« Gerson fait mention d'un serviteur de Dieu qui avait coutume de dire que, depuis quarante ans qu'il s'adonnait à l'oraison avec tout le soin qui lui était possible, il n'avait point trouvé de méthode plus courte et plus facile pour faire une bonne oraison, que de se présenter devant Dieu comme un enfant ou comme un homme accablé de misère, aveugle, nu, dépourvu de toutes choses et abandonné de tout le monde. Le Prophète royal se servait si fréquemment de cette sorte d'oraison, que les Psaumes ne sont remplis que d'endroits où il s'appelle tantôt malade, tantôt orphelin, tantôt aveugle et tantôt pauvre et mendiant ; et plusieurs, en pratiquant la même méthode, sont parvenus à exceller dans l'oraison. Pratiquez-la donc, et Dieu vous fera la grâce d'obtenir par là ce que vous souhaitez. C'est une manière de prier fort efficace, dit Gerson (1), que celle dont se sert le pauvre : regardez avec quelle utilité et avec quelle patience il demande et attend l'aumône à la porte du riche, et avec quel soin il va aux lieux où il sait qu'on la donne. Nous devons en user de cette sorte à l'égard de Dieu ; et de même que, quand le pauvre se présente devant le riche, il lui remontre sa misère avec soumission, et en attend le soulagement dans une contenance respectueuse, aussi lorsque nous nous présentons devant Dieu dans l'oraison, nous devons lui remontrer nos besoins et notre misère avec une profonde humilité, et en attendre avec respect le remède de sa libéralité et de sa bonté. Comme les yeux de la servante sont continuellement attachés sur les mains de sa maîtresse, lorsqu'elle en attend quelque récompense, ainsi nos yeux doivent être continuellement attachés sur le Seigneur notre Dieu et notre maître, jusqu'à ce qu'il ait pitié de nous (2). » 1. Gerson, de mont. contempl.. - 2. Ps. 122, 2. R.P. Alphonse (Alonso) Rodriguez s.j. (1526–1616), Pratique de la perfection chrétienne, Tome I (Première Partie, Traité V, Ch. XIX), Trad. Abbé Regnier-Desmarais, Poitiers, Henri Oudin, 1866. |