UN MOIS AVEC MARIE VINGT ET UNIÈME JOUR La Mortification Beaucoup accompagnent volontiers le Sauveur au Thabor, mais combien peu au Calvaire ! Seul, saint Jean représentait le Collège apostolique au pied de la Croix. Il est vrai que tous les Apôtres moururent martyrs par la suite, lorsqu'ils se furent ressaisis. Ils formaient une élite. Le véritable amour de Dieu ne consiste pas à éprouver une ferveur sensible, une jouissance égoïste, il est un don, une immolation de soi par la pratique du devoir. Il ne peut donc naître, vivre et grandir que dans l'atmosphère de l'abnégation, de la mortification. Parmi la foule des humains, clairsemés sont ceux qui le comprennent. Peu d'âmes marchent rapidement dans la voie de cet amour, parce qu'il y en a bien peu qui entrent généreusement dans la voie du sacrifice. Cependant, notre céleste Mère nous le dit : « La mortification et le sacrifice plaisent beaucoup à Jésus. » Une seule chose importe vraiment ici-bas : aimer Dieu en vérité, c'est-à-dire devenir un Elu : un Saint. Cela requiert une sincère et persévérante bonne volonté, car la nature déchue est fertile en fruits sauvages ; mais pour en produire de bons, elle demande à être greffée. Qui veut se sauver doit donc tout d'abord réprimer énergiquement ses inclinations défectueuses, c'est-à-dire, les mortifier. Mortifier, c'est donner la mort à quelque chose qui vit : à un désir, un sentiment répréhensibles, à un jugement faux, à une pensée, un dessein mauvais. Depuis la chute originelle, mourir à soi-même demeure la loi - austère assurément, mais nécessaire - loi vitale sans laquelle la meilleure semence spirituelle demeurerait infructueuse. La pierre de touche de la sainteté se nomme : mortification. Pourquoi tant la redouter puisqu'elle est le creuset dans lequel se forme la vertu ? L'or se purifie dans le feu. De même, l'âme se purifie et se fortifie dans la tribulation. Il y a peu de Saints parce qu'il y a peu d'âmes mortifiées. « Si l'on avait plus de foi, on vivrait de mortification comme de pain, tandis qu'on la fuit comme la peste. » Comme notre adorable Sauveur, aimons le monde des âmes. Il l'a aimé, Lui, jusqu'à la Passion : « Je suis venu pour le sauver (1) ». Aimons-le avec le Père qui ne cesse point de l'aimer : « Dieu a tellement aimé le monde (2).... » Mais gardons-nous de l' « esprit mondain » : esprit terrestre, esprit charnel de jouissance, d'orgueil, de cupidité : infusé par le prince des ténèbres, prince de ce monde. Travaillons à soumettre notre nature à la raison. Qu'importe si elle gémit pourvu que l'esprit triomphe. Plus nous avançons dans le chemin de la mortification, plus nous nous rapprochons de Dieu. Jésus prend place en nous selon l'espace libre qu'il y trouve. « Fais-toi capacité, je me ferai torrent », disait-il à une sainte âme (3). Oh ! le merveilleux stimulant ! Mourir à ses passions, se vider de soi-même pour se remplir de Dieu ! Mais hâtons-nous car le temps a des ailes : il s'enfuit sans retour. Que voudrions-nous avoir fait à l'heure de la mort ? Écoutons les avis du bon Maître : « La mortification est comme le canal par où passent mes grâces de choix. Si ce canal est petit, il en passe peu, mais s'il est grand, il en passe beaucoup. Si tu veux demeurer dans l'embrassement de l'Amour, reste dans l'embrassement du sacrifice. » Nul aussi bien que Marie n'a pratiqué ces divins conseils ; livrons-nous à son Cœur maternel, afin qu'elle nous aide à mourir au « moi » et à ses convoitises malsaines. Là, sont notre perfection et notre bonheur, même sur cette terre, où ne sont intimement, réellement heureux que les Saints. PRIÈRE Ô Cœur très pur de ma divine Mère, daignez m'obtenir du Cœur de Jésus cet esprit chrétien qui conduit à la pureté du cœur, qui n'entretient que de bonnes pensées, qui ne forme que de généreux desseins, qui réserve ses empressements pour les choses de l'Eternité. Que toutes les autres préoccupations soient déjà pour moi ce qu'elles seront à ma dernière heure, ce qu'elles sont aux yeux de Dieu : vanité, néant, misère. Reine de tous les Saints, priez pour nous. (1) Jo. III, 17. (2) Jo. III, 16. (3) Sainte Catherine de Sienne. Œuvre de Propagande du Sacré-Cœur, Lyon, 1945. Nihil obstat : Montepessulano, 12.03.1945 – A. Bonjean, c.d. Imprimatur : Montepessulano, 13.03.1945 – Jean Rouquette, v.g. |
« Si cette question des images vous suggère quelques difficultés, cela vient de ce que vous ne comprenez pas bien le dénuement et l'esprit de pauvreté que requiert la perfection ; du moins vous reconnaîtrez l'imperfection que l'on apporte généralement dans l'usage des chapelets. On trouvera à peine une personne qui n'ait quelque faiblesse à leur sujet ; on veut qu'ils soient de telle sorte plutôt que de telle autre, de telle couleur, de tel métal, ou avec tel ou tel ornement ; or il importe peu qu'ils soient d'une façon ou d'une autre. Dieu n'écoute pas mieux la prière qu'on fait avec ce chapelet que celle qu'on fait avec un autre ; il a pour agréable celle qu'on lui adresse avec un coeur simple et droit, avec l'unique but de lui être agréable, sans se préoccuper de ce chapelet plutôt que d'un autre... Notre nature est tellement avide de jouissance qu'elle cherche à s'attacher à tout... N'est-ce pas là ce que vous faites, quand vous prenez plaisir à avoir un beau chapelet, de telle matière plutôt que de telle autre ? Est-ce que vous ne mettez pas votre joie dans ce qui n'est qu'un instrument ? Et quand vous préférez cette image à une autre, vous ne considérez pas si elle éveillera davantage en vous l'amour de Dieu, mais si elle est précieuse et plus belle. Evidemment si vous n'aviez d'autre désir et d'autre joie que de plaire à Dieu, vous ne tiendriez aucun compte de ces accessoires. » Saint Jean de la Croix, La Montée du Carmel, L.III, ch.XXXIV, in Oeuvres complètes, Le Seuil, 1945. |