Défense du Catholicisme

01 février 2009





« Lettre ouverte à ceux qui veulent bien réfléchir... »

« Qui avait intérêt à salir la réputation du Pape ? »

Je ne sais pas si je suis en colère ou si je suis malheureux : la vérité tient sans doute des deux. Mais trop, c'est trop, alors je dis : ça suffit ! Le déchaînement médiatique contre le Pape Benoît XVI, qui aurait réintégré quatre évêques intégristes, dont un négationniste avéré, ne relève pas de la critique, mais de la calomnie et de la désinformation. Car, quoi que l'on pense des décisions du Pape, il faut dire, répéter et souligner que ces quatre évêques n'ont pas été réintégrés. Et donc, Mgr Williamson, dont les propos tenus à la télévision suédoise sont effectivement intolérables, n'est toujours pas revenu au sein de l'Eglise catholique et il ne relève toujours pas de l'autorité du Pape. Les informations qui parlent de réintégration reposent sur une confusion grave entre levée des excommunications et réintégration à part entière.

J'accorde volontiers mon indulgence à tous les journalistes et à tous les commentateurs qui ont pu confondre, de bonne foi, la levée de l'excommunication et la réintégration pure et simple. Les catégories utilisées par l'Eglise peuvent prêter à équivoque pour le grand public. Mais la vérité oblige à dire que, selon le Droit de l'Eglise, ce n'est pas du tout la même chose. Si on confond les plans on devient victime de simplifications qui ne profitent qu'à ceux qui veulent faire de la provocation. Et on se fait complice, involontairement, de ces derniers. De façon habituelle, le grand public est en droit d'exiger d'un journaliste sportif qu'il sache distinguer, par exemple, entre un corner et un essai. Pourquoi l'Eglise n'aurait-elle pas le droit d'avoir aussi son vocabulaire « technique » et pourquoi devrait-on tolérer des approximations aussi graves simplement sous prétexte qu'il s'agit de religion ?

Reprenons donc exactement ce qui s'est passé. Suite à l'élection du Pape Benoît XVI, en Avril 2005, les évêques de la Fraternité Saint-Pie-X, fondée il y a plus de trente ans par Mgr Lefebvre, ont demandé à reprendre le dialogue avec Rome, mais ils avaient mis deux préalables : premièrement, la libéralisation du Missel de 1962, ce qui a été fait par le motu proprio, en juillet 2007 et, deuxièmement, la levée des excommunications.

Que signifie la levée des excommunications ? Pour prendre une comparaison familière, je dirai ceci : quand Mgr Lefebvre est sorti, c'est-à-dire quand il a désobéi en ordonnant quatre évêques malgré l'avis formel du Pape, c'est comme s'il y avait eu, automatiquement, une barrière qui était tombée et un feu qui s'était mis au rouge pour dire qu'il était sorti. Cela voulait dire que si, un jour, il voulait rentrer, il faudrait qu'il fasse d'abord amende honorable. Mgr Lefebvre est mort. Paix à son âme ! Aujourd'hui, ses successeurs, vingt ans après, disent au Pape : « Nous sommes prêts à reprendre le dialogue, mais il faut un geste symbolique de votre part. Levez la barrière et mettez le feu au clignotant orange ! » Le Pape, pour mettre toutes les chances du côté du dialogue, a donc levé la barrière et a mis le feu au clignotant orange. Reste à savoir maintenant si ceux qui demandent à rentrer vont le faire. Est-ce qu'ils vont rentrer tous ? Quand ? Dans quelles conditions ? On ne sait pas. Comme le dit le cardinal Giovanni Battista Re [préfet de la Congrégation des évêques], dans son décret officiel : « il s'agit de stabiliser les conditions du dialogue ». Peut-être que le Pape, dans un délai que nous ne connaissons pas, leur donnera un statut canonique. Mais pour l'instant, ce n'est pas fait. Le préalable au dialogue est levé, mais le dialogue n'a pas encore commencé. Nous ne pouvons donc pas juger les résultats du dialogue avant qu'il n'ait eu lieu.

Là-dessus, la veille du jour où devait être publié le décret du Cardinal RE, voici qu'une télévision suédoise publie ou republie les propos clairement négationnistes de l'un des quatre évêques concernés, Mgr Williamson. Le Pape, quand il a donné son feu vert à la signature du décret par le Cardinal pouvait-il connaître les discours de Mgr Williamson ? Très honnêtement, je crois pouvoir dire que non. Et c'est en un sens plutôt rassurant : c'est le signe que le Vatican n'a vraiment pas les moyens de faire surveiller tous les évêques et toutes les chaînes de télévision du monde ! C'est donc ici qu'il ne faut pas se tromper d'interprétation : que signifie cette coïncidence entre la signature d'un décret, prévue pour le 21 Janvier, et donc connue de Mgr Williamson, et la diffusion des propos télévisés du même personnage ?

Que chacun se demande : à qui profite le crime ? A qui profite le scandale provoqué par des propos d'une telle obscénité ? La réponse me semble limpide : à celui ou à ceux qui voulaient torpiller le processus inauguré par la signature du décret ! Or, pour peu que l'on suive un peu ces questions et les différentes interventions de Mgr Williamson depuis quelques années, il est clair que lui ne veut à aucun prix de la réconciliation avec Rome ! Cet évêque, dont je répète, qu'il n'a encore aujourd'hui aucun lien de subordination canonique vis-à-vis de Rome, a tout simplement utilisé la méthode des terroristes : il fait exploser une bombe (intellectuelle) en espérant que tout le processus de réconciliation va dérailler. Il fait comme tous les ultras de tous les temps : il préfère laisser un champ de ruines plutôt que de se réconcilier avec ceux qu'il considère comme des ennemis.

Alors je le dis avec tristesse à tous ceux qui ont relayé, - avec gourmandise ou avec douleur -, l'amalgame entre Benoît XVI et Mgr Williamson : vous avez fait le jeu, inconsciemment, d'un provocateur cynique ! Et, en prime, si j'ose dire, vous lui avez offert un second objectif qui ne pouvait que le ravir : salir de la pire des manières la réputation du Pape. Un pape dont il se méfie plus que de tout autre, car il voit bien que ce Pape ruine absolument tout l'argumentaire échafaudé jadis par Mgr Lefebvre. Je ne peux pas développer ici ce point. Je ne fais que renvoyer à un article que j'avais publié dans les colonnes du journal Le Monde, l'an dernier, au moment de la publication du Motu Proprio : « Quand je lis, un peu partout, que le Pape accorde tout aux intégristes et qu'il n'exige rien en contrepartie, je ne suis pas d'accord : il leur accorde tout sur la forme des rites, mais il ruine totalement leur argumentaire sur le fond. Tout l'argumentaire de Mgr Lefebvre reposait sur une prétendue différence substantielle entre le rite dit de Saint Pie V et le rite dit de Paul VI. Or, réaffirme Benoît XVI, il n'y a pas de sens à parler de deux rites. On pouvait, à la rigueur, légitimer une résistance au Concile si l'on pensait, en conscience, qu'il existait une différence substantielle entre deux rites. Peut-on légitimer cette résistance, et a fortiori un schisme, à partir d'une différence de formes ? »

Pour un fondamentaliste, et qui plus est, pour un négationniste forcené comme Mgr Williamson, Benoît XVI est infiniment plus redoutable que tous ceux qui font l'apologie de la « rupture » introduite par le Concile Vatican II. Car s'il y a rupture, alors il est conforté dans son opposition à la « nouveauté ». Mais celui qui démontre paisiblement que le Missel de Paul VI, la liberté religieuse et l'œcuménisme font partie intégrante de l'authentique Tradition Catholique, celui-là lui enlève toute justification.

J'ai bien conscience qu'il faudrait développer mon argumentation. Que chacun veuille bien me pardonner de renvoyer aux sites internet où tout ceci est visible. Mais je souhaite surtout que chacun veuille bien se méfier des provocations trop bien montées. Quant à ceux qui s'obstinent à répéter que Joseph Ratzinger a servi dans les Jeunesses hitlériennes, qu'ils veuillent bien relire le témoignage qu'il a donné à Caen, le 6 Juin 2004, pour le soixantième anniversaire du Débarquement en Normandie, et qu'ils se demandent ensuite ce qu'ils auraient fait à sa place... Quand on hurle un peu trop fort avec les loups d'aujourd'hui, on ne fait pas bien la preuve que l'on eût été capable de se démarquer des loups de l'époque...

Reste un point qui est second mais cependant très grave : il faudra tout de même s'interroger sur la communication des instances romaines lorsqu'il s'agit de sujets aussi sensibles. Après la polémique de Ratisbonne (qui mériterait elle aussi d'être démontée attentivement…), j'espère - mais je me réserve d'en parler plutôt en interne - que les responsables de la Curie vont procéder à un sérieux débriefing sur les ratés de leur communication. Pour le dire d'un mot, voici comment j'ai vécu les choses : Mercredi 21 janvier, les milieux intégristes italiens, qui croyaient triompher, « organisent une fuite » dans « Il Giornale ». Aussitôt le tam-tam médiatique se met en route. Mais nous, membres des conférences épiscopales, nous ne savons absolument rien ! Et pendant trois jours les nouvelles - erronées, qui parlent à longueur de journée de réintégration - prolifèrent dans tous les sens comme un feu de brousse. Tout y passe. Arrive alors la « bombe » de Mgr Williamson... Et c'est seulement samedi matin, - trois jours trop tard ! -, que nous recevons le communiqué officiel du Cardinal RE. Comment voulez-vous que nous puissions remettre le débat sur des bases correctes ? Le Cardinal Ricard s'y est employé, de très bonne façon, mais le feu était parti, et plus personne ne pouvait alors entendre une parole raisonnable.

Maintenant que la poussière commence à retomber, essayons de reprendre calmement nos esprits. Comme disait ma grand-mère : d'un mal Dieu peut faire sortir du bien. Le mal c'est que le Pape Benoît XVI a une nouvelle fois été traîné dans la boue par une majorité de grands médias, excepté, Dieu merci, La Croix et quelques autres. Beaucoup de catholiques, et beaucoup de gens de bonne volonté, sont dans l'incompréhension et la souffrance. Mais le bien, c'est que les masques sont tombés ! Si le dialogue continue malgré tout avec les évêques de la Fraternité Saint Pie X - sous réserve, bien sûr, qu'ils passent la barrière maintenant levée -, le discernement pourra se faire, car tout le monde sait un peu mieux ce qu'ils pensent les uns et les autres.

Pour conclure, j'ai envie de m'adresser aux fidèles catholiques qui peuvent, non sans raison, avoir le sentiment d'être un peu trahis, pour ne pas dire méprisés, en cette affaire : méditez la parabole du Fils prodigue, et prolongez-la. Si le Fils aîné, qui avait d'abord refusé d'entrer dans la fête, dit qu'il veut rentrer, allez-vous le refuser ??? Ayez suffisamment confiance en vous-mêmes et en l'Esprit qui conduit l'Eglise, et qui a aussi guidé le Concile de Vatican II, pour penser que la seule présence de ce fils aîné ne suffira pas à étouffer la fête. Donnez à ce dernier venu un peu de temps pour s'habituer à la lumière de l'Assemblée où vous vous tenez...

+ Hippolyte SIMON,
Archevêque de Clermont, vice-président de la Conférence des évêques de France
Le 29 janvier 2009



Rappels des informations concernant la levée de l'excommunication :

24 janvier : Déclaration du Card. Ricard à propos de la levée de l'excommunication

26 janvier : Levée de l’excommunication des évêques de la Fraternité Saint-Pie-X

28 janvier : Benoît XVI explique la levée de l’excommunication

28 janvier : Questions-Réponses sur l'excommunication proposées par les évêques d’Angleterre et du Pays de Galles

28 janvier : Déclaration du Conseil Permanent des évêques de France à propos de la levée de l'excommunication

30 janvier : Levée de l’excommunication : un éclairage canonique (Abbé Bernard du Puy-Montbrun)

30 janvier : La voie étroite de l’unité de l’Église (François de Lacoste Lareymondie)

31 janvier : Pourquoi je n’aurais pas signé la pétition de La Vie (Gérard Leclerc - France Catholique)


Et à lire également sur ce blog :

24 janvier : Communiqué de l'Institut du Bon Pasteur

28 janvier : Un pape selon l'Evangile (Abbé Guillaume de Tanoüarn)

28 janvier : Mgr Williamson aura-t-il réussi son coup ? (Abbé Guillaume de Tanoüarn)

31 janvier : Entretien avec Mgr Bernard Fellay, Supérieur général de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X (Propos recueillis par Olivier Figueras - Monde & Vie n° 806 - 31 janvier 2009)



04 février 2009

Note de la Secrétairerie d'Etat


Après les réactions suscitées par le récent Décret de la Congrégation pour les Evêques, par lequel on lève l'excommunication aux quatre prélats de la Fraternité Saint-Pie X, et en relation avec les déclarations négationnistes ou réductionnistes sur la Shoah de la part de Monseigneur Williamson de la même fraternité, on considère opportun d'éclaircir certains aspects de l'événement.

1. Levée de l'excommunication

Comme on l'a déjà publié précédemment, le Décret de la Congrégation pour les Evêques, en date du 21 janvier 2009, a été un acte par lequel le Saint-Père allait avec bienveillance au-devant des demandes répétées de la part du Supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X.

Sa Sainteté a voulu enlever un empêchement qui compromettait l'ouverture d'une porte pour le dialogue. Il s'attend maintenant à ce qu'une disponibilité semblable soit exprimée par les quatre évêques dans une adhésion totale à la doctrine et à la discipline de l'Eglise.

La très grave peine de l'excommunication latae sententiae, qu'avaient encourue ces évêques le 30 juin 1988, et qui a été déclarée ensuite formellement le 1er juillet de la même année, était une conséquence de leur ordination illégitime par Mgr Marcel Lefebvre.

La levée de l'excommunication a libéré les quatre évêques d'une peine canonique gravissime, mais elle n'a pas changé la situation juridique de la Fraternité Saint-Pie X, qui, au moment présent, ne jouit d'aucune reconnaissance canonique dans l'Eglise catholique. Les quatre évêques, bien que libérés de l'excommunication, n'ont pas de fonction canonique dans l'Eglise et n'exercent pas de ministère licite en son sein.

2. Tradition, doctrine et Concile Vatican II

Pour une reconnaissance future de la Fraternité Saint-Pie X, la pleine reconnaissance du Concile Vatican II et du magistère des papes Jean XXIII, Paul VI, Jean-Paul Ier, Jean-Paul II et de Benoît XVI lui-même, est une condition indispensable.

Comme il a déjà été affirmé dans le décret du 21 janvier 2009, le Saint-Siège ne manquera pas, selon les modes qui seront jugés opportuns, d'approfondir avec les intéressés les questions encore ouvertes, de façon à pouvoir arriver à une solution entière et satisfaisante des problèmes qui ont été à l'origine de cette fracture douloureuse.

3. Déclarations sur la Shoah

Les positions de Mgr Williamson sur la Shoah sont absolument inacceptables et elles sont fermement refusées par le Saint-Père, comme il l'a lui même remarqué le 28 janvier lorsque, se référant à ce génocide barbare, il a répété sa pleine et indiscutable solidarité avec nos frères destinataires de la Première Alliance, et qu'il a affirmé que la mémoire de ce terrible génocide doit conduire « l'humanité à réfléchir sur l'imprévisible puissance du mal lorsqu'il conquiert le cœur de l'homme », ajoutant que la Shoah reste « pour tous un avertissement contre l'oubli, contre la négation, ou contre le réductionnisme, parce que la violence perpétrée contre un seul être humain est une violence contre tous ».

Pour être admis à des fonctions épiscopales dans l'Eglise, Mgr Williamson devra aussi prendre ses distances de façon absolument sans équivoque et publiquement par rapport à ses positions sur la Shoah, qui n'étaient pas connues du Saint-Père au moment de la levée de l'excommunication.

Le Saint-Père demande à tous les fidèles de l'accompagner dans la prière afin que le Seigneur éclaire le chemin de l'Eglise. Que grandisse l'engagement des pasteurs et de tous les fidèles pour soutenir la mission délicate et lourde du Successeur de l'apôtre Pierre en tant que « gardien de l'unité » de l'Eglise.

Du Vatican le 4 février 2009

Source : zenit.org



12 février 2009

Entretien avec Mgr Fellay


La levée des excommunications n’équivaut certes pas à une réintégration. Mais cette décision de Benoît XVI ouvre la porte à des "débats doctrinaux" sur Vatican II entre Rome et la Fraternité Saint-Pie X. Pour baliser la longue route qui pourrait déboucher vers la pleine communion, Mgr Fellay, supérieur de la FSSPX, débat avec Gérard Leclerc, de France Catholique, et Samuel Pruvot, de Famille Chrétienne.

Article à lire sur : France Catholique



Liens utiles

Lettre de sa Sainteté Benoît XVI aux évêques de l'Eglise Catholique au sujet de la levée de l'excommunication des quatre Évêques consacrés par Mgr Lefebvre.

Retour au dossier Défense du Catholicisme