Au fil des jours ... en 2014





25 janvier : Conversion de St Paul, apôtre

calendrier liturgique




« 1. Mes frères, essayons de parler un peu de l'apôtre saint Paul. Arrêtons-nous d'abord à son nom ; car il s'est appelé Saul avant de s'appeler Paul ; le premier nom symbolisait l'orgueil, comme le second symbolise l'humilité ; le premier était bien le nom d'un persécuteur. Saul vient du mot Saül. Saül fut ainsi désigné parce qu'il persécuta David, figure de Jésus-Christ qui devait sortir de la famille de David, par la Vierge Marie, selon la chair. Saul remplit le rôle de Saül, lorsqu'il persécuta les chrétiens ; il était animé d'une haine violente contre les disciples du Sauveur, comme il le prouva au moment du martyre de saint Etienne ; car il voulut garder les vêtements de ceux qui le lapidaient, comme pour faire entendre qu'ils n'étaient tous que ses propres instruments. Après le martyre de saint Etienne, les chrétiens de Jérusalem se dispersèrent portant partout la lumière et le feu dont le Saint Esprit les embrasait. Paul, voyant la diffusion de l'Evangile de Jésus-Christ, fut rempli d'un zèle amer. Muni de pleins pouvoirs de la part des princes des prêtres et des docteurs, il se mit en mesure de châtier sévèrement tous ceux qui lui paraitraient invoquer le nom de Jésus-Christ, et il allait respirant le meurtre et altéré de sang.

2. Ainsi désireux de s'emparer des chrétiens et de verser leur sang, il parcourait le chemin de Jérusalem à Damas, à la tête d'un certain nombre de ses complices, lorsqu'il entendit une voix du ciel. Mes frères, quels mérites avait acquis ce persécuteur ? Et cependant cette voix qui le frappe comme persécuteur, le relève apôtre ; voici Paul après Saul ; le voici qui prêche l'Evangile et il décline lui-même ses titres : « Je suis », dit-il, « le plus petit d'entre les Apôtres (I Co XV, 9) ». Que ce nom de Paul est bien choisi ! Ce mot, en latin, ne signifie-t-il pas petit, modique, moindre ? et cette signification, l'Apôtre ne craint pas de se l'appliquer à lui-même. Il se nomme le plus petit, rappelant ainsi la frange du vêtement de Jésus-Christ, que toucha une femme malade. Cette femme, affligée d'une perte de sang, figurait l'Eglise des Gentils ; et c'est vers ces Gentils que Paul, le plus petit des Apôtres, a été envoyé, car il est la frange du vêtement, la partie la plus petite et la dernière. En effet, ce sont là les qualités que l'Apôtre se donne ; il s'appelle le plus petit et le dernier. « Je suis le dernier des Apôtres (I Co IV, 9) ; je suis le plus petit des Apôtres (Id. XV, 9) ». Ce sont là ses propres paroles, et s'il en a prononcé d'autres, qu'il veuille bien nous les rappeler ; car nous ne voulons pas lui faire injure, quoique ce ne soit pas faire injure à Paul que d'exalter la grâce de Dieu. Toutefois, écoutons-le : « Je suis », dit-il, « le plus petit des Apôtres, je ne suis pas digne d'être appelé apôtre », ; voilà ce qu'il était ; « Je ne suis pas digne d'être appelé apôtre » ; pourquoi ? « Parce que j'ai persécuté l'Eglise de Dieu ». Et d'où lui est venu l'apostolat ? « Mais c'est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis ; et la grâce de Dieu n'a pas été vaine en moi, car j'ai plus travaillé que tous les Apôtres ».

3. Mais, ô grand Apôtre, voici que des hommes inintelligents se figurent que c'est encore Saul qui parle et qui dit : « J'ai plus travaillé qu'eux tous » ; il semble se louer, et cependant son langage est plein de vérité. Il a remarqué lui-même que ce qu'il venait de dire pouvait tourner à sa louange ; aussi, après avoir dit : « J'ai plus travaillé qu'eux tous », s'empresse-t-il d'ajouter : « Non pas moi, mais la grâce de Dieu avec moi ». Son humilité a connu, sa faiblesse a tremblé, sa parfaite charité a confessé le don de Dieu. Ô vous qui êtes rempli de grâce, qui êtes un vase d'élection, et qui avez été élevé à un rang dont vous n'étiez pas digne, dites-nous les secrets de la grâce en votre personne ; écrivez à Timothée et annoncez le jour de la justice. « Je suis déjà immolé », dit-il. Nous venons de lire l'épître de saint Paul ; ce sont bien là ses propres paroles : « Je suis déjà immolé ». En d'autres termes : l'immolation m'attend, car la mort des saints est un véritable sacrifice offert à Dieu. « Je suis immolé, et le moment de ma dissolution approche ; j'ai combattu le bon combat, j'ai consommé ma course, j'ai conservé la foi ; il ne me reste plus qu'à attendre la couronne de la justice, que Dieu me rendra en ce jour, en sa qualité de souverain juge ». Celui par qui nous avons mérité nous rendra selon nos mérites ; Paul a été fait apôtre sans l'avoir mérité, et il ne sera pas couronné qu'il ne l'ait mérité. Parlant de la grâce qu'il avait reçue d'une manière absolument gratuite, il s'écrie : « Je ne suis pas digne d'être appelé apôtre, mais c'est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis ». Au contraire, quand il exige ce qui lui est dû, il s'exprime en ces termes : « J'ai combattu le bon combat ; j'ai consommé ma course, j'ai conservé la foi, il ne me reste plus qu'à attendre la couronne de la justice ». Cette couronne m'est due ; et afin que vous sachiez qu'elle m'est due, je déclare « que Dieu me la rendra ». Il ne dit pas : Dieu me la donne, ou m'en gratifie, mais : « Dieu me la rendra en ce jour, en sa qualité de souverain juge ». Il m'a tout donné dans sa miséricorde, il me rendra dans sa justice.

4. Je vois, ô bienheureux Paul, à quels mérites vous est due la couronne ; en regardant ce que vous avez été, reconnaissez que vos mérites eux-mêmes ne sont que des dons de Dieu. Vous avez dit : « Je rends grâces à Dieu, qui nous donne la victoire par Notre-Seigneur Jésus-Christ. J'ai combattu le bon combat ; mais tout me vient de Dieu, qui fait miséricorde ». Vous avez dit : « J'ai conservé la foi » ; mais vous avez dit également : « J'ai obtenu miséricorde, afin que je sois fidèle ». Nous voyons donc que vos mérites ne sont que des dons de Dieu, et voilà pourquoi nous nous réjouissons de votre couronne. »

Saint Augustin, Quatrième sermon sur la conversion de Saint Paul (52e sermon des sermons inédits) in "Oeuvres complètes de Saint Augustin" (Tome XI), traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Bar-Le-Duc, L. Guérin et Cie Editeurs, 1868.



Gustave Doré : La conversion de St Paul



Vêpres présidées par le Saint-Père en la solennité de la conversion de Saint Paul

Cet office est aussi l'occasion de clôturer la semaine de prière pour l'unité des chrétiens qui s'est ouverte le 18 janvier.

Livret de la célébration


« "Le Christ est-il divisé ?" (1 Cor 1,13) Le vigoureux rappel que Saint Paul place au début de sa première lettre aux Corinthiens, qui a résonné dans la liturgie de ce soir, a été choisi par un groupe de frères chrétiens du Canada comme piste pour notre méditation durant la Semaine de Prière de cette année.

L'apôtre a appris avec une grande tristesse que les chrétiens de Corinthe sont divisés en plusieurs factions. L'un qui affirme : "J'appartiens à Paul", et un autre dit : "Moi, j'appartiens à Apollos", et un autre, "Moi, j'appartiens à Céphas", et enfin il y a aussi ceux qui disent : "Et moi au Christ" (cf. v.12). Même ceux qui entendent se référer au Christ ne peuvent être loués par Paul, parce qu'ils utilisent le nom de l'unique Sauveur pour prendre leur distance avec d'autres frères à l'intérieur de la communauté. Autrement dit, l'expérience particulière de chacun, la référence à quelques personnes significatives de la communauté, deviennent le critère du jugement de la foi des autres.

Dans cette situation de division, Paul exhorte les chrétiens de Corinthe, "par le nom de notre Seigneur Jésus-Christ," à être tous unanimes dans la façon de parler, pour qu'entre eux, il n'y ait pas de divisions, mais une parfaite union de la pensée et du sentiment (cf. v.10). La communion que l'Apôtre invoque, cependant, ne peut pas être le fruit de stratégies humaines. L'union parfaite entre les frères, en effet, n'est possible qu'en référence à la pensée et au sentiment du Christ (cf. Ph 2,5). Ce soir, alors que nous sommes réunis ici en prière, nous nous rendons compte que le Christ, qui ne peut être divisé, veut nous attirer à lui, vers les sentiments de son Cœur, vers son abandon total et confiant entre les mains du Père, vers son dépouillement radical par amour de l'humanité. Lui seul peut être le principe, la cause, le moteur de notre unité.

Alors que nous sommes en sa Présence, devenons encore plus conscients que nous ne pouvons pas considérer les divisions dans l'Église comme un phénomène en quelque sorte naturel, inévitable dans toute forme de vie associative. Nos divisions blessent son Corps, blessent le témoignage que nous sommes appelés à lui rendre dans le monde. Le Décret de Vatican II sur l'œcuménisme, rappelant le texte de saint Paul que nous avons médité, affirme de façon significative : "Une Eglise une et unique a été fondée par le Christ Seigneur, et pourtant plusieurs communions chrétiennes se présentent aux hommes comme représentant le véritable héritage de Jésus Christ. Certes tous confessent qu'ils sont les disciples du Seigneur, mais ils ont des opinions différentes et suivent des chemins différents, comme si le Christ lui-même était divisé." Et puis il ajoute : "Une telle division son seulement contredit ouvertement la volonté du Christ, mais est aussi un sujet de scandale pour le monde, et une source de préjudice pour la très sainte cause de la prédication de l'Evangile à toute créature" (Unitatis redintegratio, 1). Tous nous avons été abîmés par les divisions. Tous nous ne voulons pas devenir un scandale. Et pour cela marchons tous ensemble, fraternellement, sur le chemin de l'unité, construisant l'unité aussi en marchant, cette unité qui vient de l'Esprit Saint qui nous apporte une singularité particulière, que seul l'Esprit Saint peut faire, la diversité réconciliée. Il nous accompagne tous, il est avec nous tous sur ce chemin vers l'unité. [Le Seigneur nous attend tous, nous accompagne tous, il est avec nous tous dans cette voie de l'unité.]

Chers amis, le Christ ne peut être divisé ! Cette certitude doit nous encourager et nous soutenir à poursuivre avec humilité et avec confiance le chemin vers le rétablissement de la pleine unité visible entre tous les croyants dans le Christ. J'aime à penser en ce moment à l'oeuvre du Bienheureux Jean XXIII et du Bienheureux Jean-Paul II. Pour tous les deux, au cours de leur vie, a mûri la conscience de l'urgence de la cause de l'unité, et une fois élus évêques de Rome, ils ont guidé avec détermination l'ensemble du troupeau catholique dans les routes de la démarche œcuménique : le Pape Jean en ouvrant des voies nouvelles et auparavant presque impensables, le Pape Jean-Paul en proposant le dialogue œcuménique comme dimension ordinaire et incontournable de la vie de chaque Eglise particulière. Je leur associe aussi le Pape Paul VI, un autre grand protagoniste du dialogue, dont nous rappelions justement en ces jours le cinquantième anniversaire de l'accolade historique à Jérusalem avec le patriarche de Constantinople, Athénagoras.

L'oeuvre de ces Pontifes a fait en sorte que la dimension du dialogue œcuménique est devenu un aspect essentiel du ministère de l'évêque de Rome, de sorte qu'aujourd'hui, on ne comprendrait pas pleinement le service pétrinien sans y inclure cette ouverture au dialogue avec tous les croyants dans le Christ. Nous pouvons également dire que le chemin œcuménique a permis d'approfondir la compréhension du ministère du Successeur de Pierre et nous devons avoir confiance qu'il continuera d'agir en ce sens aussi à l'avenir. Alors que nous regardons avec gratitude les pas que le Seigneur nous a permis d'accomplir, et sans nous cacher les difficultés que le dialogue œcuménique traverse aujourd'hui, nous demandons de pouvoir être tous revêtus des sentiments du Christ, pour pouvoir marcher vers l'unité voulue par lui. [Et marcher ensemble c'est déjà faire l'unité !]

Dans ce climat de prière pour le don de l'unité, je voudrais adresser mes salutations cordiales et fraternelles à Son Eminence le métropolite Gennadios, représentant du Patriarcat œcuménique, à Sa Grâce David Moxon, représentant personnel à Rome de l'archevêque de Canterbury, et à tous les représentants des différentes Eglises et Communautés ecclésiales, réunis ici ce soir. Avec ces deux frères, représentant de tous, nous avons prié devant la Tombe de Paul et entre nous, nous avons prié : [Ce qui suit est improvisé à partir du texte rédigé] "Chers frères et soeurs, prions le Seigneur Jésus qui nous a rendus membres vivants de son Corps, afin qu'il nous maintienne profondément unis à lui." L'unité ne viendra pas comme un miracle à la fin. Elle vient en chemin, grâce à l'Esprit Saint. Si nous ne marchons pas ensemble, si nous ne prions pas ensemble les uns pour les autres, si nous ne travaillons pas ensemble, pour le peuple de Dieu, l'unité ne viendra pas. Elle se fait pas à pas sur ce chemin. Elle est le fait de l'Esprit Saint qui voit notre bonne volonté.

Chers frères et sœurs, prions le Seigneur Jésus, qui nous a rendus membres vivants de son Corps, afin qu'il nous maintienne profondément unis à lui, qu'il nous aide à dépasser nos conflits, nos divisions, notre égoïsme, qu'il nous aide à être unis les uns aux autres dans une unique force, celle de l'amour, que l'Esprit Saint répand dans nos cœurs (cf. Rm 5,5). Amen. »





Guillaume Bouzignac (v.1587-v.1643) : Ave Maria
Maîtrise des Hauts-de-Seine, Arnaud Sourisseau, soliste



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