Position de Mgr Ratko Peric - Juin 2006
Pour de nombreux catholiques, la question de l’authenticité des apparitions de Medjugorje, n’est pas tranchée. Or il n’en est rien. L’Église ne reconnaît pas le caractère surnaturel des apparitions. Mais si ces apparitions ne sont pas authentiques, cela ne signifie pas que les grâces nombreuses qui ont été reçues par des milliers de pèlerins sincères ne le soient pas.
Le 21 Mars 2008, dans un entretien publié par le Vecernji list, le cardinal Vinko Puljić, archevêque de Sarajevo, a confirmé que la conférence épiscopale de Bosnie-Herzégovine qu’il préside, n’était pas concernée par le dossier « Medjugorje ». Il a fait référence à un communiqué officiel des évêques de Toscane, à la suite de leur visite ad limina. Ce communiqué, publié l’an dernier à la demande de Mgr Angelo Amato, secrétaire de la Congrégation pour la doctrine de la foi, atteste que la position de la Congrégation est celle de l’évêque de Mostar, Mgr Ratko Peric. Or pour celui-ci,
les faits de Medjugorje ne sont pas surnaturels. Ils sont « non-surnaturels » (« constat de non surnaturaliter »).
Cette position du Vatican a encore été confirmée dans un entretien réalisé par Radio Mater en janvier de cette année avec Mgr Andrea Gemma, évêque émérite d’Isernia en Italie. Pour lui, le texte du communiqué des évêques de Toscane est explicite. Cette position officielle de l’Église est peu connue. Voici le texte du communiqué traduit par nos soins.
ACTE DE LA CONFERENCE EPISCOPALE DE TOSCANE
« Pendant la visite ad limina apostolorum des évêques de la région de Toscane, qui a eu lieu du 16 au 20 avril 2007, nous avons eu une réunion à la Sacrée Congrégation pour la doctrine de la foi avec son secrétaire, Mgr Angelo Amato, qui, alors qu’il parlait avec nous des apparitions de Medjugorje, nous a invités à rendre publique l’homélie de l'évêque de Mostar du 15 juin 2006, prononcée à la paroisse St-Jacques à Medjugorje (voir ci-dessous), pour éclairer le phénomène religieux lié à ce lieu. Répondant à cette invitation, nous la faisons connaître, et surtout nous demandons aux prêtres de la lire soigneusement et d’en tirer les conséquences nécessaires pour que nos fidèles soient correctement éclairés. »
Extrait de l’homélie de S. Exc. Mgr Ratko Peric,
évêque de Mostar,
à Medjugorje, le 15 juin 2006,
à l'occasion de la solennité du Corps et du Sang du Christ.
« Premièrement, le fait qu'une personne fasse une humble confession et reçoive la sainte communion, ici dans cette église paroissiale, et qu’elle se sente renouvelée spirituellement grâce au pardon de Dieu doit inviter chaque croyant sans exception à reconnaître et rendre à Dieu une juste louange, car il est la source de toutes grâces. En même temps, cette personne fera attention de ne pas tirer de cet état de grâce une conclusion illogique et incohérente : “Je me suis confessé. Je me sens bien maintenant et je suis converti. Par conséquent la Vierge apparaît à Medjugorje !” Ce croyant et ce pénitent est malgré tout dans l’obligation de se rendre à la confession, de recevoir les autres sacrements, d’observer les commandements, que des apparitions privées soient reconnues ou non.
Deuxièmement, je serais un ministre irresponsable du Mystère du Corps et du Sang du Christ, si aujourd'hui je n’informais pas publiquement, de ce lieu et aussi en cette occasion, toutes les personnes intéressées aussi bien dans le monde entier, que dans cette Église locale de Mostar-Duvno, il existe ici quelque chose qui ressemble à un schisme.
Un certain nombre de prêtres, qui ont été expulsés de l'ordre franciscain OFM par le généralat de l'ordre, du fait de leur désobéissance au Saint-Père, ont conservé par la force pendant des années des églises paroissiales et des cures ainsi que des propriétés d’Église. Ils n’ont pas seulement exercé illégalement dans ces paroisses, mais ils ont également administré des sacrements sacrilèges, et d’autres invalides, comme la confession et la confirmation, et ils ont aussi participé à des mariages invalides. Ce type de comportement anti-ecclésial nous choque tous. En même temps, le scandale de l’administration sacrilège des sacrements, particulièrement du Très Saint Corps du Christ doit choquer tous les fidèles ainsi que ceux qui confessent leur péché à ces prêtres de manière invalide, ou participent à des liturgies sacrilèges. Nous prions le Seigneur que ce scandale et ce schisme soient déracinés aussitôt que possible du milieu de nous.
Troisièmement, je suis sincèrement reconnaissant au Très Saint-Père le pape Jean Paul II de sainte mémoire, et au pape régnant Benoît XVI, qui ont toujours respecté les jugements des évêques de Mostar-Duvno, le précédent aussi bien que l’actuel, pour ce qui concerne les prétendues “apparitions” et les “messages” de Medjugorje, tout en reconnaissant le droit du Saint-Père de délivrer une décision finale sur ces événements. Les jugements des évêques, après toutes les investigations canoniques faites jusqu'ici, peuvent être résumés par les points suivants :
- Medjugorje est une paroisse catholique dans laquelle des activités liturgiques et pastorales sont effectuées, exactement comme dans toutes les autres paroisses de ce diocèse de Mostar-Duvno. Personne, exceptées les autorités officielles de l’Église, n’est alors autorisée à attribuer le titre formel de “sanctuaire” à ce lieu.
- Sur la base des investigations de l’Église réalisée sur les événements de Medjugorje, il ne peut pas être déterminé que ces événements impliquent des apparitions ou des révélations surnaturelles. Ceci signifie que jusqu'à maintenant, l'Église n’a pas accepté, ni comme surnaturelle ni comme mariale, une quelconque de ces apparitions.
- Les prêtres qui administrent canoniquement cette paroisse de Medjugorje ou ceux qui viennent comme visiteurs, ne sont pas autorisés à exprimer leurs opinions privées contraire à la position officielle de l'Église sur les prétendues “apparitions” et “messages”, pendant les célébrations des sacrements, ni pendant d'autres actes communs de piété, ni dans les médias catholiques.
- Les fidèles catholiques sont non seulement exempts de toute obligation de croire en l’authenticité des “apparitions” mais ils doivent également savoir que les pèlerinages d'Église ne sont pas permis, qu’ils soient officiels ou privés, particuliers ou en groupes, ou venant d'autres paroisses, si ces pèlerinages présupposent l'authenticité des “apparitions” ou si en les entreprenant, ils tentent de certifier ces “apparitions”.
En tant qu'évêque du lieu, je maintiens que concernant les événements de Medjugorje, sur la base des investigations et de l’expérience acquise jusqu'ici, tout au long de ces 25 dernières années, l'Église n'a pas confirmé une seule “apparition” comme étant authentiquement celle de la Madone. Le fait que pendant ces 25 dernières années on ait parlé de dizaines de milliers d'“apparitions” ne donne aucune authenticité à ces événements. Notre pape actuel, que j'ai rencontré lors d’une audience le 24 février de cette année, a observé, selon ses propres paroles, qu’à la Congrégation pour la doctrine de la foi, ils se sont toujours interrogés sur le fait que ces “apparitions” puissent être considérées comme authentiques par les fidèles catholiques. Elles semblent particulièrement ne pas être authentiques quand on est informé à l'avance que ces prétendues “apparitions” se produiront :
- À l’une des “voyantes” le 18 mars de chaque année, mais de plus elle bénéficiera également d’une “apparition” le 2 de chaque mois, avec des “messages” sur lesquels vous pouvez compter, en fonction de procédures établies.
- Le second voyant bénéficiera d’une apparition chaque jour de l'année, et comme si ce n'était pas suffisant, une “apparition” spéciale supplémentaire le 25 de chaque mois avec une sorte de message public que l’on attend selon, la procédure habituelle.
- Le troisième voyant bénéficiera d’une “apparition” le 25 décembre, le jour de Noël, avec un message semblable à ceux déjà mentionnés.
- Le quatrième voyant bénéficiera d’une “apparition” le 8 septembre de chaque année avec un message spécial.
- Les deux autres voyants bénéficieront des mêmes apparitions, chaque jour avec des “messages” qui peuvent être prévus puisqu'ils sont des variations sur le même thème. Ce fait, ainsi que la pléthore de prétendues apparitions, messages, secrets et signes, ne renforcent pas la foi, mais nous convainquent plutôt qu’en tout ceci il n'y a rien d’authentique, ni de vérité confirmée.
Par conséquent j'invite sérieusement ceux qui se prétendent être des “voyants”, aussi bien que les personnes derrière les “messages”, à faire montre d’une obéissance ecclésiale et à cesser ces manifestations publiques et la diffusion des messages dans cette paroisse. De cette façon ils montreront leur nécessaire adhésion à l'Église, en ne faisant pas primer des “apparitions” privées ou des paroles privées sur la position officielle de l'Église. Notre foi est une affaire sérieuse et responsable. L'Église est également une institution sérieuse et responsable !
Par l’intercession de la Sainte Vierge Marie, la plus grande détentrice des dons de l'Esprit Saint, qui à travers le même Saint-Esprit a conçu dans son corps et a donné naissance à la seconde personne de la Trinité, Jésus-Christ, qui nous donne son Très Saint Corps et Sang pour la vie éternelle, puisse-t-il — lui qui est le Chemin, la Vérité et la Vie — nous aider pour que la vérité sur la Sainte Vierge, sa Mère et la Mère de l'Église, Siège de la Sagesse et Miroir de Justice, puisse briller de tout son éclat dans cette paroisse et ce diocèse, sans même une once de manque de foi, et en accord complet avec les enseignements constants et la pratique de l'Église. Amen. »
L’homélie de l’évêque de Mostar est la position officielle de l’Église. Elle n’implique pas — il faut y insister — que, comme dans beaucoup de cas analogues, par exemple à San Damiano, les grâces de conversion reçues par les pèlerins ne soient pas authentiques. Même si elle n’apparaît pas, la Vierge peut donner ses grâces à ses enfants sincères mais abusés par d’autres.
Il est possible aussi que la Congrégation pour la doctrine de la foi, pour des raisons pastorales, ne se prononce jamais de sa propre initiative par un décret. Mais en indiquant de manière officielle à des évêques italiens qui lui pose la question que sa position est celle de l’évêque de Mostar, et en leur demandant de faire connaître sa réponse, elle indique de manière très claire que son décret confirmerait le jugement de l’évêque de Mostar. Il est en effet exceptionnel que dans ces matières, la position de Rome contredise celle de l’évêque, qui est elle-même le fruit de plusieurs enquêtes conduites selon les normes en vigueur dans l’Église.
Thierry Boutet
Source : Fondation de service politique