« Notre siècle ne comprend rien parce qu'il a perdu le sens du sacré. L'esprit humain s'est merveilleusement développé dans le sens de l'analyse. Nous nous croyons très forts parce que nos psychologues et nos romanciers se sont livrés à de vraies débauches d'analyse psychologique : pourtant jamais l'homme n'a jamais moins su ce que c'est que vivre de son âme. Nos savants ont poussé si loin l'analyse de la matière qu'elle commence à s'évanouir entre leurs mains et qu'ils se demandent si par hasard la matière ne serait pas que de l'énergie, mais qu'est-ce que l'énergie ? L'essentiel nous échappe ; et l'essentiel, c'est que tous les êtres appartiennent à Dieu et qu'ils portent, pour ainsi dire, sa marque ; c'est qu'ils peuvent dire avec le Psaume : "Signatum est super nos lumen vultus tui Domine" (La lumière de votre visage a été marquée sur nous, Seigneur, Ps 4). [...] Toutes les grandes civilisations ont été l'oeuvre de peuples qui, à un moment heureux de leur histoire, un moment de lucidité, ont pris conscience que le salut pour l'homme consistait à retrouver le sens de la création, à couper toutes les végétations parasites et à se greffer à nouveau, par une opération remontante, sur le tronc même de la création... Jamais aucun siècle n'a fait un aussi mauvais usage de ses génies et de ses saints. Jamais un tel mépris ne s'est aussi ouvertement exprimé à l'égard de ce qui n'a pour se défendre que les armes de la pureté. Dans cette énorme foire du monde moderne, où la réclame et la publicité grossissent les voix les plus bêtes au point qu'on n'entend plus qu'elles, dans cette bourse de commerce où tout est truqué, où tout le jeu consiste à ce que rien ne soit juste, celui qui a usé sa vie pour essayer de faire entendre un son pur se sent le coeur gonflé de mélancolie. Mais n'est-ce pas bien ainsi ? Rien de grand et de vrai ne s'accomplit que dans le secret du coeur, et rien n'en est révélé que par une mystérieuse naissance. Tant de bruit emplit le monde que les événements vraiment graves doivent s'envelopper d'un silence accru : cela ne les empêche pas d'éclore à l'heure qu'il faut. » André Charlier (1895-1971), Que faut-il dire aux hommes (Le sens du sacré), Nouvelles Editions Latines, Paris, 1964. Biographie d'André Charlier |
« Je ne veux pas qu'un autre objet que l'amour attire tes regards. Je veux que tu t'établisses tous les jours plus fortement en lui, afin qu'aucun événement, aucune affaire propre ou étrangère ne t'en éloigne. » Notre Seigneur à Sainte Catherine de Gênes (1447-1510), in P. A.-N.-J. Saudreau, Le Livre des divines Paroles (tome I), Carcassonne, 1888. |