Des indices laissent penser que les vandales sont entrés à moto dans ce chef d'œuvre de l'art roman
Lundi matin, elle est d'abord longuement restée prostrée, en pleurs et en colère, dans ce qu'elle dit être sa résidence secondaire.
En ouvrant la lourde porte de son paradis sur terre, la sacristine de l'église d'Echillais venait en fait de plonger en enfer. Un enfer souillé de mégots et de traces de pneus de scooters, faisant de cette nef moyenâgeuse un véritable circuit de motocross.
Plus loin, Juliette Baudouin réalisera que le bénitier avait été jeté hors du monument, avant enfin de découvrir l'harmonium brisé et amputé de ses touches, mais surtout le christ en croix du XVIIe siècle gisant au milieu du chœur, littéralement démantibulé.
« Regardez en l'air, il ne reste plus que ses bras accrochés à une corde. C'est monstrueux ce qu'ils ont fait », répète sans cesse depuis cette grand-mère de 80 ans que tout le monde ici surnomme
« Juju ».
Motocross dans la nef
Les larmes aux yeux lui aussi, le premier adjoint de la commune, Michel Gaillot, souffrait d'ailleurs hier pour elle autant que pour son église, l'une des plus belles et des plus fréquentées de la Saintonge romane.
« Qu'il neige ou qu'il vente, Juju continue tous les jours de faire deux allers-retours à pied depuis chez elle pour s'occuper des lieux.
Nous avons calculé que cela représentait chaque année la distance entre Rome et Echillais. Je ne suis pas un pratiquant assidu, mais est-ce que ceux qui ont sauvagement profané le lieu le plus symbolique de notre village ont pensé à elle ? »
S'il faut bien avouer que les détails de cette triste scène laissent davantage imaginer un concours d'imbécillités que l'œuvre préméditée d'un groupuscule sataniste, les gendarmes ont tout de même passé l'église au peigne fin, à la recherche d'indices ou d'empreintes laissés par les vandales.
« Les faits se sont déroulés dimanche après-midi, à un moment où le bistrot est fermé et les alentours totalement déserts, il n'y a donc pas de témoin », explique l'un d'entre eux.
Et tandis que le curé de la paroisse déposait plainte au nom de l'évêché auprès de la brigade voisine, déjà des voix impatientes s'élevaient à l'ombre du clocher du XIIe siècle pour dénoncer le climat d'incivilité dans lequel serait plongé le vieux bourg d'Echillais depuis quelques mois.
« Ça commence à bien faire, tout le monde ici devine qui sont les coupables, des gamins du village que nous avons vu grandir et sombrer dans la bêtise », expliquait-on notamment au comptoir de la Table du grand goule. Un soupçon que redoute et reconnaît à demi-mot Michel Gaillot.
« Ce serait encore pire d'apprendre que des enfants de chez nous sont responsables de ça, mais nous avons en effet ici quelques garnements qui nous cassent l'ambiance. »
Pour autant, refusant de capituler devant le spectre d'une récidive, Juju et l'adjoint au maire ont promis hier que l'église ne serait jamais fermée à clef.
Sources :
François Desouche -
Sud-Ouest