« I. Grand Dieu, Père des lumières, principe de sagesse et de bonté, faites-moi la grâce de connaître ce qui vous est le plus agréable, de l'estimer avec plaisir, de le souhaiter avec ardeur, de le rechercher avec soin, et de l'accomplir avec amour. II. Etre immuable, affermissez mon coeur contre les secousses violentes des passions, de telle sorte que ni l'affliction, ni le plaisir ne le puissent ébranler de son assiette ; remplissez-le, et environnez-le de vous-même, de manière que non seulement il n'y ait point en lui de vide pour la créature, mais que rien même ne puisse passer jusqu'à lui, que par vous, c'est-à-dire qu'il n'aime rien, que par rapport à vous, et selon vous. III. Faites, mon Sauveur, que rien ne soit capable de me contenter, que ce qui certainement me conduit à vous ; que rien ne soit capable de me causer de la douleur, que ce qui malheureusement me sépare de vous ; et que je ne reconnaisse pour principe de mes actions, et pour règle de ma conduite, que le seul désir de vous plaire, ou la seule crainte de vous être désagréable. IV. Détachez-moi, mon Dieu, de tout ce qui ne contribue pas immédiatement à mon salut, et me rendez ennuyeuses et importunes toutes les joies et toutes les satisfactions qui m'arriveront sur la terre, et qui ne procèderont point de vous, ou qui ne se termineront point à vous ; afin que je ne goûte point d'autre plaisir que celui qui se trouve dans l'accomplissement de votre volonté. V. Disposez, Seigneur, en Souverain, de tout ce qui me regarde, et ne m'abandonnez point à moi-même ; réglez mes actions, et déterminez-moi à ce que je dois faire, par vos inspirations, et par les conseils des personnes qui me conduisent, afin qu'en tout soumis à vos ordres, et soutenu par la force de votre bras, je puisse dignement m'acquitter pour votre gloire, pour mon salut, et pour l'édification de mon prochain, de la charge que vous m'avez imposée, et de l'état où il vous a plu m'appeler. VI. Donnez-moi, Seigneur, un coeur docile, et qui reçoive facilement toutes les impressions de votre grâce ; qu'il soit pour elle comme de la cire molle à l'égard du cachet, mais qu'il ne laisse rien effacer des traits qu'elle lui aura une fois imprimés ; rendez ce même coeur flexible à tous vos mouvements, ne permettez pas qu'il regimbe contre l'aiguillon ; et si je suis jamais assez malheureux pour m'échapper et me dérober à votre conduite, faites-moi la grâce que je revienne de mon égarement. VII. Conservez-moi, Seigneur, une santé saine de corps et d'esprit. Délivrez-moi du poids des richesses, et de l'incommodité de la pauvreté, me donnant seulement ce que vous avez voulu qui fut nécessaire à la condition où vous m'avez mis ; surtout, Seigneur, que j'aie une application continuelle à vous aimer et à vous servir, une sagesse éclairée pour vous rechercher, une persévérance fidèle pour vous attendre, et une confiance assurée de vous trouver un jour dans le Ciel, après avoir exécuté vos lois sur la terre. VIII. Octroyez-moi, grand Dieu, par votre bonté ordinaire et continuelle, les dons spirituels d'obéissance sans contradiction, de pauvreté sans répugnance, de chasteté sans corruption, de patience sans murmure, d'humilité sans feinte, de gaîté sans dissolution, de tristesse sans abattement, de parfaite crainte de vous, mon Dieu, sans désespoir, de sincérité en mes paroles sans ambiguïté, et la grâce de faire toujours le bien sans vanité ni dissimulation, exerçant la charité dûe à mon prochain, et l'édifiant par mes paroles et par le bon exemple. IX. Et surtout, mon Dieu, élevez mes pensées, et toutes les facultés de mon âme vers vous, et faites qu'ayant sans cesse devant les yeux les travaux, les peines et les douleurs cruelles que votre amour infini vous a fait souffrir, pour me racheter de la mort éternelle, je puisse être excité par ce vif et continuel souvenir, à m'attacher inséparablement à vous, et à faire votre divine volonté, à reconnaître l'énormité de mes péchés, et à les avoir en une telle horreur, que j'en fasse une salutaire pénitence, et que je forme une ferme résolution de m'en corriger. X. Enfin, mon Dieu, accordez-moi la grâce de faire un saint usage des biens temporels que vous m'avez départis ; fournissez-moi, mon Dieu, les occasions de les employer de telle sorte pour votre service et pour votre gloire, qu'ils me servent de moyens pour parvenir à l'éternelle félicité dont jouissent et jouiront vos Elus dans la durée des siècles. Ainsi soit-il. » V.C.P., Exercice spirituel contenant la manière d'employer toutes les heures du jour au Service de Dieu, Prière contenant dix demandes particulières, dont chacun peut se servir selon sa condition, A Paris, Chez Théodore de Hansy, 1760. NB : Sans que cela ait pu être vérifié, le pseud. V. C. P. désigne peut-être Louis Cousin (1627-1707) pour l'initiale "C" et Paul Pellisson-Fontanier (1624-1693), pour l'initiale "P". Par ailleurs, ces deux auteurs sont explicitement mentionnés comme ayant révisé l'édition de ce texte, ainsi que l'indique l'avis au lecteur de l'éd. de Paris, Jacques Collombat, 1719-1720. (Source : data.bnf.fr) |