Une polémique s’est ouverte à propos du projet de promotion du film 4 mois, 3 semaines, 2 jours auprès des lycéens, par un DVD pédagogique financé par le ministère de l’Éducation nationale. Le film, qui a reçu la Palme d’or du festival de Cannes, met en scène un avortement. Pour les uns, les images militent pour la banalité du geste, et le “droit” qui y est attaché, en dépit de leur dureté. Une censure du ministre serait une atteinte à la liberté d’expression, et à la liberté d’avorter… Pour les autres, l’horreur des images dénoncent par elle-même le drame de l’avortement !
Dans un communiqué, l’
Alliance pour les Droits de la Vie note que le film « n’est pas présenté par son réalisateur comme une apologie de l’avortement mais comme une critique du totalitarisme aboutissant à des réactions allant jusqu’à la suppression d’une vie humaine ». Mieux, Cristian Mungiu explique « avoir voulu montrer l’atrocité de l’avortement ».
En revanche, l’association déplore qu’on puisse envisager d’imposer à des adolescents des images que la critique a largement jugé « insoutenables ». Pour l’ADV, c’est ce point de vue de bon sens qui semble avoir motivé, après visionnage, l’hésitation du ministre de l’Éducation, Xavier Darcos : « Le ministre se retrouve, malgré lui, pris à parti et nous lui demandons d’avoir le courage de ne pas céder au mouvement d’intimidation d’associations militantes de l’avortement banalisé. »
Reconnaissant le besoin de pédagogie sur un sujet si douloureux et intime, l’
Alliance pour les Droits de la Vie, ONG qui anime des services d’aide et d’écoute aux personnes ayant des difficultés avec leur grossesse, « propose aux pouvoirs publics de contribuer à une réflexion pour élaborer des outils pédagogiques de prévention de l’IVG qui disent la vérité sur l’avortement sans juger les femmes qui le subissent, ni entrer dans l’outrance d’une imagerie sanguinolente ».
Source :
Fondation de service politique
Peut-on tout montrer ? L’avortement dans les salles obscures… et dans les salles de classes
La controverse sur le film 4 mois, 3 semaines, 2 jours permet de mesurer l'influence sur le gouvernement des partisans et adversaires de l'avortement. Chronique d'une polémique.
Qui se serait douté que le prix de l'Education nationale attribué le 27 mai à Cannes au film "4 mois, 3 semaines, 2 jours" lui ferait autant de publicité, avant sa sortie officielle, que la Palme d'Or du festival dont il fut auréolé le même jour ? Cette distinction secondaire, habituellement peu médiatisée, aurait pu déclencher une polémique immédiate. Elle induit en effet la réalisation d'un “DVD pédagogique” pour les lycéens, financé par le ministère de l'Education nationale. Or l'œuvre est l'histoire d'un avortement illégal dans la Roumanie communiste. Certes, son réalisateur affirme que son véritable sujet est le totalitarisme qui peut conduire ses victimes à des actes barbares comme celui d'avorter clandestinement. C'est d'ailleurs parce que l'avortement le révulse que Cristian Mungiu aurait tenu à le filmer sous son jour le plus cru, qualifié «d'insoutenable» par de nombreux critiques reconnaissant, par ailleurs, la valeur artistique et sociologique du film. C'est donc là que le bât aurait déjà dû blesser.
Visionnant à son tour le film, le ministre de l'Education nationale, Xavier Darcos, a logiquement estimé que l'œuvre était inadaptée au jeune public, confirmant la position initialement notifiée par son directeur de cabinet, Philippe Court, le 2 juillet :
« Après avoir constaté en personne la dureté délibérée de ce film sur un sujet touchant à l'intime et en vertu du principe de précaution, il n'apparaît pas souhaitable que ce film fasse l'objet d'un DVD produit et diffusé dans les classes. » Une position de bon sens qui ne pouvait que vexer un jury visiblement d'une tout autre sensibilité, bien décidé à faire plier le ministre en recherchant l'appui de la presse et le soutien de l'intelligentsia de gauche.
La technique du clown blanc
La Société des réalisateurs de films dénonçait donc le 6 juillet des «pressions d'associations anti-avortement», assortissant son communiqué d'une analyse politico-sociale sur
« le droit à l'avortement […] battu en brèche ». On exhume comme preuve un communiqué de l'association Choisir la vie auquel la presse s'était bien gardée de faire écho lors de la célébration de la Palme d'or. Fin mai, cette association, consciente de l'idéologie sous-jacente au projet de DVD scolaire, s'était à juste titre alarmée de l'utilisation orientée du film par un document prétendument pédagogique.
Même si la polémique lui donne aujourd'hui raison sur le fond, elle voit son avis de l'époque insidieusement exploité par les promoteurs de l'avortement pour enjoindre le ministre de l'Éducation nationale de reculer. La ligue des droits de l'homme et la Coordination pour le droit des femmes (qui saisit l'occasion pour demander plus de moyens pour l'avortement) montent au créneau. Des articles suspectent Christine Boutin d'être
« aux commandes de la censure » et s'ingénient à établir des connexions entre le gouvernement et les
« milieux provie ».
Ces derniers, habituellement ignorés par les médias, sont soudain courtisés, présentés comme puissants et bien en cour. C'est la technique dialectique éprouvée du « clown blanc » qu'on instrumentalise à ses dépens, feignant de le valoriser pour mieux l'éreinter.
Effectivement, Xavier Darcos a beau nier l'influence des «provie» dans sa position (
« c'est complètement idiot, il n'en est rien »), il est conduit à reculer pas à pas. Le 7 juillet, il suspend sa décision :
« Je ne suis pas un censeur, je respecte le jury qui a choisi ce film, je veux simplement que nous prenions des précautions pour nos enfants. » Mais les libertaires ne démordent pas à l'image de Marie-Georges Buffet qui entend rassembler sous sa bannière la gauche la plus militante :
« Lorsque l'ordre moral fait pression [le gouvernement] est aussitôt aux ordres. Il faut que toutes les associations féministes, tous les hommes et femmes attachés aux droits démocratiques se lèvent contre cette censure » (L'Humanité du 9 juillet). Xavier Darcos promet des rencontres, demande du temps.
Difficile de cornaquer un mammouth si rétif que l'inspectrice générale de l'Education nationale chargée – par un précédent gouvernement – d'administrer le prix qui fait scandale diffuse à la presse la lettre où elle proteste contre son patron… Ce dernier ne peut plus attendre son salut que de la Commission de classification des œuvres cinématographiques qui va décider si le film doit être soumis à une restriction de diffusion en fonction des âges.
Verdict le 17 juillet.
Sortie en salle le 29 août.
Tugdual Derville
délégué général de l’Alliance pour les droits de la vie.
Source :
Fondation de service politique