Au fil des jours ... en 2013





27 avril : calendrier liturgique



« La créature sublime dont les petites mains ont détendu la foudre, ses mains pleines de grâces... Je regardais ses mains. Tantôt je les voyais, tantôt je ne les voyais plus, et comme ma douleur devenait excessive, que je me sentais glisser de nouveau, j'ai pris l'une d'elles dans la mienne. C'était une main d'enfant, d'enfant pauvre, déjà usée par le travail, les lessives. Comment exprimer cela ? Je ne voulais pas que ce fût un rêve, et pourtant je me souviens d'avoir fermé les yeux. Je craignais, en levant les paupières, d'apercevoir le visage devant lequel tout genou fléchit. Je l'ai vu. C'était aussi un visage d'enfant, ou de très jeune fille, sans aucun éclat. c'était le visage même de la tristesse, mais d'une tristesse que je ne connaissais pas, à laquelle je ne pouvais avoir nulle part, si proche de mon coeur, de mon misérable coeur d'homme, et néanmoins inaccessible. Il n'est pas de tristesse humaine sans amertume, et celle-là n'était que suavité, sans révolte, et celle-là n'était qu'acceptation. Elle faisait penser à je ne sais quelle grande nuit douce, infinie. Notre tristesse, enfin, naît de l'expérience de nos misères, expérience toujours impure, et celle-là était innocente. Elle était l'innocence. J'ai compris alors la signification de certaines paroles de M. le curé qui m'avaient paru obscures. Il a fallu jadis que Dieu voilât, par quelque prodige, cette tristesse virginale, car si aveugles et durs que soient les hommes, ils eussent reconnu à ce signe leur fille précieuse, la dernière née de leur race antique, l'otage céleste autour duquel rugissaient les démons, et ils se fussent levés tous ensemble, ils lui eussent fait un rempart de leurs corps mortels. »

Georges Bernanos, Journal d'un curé de campagne, Plon, 1936 (p.264).






Gregor Aichinger (1564-1628) : "Regina Coeli laetare"
Schola cantorum - Dir. Giovanni Vianini
(Basilique Saint Marc, Milan)



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