Défense du Catholicisme

10 avril 2006





L'Evangile de Judas : un scoop... connu de Saint Irénée au II° siècle !

Comme toujours en semblable occasion, les médias, télévision en tête, se sont rués sur ce qu'ils pensent être une bonne occasion de remettre en cause les fondements de la religion catholique. Mais comme toujours, l'information est tronquée des éléments nécessaires à une approche objective, et le "scoop" annoncé, cette "formidable nouveauté" était déjà connue aux premiers siècles de l'ère chrétienne...

De quoi s'agit-il donc ?
Cet "Evangile de Judas" est un manuscrit en papyrus comportant 25 feuillets en assez mauvais état. Authentifié par la détection au carbone 14, cet exemplaire en copte dialectal daterait du III° siècle ou du début du IV° siècle. Le texte copte est lui-même une traduction d'un texte grec perdu, composé entre 130 et 180 après Jésus-Christ. Il fait partie d'un codex d'une soixantaine de feuillets (entre 62 et 66 suivant les sources) appelé « Codex de Tchacos », contenant deux autres textes apocryphes : l'épître de Pierre à Philippe et la première Apocalypse de Jacques, qui se trouvent aussi dans les manuscrits de Nag Hammadi découverts en 1945.

L'Evangile de Judas était connu de Saint Irénée (premier évêque de Lyon) vers l'an 180. Celui-ci en parle dans son traité "Contre les hérésies" en dénonçant le caractère hérétique de cet évangile qui est inspiré par le gnosticisme. Il écrit à ce sujet :
"ils déclarent que Judas le traître était bien avisé de ces choses, et que lui seul, connaissant la vérité comme aucun autre, a accomplit le mystère de la trahison. Ils ont produit une histoire fictive de ce genre, qu’ils ont appelé l’Évangile de Judas."
Notons également le jugement d'Epiphane de Salamine qui, dans son Panarion (1,31), affirme que cet "Evangile" fait partie des écritures de la secte gnostique des "Caïnites" (les héritiers de Caïn).
Le mystère reste évidemment entier sur le ou les véritables auteurs de l'oeuvre, puisque Judas s'est pendu après sa trahison, et qu'il n'a pu rédiger lui-même le texte original de ce manuscrit.

La découverte de ce codex reste trouble, probablement dans les années 1950-1970 dans les sables du désert égyptien près de El Minya.
Le manuscrit aurait fait un bref passage en Suisse avant de dormir dans un coffre-fort de la Citybank de Long Island, près de New York aux Etats-Unis, pendant 20 ans. Ce n'est qu'à la fin des années 1990 que son contenu a été établi et le manuscrit racheté par la fondation helvétique Maecenas pour l'art ancien en 2001.
Rodolphe Kasser, ancien responsable du département de coptologie de l'Université de Genève, a procédé à divers tests d'authentification, dont le Carbone 14, et a organisé la transcription et la traduction en français, anglais et allemand.
Ces traductions devraient être disponibles aux alentours de Pâques 2006, publiées par National Geographic. Le manuscrit sera exposé à Washington avant de retourner définitivement au musée copte égyptien du Caire.



Vendredi Saint : Homélie du P. Raniero Cantalamessa, OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale

Le Père Cantalamessa a entamé son homélie de la célébration du Vendredi Saint, en la Basilique Saint-Pierre de Rome, en dénonçant la spéculation et les manipulations auxquelles est soumise la Passion du Christ de la part des médias.

« Car un temps viendra où les hommes ne supporteront plus la saine doctrine, mais au contraire, au gré de leurs passions et l’oreille les démangeant, ils se donneront des maîtres en quantité et détourneront l’oreille de la vérité pour se tourner vers les fables » (2 Tm 4, 3-4).
Cette parole des Saintes Ecritures – surtout l’allusion à l’oreille qui démange en entendant des choses nouvelles – se réalise de façon nouvelle et impressionnante de nos jours. Alors que nous célébrons ici la mémoire de la passion et de la mort du Sauveur, des millions de personnes sont amenées à croire, par d’habiles spécialistes du remaniement de légendes antiques, que Jésus de Nazareth n’a en réalité jamais été crucifié. Aux Etats-Unis, l’un des best-sellers du moment est une édition de l’Evangile de Thomas présentée comme l’évangile qui « nous épargne la crucifixion, rend la résurrection non nécessaire et ne nous présente pas de Dieu appelé Jésus » [1].

« C’est une constatation peu flatteuse pour la nature humaine, écrivait, il y a quelques années le plus grand expert biblique de l’histoire de la Passion, Raymond Brown : plus le scénario est invraisemblable, plus la promotion qu’il reçoit est sensationnelle et plus l’intérêt qu’il suscite est intense. Des personnes qui ne prendraient pas la peine de lire une analyse sérieuse des traditions concernant la manière dont Jésus fut crucifié, dont il mourut, fut enseveli et ressuscita d’entre les morts, sont fascinés par le récit de quelque « nouvelle théorie » selon laquelle il n’aurait pas été crucifié et ne serait pas mort, surtout si la suite de l’histoire comprend sa fuite avec Marie-Madeleine, en Inde…[ou en France, selon une version plus récente]. Ces théories démontrent que lorsqu’il s’agit de la Passion de Jésus, contrairement au dicton populaire, la fiction dépasse la réalité – et est souvent, intentionnellement ou non, plus rentable » [2].

On parle beaucoup de la trahison de Judas sans se rendre compte qu’on est en train de la renouveler. Le Christ est vendu, une nouvelle fois, non plus aux chefs du sanhédrin pour trente pièces d’argent, mais à des éditeurs et des libraires pour des milliards de pièces d’argent…
Personne ne réussira à stopper cette vague spéculative qui va même être relancée avec la sortie imminente d’un film, mais m’étant consacré pendant des années à l’Histoire des origines chrétiennes je considère comme de mon devoir d’attirer l’attention sur un énorme malentendu qui se trouve à la base de toute cette littérature pseudo-historique.

Les évangiles apocryphes sur lesquels elle s’appuie sont des textes connus depuis toujours, dans leur totalité ou en partie, mais avec lesquels même les historiens les plus critiques et les plus hostiles au christianisme n’ont jamais pensé avant ce jour que l’on puisse faire de l’histoire. Ce serait comme si dans quelques siècles on prétendait reconstruire l’histoire d’aujourd’hui en se basant sur les romans écrits à notre époque.

L’énorme malentendu consiste dans le fait que l’on utilise ces écrits pour leur faire dire exactement le contraire de ce qu’ils voulaient dire. Ils font partie de la littérature gnostique des IIe et IIIe siècle. La vision gnostique – un mélange de dualisme platonique et de doctrines orientales revêtu d’idées bibliques – soutient que le monde matériel est une illusion, œuvre du Dieu de l’Ancien Testament, qui est un dieu méchant, ou au moins inférieur ; le Christ n’est pas mort sur la croix, car il n’a jamais pris, sauf en apparence, un corps humain, ceci étant indigne de Dieu (docétisme).

Si Jésus, selon l’Evangile de Judas, duquel on a beaucoup parlé ces jours derniers, ordonne lui-même à l’apôtre de le trahir c’est afin que, en mourant, l’esprit divin qui est en lui puisse finalement se libérer de l’enveloppe de la chair et remonter au ciel. Le mariage qui préside les naissances est à éviter (encratisme) ; la femme se sauvera uniquement si « le principe féminin » (thelus) qu’elle personnifie, se transforme en principe masculin, c’est-à-dire si elle cesse d’être femme [3].

Le plus étonnant est qu’aujourd’hui certains croient voir dans ces écrits l’exaltation du principe féminin, de la sexualité, de la jouissance totale et désinhibée de ce monde matériel, en opposition avec l’Eglise officielle qui, avec son manichéisme, aurait en permanence piétiné tout cela ! On note le même malentendu au sujet de la doctrine de la réincarnation. Présente dans les religions orientales comme une punition due à des fautes passées et comme une chose à laquelle on tente de toutes ses forces de mettre fin, elle est accueillie en occident comme la possibilité merveilleuse de pouvoir vivre et jouir indéfiniment de ce monde.

Ce sont des choses qui ne mériteraient pas d’être traitées en ce lieu et aujourd’hui, mais nous ne pouvons pas permettre que le silence des croyants soit interprété comme un sentiment d’embarras et que la bonne foi (ou la naïveté ?) de millions de personnes soit impunément manipulée par les médias, sans élever la voix pour protester au nom, non seulement de la foi, mais aussi du bon sens et d’une raison saine. Le moment est venu, je crois, de réentendre l’avertissement de Dante Alighieri :

« Soyez, chrétiens, à vous mouvoir plus graves,
ne soyez comme plume à tout vent,
et ne croyez que toute eau vous lave.
Vous avez le Nouveau et l’Ancien Testament
Et le pasteur de l’Eglise qui vous guide,
Cela vous suffise pour votre salut…
Soyez hommes et non folles brebis » [4].

P. Raniero Cantalamessa, extrait de l'homélie du Vendredi Saint, 14 avril 2006.

[1] H. Bloom, nel saggio interpretativo che accompagna l’edizione di M. Meyer, The Gospel of Thomas, HarperSan Francisco, s.d., p. 125.
[2] R. Brown, The Death of the Messiah, II, New York 1998, pp. 1092-1096.
[3] Cf. logion 114 dans Vangelo di Tommaso (ed. Mayer, p. 63); dans le Vangelo degli Egiziani Jésus dit : “Je suis venu détruire les oeuvres de la femme” (cf. Clemente Al., Stromati, III, 63). Ceci explique pourquoi l’Evangile de Thomas devint l’évangile des manichéens tandis qu’il fut âprement combattu par les auteurs ecclésiastiques par exemple Hippolyte de Rome, qui défendaient la bonté du mariage et de la création en général.
[4] Paradis, V, 73-80

Source : Zenit.org



Liens utiles

Diocèse de Nanterre : page très complète sur ce sujet

Le site du National Geographic sur cet évangile (en anglais)

Retour au dossier Défense du Catholicisme