Moins de la moitié (43,6 %) des électeurs se sont rendus aux urnes pour exprimer leur avis.
59,25% d’entre eux ont opté pour le « Oui » à l’avortement, alors que le « Non » a recueilli 40,75% des voix.
Malgré l’énorme abstention, le Premier ministre socialiste José Socrates, dont le gouvernement dispose de la majorité absolue au Parlement, a affirmé lundi dernier que « l'avortement, grâce au triomphe du ‘oui’ au référendum, cessera d'être un crime » au cours des dix premières semaines de grossesse.
« Ce n’est pas le fait que l’Etat élabore une loi qui peut transformer le ‘mal intrinsèque’ en un bien pour la société », a affirmé Mgr Jorge Ortiga, archevêque de Braga et Président de la Conférence épiscopale portugaise, car ce qui « peut être légal, n’est pas nécessairement moral ».
Il a rappelé que « la vie est un don inviolable, un droit fondamental de tous les êtres humains et comme tel, doit être accueillie et promue dans toutes ses dimensions et dans un cadre universel ».
Portugal : un oui qui fait mal
Malgré une forte abstention, le "oui" à l'avortement légal l'a nettement emporté au Portugal. La balle est dans le camp des politiques : une loi de dépénalisation ne devrait pas tarder.
L'implication de l'Eglise, dans un pays dont les habitants s'affirment à 90% catholiques n'a pas suffi. Avec 59% de oui, 41% de non, mais plus de 56% d'abstention, le second référendum sur la dépénalisation de l'avortement a, le dimanche 11 février, penché en faveur de l'avortement légal. Certes, faute de mobilisation des électeurs, ce résultat n'est pas "contraignant", le taux d'abstention dépassant 50%.
Mais, au Parlement, les tenants du "oui" sont nettement majoritaires.
Jusqu'ici l'avortement n'était légal au Portugal que pour les cas jugés extrêmes : viol, handicap, danger pour la mère... Il devrait prochainement être autorisé sans condition jusqu'à la dixième semaine de grossesse. Le parti socialiste a annoncé vouloir faire voter une loi avant l'été, le Premier ministre, José Socrates ayant cette intention. De toute l'Europe, les regards convergeaient vers le Portugal depuis plusieurs semaines, même si les leaders des deux camps peinaient à mobiliser les électeurs.
Face-à-face, les mouvements ultra-féministes, héritiers de nos militants du "droit à disposer de son corps" des années 70, et l'Eglise catholique, très engagée pour que la vie soit respectée. Au milieu la foule des indécis. Un premier référendum, en 1998 avait été emporté de justesse par le non à 51%. Après dix ans et d'intenses campagnes de lobbying - on se souvient du bateau hollandais venu proposer ses services à la limite des eaux territoriales portugaises - l'opinion s'est donc inversée. Le scénario Italien, où l'Eglise a horripilé ses adversaires en faisant échouer le référendum du 12 juin 2005 visant à aggraver la loi bioéthique, en appelant à l'abstention, ne pouvait se reproduire.
Un peu partout, on lui reproche son emprise sur les esprits alors qu'elle dit agir pour la justice. De France, où 80% des sondés déclaraient récemment que les religions n'ont pas à intervenir sur les questions de ce genre, l'engagement de l'Eglise portugaise a été caricaturé. Nos médias ont mis en exergue des arguments jugés violents et culpabilisateurs pendant que des Portugaises témoignaient de leurs avortements clandestins jugés dangereux et humiliants. Et, comme il fallait s'y attendre, la parole a été donnée à des catholiques favorables à l'avortement ?
Toutefois les campagnes ecclésiales n'ont pas été sans effet sur les Portugais. Les derniers jours de campagne, les partisans du oui semblaient avoir perdu du terrain? La secrétaire générale du Planning familial français accusait nommément l'Eglise portugaise, jeudi 8 février sur Europe 1. Selon elle, une fois le verrou portugais levé, les derniers pays à refuser l'avortement légal en Europe ? Malte et l'Irlande ? suivront. Et Marie-Georges Buffet (PC) a souhaité dès le lendemain du vote portugais qu'il "résonne en Europe et dans le monde".
Mais que se passe-t-il dans les pays européens où l'avortement est légal et installé ? Un sentiment d'échec, de malaise et d'éc?urement est de plus en plus perceptible derrière l'étouffement du débat. En Grande-Bretagne le sourire d'un f?tus d'âge avortable photographié in utero par les nouvelles techniques d'imagerie médicale a fait douter l'auteur de la loi de 1967. Lord David Steel a demandé de réduire à 12 semaines, les délais encore fixés à 24 semaines.
Au Danemark, un reportage sur une filière d'avortements clandestins particulièrement tardifs en Espagne a provoqué une forte émotion. La caméra cachée par une journaliste montrait des médecins catalans capables de "vendre" un avortement à 8 mois de grossesse, en utilisant le flou de la loi espagnole.
En Pologne, on s'oriente même, après une période d'avortement légal répandu, vers une quasi interdiction. En France, le Planning familial détient encore le quasi monopole du débat, mais il se désole du manque de militantisme des femmes. Ceux qui organisent l'avortement à domicile désormais légal déchantent : on découvre les dégâts psychologiques d'un geste auto-administré dans la solitude.
L'avortement n'a nulle part apporté le bonheur. Il fait souffrir, en silence, dans l'indifférence générale, et dédouane la société de rechercher d'autres solutions quand survient une grossesse imprévue ou difficile. Figure historique du féminisme,
Yvonne Knibiehler vient de regretter dans une interview accordée au quotidien Le Monde du 9 février 2007 qu'on ne prévienne pas que l'avortement est
"une épreuve physique et morale", expliquant :
"Tant que l'IVG restera pour les femmes un symbole de libération, elles la subiront sans protester".
A ceux et celles qui pensent que l'avortement légal libérateur va dans le sens de l'histoire, des soubresauts de désaveu pointent donc ici et là.
Ceci dit, les pressions européennes sur le Portugal, accusé de posture régressive, ont certainement joué. Aux yeux de l'Eglise, la loi naturelle du respect de la vie, inscrite dans la conscience profonde de toute personne, ne saurait être transgressée, fusse au nom d'un vote majoritaire. C'est la démocratie qui sort perdante puisqu'elle se fait totalitaire.
Tugdual Derville
Source : France Catholique n°3059 daté du 16 février 2007