre mot du Christ toujours vivant, Ces hommes tomberont comme la feuille au vent. Tiens ton âme fermée au mensonge éphémère ; Reste bon ; sois fidèle au credo de ta mère ; Crois au saint Evangile et fais ce que tu crois. » L'enfant ne pleurait plus et regardait la croix. Victor Delaporte, S.J. In "Le Messager du Cœur de Jésus", Juillet 1887 |