Confession A Pierre Grosclaude Seigneur, pardonnez-moi si je suis un peu lasse. Le chemin est souvent trop dur à parcourir. J'évoque, malgré moi, la douceur de mourir, Et de connaître enfin votre divine grâce. Je sais bien que les temps ne sont pas révolus, Qu'il faut encor lutter pour accomplir sa tâche ; Que désirer la mort, mon Dieu, c'est déjà lâche, Et que nos désespoirs vous les avez voulus. Vous les avez voulus, c'est là le grand mystère, Et la tentation d'un mur trop douloureux. Les meilleurs ne sont pas, hélas, les plus heureux, Parmi les voyageurs qui traversent la terre. Redites-leur, mon Dieu, que le but est plus haut, Que la souffrance est un tremplin vers la lumière. Qu'ils doivent surmonter leur peine coutumière, Avant d'exécuter l'imprévisible saut. Secourez les martyrs d'une trop longue épreuve, Dont le regard craintif se tourne vers le ciel. Soyez l'espoir unique et providentiel Qui, de votre immanence, apportera la preuve. Mais surtout, ô mon Dieu, envoyez des rayons, Dans le coeur de celui qui ne connaît que l'ombre. De votre glaive d'or, percez le voile sombre, Et que vos feux d'amour éclatent par millions. Je ne suis qu'une enfant, dans votre main divine, Mais je remets en Vous ma joie et mes douleurs. Laissez-voi Vous offrir ces émouvantes fleurs, Afin qu'une âme, encor loin de Vous, s'illumine. Inspirez-moi les chants arrachés à ma chair, Dans le secret du coeur comme en divin temple, Mais qu'à travers mes cris un autre Vous contemples Et Vous devienne alors et plus proche et plus cher. Seigneur, pardonnez-moi si je suis importune. J'ai l'air de commander et j'implore pourtant. Faites que je m'oublie et qu'en Vous écoutant, Je sois sûre d'avoir compris une infortune. Anita Chevallier Les Harmonies fantasques, Editions du Centre (1954) |