Les violences se multiplient partout en Inde contre les chrétiens et l’Église. Selon le vaticaniste Sandro Magister, qui diffuse un reportage publié dans mensuel
Mondo e Missione de l’Institut pontifical des missions étrangères (mai 2008), « L’épicentre des violences se situe en Orissa, un État qui donne sur le Golfe du Bengale, au sud de Calcutta. Depuis Noël dernier, on y compte six morts, 5 000 sans-abri, 70 églises, 600 maisons, six couvents et trois séminaires détruits ». En Orissa, près de la moitié des 36 millions d’habitants est composée de groupes tribaux et de dhalits, c’est-à-dire les groupes sociaux les plus désavantagés par le système rigide des castes.
Mais dans d’autres régions la situation n’est guère meilleure. « En mars, dans le Maharashtra, capitale Bombay, deux sœurs carmélites qui exercent leur ministère depuis treize ans parmi les tribus hors castes ont été agressées par des extrémistes hindous. » Dans celle du Madhya Pradesh, le gouvernement a déployé les forces de l’ordre à la suite de plus de cent agressions depuis décembre 2003, date à laquelle le parti nationaliste hindou a pris la tête du gouvernement local.
Le Rajasthan, de son côté, a approuvé une loi anti-conversion qui inflige une peine de cinq ans de prison et une amende de 50 000 roupies (environ 1 250 dollars) à quiconque procède à des conversions. Six États de l’Inde disposent de lois identiques qui visent, en fait, les missionnaires chrétiens. C’est sur cette toile de fond que la violence antichrétienne se déchaîne. Dans l’indifférence d’un Occident aveuglé par les perspectives du boom économique de ce géant asiatique.
Comment expliquer cette haine des chrétiens ? Mgr Raphael Cheenath, archevêque du diocèse de Chuttack-Bhubaneswar, est convaincu que derrière l’extrémisme religieux se cache une autre raison, d’ordre social :
« Le vrai problème, ce ne sont pas les conversions, mais le travail de promotion en faveur des dhalits et des groupes tribaux – les plus bas sur l’échelle sociale – que les chrétiens accomplissent depuis 140 ans en Orissa. Avant, c’étaient presque des esclaves. Aujourd’hui, au moins une partie d’entre eux étudie dans nos écoles, travaille dans les villages et revendique ses droits. Et ceux qui veulent maintenir intacte la vieille division en castes – même dans l’Inde du boom économique – a peur qu’ils acquièrent trop de force. L’Orissa d’aujourd’hui est un laboratoire. C’est le futur de millions de dhalits et de gens des groupes tribaux du pays tout entier qui est en jeu…
La violence en Orissa n’est pas simplement l’héritage d’un passé que l’Inde peine à abandonner. L’affrontement concerne le présent et surtout l’avenir du pays. Il concerne une situation sociale où ceux qui sont restés à l’écart pendant des siècles commencent à relever la tête. Et où celui qui, au contraire, veut maintenir le statu quo joue la carte de l’identité menacée. »
Pourquoi après tant de morts, tant de maisons et d’églises chrétiennes brûlées, aucun gouvernement occidental n’élève la voix ? Réponse de l’archevêque :
« L’Inde est aujourd’hui un marché qui intéresse tout le monde, explique-t-il. De grands intérêts économiques sont en jeu, tout le monde veut entretenir de bonnes relations avec nous. De ce fait, ce qui arrive aux minorités n’intéresse personne. »
Source : Décryptage - Fondation de Service politique