Cœur Sacré de Jésus, ayez pitié de nous
Mon Jésus, je devrais me mettre à travailler et je n'en ai pas le courage.
Il me faudra cependant tout à l'heure tendre les mains aux fers et mon col au carcan.
Il me faudra recommencer mon effort et rouvrir la cage.
Mais j'attends sur le seuil et comme le psalmiste je soupire : Jusques à quand, Seigneur, jusques à quand ?
Travailler dans la joie et dans l'espoir, Seigneur, ce n'est pas très difficile,
Mais avec ce cœur lourd, mais avec ce corps faible, et dans ce silence chargé d'incompréhension,
Mais pour rencontrer ces refus, ces oreilles bouchées, ces portes qu'on verrouille, ce silence hostile,
A quoi bon, Seigneur, puisque chaque tentative s'éteint toujours en déception ?
Devant le voyageur blessé cheminent toujours comme autrefois sans détourner la tête
Ce prêtre et ce lévite qui n'ont pas appris encore à reconnaître leur prochain.
Que je chante ou que je pleure, qui donc écoute et s'inquiète ?
J'attends, Seigneur, j'attends depuis des mois que passe un bon Samaritain.
Nous sommes seuls dans notre angoisse et comme Job, je vous prie sur mon fumier, heure après heure,
Mais votre ciel et vos saints restent sourds et je n'ai plus que votre Cœur sacré,
Et je me tourne vers vous en ce beau mois chargé de roses qui grimpent sur ma demeure,
Et je vous dis : Jésus, mon seul recours, Jésus, mon aide et mon ami, est-ce que vous viendrez ?
Oui, mon Maître, oui, mon Dieu, je crois en vous, même quand je suis comme un lépreux qu'on abandonne sur sa couche,
Je crois en vous et je bénis dans ce crucifiant silence votre éternelle volonté,
Et si je me noyais, à l'heure même où l'eau montante emplirait ma bouche,
Je crierais au fond de mon cœur que je crois à votre attentive Providence en qui le Temps rejoint l'Eternité.
Henriette Charasson
Mon Seigneur et mon Dieu, 1934